Cass. crim., 14 octobre 2025, n° 25-82.111
COUR DE CASSATION
Autre
Annulation
N° T 25-82.111 F-B
N° 01461
ODVS
14 OCTOBRE 2025
ANNULATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 14 OCTOBRE 2025
M. [U] [T] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 2e section, en date du 20 février 2025, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de fausses déclarations ou manuvres ayant pour but d'obtenir un avantage indu, blanchiment, en bande organisée, blanchiment douanier, blanchiment aggravé, a confirmé l'ordonnance du procureur européen délégué prononçant sur sa demande de mainlevée du contrôle judiciaire.
Un mémoire personnel a été produit.
Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, et les conclusions de Mme Gulphe-Berbain, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 octobre 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Pradel, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces soumises à l'examen de la Cour de cassation ce qui suit.
2. Dans le cadre d'une enquête menée par le procureur européen délégué relative à des suspicions de non règlements de droits anti-dumping et droits compensateurs lors d'importations, en provenance de Chine, de pièces détachées de vélos à assistance électrique, lesquelles étaient ensuite assemblées en France par le groupe [1] (renommé [3] en 2022), par l'intermédiaire de la société [2], M. [U] [T], représentant de cette société, a été mis en examen le 25 octobre 2023.
3. Par ordonnance du même jour, M. [T] a été placé sous contrôle judiciaire.
4. Il a présenté le 24 décembre 2024 une demande de mainlevée totale du contrôle judiciaire.
5. Par ordonnance du 27 décembre 2024, notifiée le même jour, le procureur européen délégué a rejeté cette demande.
6. Le 30 décembre 2024, M. [T] a interjeté appel de cette décision
Examen des moyens
Sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen est pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme.
8. Le moyen critique l'arrêt ataqué en ce qu'il a rejeté les moyens de nullité de l'ordonnance de refus de mainlevée du contrôle judiciaire, alors que toute atteinte à une liberté doit être prise sous le contrôle d'un juge impartial ; que le droit à un tribunal impartial prévoit que nul ne peut être juge et partie ; que le principe d'impartialité se distingue du principe d'indépendance, et que la seule garantie d'indépendance ne suffit pas à pallier un manque d'impartialité ; que, malgré son indépendance vis-à-vis de l'exécutif et des États membres de l'Union européenne dans lesquels il exerce sa compétence, le procureur européen délégué n'en demeure pas moins l'autorité poursuivante ; qu'il s'en déduit que le procureur européen délégué est partie à la procédure et ne peut donc pas être impartial.
Réponse de la Cour
9. En premier lieu, les mesures restrictives de liberté, dont la personne suspectée ou poursuivie peut faire l'objet dans le cadre des dispositions de l'article 696-119 du code de procédure pénale, sont prises sur décision du procureur européen délégué, lequel est une autorité judiciaire, agissant dans l'intérêt de l'Union dans son ensemble.
10. En deuxième lieu, cette autorité, en vertu de l'article 5 du règlement (UE) n° 2017/1939, mène ses enquêtes de façon impartiale, sans pouvoir solliciter ou accepter d'instructions d'aucune personne extérieure au parquet européen, et recueille tous les éléments de preuve pertinents, aussi bien à charge qu'à décharge.
11. Enfin, l'article 696-119 du code de procédure pénale n'a ni pour objet ni pour effet de confier à ce magistrat en charge de l'action publique des fonctions de jugement. Il ne peut notamment statuer sur une contestation des décisions qu'il a prises.
12. Dès lors, le moyen, pris de l'atteinte au principe d'impartialité, ne peut qu'être écarté.
Mais sur le cinquième moyen
Enoncé du moyen
13. Le moyen est pris de la violation des articles 61-1 et 62 de la Constitution et de l'article 591 du code de procédure pénale.
14. Le moyen vise à tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel, en ce que les dispositions de l'article 696-119 du code de procédure pénale doivent être interprétées comme ouvrant le droit à la personne, dont le contrôle judiciaire est maintenu ou modifié par une décision du procureur européen délégué, de contester cette décision devant le juge des libertés et de la détention dans les mêmes conditions qu'une décision de placement sous contrôle judiciaire, de sorte que l'arrêt attaqué, qui a rejeté les moyens de nullité de l'ordonnance de refus de mainlevée du contrôle judiciaire, doit être annulé.
Réponse de la Cour
Vu les articles 62 de la Constitution et 696-119 du code de procédure pénale, tel qu'interprété par la décision du Conseil constitutionnel n° 2025-1153 QPC du 30 juillet 2025 :
15. Selon le premier de ces textes, les décisions du Conseil constitutionnel s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles.
16. La Cour de cassation a renvoyé au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité à la Constitution des dispositions de l'article 696-119 du code de procédure pénale, en ce que le procureur européen délégué est compétent pour ajouter, supprimer, modifier les obligations du contrôle judiciaire et statuer sur sa mainlevée alors qu'il est la partie poursuivante.
17. Par décision du 30 juillet 2025, (Cons. const., 30 juillet 2025, décision n° 2025-1153 QPC), le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution les dispositions de l'article 696-119 du code de procédure pénale.
18. Il a toutefois jugé, par une réserve d'interprétation, que ces dispositions doivent être interprétées comme ouvrant également le droit à la personne dont le contrôle judiciaire est maintenu ou modifié par une décision du procureur européen délégué de contester cette décision devant le juge des libertés et de la détention dans les mêmes conditions qu'une décision de placement sous contrôle judiciaire, la décision de ce juge pouvant faire l'objet d'un appel devant la chambre de l'instruction.
19. Dans les décisions rendues le 25 mars 2011 (Cons. const., 25 mars 2011, décisions n° 2010-108 QPC et n° 2010-110 QPC), le Conseil constitutionnel a jugé qu'en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et que la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, que ce n'est que par exception que les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration.
20. Les réserves d'interprétation, dont une décision du Conseil constitutionnel assortit la déclaration de conformité à la Constitution d'une disposition législative, sont revêtues de l'autorité absolue de chose jugée. Il s'ensuit que, sauf si le Conseil constitutionnel a modulé les effets dans le temps d'une réserve d'interprétation, le principe de l'applicabilité immédiate aux contentieux en cours de la décision du Conseil constitutionnel s'applique aux décisions de conformité de celui-ci comportant une réserve d'interprétation.
21. En l'espèce, pour rejeter le moyen de nullité de l'ordonnance du procureur européen délégué de refus de mainlevée du contrôle judiciaire de M. [T], prise de l'atteinte portée au droit à un recours juridictionnel effectif, l'arrêt attaqué énonce que les dispositions du code de procédure pénale offrent à la personne placée sous contrôle judiciaire la possibilité de faire appel, devant la chambre de l'instruction, des décisions du procureur européen délégué portant sur les modifications ou les mainlevées des obligations du contrôle judiciaire et que, si le délai dans lequel la chambre de l'instruction doit statuer en la matière est fixé par les dispositions de l'article 194 du code de procédure pénale à deux mois, il ne saurait être soutenu pour autant que la durée de ce délai priverait la personne placée sous contrôle judiciaire d'un recours effectif.
22. Les juges ajoutent que ce délai de deux mois est le même, que la décision querellée ait été prise par un juge d'instruction ou un procureur européen délégué, et que, si ce délai n'est pas celui de soixante-douze heures fixé par les disposition de l'article 696-119 s'agissant du recours contre une décision de placement sous contrôle judiciaire, il existe une différence de niveau et de nature entre la décision de placement sous contrôle judiciaire et les décisions portant sur les modalités d'exécution de cette mesure.
23. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel et les principes ci-dessus énoncés.
24. En effet, le recours exercé par M. [T] à l'encontre de la décision de refus de modification de son contrôle judiciaire par le procureur européen délégué n'a pas été examiné par le juge des libertés et de la détention, de sorte que la chambre de l'instruction est incompétente pour en connaître.
25. Il s'ensuit que l'annulation est encourue de ce chef.
Portée et conséquences de l'annulation
26. L'arrêt de la chambre de l'instruction étant annulé, il y a lieu d'ouvrir à M.[T] un délai de quarante-huit heures, à compter de la notification du présent arrêt, pour saisir le juge des libertés et de la détention compétent pour statuer sur l'ordonnance du procureur européen délégué ayant refusé la mainlevée de son contrôle judiciaire.
27. Il n'y a pas lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 20 février 2025 ;
DIT que M. [T] dispose d'un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de la présente décision pour saisir le juge des libertés et de la détention ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille vingt-cinq.
N° 01461
ODVS
14 OCTOBRE 2025
ANNULATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 14 OCTOBRE 2025
M. [U] [T] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 2e section, en date du 20 février 2025, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de fausses déclarations ou manuvres ayant pour but d'obtenir un avantage indu, blanchiment, en bande organisée, blanchiment douanier, blanchiment aggravé, a confirmé l'ordonnance du procureur européen délégué prononçant sur sa demande de mainlevée du contrôle judiciaire.
Un mémoire personnel a été produit.
Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, et les conclusions de Mme Gulphe-Berbain, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 octobre 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Pradel, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces soumises à l'examen de la Cour de cassation ce qui suit.
2. Dans le cadre d'une enquête menée par le procureur européen délégué relative à des suspicions de non règlements de droits anti-dumping et droits compensateurs lors d'importations, en provenance de Chine, de pièces détachées de vélos à assistance électrique, lesquelles étaient ensuite assemblées en France par le groupe [1] (renommé [3] en 2022), par l'intermédiaire de la société [2], M. [U] [T], représentant de cette société, a été mis en examen le 25 octobre 2023.
3. Par ordonnance du même jour, M. [T] a été placé sous contrôle judiciaire.
4. Il a présenté le 24 décembre 2024 une demande de mainlevée totale du contrôle judiciaire.
5. Par ordonnance du 27 décembre 2024, notifiée le même jour, le procureur européen délégué a rejeté cette demande.
6. Le 30 décembre 2024, M. [T] a interjeté appel de cette décision
Examen des moyens
Sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen est pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme.
8. Le moyen critique l'arrêt ataqué en ce qu'il a rejeté les moyens de nullité de l'ordonnance de refus de mainlevée du contrôle judiciaire, alors que toute atteinte à une liberté doit être prise sous le contrôle d'un juge impartial ; que le droit à un tribunal impartial prévoit que nul ne peut être juge et partie ; que le principe d'impartialité se distingue du principe d'indépendance, et que la seule garantie d'indépendance ne suffit pas à pallier un manque d'impartialité ; que, malgré son indépendance vis-à-vis de l'exécutif et des États membres de l'Union européenne dans lesquels il exerce sa compétence, le procureur européen délégué n'en demeure pas moins l'autorité poursuivante ; qu'il s'en déduit que le procureur européen délégué est partie à la procédure et ne peut donc pas être impartial.
Réponse de la Cour
9. En premier lieu, les mesures restrictives de liberté, dont la personne suspectée ou poursuivie peut faire l'objet dans le cadre des dispositions de l'article 696-119 du code de procédure pénale, sont prises sur décision du procureur européen délégué, lequel est une autorité judiciaire, agissant dans l'intérêt de l'Union dans son ensemble.
10. En deuxième lieu, cette autorité, en vertu de l'article 5 du règlement (UE) n° 2017/1939, mène ses enquêtes de façon impartiale, sans pouvoir solliciter ou accepter d'instructions d'aucune personne extérieure au parquet européen, et recueille tous les éléments de preuve pertinents, aussi bien à charge qu'à décharge.
11. Enfin, l'article 696-119 du code de procédure pénale n'a ni pour objet ni pour effet de confier à ce magistrat en charge de l'action publique des fonctions de jugement. Il ne peut notamment statuer sur une contestation des décisions qu'il a prises.
12. Dès lors, le moyen, pris de l'atteinte au principe d'impartialité, ne peut qu'être écarté.
Mais sur le cinquième moyen
Enoncé du moyen
13. Le moyen est pris de la violation des articles 61-1 et 62 de la Constitution et de l'article 591 du code de procédure pénale.
14. Le moyen vise à tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel, en ce que les dispositions de l'article 696-119 du code de procédure pénale doivent être interprétées comme ouvrant le droit à la personne, dont le contrôle judiciaire est maintenu ou modifié par une décision du procureur européen délégué, de contester cette décision devant le juge des libertés et de la détention dans les mêmes conditions qu'une décision de placement sous contrôle judiciaire, de sorte que l'arrêt attaqué, qui a rejeté les moyens de nullité de l'ordonnance de refus de mainlevée du contrôle judiciaire, doit être annulé.
Réponse de la Cour
Vu les articles 62 de la Constitution et 696-119 du code de procédure pénale, tel qu'interprété par la décision du Conseil constitutionnel n° 2025-1153 QPC du 30 juillet 2025 :
15. Selon le premier de ces textes, les décisions du Conseil constitutionnel s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles.
16. La Cour de cassation a renvoyé au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité à la Constitution des dispositions de l'article 696-119 du code de procédure pénale, en ce que le procureur européen délégué est compétent pour ajouter, supprimer, modifier les obligations du contrôle judiciaire et statuer sur sa mainlevée alors qu'il est la partie poursuivante.
17. Par décision du 30 juillet 2025, (Cons. const., 30 juillet 2025, décision n° 2025-1153 QPC), le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution les dispositions de l'article 696-119 du code de procédure pénale.
18. Il a toutefois jugé, par une réserve d'interprétation, que ces dispositions doivent être interprétées comme ouvrant également le droit à la personne dont le contrôle judiciaire est maintenu ou modifié par une décision du procureur européen délégué de contester cette décision devant le juge des libertés et de la détention dans les mêmes conditions qu'une décision de placement sous contrôle judiciaire, la décision de ce juge pouvant faire l'objet d'un appel devant la chambre de l'instruction.
19. Dans les décisions rendues le 25 mars 2011 (Cons. const., 25 mars 2011, décisions n° 2010-108 QPC et n° 2010-110 QPC), le Conseil constitutionnel a jugé qu'en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et que la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, que ce n'est que par exception que les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration.
20. Les réserves d'interprétation, dont une décision du Conseil constitutionnel assortit la déclaration de conformité à la Constitution d'une disposition législative, sont revêtues de l'autorité absolue de chose jugée. Il s'ensuit que, sauf si le Conseil constitutionnel a modulé les effets dans le temps d'une réserve d'interprétation, le principe de l'applicabilité immédiate aux contentieux en cours de la décision du Conseil constitutionnel s'applique aux décisions de conformité de celui-ci comportant une réserve d'interprétation.
21. En l'espèce, pour rejeter le moyen de nullité de l'ordonnance du procureur européen délégué de refus de mainlevée du contrôle judiciaire de M. [T], prise de l'atteinte portée au droit à un recours juridictionnel effectif, l'arrêt attaqué énonce que les dispositions du code de procédure pénale offrent à la personne placée sous contrôle judiciaire la possibilité de faire appel, devant la chambre de l'instruction, des décisions du procureur européen délégué portant sur les modifications ou les mainlevées des obligations du contrôle judiciaire et que, si le délai dans lequel la chambre de l'instruction doit statuer en la matière est fixé par les dispositions de l'article 194 du code de procédure pénale à deux mois, il ne saurait être soutenu pour autant que la durée de ce délai priverait la personne placée sous contrôle judiciaire d'un recours effectif.
22. Les juges ajoutent que ce délai de deux mois est le même, que la décision querellée ait été prise par un juge d'instruction ou un procureur européen délégué, et que, si ce délai n'est pas celui de soixante-douze heures fixé par les disposition de l'article 696-119 s'agissant du recours contre une décision de placement sous contrôle judiciaire, il existe une différence de niveau et de nature entre la décision de placement sous contrôle judiciaire et les décisions portant sur les modalités d'exécution de cette mesure.
23. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel et les principes ci-dessus énoncés.
24. En effet, le recours exercé par M. [T] à l'encontre de la décision de refus de modification de son contrôle judiciaire par le procureur européen délégué n'a pas été examiné par le juge des libertés et de la détention, de sorte que la chambre de l'instruction est incompétente pour en connaître.
25. Il s'ensuit que l'annulation est encourue de ce chef.
Portée et conséquences de l'annulation
26. L'arrêt de la chambre de l'instruction étant annulé, il y a lieu d'ouvrir à M.[T] un délai de quarante-huit heures, à compter de la notification du présent arrêt, pour saisir le juge des libertés et de la détention compétent pour statuer sur l'ordonnance du procureur européen délégué ayant refusé la mainlevée de son contrôle judiciaire.
27. Il n'y a pas lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 20 février 2025 ;
DIT que M. [T] dispose d'un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de la présente décision pour saisir le juge des libertés et de la détention ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille vingt-cinq.