CA Versailles, ch.protection soc. 4-7, 9 octobre 2025, n° 22/02626
VERSAILLES
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 88G
Ch.protection sociale 4-7
Renvoi après cassation
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 09 OCTOBRE 2025
N° RG 22/02626 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VMHU
AFFAIRE :
S.A. [5] VENANT AUX DROITS DE LA SOCIETE [7]
C/
[21]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Mars 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE
N° Section :
N° RG : 15-00781/N
Copies exécutoires délivrées à :
Me Delphine PANNETIER
[21]
Copies certifiées conformes délivrées à:
[21]
S.A. [5]
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE NEUF OCTOBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
DEMANDERESSE ayant saisi la cour d'appel de Versailles par déclaration enregistrée au greffe social le 28 juillet 2022 en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation du 02 juin 2022 cassant et annulant l'arrêt rendu le 10 septembre 2020 par la cour d'appel de Versailles
S.A. [5] VENANT AUX DROITS DE LA SOCIETE [7]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentant : Me Delphine PANNETIER de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocate au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 1701
****************
DEFENDEUR DEVANT LA COUR DE RENVOI
[21]
[Adresse 12]
[Localité 3]
Représentant : Madame [E] [J] (Représentant légal) en vertu d'un pouvoir général
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 26 Juin 2025, devant la cour composée de :
Madame Nathalie COURTOIS, Présidente,
Madame Charlotte MASQUART, Conseillère,
Madame Julie MOUTY-TARDIEU, Conseillère,
et que ces mêmes magistrats en ont délibéré conformément à la loi,
dans l'affaire,
Greffière, lors des débats et du prononcé : Madame Mélissa ESCARPIT
FAITS ET PROCÉDURE
La société [7] a fait l'objet d'un contrôle par les services de l'Urssaf [14] de l'application de la législation de sécurité sociale concernant la contribution couverture maladie universelle complémentaire ( CMU-C), devenue taxe de solidarité additionnelle aux cotisations d'assurance santé ([17]) au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012.
Une lettre d'observation datée du 12 novembre 2014 lui a été adressée et réceptionnée le 19 novembre 2014.
Elle portait sur trois chefs de redressement:
- chef de redressement n°1: assujettissement au versement de la CMU-C des primes afférentes aux contrats complémentaires 'frais de soins' conclus au bénéfice d'assurés travaillant à [Localité 15] mais résidant en France pour un montant de 202 554 euros de cotisations
- chef de redressement n°2: assujettissement au versement de la CMU-C des contrats complémentaires ' frais de santé' conclus au bénéfice d'assurés travaillant en Suisse mais résidant en France pour un montant de 1 069 303 euros
- chef de redressement n°3: assujettissement au versement de la CMU-C de contrats complémentaires ' frais de soins' conclus au bénéfice de 'non assujettis à un régime obligatoire' pour un montant de 59 824 euros.
soit un montant total de 1 331 681 euros.
Le 9 décembre 2014, la société a adressé ses observations et sollicité le réexamen de l'ensemble des points de redressement.
Le 12 décembre 2014, l'Urssaf [14] a maintenu les chefs de redressement mais a réévalué le chiffrage par l'ajustement de certains montants, ramenant le total à 1 331 632 euros.
Le 26 décembre 2014, l'Urssaf a mis en demeure la société de payer la somme précitée outre les majorations de retard de 222 223 euros soit un montant total de 1 553 855 euros.
Le 5 janvier 2015, la société [8] a réglé ces sommes à hauteur de 749 880 euros de contributions.
Le 16 janvier 2015, l'Urssaf a mis en demeure la société de payer la somme de 2 761 euros au titre des majorations de retard complémentaires.
Par requête du 22 janvier 2015, la société a saisi la commission de recours amiable aux fins de voir annuler la décision du 26 décembre 2014 et la mise en demeure du 16 janvier 2015 au motif que tous les chefs de redressement sont injustifiés.
Sur décision implicite de la commission, la société a saisi le 20 avril 2015 le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine pour les motifs précités.
Par jugement en date du 28 mars 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale a :
débouté la société [6] de sa demande de nullité de la décision administrative émise à son encontre par le directeur de l'Urssaf [14] le 26 décembre 2014
annulé le chef de redressement n°1 suivant lettre d'observations du 12 novembre 2014 adressée à la société [6] par l'Urssaf [14]
maintenu les chefs de redressement n°2 et 3 suivant lettre d'observations du 12 novembre 2014 adressée à la société [6] par l'Urssaf [14]
condamné la société [6] à régler à l'Urssaf [14] la somme de 379 247 euros au titre des cotisations éludées pour les exercices 2011 et 2012, augmentée des majorations de retard dues sur cette somme en application de l'article R243-18 du code de la sécurité sociale
débouté la société de sa demande de remboursement de la somme de 581 752 euros dont elle indique s'être acquittée par erreur au titre des exercices 2011 et 2012
rejeté toute autre demande des parties
dit que chaque partie supportera la charge de ses frais irrépétibles
rejeté leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile
rappelé que la présente procédure est exempte de dépens.
Le 19 juin 2018, la société [7] a interjeté appel de la décision.
Par arrêt du 10 septembre 2020, la Cour d'appel de Versailles a:
Ordonné la jonction des procédures RG 18/02702 et RG 18/02714 sous la seule référence RG 18/02702
Confirmé le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine en date du 28 mars 2018 (15-00781/N) en ce qu'il a débouté la société [7] de sa demande de nullité de la décision administrative émise à son encontre par l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale d'Île-de-France le 26 décembre 2014 et annulé le chef de redressement n°1 suivant lettre d'observations du 12 novembre 2014 (assujettissement des primes afférentes au contrat 'complémentaire frais de soins' - assurés travaillant à Monaco ; redressement total de 202 554 euros)
Infirmé le jugement entrepris pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Annulé le chef de redressement n°2 suivant lettre d'observations du 12 novembre 2014 (assujettissement des primes au titre du contrat 'frais de santé' bénéficiant aux personnes travaillant en Suisse pour un total de 1 069 303 euros)
Annulé le chef de redressement n°3 suivant lettre d'observations du 12 novembre 2014 (assujettissement des primes afférentes au contrat bénéficiant aux personnes non assujetties à un régime obligatoire, pour un total de 59 824 euros)
Condamné l'[18] à rembourser à la société [7] la somme de 749 880 euros, en deniers ou quittances et ce, avec intérêt au taux légal à compter du 19 novembre 2015
Décidé en principe que l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale d'Île-de-France devra procéder, dans les meilleurs délais, à vérification des sommes effectivement réglées par la société [7] au regard des sommes que cette société devait régler pour les années 2011 et 2012
Renvoyé les parties à faire leurs comptes
Décidé que les sommes dont seraient redevables l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale d'Île-de-France à l'égard de la société [7] devraient porter intérêt au taux légal à compter du 19 novembre 2015
Condamné l'[18] aux dépens d'appel
Condamné l'[18] à payer à la société [7] une indemnité d'un montant de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Débouté l'[18] de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Débouté les parties de toute demande autre, plus ample ou contraire.
L'Urssaf [14] a formé un pourvoi en cassation.
Le 19 novembre 2021, la société [7] a changé de dénomination sociale pour devenir ' [5]' par assemblée générale extraordinaire.
Statuant sur le pourvoi formé, la Cour de cassation a, par arrêt du 2 juin 2022, cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 septembre 2020 sauf en ce qu'il ordonne la jonction des procédures, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles et a remis, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Versailles autrement composée, aux motifs suivants :
'Enoncé du premier moyen:
3. La société fait grief à l'arrêt d'annuler le chef de redressement nº 1, alors « que l'URSSAF ne recourt à la méthode de vérification par échantillonnage et extrapolation que si, limitant la vérification détaillée à un échantillon représentatif de la population concernée, elle procède à la constitution d'une base de sondage, au tirage d'un échantillon, à la vérification exhaustive de l'échantillon puis à l'extrapolation à l'ensemble de la population ayant servi de base à l'échantillon; que tel n'est pas le cas lorsque l'URSSAF, vérifiant l'assujettissement à la taxe de solidarité additionnelle des contrats de couverture complémentaire, ne procède à l'analyse que d'une partie seulement des contrats conclus par la société contrôlée, puis, ayant constaté que deux de ces contrats devaient être assujettis à la taxe, décide néanmoins d'assujettir l'ensemble des contrats conclus ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, par motifs propres et adoptés, que l'inspecteur du recouvrement n'avait pas examiné de manière exhaustive l'ensemble des contrats conclus par la société avec ses assurés mais uniquement quelques-uns, que parmi ces contrats examinés, il avait trouvé deux contrats signés par des clients résidant en France, et donc assujettis à la taxe de solidarité additionnelle, et qu'il avait pourtant soumis à cotisations l'ensemble des primes encaissées au titre de l'ensemble des contrats ; qu'en procédant de la sorte, l'URSSAF avait eu recours irrégulièrement à une méthode de contrôle par échantillonnage et extrapolation de sorte que le chef de redressement nº 1 devait être annulé, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article R. 243-59-2 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret nº 2007-546 du 11 avril 2007 applicable au litige. »
Réponse de la Cour:
Vu l'article R. 243-59-2 du code de la sécurité sociale :
4. Selon ce texte, les inspecteurs du recouvrement peuvent proposer à l'employeur d'utiliser les méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation, comportant la constitution d'une base de sondage, le tirage d'un échantillon, la vérification exhaustive de l'échantillon et l'extrapolation à la population ayant servi de base à l'échantillon.
5. Pour annuler le chef de redressement litigieux, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que rien n'autorisait l'organisme de contrôle, à partir de deux exceptions et sans autre vérification, à considérer que la totalité des contrats en cause concernaient des résidents en France et que la méthode ainsi employée s'apparente à un contrôle par échantillonnage et extrapolation. II ajoute que s'il est possible de procéder par échantillonnage, encore cette procédure doit-elle obéir à des règles et être expliquée dans la lettre d'observations, ce qui n'est pas le cas. II relève enfin qu'il ne peut qu'être constaté que les dispositions de l'article R. 243-59-2 précité n'ont pas été respectées dans la mesure où elles exigent de se conformer à différentes étapes au cours desquelles la procédure contradictoire est renforcée.
6. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que l'inspecteur du recouvrement n'avait pas recouru à une méthode de vérification par échantillonnage et extrapolation au sens du texte susvisé, la cour d'appel a violé ce dernier par fausse application.
Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. La société fait grief à l'arrêt d'annuler le chef de redressement nº 2, alors « que l'article L. 862-4 du code de la sécurité sociale, qui institue une taxe de solidarité additionnelle assise sur les cotisations d'assurances afférentes aux garanties de protection complémentaire en matière de frais de soins de santé souscrites au bénéfice de personnes physiques résidentes en France, n'opère aucune distinction selon que les personnes résidentes en France sont ou non à la charge d'un régime obligatoire d'assurance maladie français ; que les cotisations d'assurance entrent dans l'assiette de la taxe dès lors qu'elles sont afférentes à une protection « complémentaire » c'est-à-dire qu'elles garantissent la prise en charge de dépense de santé en complément des prestations versées par un régime obligatoire de sécurité sociale, peu important que ce régime obligatoire de sécurité sociale ne soit pas français mais suisse ; qu'en jugeant que les cotisations des contrats de protection complémentaire « frais de santé » souscrits au bénéfice de résidents français travaillant en Suisse, et soumis de ce fait au régime de sécurité sociale suisse, étaient exclues de la taxe de solidarité additionnelle au prétexte que ces personnes n'étaient pas à la charge d'un régime obligatoire d'assurance maladie français, la cour d'appel qui a opéré une distinction non prévue par la loi, a violé l'article L. 862-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi nº2010-1657 du 29 décembre 2010 applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 862-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n°2010-1657 du 29 décembre 2010, applicable au litige :
8. Aux termes de ce texte, il est perçu une taxe de solidarité additionnelle aux cotisations d'assurance maladie complémentaire versées pour les personnes physiques résidentes en France, à l'exclusion des réassurances.
9. Pour annuler le chef de redressement relatif aux primes afférentes aux contrats souscrits par des assurés résidant en France mais travaillant en Suisse, l'arrêt retient essentiellement que sont exclues de la taxe les sommes se rapportant à la couverture santé pour les personnes qui ne sont
pas à la charge d'un régime obligatoire d'assurance maladie français et que les personnes qui travaillent en Suisse sont soumises, de ce seul fait, à la législation de sécurité sociale suisse.
10. En statuant ainsi alors que l'article L. 862-4 n'opère aucune distinction en fonction du lieu de travail de la personne signataire du contrat ou du régime d'assurance maladie obligatoire dont elle relève, qu'il soit français ou étranger, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
11. La société fait grief à l'arrêt d'annuler le chef de redressement nº 3, alors « que ne sont exclues du champ d'application de la taxe additionnelle que les primes qui se rapportent à la couverture santé de personnes qui ne sont pas assujetties à un régime obligatoire d'assurance maladie, ce que la société cotisante doit démontrer et le juge constater; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que seulement « un des contrats » soumis par la société portait la mention « pour une personne non assujettie (illisible) régime obligatoire » et que les conditions générales du contrat «complémentaire frais de soins » mentionnait « non assujettis à un régime obligatoire» ; qu'en jugeant que les primes afférentes à tous ces contrats « complémentaire frais de soins » devaient être exonérées de la taxe additionnelle puis en annulant l'entier chef de redressement nº 3, sans avoir examiné tous les contrats litigieux ni constaté que les bénéficiaires de l'ensemble de ces contrats n'étaient pas assujettis à un régime obligatoire d'assurance maladie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 862-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi nº 2010-1657 du 29 décembre 2010 applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 862-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loinº 2010-1657 du 29 décembre 2010, applicable au litige:
12. Selon ce texte, la taxe de solidarité additionnelle est assise sur les cotisations d'assurance maladie complémentaire. II en résulte que les sommes se rapportant à la couverture santé des personnes non affiliées à un régime obligatoire d'assurance maladie sont exclues du champ d'application de cette taxe.
13. Pour annuler le redressement, l'arrêt relève que l'un des contrats soumis par la société porte la mention « pour personne non assujettie (illisible) à un régime obligatoire » et que le document présentant les conditions générales du contrat « Complémentaire frais de soins » porte, juste en dessous de ce titre, la mention « Non-assujettis à un régime obligatoire ». Il ajoute que la société n'est d'ailleurs en rien démentie lorsqu'elle indique que les garanties ne sont plus offertes dès lors que le signataire du contrat vient à relever du régime de base de la sécurité sociale française.
14. En se déterminant ainsi, sans vérifier si les bénéficiaires des contrats litigieux étaient effectivement des personnes non assujetties à un régime obligatoire d'assurance maladie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Le 22 août 2022, la société [4] a saisi la cour d'appel de Versailles autrement composée.
Après plusieurs renvois, l'affaire a été appelée à l'audience du 26 juin 2025.
Selon les écritures visées par le greffe et reprises oralement à l'audience précitée, la société [4] demande à la cour de voir:
infirmer partiellement le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nanterre le 28 mars 2018 (recours n° 15-00781/N) :
en ce qu'il a maintenu les chefs de redressement n°2 et 3 suivant lettre d'observations du 12 novembre 2014 adressée à la société [4] par l'Urssaf [14]
en ce qu'il a condamné la société [4] à régler à l'Urssaf [14] la somme de 379 247 euros au titre des cotisations éludées pour les exercices 2011 et 2012, augmentée des majorations de retard dues sur cette somme en application de l'article R243-18 du code de la sécurité sociale
en ce qu'il a débouté la société de sa demande de remboursement de la somme de 581 752 euros dont elle indique s'être acquittée par erreur au titre des exercices 2011 et 2012
en ce qu'il a rejeté toute autre demande de la société
et de :
à titre principal, juger que le redressement notifié par l'Urssaf est irrégulier ou à tout le moins injustifié sur le fond à hauteur des chefs de redressement n°2 et 3 qui ont été maintenus par le tribunal
annuler ces chefs de redressement maintenus par le tribunal
annuler en conséquence la « décision administrative » datée du 26 décembre 2014
annuler la mise en demeure complémentaire du 16 janvier 2015
annuler ou infirmer la décision de rejet de la commission de recours amiable de l'Urssaf [14] notifiée par courrier du 8 octobre 2015
ordonner à l'Urssaf de rembourser à la société [4] venant aux droits de la société [7] le montant de 1 331 632 euros de contributions, avec intérêt au taux légal à compter de la saisine du tribunal du 20 avril 2015, étant précisé que ce montant a été réglé par la société :
à hauteur de 749 880 euros dans le cadre du paiement sous réserve du redressement (il est rappelé que ce montant avait été remboursé par l'Urssaf en exécution de l'arrêt de la cour d'appel mais qu'il a été à nouveau payé par la société en exécution de l'arrêt de la cour de cassation)
et à hauteur de 581 752 € dans le cadre du paiement de la taxe effectué au titre des années contrôlées 2011 et 2012, paiement injustifié compte tenu des règles d'exonération applicables
à titre subsidiaire, juger que le redressement est erroné dans son chiffrage à hauteur de la fraction excédentaire par rapport aux états C4, ce qui se traduit par la réduction du redressement au montant de 749 880 euros au lieu de 1 331 632 euros
annuler en conséquence le redressement notifié par l'Urssaf à hauteur des montants injustifiés de contributions (581 752 €) et des majorations de retard y afférentes
annuler la décision du 26 décembre 2014 à hauteur de ces montants de contributions et majorations
annuler la mise en demeure complémentaire du 16 janvier 2015 à hauteur des montants afférents à ces sommes annulées
annuler ou infirmer la décision de rejet de la commission de recours amiable notifiée par courrier du 8 octobre 2015 en ce qu'elle a rejeté la demande de la société sur ce point
ordonner à l'Urssaf de rembourser à la société [4] venant aux droits de la société [7] la somme de 581 752 euros, payée par erreur par la société au regard des règles d'exonération applicables, avec intérêt au taux légal à compter de la saisine du tribunal du 20 avril 2015
en tout état de cause, rejeter la demande de l'Urssaf tendant à voir infirmer le jugement en ce qu'il a annulé le chef n° 1
rejeter la demande reconventionnelle de l'Urssaf en paiement du montant de 581 752 euros de cotisations et des majorations y afférentes
rejeter plus généralement toute demande reconventionnelle de l'Urssaf en paiement d'un solde de cotisations et des majorations de retard
condamner l'[20] à verser à la société [4] venant aux droits de la société [7] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Selon ses écritures visées par le greffe et reprises oralement à l'audience précitée, l'Urssaf [14] demande à la cour de voir:
déclarer la société [4] venant aux droits de la société [7] recevable mais mal fondée en son recours
infirmer le jugement attaqué du tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-seine en date du 28 mars 2018 en ce qu'il a annulé le chef de redressement n°1 suivant lettre d'observations du 12 novembre 2014
confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a maintenu les chefs de redressement n°2 et 3 suivant lettre d'observations du 12 novembre 2014
statuant à nouveau, débouter la société [4] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
valider les mises en demeure en date du 26 décembre 2014
dire et juger que l'ensemble des redressements contestés sont réguliers et bien fondés
débouter la société de sa demande de remboursement
condamner la société [4] venant aux droits de la société [7] à payer à l'Urssaf [14] la somme de 803 975 euros comprenant 581 752 euros de cotisations et 222 223 euros de majorations de retard
condamner la société [4] venant aux droits de la société [7] à lui payer la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées et à la note d'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En préambule, il convient de rappeler que la présente Cour est saisi des 3 chefs de redressement contestés à savoir:
- chef de redressement n°1: assujettissement au versement de la CMU-C des primes afférentes aux contrats complémentaires 'frais de soins' conclus au bénéfice d'assurés travaillant à [Localité 15] mais résidant en France
- chef de redressement n°2: assujettissement au versement de la CMU-C des contrats complémentaires ' frais de santé' conclus au bénéfice d'assurés travaillant en Suisse mais résidant en France
- chef de redressement n°3: assujettissement au versement de la CMU-C de contrats complémentaires ' frais de soins' conclus au bénéfice de 'non assujettis à un régime obligatoire'.
Et des motifs de cassation suivants:
- s'agissant du chef de redressement n°1 et sur la méthode de contrôle appliquée par l'Urssaf [14] : la cour de cassation a cassé au motif que ' alors qu'il ressortait de ses constatations que l'inspecteur du recouvrement n'avait pas recouru à une méthode de vérification par échantillonnage et extrapolation au sens du texte susvisé, la cour d'appel a violé ce dernier par fausse application
- s'agissant du chef de redressement n°2: la cour de cassation a cassé au motif que ' l'article L. 862-4 n'opère aucune distinction en fonction du lieu de travail de la personne signataire du contrat ou du régime d'assurance maladie obligatoire dont elle relève, qu'il soit français ou étranger, la cour d'appel a violé le texte susvisé'
- s'agissant du chef de redressement n°3: la cour de cassation a cassé au motif que ' En se déterminant ainsi, sans vérifier si les bénéficiaires des contrats litigieux étaient effectivement des personnes non assujetties à un régime obligatoire d'assurance maladie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale'.
Pour mémoire, le financement de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C),
couverture ouverte au bénéfice de personnes qui remplissent des conditions de résidence et dont les revenus sont inférieurs à certains seuils, est assuré par une contribution dite [10] à la charge de l'ensemble des organismes assureurs, mutuelles, institutions de prévoyance et entreprises d'assurance intervenant dans le domaine de la protection sociale complémentaire, cette contribution étant recouvrée par les [19] depuis le 1 'janvier 2000.
La loi de finance pour 2011 a transformé la contribution [10] en une taxe de solidarité additionnelle aux cotisations d'assurance santé (TSA).
Cette taxe est assise sur le montant des cotisations d'assurances afférentes aux garanties de protection complémentaire en matière de frais de soins de santé souscrites au bénéfice de personnes physiques résidentes en France.
Sur la régularité du contrôle
Selon l'article R243-59-2 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige, ' Les inspecteurs du recouvrement peuvent proposer à l'employeur d'utiliser les méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale. Au moins quinze jours avant le début de cette vérification, l'inspecteur du recouvrement remet à l'employeur un document lui indiquant les différentes phases de la mise en oeuvre des méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation et les formules statistiques utilisées pour leur application. Il lui remet également l'arrêté mentionné au présent article.
Dès lors que l'employeur entend s'opposer à l'utilisation de ces méthodes, il en informe l'inspecteur du recouvrement, par écrit et dans les quinze jours suivant la remise des documents mentionnée à l'alinéa précédent. Dans ce cas, l'inspecteur du recouvrement lui fait connaître le lieu dans lequel les éléments nécessaires au contrôle doivent être réunis ainsi que les critères, conformes aux nécessités du contrôle, selon lesquels ces éléments doivent être présentés et classés. L'employeur dispose de quinze jours après notification de cette information pour faire valoir, le cas échéant, ses observations en réponse. A l'issue de ce délai, l'inspecteur notifie à l'employeur le lieu et les critères qu'il a définitivement retenus. La mise à disposition des éléments ainsi définis doit se faire dans un délai déterminé d'un commun accord entre l'inspecteur et l'employeur, mais qui ne peut être supérieur à soixante jours. Lorsque ces conditions ne sont pas remplies, l'opposition de l'employeur à l'utilisation des méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation ne peut être prise en compte.
Lorsque ces méthodes sont mises en oeuvre, l'inspecteur du recouvrement informe l'employeur des critères utilisés pour définir les populations examinées, le mode de tirage des échantillons, leur contenu et la méthode d'extrapolation envisagée pour chacun d'eux.
L'employeur peut présenter à l'inspecteur du recouvrement ses observations tout au long de la mise en oeuvre des méthodes de vérification par échantillonnage. En cas de désaccord de l'employeur exprimé par écrit, l'inspecteur du recouvrement répond par écrit aux observations de l'intéressé.
Le document notifié par l'inspecteur du recouvrement à l'issue du contrôle, en application du cinquième alinéa de l'article R. 243-59, précise les populations faisant l'objet des vérifications, les critères retenus pour procéder au tirage des échantillons, leur contenu, les cas atypiques qui en ont été exclus, les résultats obtenus pour chacun des échantillons, la méthode d'extrapolation appliquée et les résultats obtenus par application de cette méthode aux populations ayant servi de base au tirage de chacun des échantillons. Il mentionne la faculté reconnue au cotisant en vertu du sixième alinéa du présent article.
Dans le délai de trente jours fixé par le cinquième alinéa de l'article R. 243-59, l'employeur peut informer, par lettre recommandée avec avis de réception, l'organisme de recouvrement de sa décision de procéder au calcul des sommes dont il est redevable ou qu'il a indûment versées pour la totalité des salariés concernés par chacune des anomalies constatées sur chacun des échantillons utilisés.
Lorsque, au terme du délai fixé par l'alinéa précédent, l'employeur n'a pas fait connaître à l'organisme de recouvrement sa décision de procéder au calcul des sommes dont il est redevable, la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l'objet du redressement ne peut intervenir avant l'expiration de ce délai et avant la réponse de l'inspecteur du recouvrement aux éventuelles observations de l'employeur.
Lorsque l'employeur a fait connaître dans le délai imparti sa décision de procéder au calcul des sommes dont il est redevable, l'engagement de la procédure de recouvrement ne peut intervenir qu'à l'issue d'un délai de trente jours courant à compter de la réception par l'organisme de recouvrement de la décision de l'employeur. Avant l'expiration de ce délai, ce dernier adresse à l'inspecteur du recouvrement les résultats de ses calculs accompagnés des éléments permettant de s'assurer de leur réalité et de leur exactitude. L'inspecteur du recouvrement peut s'assurer de l'exactitude de ces calculs, notamment en procédant à l'examen d'un nouvel échantillon. La mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l'objet du redressement ne peut intervenir avant l'expiration de ce délai de trente jours et avant la réponse de l'inspecteur du recouvrement aux éventuelles observations de l'employeur.
L'inspecteur du recouvrement transmet à l'organisme chargé de la mise en recouvrement le procès-verbal de contrôle faisant état de ses observations, accompagné, s'il y a lieu, de l'ensemble des courriers et documents transmis par l'employeur et de la réponse de l'inspecteur du recouvrement'.
La société [4] reprochait à l'Urssaf [14], pour les trois chefs de redressement, d'avoir procédé à une extrapolation dès lors que l'inspecteur n'a pas examiné l'ensemble des contrats souscrits durant la période contrôlée et alors qu'elle les avait tenus à sa disposition. Si depuis l'arrêt de la cour de cassation, la société [4] ne soutient plus que l'Urssaf [14] a réalisé un contrôle par échantillonnage sans en respecter les règles, pour autant elle maintient que l'absence de contrôle au réel emporte nullité du contrôle pour les trois chefs de redressement, ce à quoi s'oppose l'Urssaf [14].
Il n'est pas contesté par la société [4] que, lors du contrôle, il est apparu que la société [7]:
- avait exclu de l'assiette de la [11] le montant des primes afférentes aux contrats ' complémentaire frais de soins' au motif énoncé que les bénéficiaires étaient tous résidents à [Localité 15] alors que l'Urssaf [14] constatait, à l'occasion de l'examen du fichier fourni par la société, que certains contrats étaient signés par des clients résidant en France et donc qu'ils devaient être assujettis à la taxe de solidarité additionnelle
- n'avait pas taxé des assurés au motif qu'il travaillait en Suisse alors que l'Urssaf constataient à partir du fichier remis qu'ils résidaient tous en France
- avait exclu de l'assiette de la [11] le montant des primes afférentes au contrat 'complémentaire frais de soins' au bénéfice des ' non assujettis à un régime obligatoire' du fait du non assujettissement à un régime obligatoire de ses clients alors que l'Urssaf [14] constatait que ' L'examen des contrats est quasiment impossible; l'employeur explique qu'il s'agit de très anciens contrats qu'[6] ne propose plus à ses clients; que pour certains contrats, l'archivage électronique n'existe pas et que les documents papiers sont introuvables'.
C'est ainsi que dans la lettre d'observations, l'Urssaf [14] faisait mention à titre d'exemple, pour deux des trois chefs de redressement, des contrats présentant des anomalies.
Dans sa lettre adressée à l'Urssaf [14] après redressement, la société n'a pas remis en cause utilement les constatations faites par l'Urssaf [14] s'agissant des réponses qu'elle avait formulées à l'inspecteur. Il lui appartenait non pas d'inviter l'Urssaf [14] à identifier les contrats non éligibles à l'exonération ou à l'exclusion mais à elle de justifier du bien fondé de cette exonération ou exclusion durant les opérations de contrôle; dans le cas contraire la charge de la preuve serait inversée. Il n'est pas démontré par la société [4] que la société [7] ait communiqué des pièces exploitables, l'Urssaf [14] ayant rappelé que la société [7] s'était contentée de lui communiquer un fichier de plusieurs milliers de lignes inexploitables.
Par ailleurs, il résulte de l'avis de la commission de recours amiable que ' la société n'a pas été en mesure de fournir, lors du contrôle ou dans le cadre de la période contradictoire, des pièces justificatives probantes permettant d'établir avec précision parmi les bénéficiaires, ceux résidant à [Localité 15] et/ou ceux relevant du régime de sécurité sociale monégasque; que s'agissant ders contrats dits ' frontaliers' visant les salariés exerçant une activité professionnelle en Suisse et présentés lors du contrôle, là encore, ces documents ne permettent pas d'apprécier le bien fondé de l'exclusion de l'assiette de la taxe des primes afférentes à ces contrats; qu'en effet, il apparaît que tous les bénéficiaires résident en France; qu'il s'agit de contrats-types non datés et qui ne précisent ni la période d'échéance ni les conditions de rattachement à un régime obligatoire de sécurité sociale des assurés visés; que concernant les bénéficiaires 'non assujettis à un régime obligatoire de sécurité sociale' la société ne produit pas de pièces justificatives probantes venant étayer ses dires. Cette dernière indique dans sa lettre de contestation du 9 décembre 2014 que
' ces contrats sont anciens et ne sont plus proposés depuis une dizaine d'années (...). Nous ne disposons pas, pour ces contrats, d'archivage électronique (...) Et que compte tenu du délai imparti, nous n'avons pas retrouvé tous les contrats demandés'.
Or, comme rappelé par l'Urssaf [14], il appartient au cotisant qui réclame le bénéfice d'une exonération de charge ou de taxe de prouver qu'il en remplit les conditions. La charge de la preuve pèse sur le cotisant. Il lui appartient de disposer de toutes les pièces utiles lorsqu'il décide de s'appliquer une exonération quelle qu'elle soit, de les conserver et de les produire en cas de contrôle. Il est bien évident qu'un fichier comportant un listing de milliers de références de dossiers sans que ne soient rattachées les pièces afférentes est inexploitable, les fichiers en format Excel produit durant le délibéré le démontrant.
Comme relevé par l'Urssaf [14], les réponses formulées par la société [7] s'assimilaient à des fausses informations puisque durant le contrôle, la société a notamment affirmé que l'ensemble des contrats devaient être exonérés de cotisations dès lors que les assurés résidant tous à [Localité 15] (chef de redressement n°1).
La charge de la preuve de la conformité à la législation de sécurité sociale des informations déclarées incombe au cotisant et celui-ci doit produire les pièces justificatives au cours du contrôle ou de la phase contradictoire et non pas après.
En conséquence, et comme reconnu par la société [4], l'Urssaf [14] n'a pas recouru à une méthode de vérification par échantillonnage et extrapolation au sens du texte susvisé ni à la méthode de taxation forfaitaire, et les opérations de contrôle n'encourent aucune nullité, de sorte que cette exception de nullité sera rejetée par infirmation du jugement.
Sur le chef de redressement n°1: '[11]: assujettissement au versement de la contribution ou de la taxe'
Le chef de redressement est ainsi libellé:
' Constatations
La société [6] relève du droit des assurances français. Elle propose, notamment un contrat ' complémentaire frais de soins' au bénéfice d'assurés travaillant à [Localité 15]. La société [6] a exclu de l'assiette de la [11] le montant des primes afférentes à ce contrat. Elle justifie cette exclusion par le fait que les clients habitent [Localité 15]. Le montant des primes exclu s'élève à 2011: 1 602 519 euros et 2012: 1 628 000 euros.
Il est ainsi demandé, à partir d'une extraction du fichier fourni par l'assureur, d'exploiter certains contrats. Il en ressort de l'examen que les contrats sont tantôt signés par des clients ayant leur résidence soit à [Localité 15] ou soit en France.
Exemples: contrat n°75183920 signé en 2011, l'assuré réside au [Localité 9] département 06
contrat n°7629772 signé en 2012, l'assuré réside à menton département 06.
Conclusions:
Compte tenu des textes précités et des faits exposés, il convient de réintégrer dans l'assiette de la contribution [11] les primes des contrats au bénéfice des clients travaillant à [Localité 15] et résidant en France ou dont la résidence à [Localité 15] n'est pas établie. En effet, comme le rappellent les textes, l'assujettissement de la prime à la contribution [11] fait référence au lieu de résidence du client; dès lors que le contrat est conclu avec une personne résidant en France, les primes afférentes à la protection complémentaires doivent être intégrées dans l'assiette de contribution. D'autre part, compte tenu de la position ferme de l'assureur ayant déclaré que l'ensemble des assurés visés par ces contrats résidaient à [Localité 15], il n'a pas pu être établi la décomposition des primes afférentes aux salariés résidant réellement à [Localité 15] et ceux résidants en France. Enfin, votre organisme complémentaire entrant dans le champ d'application de la contribution au financement de la protection complémentaire santé, vous êtes redevable de la contribution au financement de la protection complémentaire santé' Le redressement sur les exercices 2011 et 2012 reprend l'intégralité des primes exclues'.
Selon l'article L862-4 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable, ' I. ' Il est perçu, au profit du fonds visé à l'article L. 862-1, une taxe de solidarité additionnelle aux cotisations d'assurance afférentes aux garanties de protection complémentaire en matière de frais de soins de santé souscrites au bénéfice de personnes physiques résidentes en France, à l'exclusion des réassurances.
La taxe est assise sur la cotisation correspondant à ces garanties et stipulée au profit d'une mutuelle régie par le code de la mutualité, d'une institution de prévoyance régie par le livre IX du présent code ou par le livre VII du code rural et de la pêche maritime, d'une entreprise régie par le code des assurances ou un organisme d'assurance maladie complémentaire étranger non établi en France mais admis à y opérer en libre prestation de service.
Elle est perçue par l'organisme mentionné au deuxième alinéa ou son représentant fiscal pour le compte des organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général de sécurité sociale territorialement compétents. Toutefois, un autre de ces organismes ou l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale peut être désigné par arrêté ministériel pour exercer tout ou partie des missions de ces organismes. La taxe est liquidée sur le montant des cotisations émises ou, à défaut d'émission, recouvrées, au cours de chaque trimestre, nettes d'annulations ou de remboursements. Elle est versée au plus tard le dernier jour du premier mois qui suit le trimestre considéré.
Un arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget précise les documents à fournir par les organismes mentionnés au deuxième alinéa à l'appui de leurs versements.
II. ' Le taux de la taxe est fixé à 6,27 %.
III.-Les modalités de versement ou d'imputation des remboursements prévus aux a et b de l'article L. 862-2 sont précisées par décret'.
Selon l'article L111-1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable, ' L'organisation de la sécurité sociale est fondée sur le principe de solidarité nationale.
Elle garantit les travailleurs et leur famille contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leur capacité de gain. Elle couvre également les charges de maternité, de paternité et les charges de famille.
Elle assure, pour toute autre personne et pour les membres de sa famille résidant sur le territoire français, la couverture des charges de maladie, de maternité et de paternité ainsi que des charges de famille.
Cette garantie s'exerce par l'affiliation des intéressés et le rattachement de leurs ayants droit à un (ou plusieurs) régime(s) obligatoire(s).
Elle assure le service des prestations d'assurances sociales, d'accidents du travail et maladies professionnelles, des allocations de vieillesse ainsi que le service des prestations familiales dans le cadre des dispositions fixées par le présent code'.
La société [4] déduit de la lecture croisée de ces deux textes que l'assuré n'est redevable de la [17] que s'il dépend de la législation française de sécurité sociale. Elle soutient que la circulaire DSS/5D/2011/133 du 18 avril 2011 confirme cette interprétation dès lors qu'elle prévoit que ' les sommes se rapportant à la couverture santé pour les personnes qui ne sont pas à la charge d'un régime obligatoire d'assurance maladie français ( couverture au 1er euro) sont exclues du champ de la taxe'.
Comme relevé à juste titre par l'Urssaf [14], la circulaire ne concerne que les contrats dits ' au premier euro', et non des contrats de protection complémentaire en matière de frais de soins de santé, la circulaire invoquée ne concernant que des personnes n'ayant aucune protection de base et pour lesquelles la couverture santé ne revêt donc pas de caractère complémentaire, d'où son appellation ' couverture au premier euro'.
Par son analyse, la société [4] ajoute au texte une condition non prévue. En effet, l'article L862-4 précité vise ' les personnes physiques résidentes en France' sans faire de distinction selon que les personnes sont ou non affiliées à un régime obligatoire d'assurance maladie français.
Les autres moyens développés par la société [4] ne permettent pas de renverser cette analyse stricto sensu du texte précité. Ainsi la circulaire DSS/SD5D/2015/380 du 28 décembre 2015 qu'elle cite et produit (pièce 22), outre le fait qu'elle n'était pas applicable pour la période contrôlée, ne remet pas en cause les termes de l'article L862-4 précité puisque, sur la territorialité, elle dispose que ' l'assujettissement à la taxe de l'article L862-4 du code de la sécurité sociale est subordonné à la condition que les garanties complémentaires soient souscrites au bénéfice d'un assuré ou membre participant ( notamment dans le cas d'un contrat collectif) résidant en France à la date du fait générateur de la taxe, quel que soit le lieu du siège social de l'organisme d'assurance maladie complémentaire. Ainsi, dès lors que le contrat est conclu avec un assuré ou membre participant résidant en France, les primes ou les cotisations afférentes à la protection complémentaire doivent être intégrées dans l'assiette de taxe'.
Il convient donc de confirmer le chef de redressement par infirmation du jugement et de condamner la société [4] venant aux droits de la société [7] à payer les cotisations et majorations de retard afférentes.
Sur le chef de redressement n°2: ' [11]: assujettissement au versement de la contribution ou de la taxe'
Le chef de redressement est ainsi libellé:
' Constatations
La société [6] propose un contrat frais de santé au profit de clients "travailleur salarié en Suisse".
La société a exclu de I'assiette de la [11] le montant des primes afférentes à ce contrat.
Le montant des primes exclu s'élève à :
2011:8 924 271 €
2012: 8130 000€
Il est ainsi demandé, à partir d'une extraction du fichier fourni par l'employeur l'assureur, d'exploiter certains contrats.
Exemples: contrat n°75900625, signé en 2011, l'assuré réside à [Localité 16], département 01
contrat n°74617411' SIGN2 EN 2007, 1'assuré réside à [Localité 13] département 74
Il en ressort que ces clients sont tous résidents en France tout en ayant une activité professionnelle en Suisse.
Conclusions
Compte tenu des textes précités et des faits exposés, il convient de réintégrer les primes des contrats au bénéfice des clients résidant en France et travaillant en Suisse dans l'assiette de la contribution [11].
En effet, comme le rappellent les textes, l'assujettissement de la prime à la contribution [11] fait référence au lieu de résidence du client; dès lors que le contrat est conclu avec une personne
résidant en France, les primes afférentes à la protection complémentaire doivent être intégrées dans I'assiette de la contribution.
D'autre part, l'employeur argue du fait que les clients visés ne sont pas assujettis à un régime obligatoire. L'assujettissement à un régime obligatoire n'est pas une condition d'inclusion des primes dans l'assiette de la [17]; les primes ou cotisations concernées sont celles qui sont destinées au financement de l'ensemble des remboursements des soins de santé, qui ne sont pas pris en charge légalement par un régime obligatoire d'assurance maladie. Votre organisme complémentaire entrant dans le champ d'application de la contribution au financement de la protection complémentaire santé, vous êtes redevable de la contribution au financement de la protection complémentaire santé. Il est donc procédé à la réintégration de l'ensemble des primes dans l'assiette de la contribution [11] concernant les clients français résidant en France et travaillant en Suisse'.
La société justifie cette exclusion de l'assiette de la contribution par le fait que les clients bénéficiant de ce contrat travaillent en Suisse et ne relèvent pas d'un régime obligatoire français de sécurité sociale.
Pour les mêmes motifs déjà développés dans le cadre du chef de redressement n°1 outre le fait qu'il ne suffit pas que les contrats frontaliers comportent la mention ' elle est spécialement étudiée pour le travailleur frontalier non assujetti à un régime obligatoire d'assurance maladie, domicilié en France, salarié dans une entreprise située en Suisse' pour que cela constitue à elle seule la preuve que les souscripteurs remplissaient les conditions précitées ni que ces conditions étaient conformes à l'article L862-4 précité.
Par ailleurs, les règlements communautaires entre la France et la Suisse invoqués par la société n'apportent aucune contradiction utile ni remise en cause de la lettre de l'article L862-4.
Il n'est pas contesté que le redressement critiqué ne porte que sur des contrats de protection conclus au profit de personnes résidant en France.
La société [4] sera déboutée de sa demande et le chef de redressement n°2 confirmé par confirmation du jugement.
Sur le chef de redressement n°3: ' [11]: assiette contribution-taxe'
Le chef de redressement est ainsi libellé:
' Constatations
La société [6] relève du droit des assurances français.
Elle propose notamment un contrat ' complémentaire frais de soins' au bénéfice des ' non assujettis à un régime obligatoire'. La société [6] a exclu de l'assiette de la [11] le montant des primes afférentes à ce contrat. Elle justifie cette exclusion du fait du non assujettissement à un régime obligatoire de ses clients.
Le montant des primes exclu s'élève à:
2011: 482 000 euros
2012: 472 000 euros.
Il est ainsi demandé, à partir d'une extraction du fichier fourni par l'employeur, d'exploiter certains contrats.
L'examen des contrats est quasiment impossible; l'employeur explique qu'il s'agit de très anciens
contrats qu'[6] ne propose plus à ses clients; que pour certains contrats, l'archivage électronique n'existe pas et que les documents papiers sont introuvables.
Conclusions
Compte tenu des textes précités et des faits exposés, il convient de réintégrer les primes des contrats au bénéfice des dits clients dans l'assiette de la contribution [11].
L'assujettissement à un régime obligatoire n'est pas une condition d'inclusion des primes dans l'assiette de la [17] ; les primes ou cotisations concernées sont celles qui sont destinées au financement de l'ensemble des remboursements des soins de santé, qui ne sont pas pris en charge
légalement par un régime obligatoire d'assurance maladie.
A noter que les seuls éléments fournis sont :- un contrat type, non daté, intitulé "complémentaire
frais de soins pour les non-assujettis à un régime obligatoire ", conditions générales : il est indiqué
que le contrat garantit le remboursement des frais d'ordre médical et chirurgical pour des soins prescrits et engagés en France métropolitaine et dans les DOM/TOM.
Enfin, votre organisme complémentaire entrant dans le champ d'application de la contribution au financement de la protection complémentaire santé, vous êtes redevable de la contribution au financement de la protection complémentaire santé.
Le redressement sur les exercices 2011 et 2012 reprend l'intégralité des primes exclues'.
La société expose qu'elle a exclu de la taxe [10] le montant des primes afférentes à ce contrat au motif que les assurés bénéficiant de ce contrat ne sont pas assujettis à un régime obligatoire d'assurance maladie.
Comme le rappelle l'Urssaf [14], c'est au cotisant de prouver qu'il rempli les conditions d'exonération et en l'espèce, de démontrer que les assurés ne sont pas assujettis à aucun régime obligatoire d'assurance maladie qu'il soit français ou étranger.
Or, l'Urssaf [14] a constaté que la société [7] n'était pas en mesure de lui produire les justificatifs, la société lui expliquant que ces contrats étaient très anciens et qu'elle ne les proposait plus à ses clients; que pour certains contrats l'archivage électronique n'existait pas et que les documents papiers étaient introuvables. Les premiers juges ont à leur tour constaté que ' les quelques éléments qu'elle a fournis aux débats relativement à ces contrats ne permettent pas de retenir qu'elle rapporte de manière suffisante la preuve que leurs bénéficiaires n'étaient pas assujettis à un régime obligatoire de protection sociale'.
Selon l'article R243-59 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable [..] Les employeurs, personnes privées ou publiques, et les travailleurs indépendants sont tenus de présenter aux agents chargés du contrôle mentionnés à l'article L. 243-7, dénommés inspecteurs du recouvrement, tout document et de permettre l'accès à tout support d'information qui leur sont demandés par ces agents comme nécessaires à l'exercice du contrôle [...]'.
Il en résulte que les cotisants doivent conserver les éléments de preuve de nature à démontrer l'exactitude de leurs déclarations afin que les organismes de recouvrement, qui sont chargés de la vérification de l'exhaustivité, de la conformité et de la cohérence des informations déclarées par les cotisants, puissent exercer a posteriori un contrôle de l'application des dispositions du code de la sécurité sociale. Le cotisant doit donc pouvoir produire devant celui-ci l'ensemble des pièces nécessaires au succès de ses prétentions.
Lorsque la charge de la preuve de la conformité à la législation de sécurité sociale des informations déclarées incombe au cotisant, celui-ci doit produire les pièces justificatives au cours du contrôle ou de la phase contradictoire. Tel est notamment le cas de l'application des règles de déduction des frais professionnels (2e Civ., 24 novembre 2016, pourvoi n° 15-20.493), de l'application de la tolérance administrative d'exclusion de l'assiette de cotisations (2e Civ., 7 janvier 2021, pourvoi n° 19-20.035, 19-19.395), en matière de taxation forfaitaire (2e Civ., 14 mars 2019, pourvoi n° 17-28.099), ou d'évaluation forfaitaire des cotisations et contributions dues par une société ayant fait l'objet d'un contrôle de l'inspection du travail en matière de travail dissimulé (2e Civ., 9 novembre 2017, pourvoi n° 16-25.690, Bull. 2017, II, n° 209).
Faute d'avoir produit des pièces probantes démontrant que la condition de non assujettissement était remplie, il convient de confirmer le chef de redressement n°3 par confirmation du jugement.
Sur la demande de réduction du chiffrage du redressement
La société [4] invoque le caractère excessif du redressement et demande sa réduction au montant de 749 880 euros au lieu de 1 331 632 euros. Elle expose que la base retenue pour calculer le redressement est nécessairement inexacte dans la mesure où elle conduit à soumettre à la taxe une somme supérieure à la totalité des primes perçues par la société après déduction des montants d'ores et déjà assujettis à la taxe.
L'Urssaf [14] rappelle la carence de la société à démontrer le bien-fondé du non paiement des taxes pour lesquelles les redressements ont été confirmés et que le seul état C4 sur lequel la société se fonde pour calculer le trop versé est insuffisant et réitère sa demande de voir produire l'état C1 non-vie et la comptabilité ( tous les comptes de classe 7), demande formulée pendant les opérations de contrôle, afin de procéder à un contrôle de cohérence, ce à quoi s'oppose la société aux motifs que seul l'état C4 est obligatoire et qu'aucun texte n'impose de produire d'autres documents.
Cependant, selon l'article 1315 du code civil applicable au litige, ' Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation'.
Ainsi en matière d'indu, celui qui soutient avoir trop versé doit le prouver, ce que ne fait pas la société [4] qui sera déboutée de sa demande par rajout au jugement.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Il convient de rejeter les demandes de ce chef.
Sur les dépens
Il convient de condamner la société [4], venant aux droits de la société [7], aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Nanterre du 28 mars 2018 sauf en ce qu'il a annulé le chef de redressement n°1;
Statuant à nouveau et y ajoutant;
Dit les opérations de contrôle du chef de redressement n°1 régulières et déboute la société [4] venant aux droits de la société [7] de sa demande de nullité;
Dit le chef de redressement n°1 bien-fondé et condamne la société [4] venant aux droits de la société [7] à payer les cotisations et majorations de retard afférentes
Déboute la société [4] venant aux droits de la société [7] de sa demande au titre du remboursement;
Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société [4] venant aux droits de la société [7] aux dépens.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Nathalie COURTOIS, Présidente et par Madame Mélissa ESCARPIT, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
La greffière La Présidente
DE
VERSAILLES
Code nac : 88G
Ch.protection sociale 4-7
Renvoi après cassation
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 09 OCTOBRE 2025
N° RG 22/02626 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VMHU
AFFAIRE :
S.A. [5] VENANT AUX DROITS DE LA SOCIETE [7]
C/
[21]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Mars 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE
N° Section :
N° RG : 15-00781/N
Copies exécutoires délivrées à :
Me Delphine PANNETIER
[21]
Copies certifiées conformes délivrées à:
[21]
S.A. [5]
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE NEUF OCTOBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
DEMANDERESSE ayant saisi la cour d'appel de Versailles par déclaration enregistrée au greffe social le 28 juillet 2022 en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation du 02 juin 2022 cassant et annulant l'arrêt rendu le 10 septembre 2020 par la cour d'appel de Versailles
S.A. [5] VENANT AUX DROITS DE LA SOCIETE [7]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentant : Me Delphine PANNETIER de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocate au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 1701
****************
DEFENDEUR DEVANT LA COUR DE RENVOI
[21]
[Adresse 12]
[Localité 3]
Représentant : Madame [E] [J] (Représentant légal) en vertu d'un pouvoir général
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 26 Juin 2025, devant la cour composée de :
Madame Nathalie COURTOIS, Présidente,
Madame Charlotte MASQUART, Conseillère,
Madame Julie MOUTY-TARDIEU, Conseillère,
et que ces mêmes magistrats en ont délibéré conformément à la loi,
dans l'affaire,
Greffière, lors des débats et du prononcé : Madame Mélissa ESCARPIT
FAITS ET PROCÉDURE
La société [7] a fait l'objet d'un contrôle par les services de l'Urssaf [14] de l'application de la législation de sécurité sociale concernant la contribution couverture maladie universelle complémentaire ( CMU-C), devenue taxe de solidarité additionnelle aux cotisations d'assurance santé ([17]) au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012.
Une lettre d'observation datée du 12 novembre 2014 lui a été adressée et réceptionnée le 19 novembre 2014.
Elle portait sur trois chefs de redressement:
- chef de redressement n°1: assujettissement au versement de la CMU-C des primes afférentes aux contrats complémentaires 'frais de soins' conclus au bénéfice d'assurés travaillant à [Localité 15] mais résidant en France pour un montant de 202 554 euros de cotisations
- chef de redressement n°2: assujettissement au versement de la CMU-C des contrats complémentaires ' frais de santé' conclus au bénéfice d'assurés travaillant en Suisse mais résidant en France pour un montant de 1 069 303 euros
- chef de redressement n°3: assujettissement au versement de la CMU-C de contrats complémentaires ' frais de soins' conclus au bénéfice de 'non assujettis à un régime obligatoire' pour un montant de 59 824 euros.
soit un montant total de 1 331 681 euros.
Le 9 décembre 2014, la société a adressé ses observations et sollicité le réexamen de l'ensemble des points de redressement.
Le 12 décembre 2014, l'Urssaf [14] a maintenu les chefs de redressement mais a réévalué le chiffrage par l'ajustement de certains montants, ramenant le total à 1 331 632 euros.
Le 26 décembre 2014, l'Urssaf a mis en demeure la société de payer la somme précitée outre les majorations de retard de 222 223 euros soit un montant total de 1 553 855 euros.
Le 5 janvier 2015, la société [8] a réglé ces sommes à hauteur de 749 880 euros de contributions.
Le 16 janvier 2015, l'Urssaf a mis en demeure la société de payer la somme de 2 761 euros au titre des majorations de retard complémentaires.
Par requête du 22 janvier 2015, la société a saisi la commission de recours amiable aux fins de voir annuler la décision du 26 décembre 2014 et la mise en demeure du 16 janvier 2015 au motif que tous les chefs de redressement sont injustifiés.
Sur décision implicite de la commission, la société a saisi le 20 avril 2015 le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine pour les motifs précités.
Par jugement en date du 28 mars 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale a :
débouté la société [6] de sa demande de nullité de la décision administrative émise à son encontre par le directeur de l'Urssaf [14] le 26 décembre 2014
annulé le chef de redressement n°1 suivant lettre d'observations du 12 novembre 2014 adressée à la société [6] par l'Urssaf [14]
maintenu les chefs de redressement n°2 et 3 suivant lettre d'observations du 12 novembre 2014 adressée à la société [6] par l'Urssaf [14]
condamné la société [6] à régler à l'Urssaf [14] la somme de 379 247 euros au titre des cotisations éludées pour les exercices 2011 et 2012, augmentée des majorations de retard dues sur cette somme en application de l'article R243-18 du code de la sécurité sociale
débouté la société de sa demande de remboursement de la somme de 581 752 euros dont elle indique s'être acquittée par erreur au titre des exercices 2011 et 2012
rejeté toute autre demande des parties
dit que chaque partie supportera la charge de ses frais irrépétibles
rejeté leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile
rappelé que la présente procédure est exempte de dépens.
Le 19 juin 2018, la société [7] a interjeté appel de la décision.
Par arrêt du 10 septembre 2020, la Cour d'appel de Versailles a:
Ordonné la jonction des procédures RG 18/02702 et RG 18/02714 sous la seule référence RG 18/02702
Confirmé le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine en date du 28 mars 2018 (15-00781/N) en ce qu'il a débouté la société [7] de sa demande de nullité de la décision administrative émise à son encontre par l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale d'Île-de-France le 26 décembre 2014 et annulé le chef de redressement n°1 suivant lettre d'observations du 12 novembre 2014 (assujettissement des primes afférentes au contrat 'complémentaire frais de soins' - assurés travaillant à Monaco ; redressement total de 202 554 euros)
Infirmé le jugement entrepris pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Annulé le chef de redressement n°2 suivant lettre d'observations du 12 novembre 2014 (assujettissement des primes au titre du contrat 'frais de santé' bénéficiant aux personnes travaillant en Suisse pour un total de 1 069 303 euros)
Annulé le chef de redressement n°3 suivant lettre d'observations du 12 novembre 2014 (assujettissement des primes afférentes au contrat bénéficiant aux personnes non assujetties à un régime obligatoire, pour un total de 59 824 euros)
Condamné l'[18] à rembourser à la société [7] la somme de 749 880 euros, en deniers ou quittances et ce, avec intérêt au taux légal à compter du 19 novembre 2015
Décidé en principe que l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale d'Île-de-France devra procéder, dans les meilleurs délais, à vérification des sommes effectivement réglées par la société [7] au regard des sommes que cette société devait régler pour les années 2011 et 2012
Renvoyé les parties à faire leurs comptes
Décidé que les sommes dont seraient redevables l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale d'Île-de-France à l'égard de la société [7] devraient porter intérêt au taux légal à compter du 19 novembre 2015
Condamné l'[18] aux dépens d'appel
Condamné l'[18] à payer à la société [7] une indemnité d'un montant de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Débouté l'[18] de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Débouté les parties de toute demande autre, plus ample ou contraire.
L'Urssaf [14] a formé un pourvoi en cassation.
Le 19 novembre 2021, la société [7] a changé de dénomination sociale pour devenir ' [5]' par assemblée générale extraordinaire.
Statuant sur le pourvoi formé, la Cour de cassation a, par arrêt du 2 juin 2022, cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 septembre 2020 sauf en ce qu'il ordonne la jonction des procédures, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles et a remis, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Versailles autrement composée, aux motifs suivants :
'Enoncé du premier moyen:
3. La société fait grief à l'arrêt d'annuler le chef de redressement nº 1, alors « que l'URSSAF ne recourt à la méthode de vérification par échantillonnage et extrapolation que si, limitant la vérification détaillée à un échantillon représentatif de la population concernée, elle procède à la constitution d'une base de sondage, au tirage d'un échantillon, à la vérification exhaustive de l'échantillon puis à l'extrapolation à l'ensemble de la population ayant servi de base à l'échantillon; que tel n'est pas le cas lorsque l'URSSAF, vérifiant l'assujettissement à la taxe de solidarité additionnelle des contrats de couverture complémentaire, ne procède à l'analyse que d'une partie seulement des contrats conclus par la société contrôlée, puis, ayant constaté que deux de ces contrats devaient être assujettis à la taxe, décide néanmoins d'assujettir l'ensemble des contrats conclus ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, par motifs propres et adoptés, que l'inspecteur du recouvrement n'avait pas examiné de manière exhaustive l'ensemble des contrats conclus par la société avec ses assurés mais uniquement quelques-uns, que parmi ces contrats examinés, il avait trouvé deux contrats signés par des clients résidant en France, et donc assujettis à la taxe de solidarité additionnelle, et qu'il avait pourtant soumis à cotisations l'ensemble des primes encaissées au titre de l'ensemble des contrats ; qu'en procédant de la sorte, l'URSSAF avait eu recours irrégulièrement à une méthode de contrôle par échantillonnage et extrapolation de sorte que le chef de redressement nº 1 devait être annulé, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article R. 243-59-2 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret nº 2007-546 du 11 avril 2007 applicable au litige. »
Réponse de la Cour:
Vu l'article R. 243-59-2 du code de la sécurité sociale :
4. Selon ce texte, les inspecteurs du recouvrement peuvent proposer à l'employeur d'utiliser les méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation, comportant la constitution d'une base de sondage, le tirage d'un échantillon, la vérification exhaustive de l'échantillon et l'extrapolation à la population ayant servi de base à l'échantillon.
5. Pour annuler le chef de redressement litigieux, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que rien n'autorisait l'organisme de contrôle, à partir de deux exceptions et sans autre vérification, à considérer que la totalité des contrats en cause concernaient des résidents en France et que la méthode ainsi employée s'apparente à un contrôle par échantillonnage et extrapolation. II ajoute que s'il est possible de procéder par échantillonnage, encore cette procédure doit-elle obéir à des règles et être expliquée dans la lettre d'observations, ce qui n'est pas le cas. II relève enfin qu'il ne peut qu'être constaté que les dispositions de l'article R. 243-59-2 précité n'ont pas été respectées dans la mesure où elles exigent de se conformer à différentes étapes au cours desquelles la procédure contradictoire est renforcée.
6. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que l'inspecteur du recouvrement n'avait pas recouru à une méthode de vérification par échantillonnage et extrapolation au sens du texte susvisé, la cour d'appel a violé ce dernier par fausse application.
Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. La société fait grief à l'arrêt d'annuler le chef de redressement nº 2, alors « que l'article L. 862-4 du code de la sécurité sociale, qui institue une taxe de solidarité additionnelle assise sur les cotisations d'assurances afférentes aux garanties de protection complémentaire en matière de frais de soins de santé souscrites au bénéfice de personnes physiques résidentes en France, n'opère aucune distinction selon que les personnes résidentes en France sont ou non à la charge d'un régime obligatoire d'assurance maladie français ; que les cotisations d'assurance entrent dans l'assiette de la taxe dès lors qu'elles sont afférentes à une protection « complémentaire » c'est-à-dire qu'elles garantissent la prise en charge de dépense de santé en complément des prestations versées par un régime obligatoire de sécurité sociale, peu important que ce régime obligatoire de sécurité sociale ne soit pas français mais suisse ; qu'en jugeant que les cotisations des contrats de protection complémentaire « frais de santé » souscrits au bénéfice de résidents français travaillant en Suisse, et soumis de ce fait au régime de sécurité sociale suisse, étaient exclues de la taxe de solidarité additionnelle au prétexte que ces personnes n'étaient pas à la charge d'un régime obligatoire d'assurance maladie français, la cour d'appel qui a opéré une distinction non prévue par la loi, a violé l'article L. 862-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi nº2010-1657 du 29 décembre 2010 applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 862-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n°2010-1657 du 29 décembre 2010, applicable au litige :
8. Aux termes de ce texte, il est perçu une taxe de solidarité additionnelle aux cotisations d'assurance maladie complémentaire versées pour les personnes physiques résidentes en France, à l'exclusion des réassurances.
9. Pour annuler le chef de redressement relatif aux primes afférentes aux contrats souscrits par des assurés résidant en France mais travaillant en Suisse, l'arrêt retient essentiellement que sont exclues de la taxe les sommes se rapportant à la couverture santé pour les personnes qui ne sont
pas à la charge d'un régime obligatoire d'assurance maladie français et que les personnes qui travaillent en Suisse sont soumises, de ce seul fait, à la législation de sécurité sociale suisse.
10. En statuant ainsi alors que l'article L. 862-4 n'opère aucune distinction en fonction du lieu de travail de la personne signataire du contrat ou du régime d'assurance maladie obligatoire dont elle relève, qu'il soit français ou étranger, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
11. La société fait grief à l'arrêt d'annuler le chef de redressement nº 3, alors « que ne sont exclues du champ d'application de la taxe additionnelle que les primes qui se rapportent à la couverture santé de personnes qui ne sont pas assujetties à un régime obligatoire d'assurance maladie, ce que la société cotisante doit démontrer et le juge constater; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que seulement « un des contrats » soumis par la société portait la mention « pour une personne non assujettie (illisible) régime obligatoire » et que les conditions générales du contrat «complémentaire frais de soins » mentionnait « non assujettis à un régime obligatoire» ; qu'en jugeant que les primes afférentes à tous ces contrats « complémentaire frais de soins » devaient être exonérées de la taxe additionnelle puis en annulant l'entier chef de redressement nº 3, sans avoir examiné tous les contrats litigieux ni constaté que les bénéficiaires de l'ensemble de ces contrats n'étaient pas assujettis à un régime obligatoire d'assurance maladie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 862-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi nº 2010-1657 du 29 décembre 2010 applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 862-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loinº 2010-1657 du 29 décembre 2010, applicable au litige:
12. Selon ce texte, la taxe de solidarité additionnelle est assise sur les cotisations d'assurance maladie complémentaire. II en résulte que les sommes se rapportant à la couverture santé des personnes non affiliées à un régime obligatoire d'assurance maladie sont exclues du champ d'application de cette taxe.
13. Pour annuler le redressement, l'arrêt relève que l'un des contrats soumis par la société porte la mention « pour personne non assujettie (illisible) à un régime obligatoire » et que le document présentant les conditions générales du contrat « Complémentaire frais de soins » porte, juste en dessous de ce titre, la mention « Non-assujettis à un régime obligatoire ». Il ajoute que la société n'est d'ailleurs en rien démentie lorsqu'elle indique que les garanties ne sont plus offertes dès lors que le signataire du contrat vient à relever du régime de base de la sécurité sociale française.
14. En se déterminant ainsi, sans vérifier si les bénéficiaires des contrats litigieux étaient effectivement des personnes non assujetties à un régime obligatoire d'assurance maladie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Le 22 août 2022, la société [4] a saisi la cour d'appel de Versailles autrement composée.
Après plusieurs renvois, l'affaire a été appelée à l'audience du 26 juin 2025.
Selon les écritures visées par le greffe et reprises oralement à l'audience précitée, la société [4] demande à la cour de voir:
infirmer partiellement le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nanterre le 28 mars 2018 (recours n° 15-00781/N) :
en ce qu'il a maintenu les chefs de redressement n°2 et 3 suivant lettre d'observations du 12 novembre 2014 adressée à la société [4] par l'Urssaf [14]
en ce qu'il a condamné la société [4] à régler à l'Urssaf [14] la somme de 379 247 euros au titre des cotisations éludées pour les exercices 2011 et 2012, augmentée des majorations de retard dues sur cette somme en application de l'article R243-18 du code de la sécurité sociale
en ce qu'il a débouté la société de sa demande de remboursement de la somme de 581 752 euros dont elle indique s'être acquittée par erreur au titre des exercices 2011 et 2012
en ce qu'il a rejeté toute autre demande de la société
et de :
à titre principal, juger que le redressement notifié par l'Urssaf est irrégulier ou à tout le moins injustifié sur le fond à hauteur des chefs de redressement n°2 et 3 qui ont été maintenus par le tribunal
annuler ces chefs de redressement maintenus par le tribunal
annuler en conséquence la « décision administrative » datée du 26 décembre 2014
annuler la mise en demeure complémentaire du 16 janvier 2015
annuler ou infirmer la décision de rejet de la commission de recours amiable de l'Urssaf [14] notifiée par courrier du 8 octobre 2015
ordonner à l'Urssaf de rembourser à la société [4] venant aux droits de la société [7] le montant de 1 331 632 euros de contributions, avec intérêt au taux légal à compter de la saisine du tribunal du 20 avril 2015, étant précisé que ce montant a été réglé par la société :
à hauteur de 749 880 euros dans le cadre du paiement sous réserve du redressement (il est rappelé que ce montant avait été remboursé par l'Urssaf en exécution de l'arrêt de la cour d'appel mais qu'il a été à nouveau payé par la société en exécution de l'arrêt de la cour de cassation)
et à hauteur de 581 752 € dans le cadre du paiement de la taxe effectué au titre des années contrôlées 2011 et 2012, paiement injustifié compte tenu des règles d'exonération applicables
à titre subsidiaire, juger que le redressement est erroné dans son chiffrage à hauteur de la fraction excédentaire par rapport aux états C4, ce qui se traduit par la réduction du redressement au montant de 749 880 euros au lieu de 1 331 632 euros
annuler en conséquence le redressement notifié par l'Urssaf à hauteur des montants injustifiés de contributions (581 752 €) et des majorations de retard y afférentes
annuler la décision du 26 décembre 2014 à hauteur de ces montants de contributions et majorations
annuler la mise en demeure complémentaire du 16 janvier 2015 à hauteur des montants afférents à ces sommes annulées
annuler ou infirmer la décision de rejet de la commission de recours amiable notifiée par courrier du 8 octobre 2015 en ce qu'elle a rejeté la demande de la société sur ce point
ordonner à l'Urssaf de rembourser à la société [4] venant aux droits de la société [7] la somme de 581 752 euros, payée par erreur par la société au regard des règles d'exonération applicables, avec intérêt au taux légal à compter de la saisine du tribunal du 20 avril 2015
en tout état de cause, rejeter la demande de l'Urssaf tendant à voir infirmer le jugement en ce qu'il a annulé le chef n° 1
rejeter la demande reconventionnelle de l'Urssaf en paiement du montant de 581 752 euros de cotisations et des majorations y afférentes
rejeter plus généralement toute demande reconventionnelle de l'Urssaf en paiement d'un solde de cotisations et des majorations de retard
condamner l'[20] à verser à la société [4] venant aux droits de la société [7] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Selon ses écritures visées par le greffe et reprises oralement à l'audience précitée, l'Urssaf [14] demande à la cour de voir:
déclarer la société [4] venant aux droits de la société [7] recevable mais mal fondée en son recours
infirmer le jugement attaqué du tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-seine en date du 28 mars 2018 en ce qu'il a annulé le chef de redressement n°1 suivant lettre d'observations du 12 novembre 2014
confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a maintenu les chefs de redressement n°2 et 3 suivant lettre d'observations du 12 novembre 2014
statuant à nouveau, débouter la société [4] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
valider les mises en demeure en date du 26 décembre 2014
dire et juger que l'ensemble des redressements contestés sont réguliers et bien fondés
débouter la société de sa demande de remboursement
condamner la société [4] venant aux droits de la société [7] à payer à l'Urssaf [14] la somme de 803 975 euros comprenant 581 752 euros de cotisations et 222 223 euros de majorations de retard
condamner la société [4] venant aux droits de la société [7] à lui payer la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées et à la note d'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En préambule, il convient de rappeler que la présente Cour est saisi des 3 chefs de redressement contestés à savoir:
- chef de redressement n°1: assujettissement au versement de la CMU-C des primes afférentes aux contrats complémentaires 'frais de soins' conclus au bénéfice d'assurés travaillant à [Localité 15] mais résidant en France
- chef de redressement n°2: assujettissement au versement de la CMU-C des contrats complémentaires ' frais de santé' conclus au bénéfice d'assurés travaillant en Suisse mais résidant en France
- chef de redressement n°3: assujettissement au versement de la CMU-C de contrats complémentaires ' frais de soins' conclus au bénéfice de 'non assujettis à un régime obligatoire'.
Et des motifs de cassation suivants:
- s'agissant du chef de redressement n°1 et sur la méthode de contrôle appliquée par l'Urssaf [14] : la cour de cassation a cassé au motif que ' alors qu'il ressortait de ses constatations que l'inspecteur du recouvrement n'avait pas recouru à une méthode de vérification par échantillonnage et extrapolation au sens du texte susvisé, la cour d'appel a violé ce dernier par fausse application
- s'agissant du chef de redressement n°2: la cour de cassation a cassé au motif que ' l'article L. 862-4 n'opère aucune distinction en fonction du lieu de travail de la personne signataire du contrat ou du régime d'assurance maladie obligatoire dont elle relève, qu'il soit français ou étranger, la cour d'appel a violé le texte susvisé'
- s'agissant du chef de redressement n°3: la cour de cassation a cassé au motif que ' En se déterminant ainsi, sans vérifier si les bénéficiaires des contrats litigieux étaient effectivement des personnes non assujetties à un régime obligatoire d'assurance maladie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale'.
Pour mémoire, le financement de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C),
couverture ouverte au bénéfice de personnes qui remplissent des conditions de résidence et dont les revenus sont inférieurs à certains seuils, est assuré par une contribution dite [10] à la charge de l'ensemble des organismes assureurs, mutuelles, institutions de prévoyance et entreprises d'assurance intervenant dans le domaine de la protection sociale complémentaire, cette contribution étant recouvrée par les [19] depuis le 1 'janvier 2000.
La loi de finance pour 2011 a transformé la contribution [10] en une taxe de solidarité additionnelle aux cotisations d'assurance santé (TSA).
Cette taxe est assise sur le montant des cotisations d'assurances afférentes aux garanties de protection complémentaire en matière de frais de soins de santé souscrites au bénéfice de personnes physiques résidentes en France.
Sur la régularité du contrôle
Selon l'article R243-59-2 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige, ' Les inspecteurs du recouvrement peuvent proposer à l'employeur d'utiliser les méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale. Au moins quinze jours avant le début de cette vérification, l'inspecteur du recouvrement remet à l'employeur un document lui indiquant les différentes phases de la mise en oeuvre des méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation et les formules statistiques utilisées pour leur application. Il lui remet également l'arrêté mentionné au présent article.
Dès lors que l'employeur entend s'opposer à l'utilisation de ces méthodes, il en informe l'inspecteur du recouvrement, par écrit et dans les quinze jours suivant la remise des documents mentionnée à l'alinéa précédent. Dans ce cas, l'inspecteur du recouvrement lui fait connaître le lieu dans lequel les éléments nécessaires au contrôle doivent être réunis ainsi que les critères, conformes aux nécessités du contrôle, selon lesquels ces éléments doivent être présentés et classés. L'employeur dispose de quinze jours après notification de cette information pour faire valoir, le cas échéant, ses observations en réponse. A l'issue de ce délai, l'inspecteur notifie à l'employeur le lieu et les critères qu'il a définitivement retenus. La mise à disposition des éléments ainsi définis doit se faire dans un délai déterminé d'un commun accord entre l'inspecteur et l'employeur, mais qui ne peut être supérieur à soixante jours. Lorsque ces conditions ne sont pas remplies, l'opposition de l'employeur à l'utilisation des méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation ne peut être prise en compte.
Lorsque ces méthodes sont mises en oeuvre, l'inspecteur du recouvrement informe l'employeur des critères utilisés pour définir les populations examinées, le mode de tirage des échantillons, leur contenu et la méthode d'extrapolation envisagée pour chacun d'eux.
L'employeur peut présenter à l'inspecteur du recouvrement ses observations tout au long de la mise en oeuvre des méthodes de vérification par échantillonnage. En cas de désaccord de l'employeur exprimé par écrit, l'inspecteur du recouvrement répond par écrit aux observations de l'intéressé.
Le document notifié par l'inspecteur du recouvrement à l'issue du contrôle, en application du cinquième alinéa de l'article R. 243-59, précise les populations faisant l'objet des vérifications, les critères retenus pour procéder au tirage des échantillons, leur contenu, les cas atypiques qui en ont été exclus, les résultats obtenus pour chacun des échantillons, la méthode d'extrapolation appliquée et les résultats obtenus par application de cette méthode aux populations ayant servi de base au tirage de chacun des échantillons. Il mentionne la faculté reconnue au cotisant en vertu du sixième alinéa du présent article.
Dans le délai de trente jours fixé par le cinquième alinéa de l'article R. 243-59, l'employeur peut informer, par lettre recommandée avec avis de réception, l'organisme de recouvrement de sa décision de procéder au calcul des sommes dont il est redevable ou qu'il a indûment versées pour la totalité des salariés concernés par chacune des anomalies constatées sur chacun des échantillons utilisés.
Lorsque, au terme du délai fixé par l'alinéa précédent, l'employeur n'a pas fait connaître à l'organisme de recouvrement sa décision de procéder au calcul des sommes dont il est redevable, la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l'objet du redressement ne peut intervenir avant l'expiration de ce délai et avant la réponse de l'inspecteur du recouvrement aux éventuelles observations de l'employeur.
Lorsque l'employeur a fait connaître dans le délai imparti sa décision de procéder au calcul des sommes dont il est redevable, l'engagement de la procédure de recouvrement ne peut intervenir qu'à l'issue d'un délai de trente jours courant à compter de la réception par l'organisme de recouvrement de la décision de l'employeur. Avant l'expiration de ce délai, ce dernier adresse à l'inspecteur du recouvrement les résultats de ses calculs accompagnés des éléments permettant de s'assurer de leur réalité et de leur exactitude. L'inspecteur du recouvrement peut s'assurer de l'exactitude de ces calculs, notamment en procédant à l'examen d'un nouvel échantillon. La mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l'objet du redressement ne peut intervenir avant l'expiration de ce délai de trente jours et avant la réponse de l'inspecteur du recouvrement aux éventuelles observations de l'employeur.
L'inspecteur du recouvrement transmet à l'organisme chargé de la mise en recouvrement le procès-verbal de contrôle faisant état de ses observations, accompagné, s'il y a lieu, de l'ensemble des courriers et documents transmis par l'employeur et de la réponse de l'inspecteur du recouvrement'.
La société [4] reprochait à l'Urssaf [14], pour les trois chefs de redressement, d'avoir procédé à une extrapolation dès lors que l'inspecteur n'a pas examiné l'ensemble des contrats souscrits durant la période contrôlée et alors qu'elle les avait tenus à sa disposition. Si depuis l'arrêt de la cour de cassation, la société [4] ne soutient plus que l'Urssaf [14] a réalisé un contrôle par échantillonnage sans en respecter les règles, pour autant elle maintient que l'absence de contrôle au réel emporte nullité du contrôle pour les trois chefs de redressement, ce à quoi s'oppose l'Urssaf [14].
Il n'est pas contesté par la société [4] que, lors du contrôle, il est apparu que la société [7]:
- avait exclu de l'assiette de la [11] le montant des primes afférentes aux contrats ' complémentaire frais de soins' au motif énoncé que les bénéficiaires étaient tous résidents à [Localité 15] alors que l'Urssaf [14] constatait, à l'occasion de l'examen du fichier fourni par la société, que certains contrats étaient signés par des clients résidant en France et donc qu'ils devaient être assujettis à la taxe de solidarité additionnelle
- n'avait pas taxé des assurés au motif qu'il travaillait en Suisse alors que l'Urssaf constataient à partir du fichier remis qu'ils résidaient tous en France
- avait exclu de l'assiette de la [11] le montant des primes afférentes au contrat 'complémentaire frais de soins' au bénéfice des ' non assujettis à un régime obligatoire' du fait du non assujettissement à un régime obligatoire de ses clients alors que l'Urssaf [14] constatait que ' L'examen des contrats est quasiment impossible; l'employeur explique qu'il s'agit de très anciens contrats qu'[6] ne propose plus à ses clients; que pour certains contrats, l'archivage électronique n'existe pas et que les documents papiers sont introuvables'.
C'est ainsi que dans la lettre d'observations, l'Urssaf [14] faisait mention à titre d'exemple, pour deux des trois chefs de redressement, des contrats présentant des anomalies.
Dans sa lettre adressée à l'Urssaf [14] après redressement, la société n'a pas remis en cause utilement les constatations faites par l'Urssaf [14] s'agissant des réponses qu'elle avait formulées à l'inspecteur. Il lui appartenait non pas d'inviter l'Urssaf [14] à identifier les contrats non éligibles à l'exonération ou à l'exclusion mais à elle de justifier du bien fondé de cette exonération ou exclusion durant les opérations de contrôle; dans le cas contraire la charge de la preuve serait inversée. Il n'est pas démontré par la société [4] que la société [7] ait communiqué des pièces exploitables, l'Urssaf [14] ayant rappelé que la société [7] s'était contentée de lui communiquer un fichier de plusieurs milliers de lignes inexploitables.
Par ailleurs, il résulte de l'avis de la commission de recours amiable que ' la société n'a pas été en mesure de fournir, lors du contrôle ou dans le cadre de la période contradictoire, des pièces justificatives probantes permettant d'établir avec précision parmi les bénéficiaires, ceux résidant à [Localité 15] et/ou ceux relevant du régime de sécurité sociale monégasque; que s'agissant ders contrats dits ' frontaliers' visant les salariés exerçant une activité professionnelle en Suisse et présentés lors du contrôle, là encore, ces documents ne permettent pas d'apprécier le bien fondé de l'exclusion de l'assiette de la taxe des primes afférentes à ces contrats; qu'en effet, il apparaît que tous les bénéficiaires résident en France; qu'il s'agit de contrats-types non datés et qui ne précisent ni la période d'échéance ni les conditions de rattachement à un régime obligatoire de sécurité sociale des assurés visés; que concernant les bénéficiaires 'non assujettis à un régime obligatoire de sécurité sociale' la société ne produit pas de pièces justificatives probantes venant étayer ses dires. Cette dernière indique dans sa lettre de contestation du 9 décembre 2014 que
' ces contrats sont anciens et ne sont plus proposés depuis une dizaine d'années (...). Nous ne disposons pas, pour ces contrats, d'archivage électronique (...) Et que compte tenu du délai imparti, nous n'avons pas retrouvé tous les contrats demandés'.
Or, comme rappelé par l'Urssaf [14], il appartient au cotisant qui réclame le bénéfice d'une exonération de charge ou de taxe de prouver qu'il en remplit les conditions. La charge de la preuve pèse sur le cotisant. Il lui appartient de disposer de toutes les pièces utiles lorsqu'il décide de s'appliquer une exonération quelle qu'elle soit, de les conserver et de les produire en cas de contrôle. Il est bien évident qu'un fichier comportant un listing de milliers de références de dossiers sans que ne soient rattachées les pièces afférentes est inexploitable, les fichiers en format Excel produit durant le délibéré le démontrant.
Comme relevé par l'Urssaf [14], les réponses formulées par la société [7] s'assimilaient à des fausses informations puisque durant le contrôle, la société a notamment affirmé que l'ensemble des contrats devaient être exonérés de cotisations dès lors que les assurés résidant tous à [Localité 15] (chef de redressement n°1).
La charge de la preuve de la conformité à la législation de sécurité sociale des informations déclarées incombe au cotisant et celui-ci doit produire les pièces justificatives au cours du contrôle ou de la phase contradictoire et non pas après.
En conséquence, et comme reconnu par la société [4], l'Urssaf [14] n'a pas recouru à une méthode de vérification par échantillonnage et extrapolation au sens du texte susvisé ni à la méthode de taxation forfaitaire, et les opérations de contrôle n'encourent aucune nullité, de sorte que cette exception de nullité sera rejetée par infirmation du jugement.
Sur le chef de redressement n°1: '[11]: assujettissement au versement de la contribution ou de la taxe'
Le chef de redressement est ainsi libellé:
' Constatations
La société [6] relève du droit des assurances français. Elle propose, notamment un contrat ' complémentaire frais de soins' au bénéfice d'assurés travaillant à [Localité 15]. La société [6] a exclu de l'assiette de la [11] le montant des primes afférentes à ce contrat. Elle justifie cette exclusion par le fait que les clients habitent [Localité 15]. Le montant des primes exclu s'élève à 2011: 1 602 519 euros et 2012: 1 628 000 euros.
Il est ainsi demandé, à partir d'une extraction du fichier fourni par l'assureur, d'exploiter certains contrats. Il en ressort de l'examen que les contrats sont tantôt signés par des clients ayant leur résidence soit à [Localité 15] ou soit en France.
Exemples: contrat n°75183920 signé en 2011, l'assuré réside au [Localité 9] département 06
contrat n°7629772 signé en 2012, l'assuré réside à menton département 06.
Conclusions:
Compte tenu des textes précités et des faits exposés, il convient de réintégrer dans l'assiette de la contribution [11] les primes des contrats au bénéfice des clients travaillant à [Localité 15] et résidant en France ou dont la résidence à [Localité 15] n'est pas établie. En effet, comme le rappellent les textes, l'assujettissement de la prime à la contribution [11] fait référence au lieu de résidence du client; dès lors que le contrat est conclu avec une personne résidant en France, les primes afférentes à la protection complémentaires doivent être intégrées dans l'assiette de contribution. D'autre part, compte tenu de la position ferme de l'assureur ayant déclaré que l'ensemble des assurés visés par ces contrats résidaient à [Localité 15], il n'a pas pu être établi la décomposition des primes afférentes aux salariés résidant réellement à [Localité 15] et ceux résidants en France. Enfin, votre organisme complémentaire entrant dans le champ d'application de la contribution au financement de la protection complémentaire santé, vous êtes redevable de la contribution au financement de la protection complémentaire santé' Le redressement sur les exercices 2011 et 2012 reprend l'intégralité des primes exclues'.
Selon l'article L862-4 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable, ' I. ' Il est perçu, au profit du fonds visé à l'article L. 862-1, une taxe de solidarité additionnelle aux cotisations d'assurance afférentes aux garanties de protection complémentaire en matière de frais de soins de santé souscrites au bénéfice de personnes physiques résidentes en France, à l'exclusion des réassurances.
La taxe est assise sur la cotisation correspondant à ces garanties et stipulée au profit d'une mutuelle régie par le code de la mutualité, d'une institution de prévoyance régie par le livre IX du présent code ou par le livre VII du code rural et de la pêche maritime, d'une entreprise régie par le code des assurances ou un organisme d'assurance maladie complémentaire étranger non établi en France mais admis à y opérer en libre prestation de service.
Elle est perçue par l'organisme mentionné au deuxième alinéa ou son représentant fiscal pour le compte des organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général de sécurité sociale territorialement compétents. Toutefois, un autre de ces organismes ou l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale peut être désigné par arrêté ministériel pour exercer tout ou partie des missions de ces organismes. La taxe est liquidée sur le montant des cotisations émises ou, à défaut d'émission, recouvrées, au cours de chaque trimestre, nettes d'annulations ou de remboursements. Elle est versée au plus tard le dernier jour du premier mois qui suit le trimestre considéré.
Un arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget précise les documents à fournir par les organismes mentionnés au deuxième alinéa à l'appui de leurs versements.
II. ' Le taux de la taxe est fixé à 6,27 %.
III.-Les modalités de versement ou d'imputation des remboursements prévus aux a et b de l'article L. 862-2 sont précisées par décret'.
Selon l'article L111-1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable, ' L'organisation de la sécurité sociale est fondée sur le principe de solidarité nationale.
Elle garantit les travailleurs et leur famille contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leur capacité de gain. Elle couvre également les charges de maternité, de paternité et les charges de famille.
Elle assure, pour toute autre personne et pour les membres de sa famille résidant sur le territoire français, la couverture des charges de maladie, de maternité et de paternité ainsi que des charges de famille.
Cette garantie s'exerce par l'affiliation des intéressés et le rattachement de leurs ayants droit à un (ou plusieurs) régime(s) obligatoire(s).
Elle assure le service des prestations d'assurances sociales, d'accidents du travail et maladies professionnelles, des allocations de vieillesse ainsi que le service des prestations familiales dans le cadre des dispositions fixées par le présent code'.
La société [4] déduit de la lecture croisée de ces deux textes que l'assuré n'est redevable de la [17] que s'il dépend de la législation française de sécurité sociale. Elle soutient que la circulaire DSS/5D/2011/133 du 18 avril 2011 confirme cette interprétation dès lors qu'elle prévoit que ' les sommes se rapportant à la couverture santé pour les personnes qui ne sont pas à la charge d'un régime obligatoire d'assurance maladie français ( couverture au 1er euro) sont exclues du champ de la taxe'.
Comme relevé à juste titre par l'Urssaf [14], la circulaire ne concerne que les contrats dits ' au premier euro', et non des contrats de protection complémentaire en matière de frais de soins de santé, la circulaire invoquée ne concernant que des personnes n'ayant aucune protection de base et pour lesquelles la couverture santé ne revêt donc pas de caractère complémentaire, d'où son appellation ' couverture au premier euro'.
Par son analyse, la société [4] ajoute au texte une condition non prévue. En effet, l'article L862-4 précité vise ' les personnes physiques résidentes en France' sans faire de distinction selon que les personnes sont ou non affiliées à un régime obligatoire d'assurance maladie français.
Les autres moyens développés par la société [4] ne permettent pas de renverser cette analyse stricto sensu du texte précité. Ainsi la circulaire DSS/SD5D/2015/380 du 28 décembre 2015 qu'elle cite et produit (pièce 22), outre le fait qu'elle n'était pas applicable pour la période contrôlée, ne remet pas en cause les termes de l'article L862-4 précité puisque, sur la territorialité, elle dispose que ' l'assujettissement à la taxe de l'article L862-4 du code de la sécurité sociale est subordonné à la condition que les garanties complémentaires soient souscrites au bénéfice d'un assuré ou membre participant ( notamment dans le cas d'un contrat collectif) résidant en France à la date du fait générateur de la taxe, quel que soit le lieu du siège social de l'organisme d'assurance maladie complémentaire. Ainsi, dès lors que le contrat est conclu avec un assuré ou membre participant résidant en France, les primes ou les cotisations afférentes à la protection complémentaire doivent être intégrées dans l'assiette de taxe'.
Il convient donc de confirmer le chef de redressement par infirmation du jugement et de condamner la société [4] venant aux droits de la société [7] à payer les cotisations et majorations de retard afférentes.
Sur le chef de redressement n°2: ' [11]: assujettissement au versement de la contribution ou de la taxe'
Le chef de redressement est ainsi libellé:
' Constatations
La société [6] propose un contrat frais de santé au profit de clients "travailleur salarié en Suisse".
La société a exclu de I'assiette de la [11] le montant des primes afférentes à ce contrat.
Le montant des primes exclu s'élève à :
2011:8 924 271 €
2012: 8130 000€
Il est ainsi demandé, à partir d'une extraction du fichier fourni par l'employeur l'assureur, d'exploiter certains contrats.
Exemples: contrat n°75900625, signé en 2011, l'assuré réside à [Localité 16], département 01
contrat n°74617411' SIGN2 EN 2007, 1'assuré réside à [Localité 13] département 74
Il en ressort que ces clients sont tous résidents en France tout en ayant une activité professionnelle en Suisse.
Conclusions
Compte tenu des textes précités et des faits exposés, il convient de réintégrer les primes des contrats au bénéfice des clients résidant en France et travaillant en Suisse dans l'assiette de la contribution [11].
En effet, comme le rappellent les textes, l'assujettissement de la prime à la contribution [11] fait référence au lieu de résidence du client; dès lors que le contrat est conclu avec une personne
résidant en France, les primes afférentes à la protection complémentaire doivent être intégrées dans I'assiette de la contribution.
D'autre part, l'employeur argue du fait que les clients visés ne sont pas assujettis à un régime obligatoire. L'assujettissement à un régime obligatoire n'est pas une condition d'inclusion des primes dans l'assiette de la [17]; les primes ou cotisations concernées sont celles qui sont destinées au financement de l'ensemble des remboursements des soins de santé, qui ne sont pas pris en charge légalement par un régime obligatoire d'assurance maladie. Votre organisme complémentaire entrant dans le champ d'application de la contribution au financement de la protection complémentaire santé, vous êtes redevable de la contribution au financement de la protection complémentaire santé. Il est donc procédé à la réintégration de l'ensemble des primes dans l'assiette de la contribution [11] concernant les clients français résidant en France et travaillant en Suisse'.
La société justifie cette exclusion de l'assiette de la contribution par le fait que les clients bénéficiant de ce contrat travaillent en Suisse et ne relèvent pas d'un régime obligatoire français de sécurité sociale.
Pour les mêmes motifs déjà développés dans le cadre du chef de redressement n°1 outre le fait qu'il ne suffit pas que les contrats frontaliers comportent la mention ' elle est spécialement étudiée pour le travailleur frontalier non assujetti à un régime obligatoire d'assurance maladie, domicilié en France, salarié dans une entreprise située en Suisse' pour que cela constitue à elle seule la preuve que les souscripteurs remplissaient les conditions précitées ni que ces conditions étaient conformes à l'article L862-4 précité.
Par ailleurs, les règlements communautaires entre la France et la Suisse invoqués par la société n'apportent aucune contradiction utile ni remise en cause de la lettre de l'article L862-4.
Il n'est pas contesté que le redressement critiqué ne porte que sur des contrats de protection conclus au profit de personnes résidant en France.
La société [4] sera déboutée de sa demande et le chef de redressement n°2 confirmé par confirmation du jugement.
Sur le chef de redressement n°3: ' [11]: assiette contribution-taxe'
Le chef de redressement est ainsi libellé:
' Constatations
La société [6] relève du droit des assurances français.
Elle propose notamment un contrat ' complémentaire frais de soins' au bénéfice des ' non assujettis à un régime obligatoire'. La société [6] a exclu de l'assiette de la [11] le montant des primes afférentes à ce contrat. Elle justifie cette exclusion du fait du non assujettissement à un régime obligatoire de ses clients.
Le montant des primes exclu s'élève à:
2011: 482 000 euros
2012: 472 000 euros.
Il est ainsi demandé, à partir d'une extraction du fichier fourni par l'employeur, d'exploiter certains contrats.
L'examen des contrats est quasiment impossible; l'employeur explique qu'il s'agit de très anciens
contrats qu'[6] ne propose plus à ses clients; que pour certains contrats, l'archivage électronique n'existe pas et que les documents papiers sont introuvables.
Conclusions
Compte tenu des textes précités et des faits exposés, il convient de réintégrer les primes des contrats au bénéfice des dits clients dans l'assiette de la contribution [11].
L'assujettissement à un régime obligatoire n'est pas une condition d'inclusion des primes dans l'assiette de la [17] ; les primes ou cotisations concernées sont celles qui sont destinées au financement de l'ensemble des remboursements des soins de santé, qui ne sont pas pris en charge
légalement par un régime obligatoire d'assurance maladie.
A noter que les seuls éléments fournis sont :- un contrat type, non daté, intitulé "complémentaire
frais de soins pour les non-assujettis à un régime obligatoire ", conditions générales : il est indiqué
que le contrat garantit le remboursement des frais d'ordre médical et chirurgical pour des soins prescrits et engagés en France métropolitaine et dans les DOM/TOM.
Enfin, votre organisme complémentaire entrant dans le champ d'application de la contribution au financement de la protection complémentaire santé, vous êtes redevable de la contribution au financement de la protection complémentaire santé.
Le redressement sur les exercices 2011 et 2012 reprend l'intégralité des primes exclues'.
La société expose qu'elle a exclu de la taxe [10] le montant des primes afférentes à ce contrat au motif que les assurés bénéficiant de ce contrat ne sont pas assujettis à un régime obligatoire d'assurance maladie.
Comme le rappelle l'Urssaf [14], c'est au cotisant de prouver qu'il rempli les conditions d'exonération et en l'espèce, de démontrer que les assurés ne sont pas assujettis à aucun régime obligatoire d'assurance maladie qu'il soit français ou étranger.
Or, l'Urssaf [14] a constaté que la société [7] n'était pas en mesure de lui produire les justificatifs, la société lui expliquant que ces contrats étaient très anciens et qu'elle ne les proposait plus à ses clients; que pour certains contrats l'archivage électronique n'existait pas et que les documents papiers étaient introuvables. Les premiers juges ont à leur tour constaté que ' les quelques éléments qu'elle a fournis aux débats relativement à ces contrats ne permettent pas de retenir qu'elle rapporte de manière suffisante la preuve que leurs bénéficiaires n'étaient pas assujettis à un régime obligatoire de protection sociale'.
Selon l'article R243-59 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable [..] Les employeurs, personnes privées ou publiques, et les travailleurs indépendants sont tenus de présenter aux agents chargés du contrôle mentionnés à l'article L. 243-7, dénommés inspecteurs du recouvrement, tout document et de permettre l'accès à tout support d'information qui leur sont demandés par ces agents comme nécessaires à l'exercice du contrôle [...]'.
Il en résulte que les cotisants doivent conserver les éléments de preuve de nature à démontrer l'exactitude de leurs déclarations afin que les organismes de recouvrement, qui sont chargés de la vérification de l'exhaustivité, de la conformité et de la cohérence des informations déclarées par les cotisants, puissent exercer a posteriori un contrôle de l'application des dispositions du code de la sécurité sociale. Le cotisant doit donc pouvoir produire devant celui-ci l'ensemble des pièces nécessaires au succès de ses prétentions.
Lorsque la charge de la preuve de la conformité à la législation de sécurité sociale des informations déclarées incombe au cotisant, celui-ci doit produire les pièces justificatives au cours du contrôle ou de la phase contradictoire. Tel est notamment le cas de l'application des règles de déduction des frais professionnels (2e Civ., 24 novembre 2016, pourvoi n° 15-20.493), de l'application de la tolérance administrative d'exclusion de l'assiette de cotisations (2e Civ., 7 janvier 2021, pourvoi n° 19-20.035, 19-19.395), en matière de taxation forfaitaire (2e Civ., 14 mars 2019, pourvoi n° 17-28.099), ou d'évaluation forfaitaire des cotisations et contributions dues par une société ayant fait l'objet d'un contrôle de l'inspection du travail en matière de travail dissimulé (2e Civ., 9 novembre 2017, pourvoi n° 16-25.690, Bull. 2017, II, n° 209).
Faute d'avoir produit des pièces probantes démontrant que la condition de non assujettissement était remplie, il convient de confirmer le chef de redressement n°3 par confirmation du jugement.
Sur la demande de réduction du chiffrage du redressement
La société [4] invoque le caractère excessif du redressement et demande sa réduction au montant de 749 880 euros au lieu de 1 331 632 euros. Elle expose que la base retenue pour calculer le redressement est nécessairement inexacte dans la mesure où elle conduit à soumettre à la taxe une somme supérieure à la totalité des primes perçues par la société après déduction des montants d'ores et déjà assujettis à la taxe.
L'Urssaf [14] rappelle la carence de la société à démontrer le bien-fondé du non paiement des taxes pour lesquelles les redressements ont été confirmés et que le seul état C4 sur lequel la société se fonde pour calculer le trop versé est insuffisant et réitère sa demande de voir produire l'état C1 non-vie et la comptabilité ( tous les comptes de classe 7), demande formulée pendant les opérations de contrôle, afin de procéder à un contrôle de cohérence, ce à quoi s'oppose la société aux motifs que seul l'état C4 est obligatoire et qu'aucun texte n'impose de produire d'autres documents.
Cependant, selon l'article 1315 du code civil applicable au litige, ' Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation'.
Ainsi en matière d'indu, celui qui soutient avoir trop versé doit le prouver, ce que ne fait pas la société [4] qui sera déboutée de sa demande par rajout au jugement.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Il convient de rejeter les demandes de ce chef.
Sur les dépens
Il convient de condamner la société [4], venant aux droits de la société [7], aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Nanterre du 28 mars 2018 sauf en ce qu'il a annulé le chef de redressement n°1;
Statuant à nouveau et y ajoutant;
Dit les opérations de contrôle du chef de redressement n°1 régulières et déboute la société [4] venant aux droits de la société [7] de sa demande de nullité;
Dit le chef de redressement n°1 bien-fondé et condamne la société [4] venant aux droits de la société [7] à payer les cotisations et majorations de retard afférentes
Déboute la société [4] venant aux droits de la société [7] de sa demande au titre du remboursement;
Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société [4] venant aux droits de la société [7] aux dépens.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Nathalie COURTOIS, Présidente et par Madame Mélissa ESCARPIT, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
La greffière La Présidente