CA Douai, soc. c salle 1, 26 septembre 2025, n° 24/00353
DOUAI
Arrêt
Autre
ARRÊT DU
26 Septembre 2025
N° 1373/25
N° RG 24/00353 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VKZG
MLB/HA
AJ
Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DUNKERQUE
en date du
16 Janvier 2024
(RG 23/00029 -section )
GROSSE :
aux avocats
le 26 Septembre 2025
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-
APPELANT (E)(S) :
S.A.R.L. EXPRESS NET SERVICES
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Jonathan DA RE, avocat au barreau de VALENCIENNES
INTIMÉE(E)(S) :
Mme [L] [P]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Nicolas HAUDIQUET, avocat au barreau de DUNKERQUE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro C-59178/24/001713 du 05/03/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 5])
DÉBATS : à l'audience publique du 04 Juin 2025
Tenue par Muriel LE BELLEC
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Annie LESIEUR
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Muriel LE BELLEC
: conseiller faisant fonction de
PRESIDENT DE CHAMBRE
Gilles GUTIERREZ
: CONSEILLER
Nathalie RICHEZ-SAULE
: CONSEILLER
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 26 Septembre 2025, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Muriel LE BELLEC, conseiller désigné pour exercer les fonctions de président et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 14/05/2025
EXPOSÉ DES FAITS
Invoquant l'existence d'un contrat de travail non écrit conclu avec la société Express Net Services depuis le 7 juillet 2022, Mme [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Dunkerque le 27 janvier 2023 aux fins d'obtenir un rappel de salaire et le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat.
Par jugement en date du 16 janvier 2024 le conseil de prud'hommes a constaté que Mme [P] est employée par la société Express Net Services suivant un contrat à durée indéterminée à temps complet à compter du 7 juillet 2022, prononcé la résiliation judicaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société Express Net Services et condamné la société Express Net Services à payer à Mme [P] :
9 617 euros à titre de rappel de salaire
961,70 euros au titre des congés payés y afférents
1 678 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
1 678 euros à titre d'indemnité de préavis
167,80 euros au titre des congés payés y afférents
500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il a débouté la société Express Net Services de ses demandes reconventionnelles et
laissé les éventuels dépens à sa charge.
Le 5 février 2024, la société Express Net Services a interjeté appel de ce jugement.
Par ses conclusions reçues le 23 août 2024 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de débouter purement et simplement Mme [P] de l'ensemble de ses demandes et, en tout état de cause, de la condamner à lui verser la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive et 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ses conclusions reçues le 5 septembre 2024 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, Mme [P] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a constaté qu'elle était employée par la société Express Net Services suivant un contrat à durée indéterminée à temps complet à compter du
7 juillet 2022, prononcé la résiliation judicaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société Express Net Services, débouté la société Express Net Services de ses demandes reconventionnelles et condamné la société Express Net Services à lui payer les sommes de 1 678 euros à titre d'indemnité de préavis et 167,80 euros au titre des congés payés y afférents, d'infirmer le jugement pour le surplus et de condamner la société Express Net Services à lui payer les sommes de :
26 392 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 7 juillet 2022 au 16 janvier 2024
2 639,20 euros au titre des congés payés y afférents
3 356 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
559,33 euros à titre d'indemnité de licenciement
10 068 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé
1 620 euros HT sur le fondement de l'article 700 alinéa 2 du code de procédure civile au titre de la première instance
1 404 euros HT sur le fondement de l'article 700 alinéa 2 du code de procédure civile au titre de la première instance.
La clôture de la procédure a été ordonnée le 14 mai 2025.
MOTIFS DE L'ARRET
Au soutien de son appel, l'appelante conteste avoir embauché Mme [P]. Elle expose que son dirigeant dirige également la société Express Multi Service, que Mme [P] a été régulièrement embauchée par la société Express Multi Service seule à compter du 4 juillet 2022, que dans le cadre de l'édition du premier bulletin de salaire, une erreur administrative a été commise et un bulletin de paie édité au nom et pour le compte de la société Express Net Services, que cette simple erreur administrative ne suffit pas à caractériser l'existence d'un contrat de travail, que Mme [P] a également attrait la société Express Multi Service devant le conseil de prud'hommes, que ses écritures ne faisaient état d'aucune ambiguïté sur son employeur.
Mme [P] répond qu'elle a travaillé sans contrat de travail pour la société Express Net Services à compter du 7 juillet 2022, qu'elle était affectée au sein des établissements Ibis Budget et Fast Hôtel de [Localité 6], qu'elle n'a été rémunérée que pour 41h25, au mois d'août 2022, que la fiche de paie à l'entête de la société Express Net Services mentionne une date d'embauche, des fonctions, une rémunération et une durée du travail qui ne coïncident pas avec sa situation contractuelle avec la société Express Multi Service, que l'erreur alléguée n'est pas établie, que la société Express Net Services et la société Express Multi Service ont le même dirigeant, le même siège et la même activité, emploient généralement des salariés à temps partiel indistinctement embauchés par l'une ou l'autre ou les deux sociétés, que la durée cumulée des deux fiches de paie ne dépasse pas la durée mensuelle légale du travail, que la société Express Net Services a curieusement attendu l'audience de mise en état de septembre 2023 pour faire état d'une erreur, qu'elle n'en a pas fait état devant le bureau de conciliation le 14 mars 2023 ni lors d'une première audience le 12 juin 2023, que l'appelante reste taisante sur le virement des salaires auxquels il a été procédé en août 2022.
Mme [P] produit un bulletin de salaire édité par la société Express Net Services pour la période d'août 2022 pour 41h25 de travail correspondant à une rémunération brute de 632,99 euros (496,31 euros net) mentionnant qu'elle est entrée au service de la société Express Net Services comme agent de propreté le 7 juillet 2022, ainsi qu'une capture d'écran montrant que la société Express Net Services lui a viré le 15 août 2022 la somme de 516,86 euros au titre du salaire de juillet 2022.
Le 17 août 2022, Mme [P] a par ailleurs reçu de la société Express Multi Service, dont il est établi qu'elle l'a employée à compter du 4 juillet 2022 à temps partiel en qualité d'employée polyvalent, un virement de 51,04 euros correspondant au bulletin de salaire de juillet 2022 établi par cette même société pour 6h00 de travail.
Il résulte du bulletin de salaire et du virement établis par la société Express Net Services une apparence de contrat de travail liant Mme [P] à la société Express Net Services à compter du 7 juillet 2022.
Sans s'expliquer sur le virement auquel elle a procédé le 15 août 2022, l'appelante prétend que le bulletin de salaire qu'elle a établi résulte d'une erreur.
Le fait que la société Express Multi Service a embauché Mme [P] à temps partiel par un contrat à durée indéterminée écrit et qu'elle a régulièrement déclaré cette embauche à l'Urssaf ne suffit pas à faire la démonstration que la société Express Net Services n'a pas elle-même également employé Mme [P].
La circonstance que Mme [P] n'a pas évoqué la société Express Net Services dans la procédure engagée contre la société Express Multi Service en requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein et contestation de son licenciement du 24 novembre 2022 ne permet pas d'en déduire le caractère erroné de la fiche de paie établie par la société Express Net Services.
L'appelante ne s'explique pas sur le processus d'établissement de la paie au sein des deux sociétés, dont le dirigeant est le même, et ne produit aucun document préparatoire à l'établissement des fiches de paie et aucune attestation de son personnel administratif ou de son comptable de nature à conforter l'existence d'une erreur à l'origine de l'édition de la fiche de paie litigieuse et du virement ci-dessus décrit.
Aucune correction n'a été spontanément apportée par la société Express Net Services, qui ne s'est prévalue d'une erreur qu'à l'occasion de la procédure engagée par Mme [P].
Par ailleurs, l'appelante ne fournit pas de justificatif de son activité en juillet et août 2022. Elle ne fournit pas les plannings de ses interventions au sein des établissements Ibis Budget et Fast Hôtel de [Localité 6] ni aucun élément de nature à démontrer que Mme [P] n'a effectivement fourni aucune prestation pour son compte au cours de cette période. A cet égard, les feuilles de pointage de Mme [P] ne comportent les noms ni de la société Express Net Services ni de la société Express Multi Service et ne permettent pas d'exclure l'accomplissement par Mme [P] d'heures de travail au sein des hôtels précités pour le compte de la société Express Net Services. Au demeurant, la feuille de pointage de Mme [P] pour le mois de juillet fait état de 78h37 de travail, en totale discordance avec le bulletin de salaire établi par la société Express Multi Service pour le même mois (6h00 de travail), ce qui n'est pas de nature à exclure l'accomplissement d'heures de travail également pour le compte de la société Express Net Services.
En définitive, l'appelante ne s'explique pas sur le paiement de salaire opéré au profit de Mme [P] et ne fait pas la démonstration que le bulletin de salaire qu'elle a établi ne correspond à aucune activité de Mme [P] pour son compte et procède d'une erreur.
Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a retenu l'existence d'un contrat de travail entre les parties à effet du 7 juillet 2022. Le jugement est également confirmé en ce qu'il a retenu qu'à défaut d'écrit ce contrat de travail était à durée indéterminée, en application des articles L.1242-12 et L.1245-1 du code du travail, et qu'il était à temps complet, l'employeur ne renversant pas la présomption découlant de l'article L.3123-6 du code du travail.
En application des articles 1224 du code civil et L.1231-1 du code du travail, le salarié est fondé à obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail en cas de manquement de l'employeur en rendant la poursuite impossible.
Au soutien de sa demande, Mme [P] invoque l'absence de fourniture de travail et de paiement des salaires à compter du mois d'août 2022. L'appelante se contente de lui opposer l'absence de contrat de travail alors que l'existence d'un contrat de travail a été retenue.
Les manquements allégués sont établis et sont suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite de la relation de travail, ce qui justifie la confirmation du jugement qui a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société Express Net Services.
En matière de résiliation judiciaire, la prise d'effet ne peut être fixée qu'à la date de la décision la prononçant, dès lors qu'à cette date le contrat de travail n'a pas été rompu et que le salarié est toujours au service de l'employeur. De plus, en cas de confirmation en appel du jugement prononçant la résiliation, la date de la rupture est celle fixée par le jugement dès lors que l'exécution du contrat de travail ne s'est pas poursuivie après cette décision.
En l'absence d'élément justifiant que la résiliation judiciaire produise effet à une autre date que celle du jugement, la société Express Net Services est débitrice des salaires jusqu'au 16 janvier 2024, représentant la somme de 26 392 euros. S'y ajoutent les congés payés afférents pour la somme de 2 639 euros.
Il n'existe aucune contestation sur les montants de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et de l'indemnité de licenciement dont l'appelante ne conteste que le principe en opposant à Mme [P] l'absence de contrat de travail.
Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a accordé à Mme [P] une indemnité compensatrice de préavis correspondant au regard de son ancienneté à un mois de salaire et les congés payés afférents. Ajoutant au jugement, il est accordé à Mme [P] la somme de 559,33 euros à titre d'indemnité de licenciement en application de l'article L.1234-9 du code du travail.
En considération de l'ancienneté de la salariée, de sa rémunération, de son âge, Mme [P] étant née le 7 février 2002, et de l'absence d'élément sur sa situation professionnelle, les premiers juges ont exactement évalué le préjudice subi par la salariée du fait de la perte de son emploi.
Le caractère intentionnel de l'absence de déclaration préalable à l'embauche n'est pas démontré, étant observé que le dirigeant commun des deux sociétés Express Net Services et Express Multi Service a procédé à cette déclaration lors de l'embauche de Mme [P] par la société Express Multi Service, ce qui ne permet pas d'exclure une confusion de sa part et l'existence d'une omission involontaire. Mme [P] est donc déboutée de sa demande nouvelle en appel en paiement de l'indemnité prévue par les articles L.8221-5 et L.8223-1 du code du travail.
Il est fait droit à l'essentiel des demandes de Mme [P]. La procédure qu'elle a engagée ne présente donc pas de caractère abusif. Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la société Express Net Services de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
L'issue du litige justifie de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles. Il n'y a pas lieu de faire application de ce texte en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant après débats en audience publique par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit que Mme [P] a été employée par la société Express Net Services suivant un contrat à durée indéterminée à temps complet à compter du 7 juillet 2022, prononcé la résiliation judicaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société Express Net Services et condamné la société Express Net Services à payer à Mme [P] les sommes de 1 678 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1 678 euros à titre d'indemnité de préavis, 167,80 euros au titre des congés payés y afférents et 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en ses dispositions déboutant la société Express Net Services de ses demandes reconventionnelles et sur les dépens.
Infirme le jugement pour le surplus, statuant à nouveau et y ajoutant :
Condamne la société Express Net Services à payer à Mme [P] :
26 392 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 7 juillet 2022 au 16 janvier 2024
2 639,20 euros au titre des congés payés y afférents
559,33 euros à titre d'indemnité de licenciement.
Déboute Mme [P] de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé.
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Condamne la société Express Net Services aux dépens d'appel.
le greffier
Serge LAWECKI
le conseiller désigné pour exercer
les fonctions de président de chambre
Muriel LE BELLEC
26 Septembre 2025
N° 1373/25
N° RG 24/00353 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VKZG
MLB/HA
AJ
Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DUNKERQUE
en date du
16 Janvier 2024
(RG 23/00029 -section )
GROSSE :
aux avocats
le 26 Septembre 2025
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-
APPELANT (E)(S) :
S.A.R.L. EXPRESS NET SERVICES
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Jonathan DA RE, avocat au barreau de VALENCIENNES
INTIMÉE(E)(S) :
Mme [L] [P]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Nicolas HAUDIQUET, avocat au barreau de DUNKERQUE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro C-59178/24/001713 du 05/03/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 5])
DÉBATS : à l'audience publique du 04 Juin 2025
Tenue par Muriel LE BELLEC
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Annie LESIEUR
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Muriel LE BELLEC
: conseiller faisant fonction de
PRESIDENT DE CHAMBRE
Gilles GUTIERREZ
: CONSEILLER
Nathalie RICHEZ-SAULE
: CONSEILLER
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 26 Septembre 2025, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Muriel LE BELLEC, conseiller désigné pour exercer les fonctions de président et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 14/05/2025
EXPOSÉ DES FAITS
Invoquant l'existence d'un contrat de travail non écrit conclu avec la société Express Net Services depuis le 7 juillet 2022, Mme [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Dunkerque le 27 janvier 2023 aux fins d'obtenir un rappel de salaire et le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat.
Par jugement en date du 16 janvier 2024 le conseil de prud'hommes a constaté que Mme [P] est employée par la société Express Net Services suivant un contrat à durée indéterminée à temps complet à compter du 7 juillet 2022, prononcé la résiliation judicaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société Express Net Services et condamné la société Express Net Services à payer à Mme [P] :
9 617 euros à titre de rappel de salaire
961,70 euros au titre des congés payés y afférents
1 678 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
1 678 euros à titre d'indemnité de préavis
167,80 euros au titre des congés payés y afférents
500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il a débouté la société Express Net Services de ses demandes reconventionnelles et
laissé les éventuels dépens à sa charge.
Le 5 février 2024, la société Express Net Services a interjeté appel de ce jugement.
Par ses conclusions reçues le 23 août 2024 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de débouter purement et simplement Mme [P] de l'ensemble de ses demandes et, en tout état de cause, de la condamner à lui verser la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive et 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ses conclusions reçues le 5 septembre 2024 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, Mme [P] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a constaté qu'elle était employée par la société Express Net Services suivant un contrat à durée indéterminée à temps complet à compter du
7 juillet 2022, prononcé la résiliation judicaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société Express Net Services, débouté la société Express Net Services de ses demandes reconventionnelles et condamné la société Express Net Services à lui payer les sommes de 1 678 euros à titre d'indemnité de préavis et 167,80 euros au titre des congés payés y afférents, d'infirmer le jugement pour le surplus et de condamner la société Express Net Services à lui payer les sommes de :
26 392 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 7 juillet 2022 au 16 janvier 2024
2 639,20 euros au titre des congés payés y afférents
3 356 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
559,33 euros à titre d'indemnité de licenciement
10 068 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé
1 620 euros HT sur le fondement de l'article 700 alinéa 2 du code de procédure civile au titre de la première instance
1 404 euros HT sur le fondement de l'article 700 alinéa 2 du code de procédure civile au titre de la première instance.
La clôture de la procédure a été ordonnée le 14 mai 2025.
MOTIFS DE L'ARRET
Au soutien de son appel, l'appelante conteste avoir embauché Mme [P]. Elle expose que son dirigeant dirige également la société Express Multi Service, que Mme [P] a été régulièrement embauchée par la société Express Multi Service seule à compter du 4 juillet 2022, que dans le cadre de l'édition du premier bulletin de salaire, une erreur administrative a été commise et un bulletin de paie édité au nom et pour le compte de la société Express Net Services, que cette simple erreur administrative ne suffit pas à caractériser l'existence d'un contrat de travail, que Mme [P] a également attrait la société Express Multi Service devant le conseil de prud'hommes, que ses écritures ne faisaient état d'aucune ambiguïté sur son employeur.
Mme [P] répond qu'elle a travaillé sans contrat de travail pour la société Express Net Services à compter du 7 juillet 2022, qu'elle était affectée au sein des établissements Ibis Budget et Fast Hôtel de [Localité 6], qu'elle n'a été rémunérée que pour 41h25, au mois d'août 2022, que la fiche de paie à l'entête de la société Express Net Services mentionne une date d'embauche, des fonctions, une rémunération et une durée du travail qui ne coïncident pas avec sa situation contractuelle avec la société Express Multi Service, que l'erreur alléguée n'est pas établie, que la société Express Net Services et la société Express Multi Service ont le même dirigeant, le même siège et la même activité, emploient généralement des salariés à temps partiel indistinctement embauchés par l'une ou l'autre ou les deux sociétés, que la durée cumulée des deux fiches de paie ne dépasse pas la durée mensuelle légale du travail, que la société Express Net Services a curieusement attendu l'audience de mise en état de septembre 2023 pour faire état d'une erreur, qu'elle n'en a pas fait état devant le bureau de conciliation le 14 mars 2023 ni lors d'une première audience le 12 juin 2023, que l'appelante reste taisante sur le virement des salaires auxquels il a été procédé en août 2022.
Mme [P] produit un bulletin de salaire édité par la société Express Net Services pour la période d'août 2022 pour 41h25 de travail correspondant à une rémunération brute de 632,99 euros (496,31 euros net) mentionnant qu'elle est entrée au service de la société Express Net Services comme agent de propreté le 7 juillet 2022, ainsi qu'une capture d'écran montrant que la société Express Net Services lui a viré le 15 août 2022 la somme de 516,86 euros au titre du salaire de juillet 2022.
Le 17 août 2022, Mme [P] a par ailleurs reçu de la société Express Multi Service, dont il est établi qu'elle l'a employée à compter du 4 juillet 2022 à temps partiel en qualité d'employée polyvalent, un virement de 51,04 euros correspondant au bulletin de salaire de juillet 2022 établi par cette même société pour 6h00 de travail.
Il résulte du bulletin de salaire et du virement établis par la société Express Net Services une apparence de contrat de travail liant Mme [P] à la société Express Net Services à compter du 7 juillet 2022.
Sans s'expliquer sur le virement auquel elle a procédé le 15 août 2022, l'appelante prétend que le bulletin de salaire qu'elle a établi résulte d'une erreur.
Le fait que la société Express Multi Service a embauché Mme [P] à temps partiel par un contrat à durée indéterminée écrit et qu'elle a régulièrement déclaré cette embauche à l'Urssaf ne suffit pas à faire la démonstration que la société Express Net Services n'a pas elle-même également employé Mme [P].
La circonstance que Mme [P] n'a pas évoqué la société Express Net Services dans la procédure engagée contre la société Express Multi Service en requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein et contestation de son licenciement du 24 novembre 2022 ne permet pas d'en déduire le caractère erroné de la fiche de paie établie par la société Express Net Services.
L'appelante ne s'explique pas sur le processus d'établissement de la paie au sein des deux sociétés, dont le dirigeant est le même, et ne produit aucun document préparatoire à l'établissement des fiches de paie et aucune attestation de son personnel administratif ou de son comptable de nature à conforter l'existence d'une erreur à l'origine de l'édition de la fiche de paie litigieuse et du virement ci-dessus décrit.
Aucune correction n'a été spontanément apportée par la société Express Net Services, qui ne s'est prévalue d'une erreur qu'à l'occasion de la procédure engagée par Mme [P].
Par ailleurs, l'appelante ne fournit pas de justificatif de son activité en juillet et août 2022. Elle ne fournit pas les plannings de ses interventions au sein des établissements Ibis Budget et Fast Hôtel de [Localité 6] ni aucun élément de nature à démontrer que Mme [P] n'a effectivement fourni aucune prestation pour son compte au cours de cette période. A cet égard, les feuilles de pointage de Mme [P] ne comportent les noms ni de la société Express Net Services ni de la société Express Multi Service et ne permettent pas d'exclure l'accomplissement par Mme [P] d'heures de travail au sein des hôtels précités pour le compte de la société Express Net Services. Au demeurant, la feuille de pointage de Mme [P] pour le mois de juillet fait état de 78h37 de travail, en totale discordance avec le bulletin de salaire établi par la société Express Multi Service pour le même mois (6h00 de travail), ce qui n'est pas de nature à exclure l'accomplissement d'heures de travail également pour le compte de la société Express Net Services.
En définitive, l'appelante ne s'explique pas sur le paiement de salaire opéré au profit de Mme [P] et ne fait pas la démonstration que le bulletin de salaire qu'elle a établi ne correspond à aucune activité de Mme [P] pour son compte et procède d'une erreur.
Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a retenu l'existence d'un contrat de travail entre les parties à effet du 7 juillet 2022. Le jugement est également confirmé en ce qu'il a retenu qu'à défaut d'écrit ce contrat de travail était à durée indéterminée, en application des articles L.1242-12 et L.1245-1 du code du travail, et qu'il était à temps complet, l'employeur ne renversant pas la présomption découlant de l'article L.3123-6 du code du travail.
En application des articles 1224 du code civil et L.1231-1 du code du travail, le salarié est fondé à obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail en cas de manquement de l'employeur en rendant la poursuite impossible.
Au soutien de sa demande, Mme [P] invoque l'absence de fourniture de travail et de paiement des salaires à compter du mois d'août 2022. L'appelante se contente de lui opposer l'absence de contrat de travail alors que l'existence d'un contrat de travail a été retenue.
Les manquements allégués sont établis et sont suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite de la relation de travail, ce qui justifie la confirmation du jugement qui a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société Express Net Services.
En matière de résiliation judiciaire, la prise d'effet ne peut être fixée qu'à la date de la décision la prononçant, dès lors qu'à cette date le contrat de travail n'a pas été rompu et que le salarié est toujours au service de l'employeur. De plus, en cas de confirmation en appel du jugement prononçant la résiliation, la date de la rupture est celle fixée par le jugement dès lors que l'exécution du contrat de travail ne s'est pas poursuivie après cette décision.
En l'absence d'élément justifiant que la résiliation judiciaire produise effet à une autre date que celle du jugement, la société Express Net Services est débitrice des salaires jusqu'au 16 janvier 2024, représentant la somme de 26 392 euros. S'y ajoutent les congés payés afférents pour la somme de 2 639 euros.
Il n'existe aucune contestation sur les montants de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et de l'indemnité de licenciement dont l'appelante ne conteste que le principe en opposant à Mme [P] l'absence de contrat de travail.
Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a accordé à Mme [P] une indemnité compensatrice de préavis correspondant au regard de son ancienneté à un mois de salaire et les congés payés afférents. Ajoutant au jugement, il est accordé à Mme [P] la somme de 559,33 euros à titre d'indemnité de licenciement en application de l'article L.1234-9 du code du travail.
En considération de l'ancienneté de la salariée, de sa rémunération, de son âge, Mme [P] étant née le 7 février 2002, et de l'absence d'élément sur sa situation professionnelle, les premiers juges ont exactement évalué le préjudice subi par la salariée du fait de la perte de son emploi.
Le caractère intentionnel de l'absence de déclaration préalable à l'embauche n'est pas démontré, étant observé que le dirigeant commun des deux sociétés Express Net Services et Express Multi Service a procédé à cette déclaration lors de l'embauche de Mme [P] par la société Express Multi Service, ce qui ne permet pas d'exclure une confusion de sa part et l'existence d'une omission involontaire. Mme [P] est donc déboutée de sa demande nouvelle en appel en paiement de l'indemnité prévue par les articles L.8221-5 et L.8223-1 du code du travail.
Il est fait droit à l'essentiel des demandes de Mme [P]. La procédure qu'elle a engagée ne présente donc pas de caractère abusif. Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la société Express Net Services de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
L'issue du litige justifie de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles. Il n'y a pas lieu de faire application de ce texte en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant après débats en audience publique par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit que Mme [P] a été employée par la société Express Net Services suivant un contrat à durée indéterminée à temps complet à compter du 7 juillet 2022, prononcé la résiliation judicaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société Express Net Services et condamné la société Express Net Services à payer à Mme [P] les sommes de 1 678 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1 678 euros à titre d'indemnité de préavis, 167,80 euros au titre des congés payés y afférents et 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en ses dispositions déboutant la société Express Net Services de ses demandes reconventionnelles et sur les dépens.
Infirme le jugement pour le surplus, statuant à nouveau et y ajoutant :
Condamne la société Express Net Services à payer à Mme [P] :
26 392 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 7 juillet 2022 au 16 janvier 2024
2 639,20 euros au titre des congés payés y afférents
559,33 euros à titre d'indemnité de licenciement.
Déboute Mme [P] de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé.
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Condamne la société Express Net Services aux dépens d'appel.
le greffier
Serge LAWECKI
le conseiller désigné pour exercer
les fonctions de président de chambre
Muriel LE BELLEC