CA Paris, Pôle 5 - ch. 1, 8 octobre 2025, n° 24/11279
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 1
ARRÊT DU 08 OCTOBRE 2025
(n° 138/2025, 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/11279 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJUFC (suite au rétablissement de l'instance initialement enregistrée sous le N° RG 21/15206 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEHZQ)
Décision déférée à la Cour : jugement du 09 juillet 2021 du tribunal judiciaire de Paris - RG n° 20/02518
APPELANTES
COMPTINES TV
Société à responsabilité limitée immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Laroche-Sur-Yon sous le n° 820 312 569, agissant en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social situé
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée en tant qu'avocat constitué par Me Bruno MARGUET, avocat au barreau de PARIS, toque J84
Ayant pour avocat plaidant Me Jean-Michel MILOCHAU, avocat au barreau de LA ROCHE SUR YON
ZYLO
Société par actions simplifiée unipersonnelle immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le n° 432 450 666, agissant en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social situé
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentée en tant qu'avocat constitué et plaidant par la SELARL CHALOUPECKY HASENOHRLOVA-SILVAIN, avocats au barreau de PARIS, toque J9
Ayant pour avocat plaidant Me Philippe BOUILLET, avocat au barreau de PARIS, toque J9
INTIMÉES
COMPTINES TV
Société à responsabilité limitée immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Laroche-Sur-Yon sous le n° 820 312 569, agissant en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social situé
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée en tant qu'avocat constitué par Me Bruno MARGUET, avocat au barreau de PARIS, toque J84
Ayant pour avocat plaidant Me Jean-Michel MILOCHAU, avocat au barreau de LA ROCHE SUR YON
ZYLO
Société par actions simplifiée unipersonnelle immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le n° 432 450 666, agissant en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social situé
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentée en tant qu'avocat constitué et plaidant par la SELARL CHALOUPECKY HASENOHRLOVA-SILVAIN, avocats au barreau de PARIS, toque J9
Ayant pour avocat plaidant Me Philippe BOUILLET, avocat au barreau de PARIS, toque J9
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 septembre 2025, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre, et Mme Françoise BARUTEL, conseillère chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.
Mmes Isabelle DOUILLET et Françoise BARUTEL ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
- Mme Isabelle DOUILLET, présidente,
- Mme Françoise BARUTEL, conseillère,
- Mme Déborah BOHEE, conseillère.
Greffier lors des débats : M. Soufiane HASSAOUI
ARRÊT :
contradictoire ;
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
signé par Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre, et par M. Soufiane HASSAOUI, greffier présent lors de la mise à disposition et auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
La société Zylo se présente comme un producteur et un distributeur d''uvres audiovisuelles.
La société Jacky Boy Music a produit, courant 1999, un coffret de quatre CD intitulé « les 100 plus belles chansons et mélodies d'enfants » dont les arrangements musicaux ont été confiés à [R] [F] et la distribution à la société Virgin France.
Dans le cadre d'un contrat de licence conclu le 31 octobre 2003, puis d'une cession de droits conclue le 18 novembre 2005, la société K France a édité, entre 2003 et 2005, plusieurs DVD reprenant ces chansons et mélodies sous la forme de clips vidéo Karaoké.
Par un contrat en date du 1er février 2011, la société K France a ensuite consenti à la société Bvrc une licence d'exploitation dématérialisée des contenus de ces DVD pour une durée de 7 ans et 11 mois, dans le cadre d'exploitations commerciales sur des sites web, en téléchargement, en streaming via Dailymotion et YouTube notamment.
Le 1er novembre 2011, la société Bvrc a consenti à M. [Y] [L] une licence d'exploitation du contenu de ces DVD sur Internet pour une durée limitée à 1 an et 1 mois.
Suite au placement en liquidation judiciaire de la société K France par ordonnance du tribunal de commerce de Paris du 22 mars 2016, la société Bvrc s'est portée acquéreur des droits immatériels afférents à 101 comptines françaises, 104 comptines anglaises et 21 contes, pour un prix de 3 749 euros, selon un « bordereau acquéreur » établi le 3 janvier 2017 par la SCP Morand, commissaire-priseur chargé de procéder à la vente par l'ordonnance du 20 mai 2016 du juge commissaire de la procédure de liquidation judiciaire de la société K France.
Par convention du 20 décembre 2017 intitulée « contrat de gestion des droits de diffusion d''uvres audiovisuelles sur les portails vidéo internet et mobile YouTube & Dailymotion » la société Bvrc a confié l'exploitation exclusive des DVD à la société Zylo pour une durée de 3 ans renouvelable par tacite reconduction.
Il est enfin exposé que M. [R] [F], la société Bvrc et la société Zylo ont conclu le 15 juillet 2018 un « Protocole d'accord » portant sur un accord de rémunération pour une durée de 20 ans, pour l'exploitation des 'uvres audiovisuelles tirées des CD « les 100 plus belles chansons et mélodies d'enfants », et que par courrier du 2 juillet 2020 ce contrat a été dénoncé par M. [R] [F].
Ayant constaté que M. [Y] [L] agissant seul, puis par l'intermédiaire de la société [Localité 7] Tv dont il est le gérant, exploitait, sur les plateformes YouTube et Dailymotion, plusieurs des enregistrements litigieux, malgré l'expiration de la licence consentie le 1er novembre 2011, ce qu'elle a fait constater par huissier de justice les 29 mai et 3 juin 2019, la société Zylo les a vainement mis en demeure d'avoir à cesser leurs agissements.
C'est dans ce contexte que par acte d'huissier en date du 11 avril 2019, elle a assigné la société [Localité 7] Tv devant le tribunal commerce de La Roche sur Yon, lequel a, par jugement du 26 novembre 2019 pris acte de son désistement d'instance.
Suivant acte signifié le 2 mars 2020, la société Zylo a ensuite fait assigner la société [Localité 7] Tv devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de droits d'auteur.
Par jugement contradictoire rendu le 9 juillet 2021, dont appel, le tribunal judiciaire de Paris a :
déclaré irrecevable la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée ;
dit que la société Zylo bénéficie de la protection par le droit voisin de producteur à compter du 20 décembre 2017 sur les vidéos issues des CD intitulés « les 100 plus belles chansons et mélodies d'enfants » ;
dit qu'en diffusant sur les sites YouTube et Dailymotion ces vidéos sans en avoir préalablement obtenu l'autorisation, la société [Localité 7] Tv a porté atteinte aux droits de la société Zylo ;
fait interdiction à la société [Localité 7] Tv de poursuivre la diffusion de ces vidéos sous astreinte de 500 euros par jour après l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la signification de la présente décision ;
débouté la société Zylo de sa demande d'information ;
condamné la société [Localité 7] à payer à la société Zylo une somme de 30 000 euros en réparation du préjudice subi ;
condamné la société [Localité 7] Tv à payer à la société Zylo une somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la société [Localité 7] Tv aux dépens ;
ordonné l'exécution provisoire.
La société Zylo a interjeté appel le 3 août 2021. De son côté la société [Localité 7] Tv a interjeté appel. Par ordonnance du 14 juin 2022, les deux procédures ont été jointes sous le n° RG 21/15206.
Par jugement du 5 juillet 2022, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire des Sables d'Olonne a liquidé l'astreinte provisoire et a notamment condamné la société [Localité 7] Tv à payer à la société Zylo la somme de 63 000 euros. Par arrêt du 23 mai 2023, la cour d'appel de Poitiers a infirmé le jugement en toutes ses dispositions au motif de l'absence d'éléments permettant de comparer le contenu des titres retenus avec les vidéos provenant des CD intitulés « Les 100 plus belles chansons et mélodies d'enfants ».
Par message Rpva du 9 octobre 2023, la société Zylo a sollicité le retrait du rôle, et par message Rpva du 10 octobre 2023, la société [Localité 7] Tv s'est associée à cette demande. Par ordonnance du 21 novembre 2023, le retrait de l'affaire du rôle a été ordonné.
Par message Rpva du 2 juillet 2024, la société Zylo a demandé la réinscription de l'affaire au rôle. L'affaire a été rétablie sous le n° RG 24/11279.
Dans ses dernières conclusions numérotées 4, transmises le 10 mars 2025, la société Zylo demande à la cour de :
recevoir la société ZYLO SAS en son appel, ses demandes, fins et prétentions et de l'EN DECLARER bien fondée.
dire la société [Localité 7] TV non fondée en son appel, ses demandes, fins et prétentions, et l'en débouter.
infirmer le jugement rendu le 9 juillet 2021 par le Tribunal Judiciaire de Paris en ce qu'il :
dit que la société ZYLO bénéficie de la protection par le droit voisin de producteur à compter du 20 décembre 2017 sur les vidéos issues des CD intitulés « les 100 plus belles chansons et mélodies d'enfants » ;
dit qu'en diffusant sur les sites Youtube et Dailymotion ces vidéos sans en avoir préalablement obtenu l'autorisation, la société [Localité 7] TV a porté atteinte aux droits de la société ZYLO ;
fait interdiction à la société [Localité 7] TV de poursuivre la diffusion de ces vidéos sous astreinte de 500 euros par jour après l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la signification de la présente décision ;
déboute la société ZYLO de sa demande d'information ;
condamne la société [Localité 7] TV à payer à la société ZYLO une somme de 30 000 euros en réparation du préjudice subi ;
condamne la société [Localité 7] TV à payer à la société ZYLO une somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
confirmer le jugement rendu le 9 juillet 2021 par le Tribunal Judiciaire de Paris pour le reste.
et statuant à nouveau :
à titre principal :
dire que la société ZYLO bénéficie de la protection par le droit voisin de producteur à compter du 20 décembre 2017 sur les vidéos issues des DVD intitulés « les 100 plus belles chansons et mélodies d'enfants » en langue française et en langue anglaise correspondant au CATALOGUE constitué d'un ensemble d'enregistrements audiovisuels de chansons et comptines pour enfants en langue française et anglaise sous forme de Karaoké (« Mes premières chansons en dessins animés (100 titres) » et « My first animated songs (100 titres)»,;
dire qu'en diffusant sur les sites Youtube et Dailymotion ces vidéos sans en avoir préalablement obtenu l'autorisation, la société [Localité 7] TV a porté atteinte aux droits de la société ZYLO sur les titres « les 100 plus belles chansons et mélodies d'enfants » en langue française et en langue anglaise (CATALOGUE) ;
faire injonction à la société SARL [Localité 7] TV de cesser la diffusion des vidéogrammes litigieux, à savoir Le CATALOGUE constitué d'un ensemble d'enregistrements audiovisuels de chansons et comptines pour enfants en langue française et anglaise sous forme de Karaoké (« Mes premières chansons en dessins animés (100 titres) » et « My first animated songs (100 titres)», sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;
allouer à la société ZYLO la somme de 7 000 € au titre de l'article 700 du CPC en première instance ;
renvoyer l'affaire à une audience ultérieure pour statuer sur le montant du préjudice de la demanderesse définitivement.
ordonner à la société SARL [Localité 7] TV de produire tous les états de redevances qu'elle a pu percevoir au titre de la diffusion des vidéogrammes litigieux constatée dans les procès-verbaux de constat de Me [Z] [B] des 29 mai 2019, 3 juin 2019, 17 décembre 2021 et 15 décembre 2022 ainsi que les bilans comptables certifiés de la S.A.R.L. [Localité 7] TV des exercices 2011 à 2023 inclus ainsi que les relevés de redevances perçues des sociétés YOUTUBE et DAILY MOTION de janvier 2011 à novembre 2024 inclus au titre de ses publications;
allouer à la société ZYLO une provision sur son préjudice d'un montant de 150 000 € ;
à titre subsidiaire, pour le cas où la Cour s'estimerait suffisamment informée pour apprécier l'étendue du préjudice de la société ZYLO :
condamner la société SARL [Localité 7] TV à payer à la société ZYLO la somme de 300 000 € en réparation du préjudice subi incluant celui résultant de la diffusion des vidéogrammes litigieux, à savoir Le CATALOGUE constitué d'un ensemble d'enregistrements audiovisuels de chansons et comptines pour enfants en langue française et anglaise ;
y ajoutant :
condamner la société SARL [Localité 7] TV à payer à la société ZYLO la somme de 7 000 € en application de l'article 700 du cpc en cause d'appel ;
condamner la société SARL [Localité 7] TV aux dépens d'appel dont distraction au profit de la SELARL CHALOUPECKY HASENOHRLOVA- SILVAIN, Avocats au Barreau de PARIS - [Adresse 3] ;
Dans ses dernières conclusions numérotées 3, transmises le 31 mars 2025, la société [Localité 7] Tv demande à la cour de :
recevoir la SARL [Localité 7] TV en ses écritures et de la déclarer bien fondée.
infirmer le Jugement rendu le 9 Juillet 2021 par le Tribunal Judiciaire de Paris en ce qu'il :
dit que la SAS ZYLO bénéficie de la protection par le droit voisin de producteur à compter du 20 décembre 2017 sur les vidéos issues des CD intitulés « les 100 plus belles chansons et mélodies d'enfants » ;
dit qu'en diffusant sur les sites Youtube et Dailymotion ces vidéos sans en avoir préalablement obtenu l'autorisation, la SARL [Localité 7] TV a porté atteinte aux droits de la SAS ZYLO ;
fait interdiction à la SARL [Localité 7] TV de poursuivre la diffusion de ces vidéos sous astreinte de 500 euros par jour après l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la signification de la présente décision ;
condamne la SARL [Localité 7] TV à payer à la SAS ZYLO une somme de 30 000 euros en réparation du préjudice subi ;
condamne la SARL [Localité 7] TV à payer à la SAS ZYLO une somme de 7000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
condamne la SARL [Localité 7] TV aux dépens ;
ordonne l'exécution provisoire.
et statuant à nouveau :
à titre principal :
réformer et annuler en toutes ses dispositions, le Jugement rendu le 9 Juillet 2021 par le Tribunal Judiciaire de Paris
débouter la SAS ZYLO de l'ensemble de ces conclusions fins et prétentions.
y ajoutant :
condamner la SAS ZYLO à payer à la SARL [Localité 7] la somme de 7 000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel ;
condamner la SAS ZYLO aux dépens d'appel dont distraction au profit de Maitre Bruno MAGUET, Avocat au Barreau de PARIS sis [Adresse 2]
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 8 avril 2025.
La société [Localité 7] Tv a sollicité la révocation de l'ordonnance de clôture le 8 septembre 2025 afin de verser au débat l'ordonnance rendue le 7 juillet 2025 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lyon, ordonnance produite selon bordereau de communication de pièces joint. A l'audience, la cour, constatant l'accord de la société Zylo pour révoquer l'ordonnance de clôture afin de recevoir la pièce versée, a révoqué l'ordonnance de clôture prononcée le 8 avril 2025, déclaré recevable ladite ordonnance du juge de la mise en état de [Localité 8] versée à la procédure, et a prononcé la clôture au jour de l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.
Sur le chef du jugement non contesté en appel
La cour constate que le jugement n'est pas contesté en ce qu'il a déclaré irrecevable la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée.
Sur la titularité des droits voisins de la société Zylo
La société [Localité 7] Tv prétend en substance que la société Zylo ne détient pas les droits d'exploitation des vidéogrammes litigieux ; qu'en application de l'article L. 132-30 du code de la propriété intellectuelle, la cession globale des 'uvres audiovisuelles est nulle afin, notamment, de permettre aux auteurs une meilleure lisibilité des transferts envisagés ; que le liquidateur a l'obligation d'aviser, à peine de nullité, chacun des auteurs et des coproducteurs de l''uvre par lettre recommandée, un mois avant toute décision sur la cession ou toute procédure de licitation ; que lors de la cession des droits à la société Bvrc, le liquidateur n'a pas réalisé de lots distincts pour chacune des 'uvres (101 comptines françaises, 104 comptines anglaises et 21 contes), et n'a pas informé les auteurs ([R] [F], [M] [D] et [E] [C], entre autres), de cette cession par lettre recommandée ; que la cession globale est donc nulle et en conséquence le contrat de gestion entre la société Bvrc et la société Zylo en date du 20 décembre 2017 est sans objet ; qu'en outre la société Zylo se fonde sur un contrat de gestion avec la société Bvrc pour justifier de ses droits, alors qu'il résulte d'un procès-verbal d'assemblée générale de cette société du 26 décembre 2022 qu'elle a fait l'objet d'une liquidation.
La société Zylo fait valoir pour l'essentiel qu'elle a démontré l'origine de ses droits ; que la société Bvrc a acquis auprès du liquidateur la propriété des droits portant sur la totalité du catalogue ; qu'elle produit le protocole d'accord signé le 15 février 2018, dont le préambule résume la genèse du catalogue litigieux ; que la société [Localité 7] Tv, qui ne conteste pas la diffusion massive du catalogue sans l'autorisation de la société Zylo, n'expose pas à quel titre elle exploite ledit catalogue.
Sur ce,
L'article L.215-1 du code de la propriété intellectuelle énonce : 'Le producteur de vidéogrammes est la personne, physique ou morale, qui a l'initiative et la responsabilité de la première fixation d'une séquence d'images sonorisée ou non.
L'autorisation du producteur de vidéogrammes est requise avant toute reproduction, mise à la disposition du public par la vente, l'échange ou le louage, ou communication au public de son vidéogramme.'
L'article L.132-30 alinéa 3 du code de la propriété intellectuelle, relatif au sort des contrats de production audiovisuelle en cas de procédure collective, dispose : « En cas de cession de tout ou partie de l'entreprise [de production audiovisuelle] ou de liquidation, l'administrateur, le débiteur, le liquidateur, selon le cas, est tenu d'établir un lot distinct pour chaque 'uvre audiovisuelle pouvant faire l'objet d'une cession ou d'une vente aux enchères. Il a l'obligation d'aviser, à peine de nullité, chacun des auteurs et des coproducteurs de l''uvre par lettre recommandée, un mois avant toute décision sur la cession ou toute procédure de licitation. (') ».
Il se déduit de cet article qu'en cas de cession de tout ou partie de l'entreprise de production audiovisuelle ou de sa liquidation, il doit être établi des lots distincts pour chaque 'uvre audiovisuelle pouvant faire l'objet d'une cession, ce qui fait obstacle à la cession globale de plusieurs 'uvres.
L'autorisation donnée par le juge-commissaire au mandataire liquidateur de sociétés de télévision de céder des droits afférents à des films, ne peut avoir pour effet d'écarter les règles impératives de l'article L. 132-30 du code de la propriété intellectuelle fixant les conditions de validité d'une cession portant sur des 'uvres audiovisuelles (Cass. 1ère Civ. 16 juillet 1997 95-13.334).
En l'espèce, la société Zylo fait valoir qu'elle tient ses droits sur les productions audiovisuelles litigieuses de la société Bvrc, selon convention du 20 décembre 2017, intitulée « contrat de gestion des droits de diffusion d''uvres audiovisuelles sur les portails vidéo internet et mobile YouTube & Dailymotion ».
Il résulte cependant du procès-verbal d'assemblée générale du 26 décembre 2022 de la société Bvrc qu'ont été décidées sa dissolution anticipée et sa mise en liquidation amiable à compter du 26 décembre 2022, la société Zylo, à qui la société Bvrc avait consenti un droit non exclusif d'exploitation des 'uvres audio-visuelles listées en annexe du « contrat de gestion de diffusion d''uvres audiovisuelles »du 20 décembre 2017, et ce pour une durée de trois ans renouvelable, restant taisante sur ce qu'il est advenu de ce contrat à la suite de la liquidation amiable de la société Bvrc.
En outre, la société Zylo fait valoir que la société Bvrc tenait elle-même ses droits de la cession de droit incorporels qui lui avait été consentie le 15 juin 2016, à la suite de la liquidation judiciaire de la société K France le 22 mars 2016, et conformément à l'ordonnance du juge-commissaire du 17 mai 2016.
La cour constate cependant qu'il n'est pas justifié de ce que les auteurs ont été avisés en application de l'article L.132-30 alinéa 3 susvisé, et qu'il a été procédé à une cession globale des 'uvres audiovisuelles détenues par la société K France, ce qui ne respecte pas les conditions de validité d'une cession portant sur des 'uvres audiovisuelles, étant au surplus observé que ledit contrat de cession stipule que « tous les contrats liant la société K France aux auteurs n'ayant pas été fournis par le gérant, le commissaire-priseur judiciaire n'a pu établir formellement ni la consistance exacte, ni la propriété, ni les conditions d'exploitation des 101 comptines françaises, 104 comptines anglaises et 21 contes, sa responsabilité ne pouvant être mise en cause sur ces points ».
Il résulte des développements qui précèdent que la société Zylo ne justifie pas être titulaire de droits voisins de producteurs sur les 'uvres qu'elle invoque, de sorte que l'ensemble de ses demandes, fondées sur l'atteinte à ses droits voisins de producteur de vidéos, doit être rejeté, et que le jugement entrepris doit être infirmé en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Rejette l'ensemble des demandes de la société Zylo,
Condamne la société Zylo aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile, et vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à verser à ce titre, pour les frais irrépétibles de première instance et d'appel, une somme de 7 000 euros à la société [Localité 7] Tv.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 1
ARRÊT DU 08 OCTOBRE 2025
(n° 138/2025, 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/11279 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJUFC (suite au rétablissement de l'instance initialement enregistrée sous le N° RG 21/15206 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEHZQ)
Décision déférée à la Cour : jugement du 09 juillet 2021 du tribunal judiciaire de Paris - RG n° 20/02518
APPELANTES
COMPTINES TV
Société à responsabilité limitée immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Laroche-Sur-Yon sous le n° 820 312 569, agissant en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social situé
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée en tant qu'avocat constitué par Me Bruno MARGUET, avocat au barreau de PARIS, toque J84
Ayant pour avocat plaidant Me Jean-Michel MILOCHAU, avocat au barreau de LA ROCHE SUR YON
ZYLO
Société par actions simplifiée unipersonnelle immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le n° 432 450 666, agissant en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social situé
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentée en tant qu'avocat constitué et plaidant par la SELARL CHALOUPECKY HASENOHRLOVA-SILVAIN, avocats au barreau de PARIS, toque J9
Ayant pour avocat plaidant Me Philippe BOUILLET, avocat au barreau de PARIS, toque J9
INTIMÉES
COMPTINES TV
Société à responsabilité limitée immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Laroche-Sur-Yon sous le n° 820 312 569, agissant en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social situé
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée en tant qu'avocat constitué par Me Bruno MARGUET, avocat au barreau de PARIS, toque J84
Ayant pour avocat plaidant Me Jean-Michel MILOCHAU, avocat au barreau de LA ROCHE SUR YON
ZYLO
Société par actions simplifiée unipersonnelle immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le n° 432 450 666, agissant en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social situé
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentée en tant qu'avocat constitué et plaidant par la SELARL CHALOUPECKY HASENOHRLOVA-SILVAIN, avocats au barreau de PARIS, toque J9
Ayant pour avocat plaidant Me Philippe BOUILLET, avocat au barreau de PARIS, toque J9
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 septembre 2025, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre, et Mme Françoise BARUTEL, conseillère chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.
Mmes Isabelle DOUILLET et Françoise BARUTEL ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
- Mme Isabelle DOUILLET, présidente,
- Mme Françoise BARUTEL, conseillère,
- Mme Déborah BOHEE, conseillère.
Greffier lors des débats : M. Soufiane HASSAOUI
ARRÊT :
contradictoire ;
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
signé par Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre, et par M. Soufiane HASSAOUI, greffier présent lors de la mise à disposition et auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
La société Zylo se présente comme un producteur et un distributeur d''uvres audiovisuelles.
La société Jacky Boy Music a produit, courant 1999, un coffret de quatre CD intitulé « les 100 plus belles chansons et mélodies d'enfants » dont les arrangements musicaux ont été confiés à [R] [F] et la distribution à la société Virgin France.
Dans le cadre d'un contrat de licence conclu le 31 octobre 2003, puis d'une cession de droits conclue le 18 novembre 2005, la société K France a édité, entre 2003 et 2005, plusieurs DVD reprenant ces chansons et mélodies sous la forme de clips vidéo Karaoké.
Par un contrat en date du 1er février 2011, la société K France a ensuite consenti à la société Bvrc une licence d'exploitation dématérialisée des contenus de ces DVD pour une durée de 7 ans et 11 mois, dans le cadre d'exploitations commerciales sur des sites web, en téléchargement, en streaming via Dailymotion et YouTube notamment.
Le 1er novembre 2011, la société Bvrc a consenti à M. [Y] [L] une licence d'exploitation du contenu de ces DVD sur Internet pour une durée limitée à 1 an et 1 mois.
Suite au placement en liquidation judiciaire de la société K France par ordonnance du tribunal de commerce de Paris du 22 mars 2016, la société Bvrc s'est portée acquéreur des droits immatériels afférents à 101 comptines françaises, 104 comptines anglaises et 21 contes, pour un prix de 3 749 euros, selon un « bordereau acquéreur » établi le 3 janvier 2017 par la SCP Morand, commissaire-priseur chargé de procéder à la vente par l'ordonnance du 20 mai 2016 du juge commissaire de la procédure de liquidation judiciaire de la société K France.
Par convention du 20 décembre 2017 intitulée « contrat de gestion des droits de diffusion d''uvres audiovisuelles sur les portails vidéo internet et mobile YouTube & Dailymotion » la société Bvrc a confié l'exploitation exclusive des DVD à la société Zylo pour une durée de 3 ans renouvelable par tacite reconduction.
Il est enfin exposé que M. [R] [F], la société Bvrc et la société Zylo ont conclu le 15 juillet 2018 un « Protocole d'accord » portant sur un accord de rémunération pour une durée de 20 ans, pour l'exploitation des 'uvres audiovisuelles tirées des CD « les 100 plus belles chansons et mélodies d'enfants », et que par courrier du 2 juillet 2020 ce contrat a été dénoncé par M. [R] [F].
Ayant constaté que M. [Y] [L] agissant seul, puis par l'intermédiaire de la société [Localité 7] Tv dont il est le gérant, exploitait, sur les plateformes YouTube et Dailymotion, plusieurs des enregistrements litigieux, malgré l'expiration de la licence consentie le 1er novembre 2011, ce qu'elle a fait constater par huissier de justice les 29 mai et 3 juin 2019, la société Zylo les a vainement mis en demeure d'avoir à cesser leurs agissements.
C'est dans ce contexte que par acte d'huissier en date du 11 avril 2019, elle a assigné la société [Localité 7] Tv devant le tribunal commerce de La Roche sur Yon, lequel a, par jugement du 26 novembre 2019 pris acte de son désistement d'instance.
Suivant acte signifié le 2 mars 2020, la société Zylo a ensuite fait assigner la société [Localité 7] Tv devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de droits d'auteur.
Par jugement contradictoire rendu le 9 juillet 2021, dont appel, le tribunal judiciaire de Paris a :
déclaré irrecevable la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée ;
dit que la société Zylo bénéficie de la protection par le droit voisin de producteur à compter du 20 décembre 2017 sur les vidéos issues des CD intitulés « les 100 plus belles chansons et mélodies d'enfants » ;
dit qu'en diffusant sur les sites YouTube et Dailymotion ces vidéos sans en avoir préalablement obtenu l'autorisation, la société [Localité 7] Tv a porté atteinte aux droits de la société Zylo ;
fait interdiction à la société [Localité 7] Tv de poursuivre la diffusion de ces vidéos sous astreinte de 500 euros par jour après l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la signification de la présente décision ;
débouté la société Zylo de sa demande d'information ;
condamné la société [Localité 7] à payer à la société Zylo une somme de 30 000 euros en réparation du préjudice subi ;
condamné la société [Localité 7] Tv à payer à la société Zylo une somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la société [Localité 7] Tv aux dépens ;
ordonné l'exécution provisoire.
La société Zylo a interjeté appel le 3 août 2021. De son côté la société [Localité 7] Tv a interjeté appel. Par ordonnance du 14 juin 2022, les deux procédures ont été jointes sous le n° RG 21/15206.
Par jugement du 5 juillet 2022, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire des Sables d'Olonne a liquidé l'astreinte provisoire et a notamment condamné la société [Localité 7] Tv à payer à la société Zylo la somme de 63 000 euros. Par arrêt du 23 mai 2023, la cour d'appel de Poitiers a infirmé le jugement en toutes ses dispositions au motif de l'absence d'éléments permettant de comparer le contenu des titres retenus avec les vidéos provenant des CD intitulés « Les 100 plus belles chansons et mélodies d'enfants ».
Par message Rpva du 9 octobre 2023, la société Zylo a sollicité le retrait du rôle, et par message Rpva du 10 octobre 2023, la société [Localité 7] Tv s'est associée à cette demande. Par ordonnance du 21 novembre 2023, le retrait de l'affaire du rôle a été ordonné.
Par message Rpva du 2 juillet 2024, la société Zylo a demandé la réinscription de l'affaire au rôle. L'affaire a été rétablie sous le n° RG 24/11279.
Dans ses dernières conclusions numérotées 4, transmises le 10 mars 2025, la société Zylo demande à la cour de :
recevoir la société ZYLO SAS en son appel, ses demandes, fins et prétentions et de l'EN DECLARER bien fondée.
dire la société [Localité 7] TV non fondée en son appel, ses demandes, fins et prétentions, et l'en débouter.
infirmer le jugement rendu le 9 juillet 2021 par le Tribunal Judiciaire de Paris en ce qu'il :
dit que la société ZYLO bénéficie de la protection par le droit voisin de producteur à compter du 20 décembre 2017 sur les vidéos issues des CD intitulés « les 100 plus belles chansons et mélodies d'enfants » ;
dit qu'en diffusant sur les sites Youtube et Dailymotion ces vidéos sans en avoir préalablement obtenu l'autorisation, la société [Localité 7] TV a porté atteinte aux droits de la société ZYLO ;
fait interdiction à la société [Localité 7] TV de poursuivre la diffusion de ces vidéos sous astreinte de 500 euros par jour après l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la signification de la présente décision ;
déboute la société ZYLO de sa demande d'information ;
condamne la société [Localité 7] TV à payer à la société ZYLO une somme de 30 000 euros en réparation du préjudice subi ;
condamne la société [Localité 7] TV à payer à la société ZYLO une somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
confirmer le jugement rendu le 9 juillet 2021 par le Tribunal Judiciaire de Paris pour le reste.
et statuant à nouveau :
à titre principal :
dire que la société ZYLO bénéficie de la protection par le droit voisin de producteur à compter du 20 décembre 2017 sur les vidéos issues des DVD intitulés « les 100 plus belles chansons et mélodies d'enfants » en langue française et en langue anglaise correspondant au CATALOGUE constitué d'un ensemble d'enregistrements audiovisuels de chansons et comptines pour enfants en langue française et anglaise sous forme de Karaoké (« Mes premières chansons en dessins animés (100 titres) » et « My first animated songs (100 titres)»,;
dire qu'en diffusant sur les sites Youtube et Dailymotion ces vidéos sans en avoir préalablement obtenu l'autorisation, la société [Localité 7] TV a porté atteinte aux droits de la société ZYLO sur les titres « les 100 plus belles chansons et mélodies d'enfants » en langue française et en langue anglaise (CATALOGUE) ;
faire injonction à la société SARL [Localité 7] TV de cesser la diffusion des vidéogrammes litigieux, à savoir Le CATALOGUE constitué d'un ensemble d'enregistrements audiovisuels de chansons et comptines pour enfants en langue française et anglaise sous forme de Karaoké (« Mes premières chansons en dessins animés (100 titres) » et « My first animated songs (100 titres)», sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;
allouer à la société ZYLO la somme de 7 000 € au titre de l'article 700 du CPC en première instance ;
renvoyer l'affaire à une audience ultérieure pour statuer sur le montant du préjudice de la demanderesse définitivement.
ordonner à la société SARL [Localité 7] TV de produire tous les états de redevances qu'elle a pu percevoir au titre de la diffusion des vidéogrammes litigieux constatée dans les procès-verbaux de constat de Me [Z] [B] des 29 mai 2019, 3 juin 2019, 17 décembre 2021 et 15 décembre 2022 ainsi que les bilans comptables certifiés de la S.A.R.L. [Localité 7] TV des exercices 2011 à 2023 inclus ainsi que les relevés de redevances perçues des sociétés YOUTUBE et DAILY MOTION de janvier 2011 à novembre 2024 inclus au titre de ses publications;
allouer à la société ZYLO une provision sur son préjudice d'un montant de 150 000 € ;
à titre subsidiaire, pour le cas où la Cour s'estimerait suffisamment informée pour apprécier l'étendue du préjudice de la société ZYLO :
condamner la société SARL [Localité 7] TV à payer à la société ZYLO la somme de 300 000 € en réparation du préjudice subi incluant celui résultant de la diffusion des vidéogrammes litigieux, à savoir Le CATALOGUE constitué d'un ensemble d'enregistrements audiovisuels de chansons et comptines pour enfants en langue française et anglaise ;
y ajoutant :
condamner la société SARL [Localité 7] TV à payer à la société ZYLO la somme de 7 000 € en application de l'article 700 du cpc en cause d'appel ;
condamner la société SARL [Localité 7] TV aux dépens d'appel dont distraction au profit de la SELARL CHALOUPECKY HASENOHRLOVA- SILVAIN, Avocats au Barreau de PARIS - [Adresse 3] ;
Dans ses dernières conclusions numérotées 3, transmises le 31 mars 2025, la société [Localité 7] Tv demande à la cour de :
recevoir la SARL [Localité 7] TV en ses écritures et de la déclarer bien fondée.
infirmer le Jugement rendu le 9 Juillet 2021 par le Tribunal Judiciaire de Paris en ce qu'il :
dit que la SAS ZYLO bénéficie de la protection par le droit voisin de producteur à compter du 20 décembre 2017 sur les vidéos issues des CD intitulés « les 100 plus belles chansons et mélodies d'enfants » ;
dit qu'en diffusant sur les sites Youtube et Dailymotion ces vidéos sans en avoir préalablement obtenu l'autorisation, la SARL [Localité 7] TV a porté atteinte aux droits de la SAS ZYLO ;
fait interdiction à la SARL [Localité 7] TV de poursuivre la diffusion de ces vidéos sous astreinte de 500 euros par jour après l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la signification de la présente décision ;
condamne la SARL [Localité 7] TV à payer à la SAS ZYLO une somme de 30 000 euros en réparation du préjudice subi ;
condamne la SARL [Localité 7] TV à payer à la SAS ZYLO une somme de 7000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
condamne la SARL [Localité 7] TV aux dépens ;
ordonne l'exécution provisoire.
et statuant à nouveau :
à titre principal :
réformer et annuler en toutes ses dispositions, le Jugement rendu le 9 Juillet 2021 par le Tribunal Judiciaire de Paris
débouter la SAS ZYLO de l'ensemble de ces conclusions fins et prétentions.
y ajoutant :
condamner la SAS ZYLO à payer à la SARL [Localité 7] la somme de 7 000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel ;
condamner la SAS ZYLO aux dépens d'appel dont distraction au profit de Maitre Bruno MAGUET, Avocat au Barreau de PARIS sis [Adresse 2]
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 8 avril 2025.
La société [Localité 7] Tv a sollicité la révocation de l'ordonnance de clôture le 8 septembre 2025 afin de verser au débat l'ordonnance rendue le 7 juillet 2025 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lyon, ordonnance produite selon bordereau de communication de pièces joint. A l'audience, la cour, constatant l'accord de la société Zylo pour révoquer l'ordonnance de clôture afin de recevoir la pièce versée, a révoqué l'ordonnance de clôture prononcée le 8 avril 2025, déclaré recevable ladite ordonnance du juge de la mise en état de [Localité 8] versée à la procédure, et a prononcé la clôture au jour de l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.
Sur le chef du jugement non contesté en appel
La cour constate que le jugement n'est pas contesté en ce qu'il a déclaré irrecevable la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée.
Sur la titularité des droits voisins de la société Zylo
La société [Localité 7] Tv prétend en substance que la société Zylo ne détient pas les droits d'exploitation des vidéogrammes litigieux ; qu'en application de l'article L. 132-30 du code de la propriété intellectuelle, la cession globale des 'uvres audiovisuelles est nulle afin, notamment, de permettre aux auteurs une meilleure lisibilité des transferts envisagés ; que le liquidateur a l'obligation d'aviser, à peine de nullité, chacun des auteurs et des coproducteurs de l''uvre par lettre recommandée, un mois avant toute décision sur la cession ou toute procédure de licitation ; que lors de la cession des droits à la société Bvrc, le liquidateur n'a pas réalisé de lots distincts pour chacune des 'uvres (101 comptines françaises, 104 comptines anglaises et 21 contes), et n'a pas informé les auteurs ([R] [F], [M] [D] et [E] [C], entre autres), de cette cession par lettre recommandée ; que la cession globale est donc nulle et en conséquence le contrat de gestion entre la société Bvrc et la société Zylo en date du 20 décembre 2017 est sans objet ; qu'en outre la société Zylo se fonde sur un contrat de gestion avec la société Bvrc pour justifier de ses droits, alors qu'il résulte d'un procès-verbal d'assemblée générale de cette société du 26 décembre 2022 qu'elle a fait l'objet d'une liquidation.
La société Zylo fait valoir pour l'essentiel qu'elle a démontré l'origine de ses droits ; que la société Bvrc a acquis auprès du liquidateur la propriété des droits portant sur la totalité du catalogue ; qu'elle produit le protocole d'accord signé le 15 février 2018, dont le préambule résume la genèse du catalogue litigieux ; que la société [Localité 7] Tv, qui ne conteste pas la diffusion massive du catalogue sans l'autorisation de la société Zylo, n'expose pas à quel titre elle exploite ledit catalogue.
Sur ce,
L'article L.215-1 du code de la propriété intellectuelle énonce : 'Le producteur de vidéogrammes est la personne, physique ou morale, qui a l'initiative et la responsabilité de la première fixation d'une séquence d'images sonorisée ou non.
L'autorisation du producteur de vidéogrammes est requise avant toute reproduction, mise à la disposition du public par la vente, l'échange ou le louage, ou communication au public de son vidéogramme.'
L'article L.132-30 alinéa 3 du code de la propriété intellectuelle, relatif au sort des contrats de production audiovisuelle en cas de procédure collective, dispose : « En cas de cession de tout ou partie de l'entreprise [de production audiovisuelle] ou de liquidation, l'administrateur, le débiteur, le liquidateur, selon le cas, est tenu d'établir un lot distinct pour chaque 'uvre audiovisuelle pouvant faire l'objet d'une cession ou d'une vente aux enchères. Il a l'obligation d'aviser, à peine de nullité, chacun des auteurs et des coproducteurs de l''uvre par lettre recommandée, un mois avant toute décision sur la cession ou toute procédure de licitation. (') ».
Il se déduit de cet article qu'en cas de cession de tout ou partie de l'entreprise de production audiovisuelle ou de sa liquidation, il doit être établi des lots distincts pour chaque 'uvre audiovisuelle pouvant faire l'objet d'une cession, ce qui fait obstacle à la cession globale de plusieurs 'uvres.
L'autorisation donnée par le juge-commissaire au mandataire liquidateur de sociétés de télévision de céder des droits afférents à des films, ne peut avoir pour effet d'écarter les règles impératives de l'article L. 132-30 du code de la propriété intellectuelle fixant les conditions de validité d'une cession portant sur des 'uvres audiovisuelles (Cass. 1ère Civ. 16 juillet 1997 95-13.334).
En l'espèce, la société Zylo fait valoir qu'elle tient ses droits sur les productions audiovisuelles litigieuses de la société Bvrc, selon convention du 20 décembre 2017, intitulée « contrat de gestion des droits de diffusion d''uvres audiovisuelles sur les portails vidéo internet et mobile YouTube & Dailymotion ».
Il résulte cependant du procès-verbal d'assemblée générale du 26 décembre 2022 de la société Bvrc qu'ont été décidées sa dissolution anticipée et sa mise en liquidation amiable à compter du 26 décembre 2022, la société Zylo, à qui la société Bvrc avait consenti un droit non exclusif d'exploitation des 'uvres audio-visuelles listées en annexe du « contrat de gestion de diffusion d''uvres audiovisuelles »du 20 décembre 2017, et ce pour une durée de trois ans renouvelable, restant taisante sur ce qu'il est advenu de ce contrat à la suite de la liquidation amiable de la société Bvrc.
En outre, la société Zylo fait valoir que la société Bvrc tenait elle-même ses droits de la cession de droit incorporels qui lui avait été consentie le 15 juin 2016, à la suite de la liquidation judiciaire de la société K France le 22 mars 2016, et conformément à l'ordonnance du juge-commissaire du 17 mai 2016.
La cour constate cependant qu'il n'est pas justifié de ce que les auteurs ont été avisés en application de l'article L.132-30 alinéa 3 susvisé, et qu'il a été procédé à une cession globale des 'uvres audiovisuelles détenues par la société K France, ce qui ne respecte pas les conditions de validité d'une cession portant sur des 'uvres audiovisuelles, étant au surplus observé que ledit contrat de cession stipule que « tous les contrats liant la société K France aux auteurs n'ayant pas été fournis par le gérant, le commissaire-priseur judiciaire n'a pu établir formellement ni la consistance exacte, ni la propriété, ni les conditions d'exploitation des 101 comptines françaises, 104 comptines anglaises et 21 contes, sa responsabilité ne pouvant être mise en cause sur ces points ».
Il résulte des développements qui précèdent que la société Zylo ne justifie pas être titulaire de droits voisins de producteurs sur les 'uvres qu'elle invoque, de sorte que l'ensemble de ses demandes, fondées sur l'atteinte à ses droits voisins de producteur de vidéos, doit être rejeté, et que le jugement entrepris doit être infirmé en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Rejette l'ensemble des demandes de la société Zylo,
Condamne la société Zylo aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile, et vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à verser à ce titre, pour les frais irrépétibles de première instance et d'appel, une somme de 7 000 euros à la société [Localité 7] Tv.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE