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CA Paris, Pôle 1 - ch. 8, 10 octobre 2025, n° 25/04178

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 25/04178

10 octobre 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 8

ARRÊT DU 10 OCTOBRE 2025

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 25/04178 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CK5U5

Décision déférée à la cour : ordonnance du 13 décembre 2024 - président du TJ d'[Localité 4] - RG n° 24/01050

APPELANTE

S.A.S. PERFECT AUTO, RCS d'[Localité 4] n°890408354, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Charles-Edouard FORGAR de la SELARL LARGO AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0112

INTIMÉE

S.C.I. MDK, RCS d'[Localité 4] n°838614857, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Stéphanie TONDINI de la SELARL LEXLINEA, avocat au barreau de l'ESSONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 804, 805 et 906 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 5 septembre 2025, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Florence LAGEMI, Président, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Florence LAGEMI, Président,

Marie-Catherine GAFFINEL, Conseiller,

Patrick BIROLLEAU, Magistrat honoraire,

Greffier lors des débats : Jeanne PAMBO

ARRÊT :

- Contradictoire

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Florence LAGEMI, Président de chambre et par Catherine CHARLES, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

Par un acte du 5 septembre 2019, la SCI [Adresse 2], aux droits de laquelle vient désormais la société MDK, a donné à bail à la société Perfect auto des locaux commerciaux, situés [Adresse 1] à [Adresse 5] (Essonne), pour une durée de neuf ans à compter du 1er janvier 2022 et moyennant un loyer de 3.000 euros hors taxes et hors charges, payable mensuellement et d'avance.

Le 30 juillet 2024, la société MDK a fait délivrer à la société Perfect auto un commandement de payer visant la clause résolutoire pour la somme en principal de 3.600 euros au titre de la dette locative due au 1er juillet 2024.

Par acte du 10 octobre 2024, la société MDK a assigné la société Perfect auto devant le juge des référés du tribunal judiciaire d'Evry aux fins, notamment, de constatation de l'acquisition de la clause résolutoire, expulsion de la défenderesse et condamnation de cette dernière au paiement, par provision, de l'arriéré locatif s'établissant à la somme de 1.554,98 euros et d'une indemnité d'occupation.

Par ordonnance réputée contradictoire du 13 décembre 2024, le premier juge a :

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail portant sur les locaux commerciaux situés [Adresse 1] à [Localité 6] au 1er septembre 2024 ;

- ordonné l'expulsion immédiate de la société Perfect auto et de tous occupants de son chef des locaux commerciaux (comprenant un entrepôt fermé d'environ 200 m² au sol et mezzanine de 65m², des locaux à usage de bureaux d'environ 99 m² sur deux niveaux, une zone de 5m de large longeant les 3 côtés de l'entrepôt) situés [Adresse 1] à [Localité 6], avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier ;

- rappelé que le sort des meubles et objets se trouvant dans les lieux loués sera régi par les dispositions de l'article L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

- condamné la société Perfect auto à payer à la société MDK la somme provisionnelle de 1.400 euros TTC au titre des loyers et charges impayés au mois de juillet 2024 inclus ;

- condamné la société Perfect auto à payer à la société MDK la somme de 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens comprenant le coût du commandement de payer.

Par déclaration du 24 février 2025, la société Perfect auto a relevé appel de cette décision en critiquant l'ensemble de ses chefs de dispositif.

Dans ses dernières conclusions remises à la cour et notifiées le 29 août 2025, la société Perfect auto demande de :

Sur la radiation de l'appel, à titre principal,

- déclarer irrecevable la demande de radiation formulée par la société MDK pour défaut d'exécution de l'ordonnance déférée, la formation collégiale étant incompétente pour en connaître ;

à titre subsidiaire,

- juger que l'exécution de l'ordonnance entreprise est de nature à lui causer des conséquences manifestement excessives ;

- rejeter la demande de radiation formée par la société MDK au visa de l'article 524 du code de procédure civile ;

Sur l'appel principal,

- infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions dont elle a relevé appel ;

statuant à nouveau,

- débouter la société MDK de l'intégralité de ses prétentions ;

- constater que la créance d'un montant de 1.400 euros invoquée par la société MDK était éteinte au jour où le premier juge a statué ;

- juger en conséquence que la demande de provision formée par la société MDK se heurte à une contestation sérieuse ;

- débouter la société MDK de sa demande en paiement de la somme provisionnelle de 1.400 euros ;

- lui accorder rétroactivement un délai de paiement jusqu'au 10 septembre 2024 pour s'acquitter du montant indiqué dans le commandement de payer du 30 juillet 2024, soit la somme de 3 600 euros TTC ;

- suspendre les effets de la clause résolutoire jusqu'au 10 septembre 2024 ;

- constater qu'à cette date, elle s'est intégralement acquittée du paiement de la somme de 3 600 euros TTC ;

en conséquence, dire que la clause résolutoire est réputée n'avoir pas joué et rejeter la demande d'expulsion formée par la société MDK ;

En tout état de cause,

- condamner la société MDK aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions d'incident des 17 juin et 27 août 2025, la société MDK a soulevé, d'une part, la radiation de l'appel sur le fondement de l'article 524 du code de procédure civile et, d'autre part, la caducité de la déclaration d'appel sur le fondement de l'article 908 du même code.

Dans ses premières conclusions remises à la cour et notifiées le 1er septembre 2025, la société MDK demande de :

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise ;

- dire et juger que la clause résolutoire du bail commercial conclu le 5 septembre 2019 est définitivement acquise au 30 août 2024, les règlements dont se prévaut l'appelante étant postérieurs ;

- dire et juger que la société Perfect Auto se maintient sans droit ni titre dans les lieux depuis cette date, en violation de l'ordonnance entreprise ;

- condamner la société Perfect auto au paiement de somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel, avec faculté de recouvrement direct conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions d'incident remises et notifiées le 2 septembre 2025, la société Perfect auto a soulevé l'irrecevabilité des conclusions de l'intimée remises tardivement.

Par messages électroniques des 18 juin et 3 septembre 2025, les parties ont été avisées que les incidents soulevés par l'intimée ne donneraient lieu à aucune fixation aux motifs que la demande de radiation relevait de la seule compétence du premier président et que la présente procédure étant soumise aux dispositions des articles 906 et suivants du code de procédure civile, le point de départ du délai imparti à l'appelant pour conclure était fixé à la date de réception de l'avis de fixation.

L'intimée a, par ailleurs, été invitée à présenter des observations sur la recevabilité de ses conclusions au regard des dispositions de l'article 906-2 du code de procédure civile et les parties ont été informées du report de l'ordonnance de clôture à la date du 5 septembre 2025, fixée pour l'examen de l'affaire par la cour.

Le 4 septembre 2025, la société MDK a fait parvenir ses observations aux termes desquelles elle admet l'irrecevabilité de ses conclusions du 1er septembre 2025 et indique qu'elle s'approprie les motifs repris et retenus par l'ordonnance entreprise.

La clôture de la procédure a été prononcée le 5 septembre 2025, avant l'ouverture des débats et sans opposition des parties.

Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à la décision déférée ainsi qu'aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur la recevabilité des conclusions de la société MDK

L'appel d'une ordonnance de référé est soumis de plein droit aux dispositions de l'article 906 du code de procédure civile.

En application de l'article 906-2, alinéa 2, de ce code, l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.

La compétence du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président

pour prononcer l'irrecevabilité des conclusions encourue en application du texte susvisé, ne fait pas obstacle à la faculté pour la cour de statuer sur cette fin de non-recevoir.

Au cas présent, il résulte des pièces de la procédure que la société MDK a constitué avocat le 13 mars 2025 ; que le 7 avril suivant, le greffe a adressé aux parties l'avis de fixation à compter duquel la société Perfect auto disposait d'un délai de deux mois pour remettre et notifier ses premières conclusions, ce qu'elle a fait le 3 juin 2025 ; qu'à compter de cette date, la société MDK disposait à son tour d'un délai de deux mois, qui expirait le 4 août 2025 à minuit (le 3 août étant un dimanche), pour remettre à la cour et notifier ses premières conclusions, lesquelles ne s'entendent que des conclusions portant sur le fond de l'affaire, excluant ainsi les conclusions d'incident.

Ayant remis et notifié ses premières conclusions le 1er septembre 2025, soit au-delà du délai qui lui était imparti par le texte susvisé, la société MDK doit être déclarée irrecevable en ses conclusions. Ses pièces seront écartées des débats dès lors que les conclusions au soutien desquelles elles ont été communiquées sont irrecevables.

Sur les conditions d'acquisition de la clause résolutoire

Selon l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

L'article 835 du même code énonce que le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

En vertu de ces textes, il est possible, en référé, de constater la résiliation de plein droit d'un bail en application d'une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en oeuvre régulièrement.

Selon l'article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

Au cas présent, la société MDK a fait délivrer à la société Perfect auto, le 30 juillet 2024, un commandement de payer visant la clause résolutoire pour la somme en principal de 3.600 euros. Il est constant que cette somme n'a pas été réglée dans le mois de cet acte de sorte que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire étaient réunies au 31 août 2024.

Sur la provision

Selon l'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile, dans les cas où l'existence d'une obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Le premier juge a condamné par provision la société Perfect auto au paiement de la somme de 1.400 euros TTC au titre des loyers et charges impayés au mois de juillet 2024. En première instance, la société MDK avait fait valoir que le 3 septembre 2024, la société Perfect auto lui avait réglé la somme de 2.200 euros à valoir sur la somme visée au commandement de sorte qu'il lui restait dû un solde de 1.400 euros en principal.

Or, la société Perfect auto justifie avoir réglé au bailleur, outre la somme de 2.200 euros le 3 septembre 2024, celle de 1.400 euros le 10 septembre suivant, apurant ainsi la dette locative visée dans le commandement de payer et réclamée en première instance.

Dans ces conditions, la demande de provision se heurtant à une contestation sérieuse, l'ordonnance entreprise sera infirmée en ce qu'elle a condamné la société Perfect auto au paiement de la somme provisionnelle de 1.400 euros dès lors que celle-ci avait d'ores et déjà été acquittée.

Sur la demande de délais de paiement

Selon l'article 1343-5, alinéa 1, du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années le paiement des sommes dues.

Au cas présent, il est relevé qu'au 10 septembre 2024, la société Perfect auto s'est acquittée du solde de sa dette.

Saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, la cour doit examiner la situation au jour où elle statue et peut accorder des délais de paiement rétroactifs et constater, le cas échéant, leur respect par le locataire.

Il résulte des éléments qui précèdent que le paiement de la dette locative est intervenu au plus tard le 10 septembre 2024.

Il convient donc d'accorder à la société Perfect auto un délai de paiement rétroactif jusqu'au 10 septembre 2024 et de constater que celui-ci ayant été respecté, la clause résolutoire est réputée n'avoir jamais joué.

Ainsi, l'ordonnance entreprise sera infirmée en ce qu'elle a ordonné l'expulsion de la société Perfect auto et condamné cette dernière au paiement d'une indemnité d'occupation.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Au regard de l'issue du litige en appel, chacune des parties supportera les dépens qu'elle a exposés tant en première instance que devant la juridiction du second degré, à l'exception toutefois du coût du commandement de payer qui restera à la charge de la société Perfect auto.

Aucune considération d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en appel.

PAR CES MOTIFS

Déclare irrecevables les conclusions de la société MDK ;

Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Constate que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire sont réunies à la date du 31 août 2024 ;

Accorde à la société Perfect auto un délai expirant le 10 septembre 2024 pour s'acquitter de sa dette locative visée au commandement de payer et suspend les effets de la clause résolutoire pendant ce délai ;

Constate que la société Perfect auto s'est intégralement acquittée de sa dette dans ce délai;

Dit en conséquence que la clause résolutoire est réputée n'avoir pas joué et rejette la demande d'expulsion et la demande en paiement d'une indemnité d'occupation provisionnelle formées par la société MDK ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision formée par la société MDK au titre de l'arriéré locatif arrêté au mois de juillet 2024 ;

Dit que chacune des parties supportera les dépens exposés tant en première instance qu'en appel, à l'exception du coût du commandement de payer du 30 juillet 2024, qui restera à la charge de la société Perfect auto ;

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile tant pour les frais irrépétibles de première instance que d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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