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Décisions

CA Versailles, ch.protection soc. 4-7, 9 octobre 2025, n° 24/01742

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 24/01742

9 octobre 2025

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 89A

Ch.protection sociale 4-7

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 09 OCTOBRE 2025

N° RG 24/01742 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WSAR

AFFAIRE :

[T] [Y]

C/

[5]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Avril 2024 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 12]

N° RG : 21/00987

Copies exécutoires délivrées à :

Me [Localité 11] LEROUX

[8]

Copies certifiées conformes délivrées à :

[T] [Y]

[5]

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE NEUF OCTOBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [T] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Marie LEROUX de la SELARL JEGU LEROUX, avocate au barreau de ROUEN, vestiaire : 40

APPELANTE

****************

[8]

Départemet Juridique

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Mme [H] [W] (Représentant légal) en vertu d'un pouvoir général

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Juillet 2025, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Charlotte MASQUART, Conseillère, faisant fonction de présidente, chargée d'instruire l'affaire.

Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseillère, faisant fonction de présidente,

Madame Charlotte MASQUART, Conseillère,

Madame Julie MOUTY-TARDIEU, Conseillère,

Greffière, lors des débats et du prononcé : Madame Mélissa ESCARPIT,

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [T] [Y], infirmière, a régularisé le 13 avril 2021 une déclaration d'accident du travail indiquant :

' date de l'accident: 12 novembre 1991,

Nature de l'accident: injection du rappel du vaccin GEN HEVAC B

Nature des lésions:diagnostic de myofacite à macrophages post vaccinale.'

Le certificat médical initial établi le 15 avril 2021 par le docteur [V] mentionne 'myofacite à macrophages post vaccinal'.

La [7] (la caisse) a refusé le 5 mai 2021 de prendre en charge l'accident du travail en indiquant à Mme [Y] que ses droits étaient prescrits en application de l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale.

Mme [Y] a saisi la commission de recours amiable de la caisse ( [9]), le 25 mai 2021, puis devant le refus implicite de prise en charge le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles, par une requête du 25 août 2021.

La commission de recours amiable de la caisse ayant rejeté sa requête le 15 mars 2022, Mme [Y] a de nouveau saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles.

Par un jugement en date du 04 avril 2025, le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles a :

- ordonné la jonction des recours inscrits au RG n° 21/00987 et 22/00566,

- déclaré irrecevable le recours formé par Mme [T] [Y] contre la décision de la [6] en date du 05 mai 2021 et la décision de la commission de recours amiable afférente,

- débouté Mme [Y] de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné Mme [Y] aux dépens.

Mme [Y] a interjeté appel du jugement par une déclaration 24 mai 2024.

Les parties ont comparu à l'audience du 1er juillet 2025, représentées par leur avocat.

Mme [Y] demande à la cour :

- d'infirmer le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles du 4 avril 2024,

A titre principal:

- de dire que la déclaration d'accident du travail de Mme [Y] en date du 13 avril 2021 est recevable et non prescrite,

Par conséquent:

- d'annuler la décision implicite de rejet de la [9] suite à la saisine en date du 17 mai 2021 de Mme [T] [Y],

- d'annuler la décision explicite de rejet de la [9] en date du 17 février 2022 notifiée le 15 mars 2022 à Mme [T] [Y],

- de dire que l'accident déclaré est un accident du travail,

- de dire et juger que cet accident et ses conséquences doivent être prise en charge au titre des risques professionnels par la caisse,

En tout état de cause :

- de dire qu'il n'y a pas lieu d'écarter l'exécution provisoire,

- de condamner la caisse au règlement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la caisse aux dépens.

La caisse demande la confirmation du jugement.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la prescription:

Mme [Y] soutient que les délais de forclusion doivent nécessairement faire l'objet d'une adaptation en matière de dommage corporel, et plus spécifiquement de pathologie évolutive, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, qui a considéré que le délai de forclusion de l'article 1245-6 du code civil ne pouvait courir en matière de pathologie évolutive, et à celle de la Cour de justice de l'Union européenne selon laquelle en matière de produits défectueux la prescription commence à courir à partir du moment où l'état de la victime du dommage corporel n'est plus évolutif.

Elle soutient que sa pathologie est évolutive ainsi qu'en atteste son bilan neuropsychologique du 22 janvier 2024.

Mme [Y] expose ensuite qu'elle n'a pas eu communication du compte rendu de la biopsie musculaire le 08 octobre 2018 mais le 09 mai 2019 lors d'un rendez vous médical à l'Hôpital [10].

La caisse soutient que le diagnostic de myofacite à macrophages post vaccinal a été posé le 08 octobre 2018 suite à une biopsie de sorte que la déclaration d'accident du travail aurait dû intervenir avant le 08 octobre 2020 en application des dispositions de l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale.

Sur ce :

L'article L. 431-2 du code de la santé publique dispose ' Les droits de la victime ou de ses ayants droits aux prestations et indemnités prévues par le présent livre se prescrivent par deux ans à dater:

1°) du jour de l'accident ou de la cessation du paiement de l'indemnité journalière;

2°) dans les cas prévus respectivement au premier alinéa de l'article L. 443-1 et à l'article L. 443-2 de la date de la première constatation par le médecin traitant de la modification survenue dans l'état de la victime, sous réserve, en cas de recours préalable, de l'avis émis par l'autorité compétente pour examiner ce recours ou de la date de cessation du paiement de l'indemnité journalière allouée en raison de la rechute;

3°) du jour du décès de la victime en ce qui concerne la demande en révision prévue au troisième alinéa de l'article L. 443-1 ;

4°) de la date de la guérison ou de la consolidation de la blessure pour un détenu exécutant un travail pénal ou un pupille de l'éducation surveillée dans le cas où la victime n'a pas droit aux indemnités journalières.

L'action des praticiens, pharmaciens, auxiliaires médicaux , fournisseurs et établissements pour les prestations mentionnées à l'article 431-1 se prescrit par deux ans à compter soit de l'exécution de l'acte soit de la délivrance de la fourniture, soit de la date à laquelle la victime a quitté l'établissement.

Cette prescription est également applicable à compter du paiement des prestations entre les mains du bénéficiaire, à l'action intentée par un organisme payeur en recouvrement des prestations indûment payées sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration.'

Il est de jurisprudence constante qu'en application des articles L. 431-2, L.461-1 et L. 461-5, les droits de la victime d'un accident de travail ou d'une maladie professionnelle ou de ses ayants droits aux prestations et indemnités se prescrivent par deux ans à compter soit de l'accident de travail ou de la première constatation médicale de la maladie, soit de la cessation de paiement de l'indemnité journalière, soit de la cessation de travail, soit lorsqu'il y a été procédé de la clôture de l'enquête.

Par ailleurs en cas d'affection résultant d'une vaccination obligatoire, la prescription ne court qu'à compter du jour où le salarié a connaissance du rapport possible entre la maladie et la vaccination.

En l'espèce le premier juge a déclaré l'action de Mme [Y] prescrite en relevant que: 'les conclusions du compte-rendu de la biopsie réalisée par Mme [Y] en date du 08 octobre 2018 mentionnent expressément ' myofacite à macrophages post-vaccinal' et font état de réaction lymphocitaires intense au niveau de l'un des deux foyers d'infiltration'. Il résulte de ces mentions que ce compte-rendu fait explicitement un lien entre la myofacite à macrophages et la vaccination intervenue précédemment. Dès lors, c'est à compter de cette date que Mme [Y] a eu connaissance d'un lien possible entre les lésions constatées et la vaccination. La prescription courait donc à compter du 08 octobre 2018 jusqu'au 08 octobre 2020. Or en l'espèce la déclaration d'accident du travail a eu lieu le 13 avril 2021. Son action était ainsi prescrite.'

En cause d'appel Mme [Y] se prévaut de la jurisprudence de la Cour de cassation et de la Cour de justice de l'Union Européenne relative à la prescription applicable en matière de responsabilité du fait de produits défectueux. Cette jurisprudence n'est pas applicable en l'espèce.

Les règles actuellement en vigueur en matière de droit de la sécurité sociale qui repoussent le point de départ du délai de prescription au jour où la salarié a connaissance du rapport possible entre la maladie et la vaccination prennent en compte la spécificité du contentieux lié à la vaccination et permettent à la victime d'être indemnisée de l'ensemble des conséquences de la vaccination jusqu'à la consolidation de l'état de santé qui peut intervenir bien plus tardivement.

Le moyen de Mme [Y] est donc dénué de pertinence.

Par ailleurs si Mme [Y] ne conteste pas que le diagnostic ait été posé avec précision lors de la biopsie du 08 octobre 2018, elle affirme n'en avoir eu connaissance que lors d'une consultation du 09 mai 2029.

Cependant les pièces produites à savoir une convocation à l'hôpital [10] et une modification de la date de rendez-vous ne démontrent pas que c'est seulement à cette occasion que le diagnostic de l'examen demandé par son médecin traitant a été porté à sa connaissance.

Dès lors le point de départ du délai de prescription doit être fixé au 08 octobre 2018, date à laquelle Mme [Y] a eu connaissance du rapport possible entre la maladie et la vaccination.

L'action de Mme [Y] est prescrite depuis le 08 octobre 2020.

Le jugement sera confirmé dans son intégralité.

Mme [Y] sera condamnée aux dépens d'appel. Sa demande au titre de l'article 700 sera rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe :

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Condamne Mme [T] [Y] aux dépens;

Déboute Mme [T] [Y] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseillère, faisant fonction de présidente, et par Madame Mélissa ESCARPIT, Greffière, à laquelle la magistrate signataire a rendu la minute.

La Greffière La Conseillère, faisant fonction de présidente,

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