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CA Paris, Pôle 5 - ch. 3, 9 octobre 2025, n° 22/06586

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 22/06586

9 octobre 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRÊT DU 09 OCTOBRE 2025

(n° 170/2025, 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 22/06586 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFSBC

Décision déférée à la Cour : jugement du 11 février 2022 du tribunal judiciaire de Créteil, 3ème chambre - RG n° 19/08898

APPELANTE

S.C.P. LES GOUJONS, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au R.C.S. de [Localité 5] sous le numéro 439 769 894

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Linda Halimi-Bensoussan, avocat au barreau de Paris, toque : A0427

INTIMÉE

S.A.S. LES GOUJONS DISTRIBUTION, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au R.C.S. de [Localité 5] sous le numéro 302 177 613

[Adresse 7]

sis [Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée et assistée de Me Antoine Pineau-Braudel, substitué par Me Nicolas Hoberdon, tous deux de la SAS Cabinet Pineau-Braudel, avocats au barreau de Paris, toque : C0260

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

- Madame Nathalie Recoules, présidente de chambre

- Madame Stéphanie Dupont, Conseillère

- Mme Marie Girousse, conseillère

Greffier, lors des débats : M. Maxime Martinez

ARRÊT :

- contradictoire ;

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre et par M. Soufiane HASSAOUI, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire, présent lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous signature privée du 31 juillet 2001, la SCP Les Goujons a donné à bail à la SAS Libre Service Les Goujons (aujourd'hui dénommée SAS Les Goujons Distribution) des locaux commerciaux situés dans le centre commercial des Goujons, [Adresse 6]/[Adresse 8] Alfortville (94), pour une durée de neuf ans à compter du 1er août 2001 et contre paiement d'un loyer annuel de 32.928,99 euros HT/HC.

La destination contractuelle est l'exercice d'une activité de « commerce de produits alimentaires généraux y compris crèmerie, boucherie et volaille, porc frais, produits fabriqués de charcuterie, fruits et légumes, vins et spiritueux avec un rayon de vaisselle et lingerie ». Le fonds de commerce est exploité sous l'enseigne « Franprix ».

Le bail a été tacitement prolongé après son expiration au 31 juillet 2010.

Par exploit d'huissier signifié le 20 novembre 2018, la SCP Les Goujons a fait délivrer à sa locataire congé avec offre de renouvellement du bail, contre fixation du loyer annuel à la somme de 90.000 euros HT/HC. La SAS Les Goujons Distribution a accepté le principe du renouvellement du bail, mais refusé la révision du montant du loyer. Le bailleur a néanmoins réclamé le paiement d'un loyer annuel de 90.000 euros HT/HC à compter du 1er juillet 2019.

Par exploit d'huissier signifié le 14 octobre 2019, la SCP Les Goujons a fait commandement de payer la somme de 59.756,37 euros à la SAS Les Goujons Distribution, visant en outre la clause résolutoire du bail.

Par exploit d'huissier signifié le 14 novembre 2019, la SAS Les Goujons Distribution a fait assigner la SCP Les Goujons devant le Tribunal de grande instance de Créteil ' devenu Tribunal judiciaire de Créteil au 1er janvier 2020.

Par jugement du 11 février 2022, le Tribunal judiciaire de Créteil s'est déclaré compétent et a :

- débouté la SCP les Goujons de l'ensemble de ses demandes ;

- déclaré recevables les demandes formées par la SAS les Goujons Distribution ;

- condamné la SCP les Goujons à payer à la SAS les Goujons Distribution la somme de 23.791,86 euros TTC, à parfaire, avec intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2019;

- ordonné la capitalisation des intérêts dus pour au moins une année entière ;

- ordonné à la SCP les Goujons de produire tous justificatifs permettant d'établir le montant de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères facturée à la SAS les Goujons Distribution pour les années 2014, 2015 et 2017, aux fins de régularisation ;

- condamné la SCP les Goujons au paiement des entiers dépens, en ce compris le coût de l'assignation ;

- condamné la SCP les Goujons sera également condamnée à payer à la SAS les Goujons Distribution une somme de 3.000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Par déclaration du 29 mars 2022, la société SCP les Goujons a interjeté appel du jugement.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Aux termes de ses conclusions notifiées le 28 juin 2022, la société SCP les Goujons, appelante, demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu le 11 février 2022 par le Tribunal judiciaire de Créteil en ces chefs suivants :

débouter la SCP les Goujons de l'ensemble de ses demandes ;

déclarer recevable les demandes formées par la SAS les Goujons Distribution ;

condamner la SCP les Goujons à payer à la SAS les Goujons Distribution la somme de 23.791,86 euros TTC à parfaire avec intérêt au taux légal à compter du 14 novembre 2019 ;

la capitalisation des intérêts dus pour au moins une année entière ;

ordonner à la SCP les Goujons de produire tout justificatifs permettant d'établir le montant de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères facturée à la SAS les Goujons Distribution pour les années 2014,2015 et 2017 aux fins de régularisation ;

condamner la SCP les Goujons au paiement des entiers dépens en ce compris le cout de l'assignation ;

condamner la SCP les Goujons à payer à la SAS les Goujons Distribution la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700.

Statuant à nouveau :

- débouter la société les Goujons Distribution de l'intégralité de ses demandes fin et prétentions ;

- condamner la société les Goujons Distribution à payer à la société civile particulière Les Goujons la somme de 4.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner la société les Goujons Distribution aux entiers dépens de la procédure.

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

Au soutien de ses prétentions, la SCP les Goujons fait valoir que :

- Sur la renonciation au commandement de payer, le tribunal judiciaire de Créteil n'était pas compétent pour statuer sur le renouvellement du bail ni sur la fixation du loyer, ces questions relevant du juge des loyers commerciaux. La SCP les Goujons a d'ailleurs saisi la commission de conciliation, puis le juge des loyers, sollicitant un loyer annuel de 93.200 € HT/HC, contre 64.800 € proposés par la locataire. Le juge a tranché à 83.900 € par jugement du 23 novembre 2021, frappé d'appel. En outre, la délivrance d'un commandement de payer tenant lieu de clause résolutoire est intervenue dans un contexte de gestion familiale complexe, après le décès de son époux, Mme [L], ayant cru pouvoir déléguer l'ensemble des démarches à son avocat. Prenant conscience de l'erreur, la SCP les Goujons a expressément renoncé aux effets du commandement litigieux et en demande acte à la cour. Le Tribunal a d'ailleurs relevé que le bail était toujours en cours au jour de son jugement du 12 février 2022 ;

- Sur la restitution des sommes versées au titre de la TEOM, le jugement l'ayant condamnée à ce titre est infondé, d'une part, parce que la demande est injustifiée les justificatifs de charges ayant été communiqués chaque fois qu'ils étaient demandés, sauf pour 2016 et 2017 où aucune demande n'avait été formulée, les régularisations étant alors au crédit de la locataire, d'autre part, parce que la demande est infondée en droit'en ce que la clause Charges, prestations et taxes du bail met à la charge du preneur les «'taxes municipales'», ce qui inclut nécessairement la TEOM. Celle-ci est définie comme telle par les autorités fiscales locales et est d'ailleurs annexée à la taxe foncière. Or, une clause générale, dès lors qu'elle traduit l'intention des parties, suffit à imputer au locataire certaines taxes. La société les Goujons Distribution n'a jamais contesté ces charges auparavant, dont le montant était constant et les régularisations annuelles souvent favorables au preneur. Le Tribunal n'a pas recherché l'intention commune des parties, ni répondu à l'ensemble de son argumentation.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 13 janvier 24, la SAS Goujons Distribution, intimée, demande à la cour de :

- dire la société Les Goujons Distribution recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et prétentions ;

En conséquence,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

o débouté la SCP Les Goujons de l'ensemble de ses demandes ;

o déclaré recevable les demandes formées par la SAS Les Goujons Distribution ;

o condamné la SCP Les Goujons à payer à la SAS Les Goujons Distribution la somme de 23.791,86 € TTC, à parfaire, avec intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2019;

o ordonné la capitalisation des intérêts dus pour au moins une année entière ;

o condamné la SCP Les Goujons au paiement des entiers dépens, en ce compris le coût de l'assignation ;

o condamné la SCP Les Goujons à payer à la SAS Les Goujons Distribution une somme de 3.000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

o ordonné l'exécution provisoire de la décision.

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a refusé d'assortir d'une astreinte la production par l'appelante des justificatifs, donc en ce qu'il a :

o ordonné à la SCP Les Goujons de produire tous justificatifs permettant d'établir le montant de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères facturée à la SAS Les Goujons Distribution pour les années 2014, 2015 et 2017, aux fins de régularisation ;

Statuant à nouveau de ce seul chef, et y ajoutant, tout en actualisant les condamnations pécuniaires prononcées à l'égard de la SCP LES Goujons :

- condamner la SCP LES Goujons à payer à la société les Goujons Distribution la somme de 3.724,03 € TTC versées par ses soins au titre de la refacturation de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères de l'exercice 2020, avec intérêts au taux légal et anatocisme ;

- dire que cette somme s'ajoutera au montant des condamnations prononcées en première instance à l'encontre de la SCP les Goujons pour un montant de 23.791,86 € TTC, à parfaire, avec intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2019, dont la société LES Goujons Distribution sollicite la confirmation ;

- condamner en conséquence la SCP les Goujons à payer à la société LES Goujons Distribution la somme totale de 27.515,89 € TTC, à parfaire, avec intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2019 ;

- faire injonction à la SCP les Goujons de communiquer le montant de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères refacturée à la société les Goujons Distribution au titre des exercices des années 2014, 2015 et 2017, sous astreinte de cinq cent euros (500 €) par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, subsidiairement de sa signification, et ce, pendant un délai de trois mois ;

- se réserver la liquidation de l'astreinte ;

En tout état de cause :

- débouter la société civile particulière les Goujons de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- condamner la SCP les Goujons à payer à la société les Goujons Distribution la somme de 6.000 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- condamner la SCP les Goujons aux entiers dépens d'instance, qui comprendront notamment le coût du timbre fiscal ;

Au soutien de ses prétentions, la société les Goujons Distribution oppose que :

- Sur la renonciation de la bailleresse au commandement de payer, en première instance, la bailleresse a expressément renoncé aux effets du commandement visant la clause résolutoire du bail commercial. Cette renonciation a été actée par le Tribunal, qui en a tiré toutes les conséquences en considérant que le bail, à défaut de renouvellement par acte, s'était prolongé tacitement depuis son expiration. La bailleresse ne revient pas sur cette renonciation en cause d'appel et la SAS Goujons Distribution en prend à nouveau acte. Le débat sur la validité du commandement est donc désormais privé d'objet ;

- Sur la restitution des sommes versées au titre de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM), le bail commercial ne contient aucune stipulation expresse mettant cette taxe à la charge du preneur. Les clauses invoquées par la bailleresse, notamment celle relative aux « taxes municipales », sont générales et ne peuvent suppléer l'exigence d'une mention claire de la TEOM. En outre, l'absence de stipulation expresse interdit la refacturation de cette taxe au locataire. Ainsi, le paiement de cette taxe pendant plusieurs années ne vaut pas renonciation à en contester le bien-fondé, dès lors qu'aucune volonté non équivoque de renoncer ne peut être déduite de ces paiements. Sur cette base, il convient de procéder à la restitution des sommes versées à ce titre pour les exercices 2016, 2018 et 2019, pour un montant total de 11.895,93 € TTC. Pour les exercices 2014, 2015 et 2017, faute de communication par la bailleresse des relevés de charges malgré une sommation, il est demandé à la Cour d'ordonner leur production sous astreinte de 500 € par jour de retard. À défaut de transmission, il est demandé que la Cour fixe forfaitairement les sommes dues à hauteur de la moyenne des années connues, soit 3.965,30 € TTC par exercice, représentant un montant supplémentaire de 11.895,90 € TTC. Enfin, il convient de procéder à la restitution de la somme de 3.724,03 € TTC facturée en 2020 au titre de la TEOM, dans l'attente du jugement de première instance. La SAS Goujons Distribution doit être remboursée d'un total de 27.515,89 € TTC, outre intérêts et capitalisation à compter de l'assignation ;

- Sur les provisions de charges et redditions non justifiées, les provisions de charges appelées depuis plusieurs années, à hauteur de 2.550 € par trimestre sont irrégulières. La bailleresse n'a fourni, pour les années 2018 à 2020, que des documents sommaires, dépourvus de clef de répartition compréhensible ou de référence aux stipulations du bail. Aucun procès-verbal d'assemblée générale votant les budgets de charges, ni aucun justificatif relatif aux années antérieures à 2018, n'a été produit. En outre, il existe une incohérence importante dès lors que les documents produits font référence à des lots ou tantièmes, alors même que le bail ne prévoit aucun mécanisme de répartition reposant sur une telle base. Donc les documents versés sont matériellement inexploitables ;

- Sur l'obligation contractuelle de justification annuelle des charges, s'agissant des années antérieures à 2018, aucun document n'a été produit. La bailleresse a manqué à son obligation contractuelle de justification annuelle des charges. Si la SAS Goujons Distribution ne poursuit pas, dans la présente instance, la restitution de l'intégralité des charges sur les cinq dernières années, elle se réserve toutefois la possibilité d'agir dans une procédure ultérieure si les éléments produits révélaient une facturation indue. Et maintient en revanche expressément sa demande de restitution de la TEOM.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.

SUR CE,

A titre liminaire, la cour relève que les parties s'accordent à dire que le débat autour de la validité du commandement de payer n'a plus lieu d'être, la bailleresse ayant renoncé à en invoquer les effets de sorte que la cour n'a pas à répondre aux moyens développés de ce chef.

Sur la condamnation en restitution au titre de la T.E.O.M

L'action en restitution s'analyse comme une action en paiement de l'indu, soumise aux articles 1302 et suivants du code civil, qui rappellent que tout paiement suppose une dette et que ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution. Il ressort, en outre, de l'article 1352 du même code que la restitution d'une somme d'argent est opérée sous la même forme par celui qui, par erreur ou sciemment, a perçu une somme qui ne lui était pas due.

Le bail qui lie les parties date du 31 juillet 2001. Il n'est donc pas soumis aux dispositions issues de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, dite « loi Pinel », et de son décret d'application n°2014-1317 du 3 novembre 2014 relatives à la répartition des charges entre bailleurs et locataires.

Dans ces conditions, la répartition des charges entre la SCP les Goujons et la SA Les Goujons Distribution relève de la liberté contractuelle des parties.

En application de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 applicable en l'espèce compte-tenu de la date du bail, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi ceux qui les ont faites.

L'article 1162 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131, précise que dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation.

Le bail du 31 juillet 2001 stipule :

- dans son article relatif aux 'Impots et taxes' que :

« Le preneur devra :

- faire son affaire personnelle de toutes les formalités légales réglementaires, de toutes déclarations administratives, comptables, fiscales, du paiement de tous impôts, taxes, dettes et autres de quelque nature soient-ils, nés et/ou rendus nécessaires, et/ou à l'occasion de l'exploitation de la surface concédé. » ;

- dans son article relatif aux « Charges, prestations et taxes » « Le preneur remboursera au bailleur la quote-part des charges, prestations et taxes [']. A titre d'exemple et de manière non exhaustive, le preneur supportera ['] les taxes municipales ».

Tel que soutenu par le bailleur, la taxe des ordures ménagères est une taxe municipale, comme la taxe d'habitation, la taxe foncière sur les propriétés bâties, la contribution économique territoriale..., qui est annexée à la taxe foncière.

En effet, en vertu de l'article 1520 du code général des impôts, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères est une taxe communale destinée à pourvoir, notamment, aux dépenses du service de collecte et de traitement des déchets ménagers et des déchets mentionnés à l'article L.2224-14 du code général des collectivités territoriales.

La taxe d'enlèvement des ordures ménagères est donc bien une taxe locale.

L'article 1521 du code général des impôts précise qu'elle porte, notamment, sur toutes les propriétés soumises à la taxe foncière sur les propriétés bâties ou qui en sont temporairement exonérées [..] ainsi que sur les propriétés exonérées de taxe foncière sur les propriétés bâties en application du I de l'article 1382 E.

Il s'en déduit que la taxe d'enlèvement des ordures ménagères grève la propriété.

Cependant, il est de jurisprudence constante que la taxe d'enlèvement des ordures ménagères ne peut être mise à la charge du locataire d'un bail commercial qu'en vertu d'une clause claire et précise.

Contrairement à ce que soutient le bailleur, les dispositions de la clause du bail qui vise « les taxes municipales » sans autre précision permettant d'éclairer l'intention des parties n'est pas suffisamment claire et précise pour opérer transfert au preneur de la charge de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, étant rappelé que cette taxe n'est pas attachée à l'occupation des locaux mais à la propriété.

Au demeurant, le paiement par le preneur des appels de charges opérés par le bailleur ne vaut pas reconnaissance de dette, ce qui lui permet de contester le bien-fondé de certaines des sommes acquittées et de solliciter la répétition de l'indu.

C'est donc par motifs pertinents que le tribunal a fait droit à la demande de restitution de la société Les Goujons Distribution.

En cause d'appel, la S.C.P Les Goujons fait état, dans un tableau inclus dans ses conclusions, des sommes appelées au titre de la TEOM et acquittées par l'intimée, sans toutefois verser aucun justificatif, dont les montants sont les suivants :

pour l'année 2014, la somme de 3.312,32 € HT, soit 3.974,78 € TTC ;

pour l'année 2015, la somme de 3 313,98 € HT, soit 3.976,78 € TTC ;

pour l'année 2016, la somme de 3.413,28 € HT, soit 4.095,94 € TTC ;

pour l'année 2017, la somme de 3.498,56 € HT, soit 4.198,27 € TTC ;

pour l'année 2018, la somme de 3.306,16€ HT, soit 3.967,39 € TTC ;

pour l'année 2019, la somme de 3.193,84 € HT, soit 3.832,61 € TTC ;

SOIT AU TOTAL, 20.038,14 € HT et 24.045,77 € TTC.

La SAS Les Goujons Distribution verse aux débats des relevés de charges pour les années 2016, 2018 et 2019 dans lesquelles les montants appelés au titre de la TEOM augmentés des frais de gestion correspondent aux sommes figurant dans le tableau ci-dessus de sorte que, sans qu'il ne soit utile d'ordonner la production des pièces demandées, les montants invoqués par le bailleurs pour les années 2014, 2015 et 2017, qui ne sont au demeurant pas contestés, seront retenus.

Le jugement sera donc infirmé sur l'injonction à produire les justificatifs sollicités par l'intimée.

Il s'infère des éléments ci-dessus que la S.C.P Les Goujons sera condamnée à payer à la SAS Les Goujons Distribution la somme de 24.045,77 euros au titre de la TEOM sur les années 2014 à 2019. Le jugement sera infirmé de ce chef mais confirmé en ce qu'il a fait partir les intérêts à la date du 14 novembre 2019 et en ordonné leur capitalisation, conformément aux disposions des article 1231-6 et 1343-2 du code civil.

Y sera ajouté le montant de la TEOM appelée au titre de l'année 2020, augmentée des frais de gestion, que le preneur justifie avoir réglé soit la somme de 3.103,36 € HT et 3.724,03 € TTC.

Sur les provisions pour charges

La cour relève qu'aux termes de ses conclusions, la SAS Les Goujons Distribution précise qu'elle n'entend pas poursuivre dans le cadre de la présente instance le remboursement de l'intégralité qu'elle sommes qu'elle a versé au titre des provisions pour charges au regard des pièces communiquées par la SCP Les Goujons, ce dont la cour prend acte.

Sur les demandes accessoires

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SAS Les Goujons Distribution, les frais par elle engagés dans le cadre de la présente instance au titre de l'article 700 du code de procédure civile. La S.C.P Les Goujons sera donc condamnée à lui payer la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter la charge des dépens de la présente instance.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Créteil en ce qu'il a condamné la SCP Les Goujons à payer à la SAS Les Goujons Distribution la somme de 23.791,86 euros TTC, ordonné à la SCP Les Goujons de produire tous justificatifs permettant d'établir le montant de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères facturée à la SAS Les Goujons ;

Le confirme en ses autres dispositions non contraires au présent arrêt ;

Statuant de nouveau,

Condamne la SCP Les Goujons à payer à la SAS Les Goujons Distribution la somme de 24.045,77 euros TTC ;

Y ajoutant,

Condamne la SCP Les Goujons à payer à la SAS Les Goujons Distribution la somme de 3.724,03 euros TTC ;

Rejette toutes autres demandes ;

Condamne la SCP Les Goujons à payer à la SAS Les Goujons Distribution la somme de la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SCP Les Goujons à supporter la charge des dépens d'appel.

Le greffier La présidente

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