CA Grenoble, ch. civ. B, 7 octobre 2025, n° 24/00268
GRENOBLE
Arrêt
Autre
N° RG 24/00268 - N° Portalis DBVM-V-B7I-MC7C
N° Minute :
C1
Copie exécutoire délivrée
le :
à
la SELARL CDMF AVOCATS
la SCP MICHEL BENICHOU MARIE-BÉNÉDICTE PARA LAURENCE TRIQUET-DUMOUL IN KREMENA MLADENOVA' AVOCATS ASSOCIES
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
Chambre civile section B
ARRÊT DU MARDI 7 OCTOBRE 2025
Appel d'un Jugement (N° R.G. 17/00920) rendu par le Tribunal judiciaire de GRENOBLE en date du 23 novembre 2023, suivant déclaration d'appel du 11 Janvier 2024
APPELANTE :
La S.C.I LES JARDINS DE BEAUVERT, au capital de 1 000 €, immatriculée au RCS de [Localité 5] sous le n°D509 650 008, prise en la personne de son gérant, la SAS PLURIMMO, immatriculée au RCS de [Localité 5] sous le n°391 619 889 domiciliée en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Jean-Luc MEDINA de la SELARL CDMF AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIM É :
M. [J] [F]
né le 14 Avril 1983 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 3]
représenté par Me Kremena MLADENOVA et Maître Marie-Bénédicte PARA de la SCP MICHEL BENICHOU MARIE-BÉNÉDICTE PARA LAURENCE TRIQUET-DUMOUL IN KREMENA MLADENOVA' AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE substituées par Me Lucile GRANGET, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère faisant fonction de présidente de la Chambre civile Section B
Mme Ludivine Chetail, conseillère,
M. Jean-Yves Pourret, conseiller
DÉBATS :
A l'audience publique du 09 Septembre 2025, Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère, qui a fait son rapport, assistée de Mme Solène Roux, greffière a entendu seule les avocats en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.
Il en a été rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt qui devait initialement être rendu le 18 novembre 2025 a été avancé à l'audience de ce jour.
EXPOSE DU LITIGE
La SCI Les jardins de Beauvert a assuré la promotion d'un ensemble immobilier de type R+8 comprenant 56 logements et 56 places de stationnement, sur un terrain situé [Adresse 6].
Monsieur [J] [F] a fait l'acquisition, en l'état futur d'achèvement, d'un appartement dans cette copropriété.
Le 18 septembre 2012, il a été procédé à la réception et la livraison des parties privatives de Monsieur [F]. A cette occasion, diverses réserves ont été émises par ses soins.
Par acte d'huissier du 17 septembre 2013, Monsieur [F] a assigné la SCI Les jardins de Beauvert aux fins de voir ordonner une expertise judiciaire.
Par ordonnance de référé du 30 octobre 2013, Madame [O] a été désignée en cette qualité.
Par ordonnance de référé du 23 mars 2016, le juge des référés de [Localité 5] a étendu les opérations d'expertise au syndicat des copropriétaires.
L'expert a déposé son rapport le 11 février 2021.
Par jugement du 23 novembre 2023, le tribunal judiciaire de Grenoble a':
- condamné la SCI Les jardins de Beauvert à payer à Monsieur [F] les sommes de :
- 1 100 euros au titre de la réparation des désordres acoustiques
- 165 euros au titre de la mise en conformité du dimensionnement de la bouche d'entrée
- 2 681,80 euros au titre de la mise en conformité de l'étanchéité des huisseries
- 2 000 euros au titre du préjudice matériel
- 2 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Par déclaration du 11 janvier 2024, la SCI Les jardins de Beauvert a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions notifiées le 16 septembre 2024, la SCI Les jardins de Beauvert demande à la cour de :
Vu les articles 1642-1, 1648 al.2 et 1792 et suivants du code civil,
Vu l'ancien article 1147 du code civil,
Vu l'article L 111-11 du code de la construction
- réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a jugé irrecevables les demandes présentées par Monsieur [F] au titre des garde-corps rouillés.
Plus précisément, infirmer le jugement en ce qu'il a :
- déclaré recevable la demande de Monsieur [J] [F] au titre du désordre acoustique, sur le fondement de la garantie décennale ;
- déclaré recevable les demandes de Monsieur [J] [F] au titre du désordre concernant l'étanchéité des huisseries et des volets roulants et sur le désordre lié à la VMC, sur le fondement de la responsabilité contractuelle ;
- condamné la SCI Les jardins de Beauvert à payer à Monsieur [J] [F] les sommes de :
- 1 100 euros TTC au titre de la réparation du désordre acoustique affectant l'appartement n°A506,
- 165 euros TTC au titre de la mise en conformité du dimensionnement de la bouche d'entrée d'air située en partie haute de la baie vitrée du salon,
- 2 681 ,80 euros TTC au titre de la mise en conformité de l'étanchéité des huisseries et volets roulants affectant l'appartement n° A506 ;
- condamné la SCI Les jardins de Beauvert à payer à Monsieur [J] [F] la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice immatériel ;
- condamné la SCI Les jardins de Beauvert aux entiers dépens ;
- condamné la SCI Les jardins de Beauvert à payer à Monsieur [J] [F] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.
A titre principal :
- juger que les demandes présentées par Monsieur [F] à l'encontre de la SCI Les jardins de Beauvert sur le fondement de la garantie de parfait achèvement ou au visa des articles 1642-1 et 1648 al.2, ou 1603 du code civil, sont forcloses et donc irrecevables.
- débouter Monsieur [F] de toutes ses demandes en tant que dirigées contre la SCI Les jardins de Beauvert sur ces premiers fondements.
- juger, s'agissant des prétendus désordres phoniques, dont l'expert [O] n'a pu déterminer la cause et l'origine, faute pour Monsieur [F] d'avoir accepté des investigations complémentaires, que toute demande à ce titre est irrecevable, puisqu'en l'absence de caractère décennal (seul un écart de 4 dB par rapport à la règlementation ayant été relevé à un endroit de l'appartement, avec une tolérance de 3 dB), ces désordres auraient dû faire l'objet d'une réclamation dans le délai d'un an de l'article L 111-11 du code de la construction, ce qui n'a pas été le cas.
- juger que le régime de responsabilité contractuelle de droit commun est inapplicable dans les rapports entre le vendeur et l'acquéreur en l'état futur d'achèvement, en présence de vices de construction ou de défauts de conformité apparents, comme c'est le cas en l'espèce.
- juger consécutivement que Monsieur [F] ne peut valablement rechercher la responsabilité de la SCI Les jardins de Beauvert sur le fondement de la responsabilité contractuelle.
- débouter Monsieur [F] de toutes ses demandes en tant que dirigées contre la SCI Les jardins de Beauvert sur le fondement contractuel, et notamment en ce qu'il sollicite la condamnation de la SCI Les jardins de Beauvert au titre des préjudices matériel, de jouissance et moral qu'il allègue.
II ' A titre subsidiaire :
- juger, à titre subsidiaire, que Monsieur [F] ne rapporte pas la preuve d'une faute spécifiquement imputable à la SCI Les jardins de Beauvert.
- juger que, selon l'expert [O], aucun désordre n'est imputable à la SCI Les jardins de Beauvert.
- débouter de plus fort Monsieur [F] de toutes ses demandes en tant que dirigées contre la SCI Les jardins de Beauvert, et notamment en ce qu'il sollicite la condamnation de la SCI Les jardins de Beauvert au titre des préjudices matériel, de jouissance et moral qu'il allègue.
III ' En tout état de cause :
- condamner Monsieur [F] à payer à la SCI Les jardins de Beauvert la somme de 9.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner Monsieur [F] aux entiers dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de la SELARL CDMF-avocats sur son affirmation de droit.
Au soutien de ses demandes, l'appelante conclut tout d'abord à la forclusion de l'action engagée par Monsieur [F] sur le fondement de la garantie de parfait achèvement ou au visa des articles 1642-1 et 1648, ou 1643 du code civil,
Concernant le désordre lié à la VMC, elle estime que le sifflement allégué était nécessairement apparent à réception, et pour celui affectant les huisseries et le volet roulant, elle fait valoir qu'il a été réservé à réception.
Elle énonce que dans la mesure où tous les désordres ont été, soit réservés à la réception, soit dénoncés dans l'année de garantie de parfait achèvement, Monsieur [F] devait obligatoirement agir, en application des articles 1642-1 et 1648 al.2 du code civil, dans l'année de garantie de parfait achèvement ou, à tout le moins, dans l'année suivant la prise de possession, qui commençait à courir le 18 septembre 2012.
Elle rappelle que s'agissant d'un délai de forclusion, l'article 2239 du code civil n'est pas applicable.
Concernant les désordres acoustiques allégués, elle énonce que seule une infime non-conformité aux bruits aériens a été constatée, puisqu'un écart de 4 dB a été relevé entre les communs et le salon de l'appartement n°506, alors que la tolérance admise est de 3 dB. Elle allègue que Monsieur [F] a préféré mettre un terme aux opérations d'expertise, considérant sans doute que l'écart avec la tolérance admise était trop faible pour conférer un quelconque intérêt à la poursuite des investigations.
Par ailleurs, elle rappelle qu'il est de jurisprudence constante que le régime de responsabilité contractuelle de droit commun est inapplicable dans les rapports entre le vendeur et l'acquéreur en l'état futur d'achèvement, en présence de vices de construction ou de défauts de conformité apparents, comme c'est le cas en l'espèce.
Subsidiairement, elle conclut à l'absence de faute qui lui soit imputable, puisqu'elle n'est pas compétente en matière de technique de construction.
Enfin, elle conteste le quantum des demandes.
Dans ses conclusions notifiées le 17 juin 2024, M.[F] demande à la cour de:
Vu les articles 1642-1, 1646-1 du code civil,
Vu les articles 1134 et suivants, 1147, 1603 et suivants, 1792 et suivants du code civil,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Vu la jurisprudence et les pièces,
Vu le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Grenoble le 23 novembre 2023 (RG 17/00920)
Vu l'appel interjeté par la SCI Les jardins de Beauvert,
- juger recevable mais non fondé l'appel interjeté par la SCI Les jardins de Beauvert à l'encontre du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Grenoble le 23 novembre 2023 (RG 17/00920)
A titre principal,
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :
- déclaré irrecevable la demande de Monsieur [J] [F] en paiement des travaux de reprise des garde-corps du balcon pour défaut de qualité à agir,
- déclaré recevable la demande de Monsieur [J] [F] au titre du désordre acoustique sur le fondement de la garantie décennale,
- déclaré recevable les demandes de Monsieur [J] [F] au titre du désordre concernant l'étanchéité des huisseries et des volets roulants et sur le désordre lié à la VMC, sur le fondement de la responsabilité contractuelle,
- condamné la SCI Les jardins de Beauvert à payer à Monsieur [J] [F]
les sommes de :
o 1.100 euros TTC au titre de la réparation du désordre acoustique affectant l'appartement n°A506
o 2.681,80 euros TTC au titre de la mise en conformité de l'étanchéité des huisseries et volets roulants affectant l'appartement n°A506
o 165 euros TTC au titre de la mise en conformité du dimensionnement de la bouche d'entrée d'air située en partie haute de la baie vitrée du salon,
- condamné la SCI Les jardins de Beauvert aux entiers dépens
Et y ajoutant,
- dire que les sommes octroyées au titre de la réparation des désordres seront indexées sur l'index BT01 à compter du dépôt du rapport d'expertise
- condamner la SCI Les jardins de Beauvert aux dépens d'appel
- condamner la SCI Les jardins de Beauvert à payer à Monsieur [J] [F] la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel
Et à titre d'appel incident,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
- condamné la SCI Les jardins de Beauvert à payer à Monsieur [J] [F] la somme de 2.000 euros en réparation du préjudice immatériel ;
- condamné la SCI Les jardins de Beauvert à payer à Monsieur [J] [F] la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Et statuant à nouveau,
- condamné la SCI Les jardins de Beauvert à payer à Monsieur [J] [F] la somme de 5.000 euros en réparation du préjudice immatériel ;
- condamné la SCI Les jardins de Beauvert à payer à Monsieur [J] [F] la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Subsidiairement, si la Cour estime n'y avoir lieu à réformation du jugement quant au quantum des demandes au titre du préjudice immatériel et des frais irrépétibles
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions
Et y ajoutant, en tout état de cause,
- débouter la SCI Les jardins de Beauvert de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de Monsieur [F]
- dire que les sommes octroyées au titre de la réparation des désordres seront indexées sur l'index BT01 à compter du dépôt du rapport d'expertise
- condamner la SCI Les jardins de Beauvert aux entiers dépens, en ce compris les dépens de référé, les frais d'expertise et les dépens d'appel
- condamner la SCI Les jardins de Beauvert à payer à Monsieur [J] [F] la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel
M.[F] conclut tout d'abord à la confirmation du jugement quant à la responsabilité décennale de la SCI pour les désordres acoustiques, faisant valoir que le défaut d'isolation phonique des cloisons entre appartements ne permet pas une indépendance réelle des occupants et de ce fait, rend l'immeuble impropre à sa destination. Il souligne que les décibels s'ajoutent de façon logarithmique, et qu'un doublement du niveau sonore se traduit par une augmentation de 3 dB.
Il sollicite également la confirmation du jugement quant à la responsabilité contractuelle de la SCI pour les désordres liés à la VMC et aux huisseries.
Il fait d'abord état du caractère non apparent des désordres, ce qui exclut l'application des articles 1642-1 et 1648 du code civil.
Il fait valoir que les sifflements en provenance de la bouche d'aération et les conséquences du désordre n'étaient perceptibles qu'à l'usage.
S'agissant du défaut d'étanchéité des huisseries et volets roulants, c'est à juste titre selon lui que le tribunal a relevé que le désordre n'était pas apparu dans toute son ampleur à la réception.
A titre incident, il conteste le montant de la somme qui lui a été allouée au titre du préjudice immatériel et des frais irrépétibles au regard du nombre d'années de procédure.
La clôture a été prononcée le 17 juin 2025.
MOTIFS
Sur le défaut d'isolation phonique
Selon l'article L.111-1 du code de la construction et de l'habitation, applicable en l'espèce, les contrats de louage d'ouvrage ayant pour objet la construction de bâtiments d'habitation sont réputés contenir les prescriptions légales ou réglementaires relatives aux exigences minimales requises en matière d'isolation phonique.
Les travaux de nature à satisfaire à ces exigences relèvent de la garantie de parfait achèvement visée à l'article 1792-6 du code civil'reproduit à l'article L. 111-20-2.
Le vendeur ou le promoteur immobilier est garant, à l'égard du premier occupant de chaque logement, de la conformité à ces exigences pendant un an à compter de la prise de possession.
Selon l'article L.111-20-2, la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.
La garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception.
Les délais nécessaires à l'exécution des travaux de réparation sont fixés d'un commun accord par le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur concerné.
En l'absence d'un tel accord ou en cas d'inexécution dans le délai fixé, les travaux peuvent, après mise en demeure restée infructueuse, être exécutés aux frais et risques de l'entrepreneur défaillant.
L'exécution des travaux exigés au titre de la garantie de parfait achèvement est constatée d'un commun accord, ou, à défaut, judiciairement.
La garantie ne s'étend pas aux travaux nécessaires pour remédier aux effets de l'usure normale ou de l'usage.
L'application de cet article peut être écartée en cas de non-respect des dispositions contractuelles, mais aucun élément ne permet de démontrer ce non-respect au vu des pièces produites.
Par ailleurs, il est de jurisprudence constante que les désordres d'isolation phonique peuvent relever de la garantie décennale même en cas de respect des exigences minimales légales ou réglementaires, et il ne peut être déduit de la seule conformité aux normes applicables en la matière l'absence de désordres relevant de cette garantie (Cass plén, 27 octobre 2006, n°05-19.408), mais cela implique de caractériser l'impropriété à destination. En l'espèce, s'agissant de l'appartement de M.[F], force est de constater que les mesures d'isolement donnent des résultats conformes aux exigences à l'exception de l'isolement entre les communs et le salon, puisqu'une tolérance de 3 DB est admise et qu'elle est en l'espèce de 4DB, ce qui caractérise une non-conformité.
Pour autant, même s'il est incontestable que cette non-conformité génère une gêne puisque l'isolation phonique n'est pas parfaite, le dépassement du seuil de 3 DB reste très restreint et la preuve n'est pas rapportée que ce manque d'isolation présente un caractère de gravité tel qu'elle puisse aboutir à une impropriété à destination. En effet, le logement remplit néanmoins la fonction à laquelle il était destiné.
En conséquence, ce désordre relevait de la garantie de parfait achèvement.
Le délai d'un an de la garantie de parfait achèvement, interrompu par l'action en référé, recommence à courir à la date de la décision prescrivant une expertise (Cass. 3e civ. 16-3-2023 n° 21-24.574).
Or, aucun acte n'a été accompli entre l'ordonnance de référé du 30 octobre 2013 et l'acte d'huissier du 21 juillet 2015, l'action est forclose, le jugement sera infirmé.
Sur la VMC
Ce désordre a été signalé par courier du 22 février 2013 et ne figure pas sur le procès-verbal de réception.
L'expert note que le bruit entendu par les propriétaires peut provenir du sous-dimensionnement de l'entrée d'air et énonce que ce désordre ne compromet pas la solidité de l'ouvrage et ne le rend pas impropre à destination.
Le fait que l'entrée d'air soit sous-dimensionnée est un désordre nécessairement non apparent pour un profane de la construction. Dès lors qu'il ne présente pas un caractère décennal, il relève de la responsabilité de droit commun et suppose la démonstration d'une faute.
L'expert a imputé ces désordres à deux entrepreneurs qui ne sont pas dans la cause, mais non à la SCI Beauvert dont la responsabilité ne peut donc être retenue sur ce fondement.
En application de l'article 1642-1 du code civil, le vendeur d'un immeuble à construire ne peut être déchargé, ni avant la réception des travaux, ni avant l'expiration d'un délai d'un mois après la prise de possession par l'acquéreur, des vices de construction ou des défauts de conformité alors apparents.
Il n'y aura pas lieu à résolution du contrat ou à diminution du prix si le vendeur s'oblige à réparer.
Toutefois, dès lors qu'il résulte des débats et des propres conclusions de l'intimé que le défaut de conformité n'était pas apparent, il ne peut être fait application des articles 1642-1 et suivants du code civil.
Sur la mise en conformité de l'étanchéité des huisseries et volets
Lors de la réception, une réserve portait sur le joint d'une fenêtre dans une chambre, toutefois, c'est à juste titre que le premier juge a énoncé que le dommage, consistant en l'absence d'étanchéité de l'intégralité des huisseries et volets roulants, entraînant d'importantes traces noires à l'usage, ne pouvait être qualifié d'apparent, dès lors que l'ampleur du défaut ne pouvait pleinement se révéler qu'à l'usage.
L'expert énonce toutefois que ce désordre, qui provient d'un défaut de finition des ouvrages de menuiserie et volets roulants, ne compromet pas la solidité de l'ouvrage et ne le rend pas impropre à destination.
La responsabilité de la SCI Beauvert ne peut donc être recherchée que sur le fondement de la responsabilité de droit commun.
Or en l'espèce, l'expert impute une faute à un entrepreneur qui n'est pas dans la cause, mais non à la SCI Beauvert dont la responsabilité ne peut donc être retenue sur ce fondement.
De la même façon que pour la VMC, dès lors qu'il résulte des débats et des propres conclusions de l'intimé que le défaut de conformité n'était pas apparent, il ne peut être fait application des articles 1642-1 et suivants du code civil.
Les demandes présentées par M.[F] au titre de ses préjudices sont sans objet au regard de ce qui précède.
M.[F] qui sucombe à l'instancesera condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Infirme le jugement déféré et, statuant de nouveau ;
Déclare irrecevable la demande relative à l'isolation phonique ;
Déboute M.[F] de ses demandes à l'encontre de la SCI Beauvert s'agissant des désordres relatifs à la VMC et à l'étanchéité des huisseries et volets ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M.[F] aux dépens ;
Prononcé par mise à disposition de la décision au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Anne-Laure Pliskine, Conseillère faisant fonction de Présidente de section, et par la Greffière, Solène Roux, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente de section
N° Minute :
C1
Copie exécutoire délivrée
le :
à
la SELARL CDMF AVOCATS
la SCP MICHEL BENICHOU MARIE-BÉNÉDICTE PARA LAURENCE TRIQUET-DUMOUL IN KREMENA MLADENOVA' AVOCATS ASSOCIES
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
Chambre civile section B
ARRÊT DU MARDI 7 OCTOBRE 2025
Appel d'un Jugement (N° R.G. 17/00920) rendu par le Tribunal judiciaire de GRENOBLE en date du 23 novembre 2023, suivant déclaration d'appel du 11 Janvier 2024
APPELANTE :
La S.C.I LES JARDINS DE BEAUVERT, au capital de 1 000 €, immatriculée au RCS de [Localité 5] sous le n°D509 650 008, prise en la personne de son gérant, la SAS PLURIMMO, immatriculée au RCS de [Localité 5] sous le n°391 619 889 domiciliée en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Jean-Luc MEDINA de la SELARL CDMF AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIM É :
M. [J] [F]
né le 14 Avril 1983 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 3]
représenté par Me Kremena MLADENOVA et Maître Marie-Bénédicte PARA de la SCP MICHEL BENICHOU MARIE-BÉNÉDICTE PARA LAURENCE TRIQUET-DUMOUL IN KREMENA MLADENOVA' AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE substituées par Me Lucile GRANGET, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère faisant fonction de présidente de la Chambre civile Section B
Mme Ludivine Chetail, conseillère,
M. Jean-Yves Pourret, conseiller
DÉBATS :
A l'audience publique du 09 Septembre 2025, Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère, qui a fait son rapport, assistée de Mme Solène Roux, greffière a entendu seule les avocats en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.
Il en a été rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt qui devait initialement être rendu le 18 novembre 2025 a été avancé à l'audience de ce jour.
EXPOSE DU LITIGE
La SCI Les jardins de Beauvert a assuré la promotion d'un ensemble immobilier de type R+8 comprenant 56 logements et 56 places de stationnement, sur un terrain situé [Adresse 6].
Monsieur [J] [F] a fait l'acquisition, en l'état futur d'achèvement, d'un appartement dans cette copropriété.
Le 18 septembre 2012, il a été procédé à la réception et la livraison des parties privatives de Monsieur [F]. A cette occasion, diverses réserves ont été émises par ses soins.
Par acte d'huissier du 17 septembre 2013, Monsieur [F] a assigné la SCI Les jardins de Beauvert aux fins de voir ordonner une expertise judiciaire.
Par ordonnance de référé du 30 octobre 2013, Madame [O] a été désignée en cette qualité.
Par ordonnance de référé du 23 mars 2016, le juge des référés de [Localité 5] a étendu les opérations d'expertise au syndicat des copropriétaires.
L'expert a déposé son rapport le 11 février 2021.
Par jugement du 23 novembre 2023, le tribunal judiciaire de Grenoble a':
- condamné la SCI Les jardins de Beauvert à payer à Monsieur [F] les sommes de :
- 1 100 euros au titre de la réparation des désordres acoustiques
- 165 euros au titre de la mise en conformité du dimensionnement de la bouche d'entrée
- 2 681,80 euros au titre de la mise en conformité de l'étanchéité des huisseries
- 2 000 euros au titre du préjudice matériel
- 2 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Par déclaration du 11 janvier 2024, la SCI Les jardins de Beauvert a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions notifiées le 16 septembre 2024, la SCI Les jardins de Beauvert demande à la cour de :
Vu les articles 1642-1, 1648 al.2 et 1792 et suivants du code civil,
Vu l'ancien article 1147 du code civil,
Vu l'article L 111-11 du code de la construction
- réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a jugé irrecevables les demandes présentées par Monsieur [F] au titre des garde-corps rouillés.
Plus précisément, infirmer le jugement en ce qu'il a :
- déclaré recevable la demande de Monsieur [J] [F] au titre du désordre acoustique, sur le fondement de la garantie décennale ;
- déclaré recevable les demandes de Monsieur [J] [F] au titre du désordre concernant l'étanchéité des huisseries et des volets roulants et sur le désordre lié à la VMC, sur le fondement de la responsabilité contractuelle ;
- condamné la SCI Les jardins de Beauvert à payer à Monsieur [J] [F] les sommes de :
- 1 100 euros TTC au titre de la réparation du désordre acoustique affectant l'appartement n°A506,
- 165 euros TTC au titre de la mise en conformité du dimensionnement de la bouche d'entrée d'air située en partie haute de la baie vitrée du salon,
- 2 681 ,80 euros TTC au titre de la mise en conformité de l'étanchéité des huisseries et volets roulants affectant l'appartement n° A506 ;
- condamné la SCI Les jardins de Beauvert à payer à Monsieur [J] [F] la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice immatériel ;
- condamné la SCI Les jardins de Beauvert aux entiers dépens ;
- condamné la SCI Les jardins de Beauvert à payer à Monsieur [J] [F] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.
A titre principal :
- juger que les demandes présentées par Monsieur [F] à l'encontre de la SCI Les jardins de Beauvert sur le fondement de la garantie de parfait achèvement ou au visa des articles 1642-1 et 1648 al.2, ou 1603 du code civil, sont forcloses et donc irrecevables.
- débouter Monsieur [F] de toutes ses demandes en tant que dirigées contre la SCI Les jardins de Beauvert sur ces premiers fondements.
- juger, s'agissant des prétendus désordres phoniques, dont l'expert [O] n'a pu déterminer la cause et l'origine, faute pour Monsieur [F] d'avoir accepté des investigations complémentaires, que toute demande à ce titre est irrecevable, puisqu'en l'absence de caractère décennal (seul un écart de 4 dB par rapport à la règlementation ayant été relevé à un endroit de l'appartement, avec une tolérance de 3 dB), ces désordres auraient dû faire l'objet d'une réclamation dans le délai d'un an de l'article L 111-11 du code de la construction, ce qui n'a pas été le cas.
- juger que le régime de responsabilité contractuelle de droit commun est inapplicable dans les rapports entre le vendeur et l'acquéreur en l'état futur d'achèvement, en présence de vices de construction ou de défauts de conformité apparents, comme c'est le cas en l'espèce.
- juger consécutivement que Monsieur [F] ne peut valablement rechercher la responsabilité de la SCI Les jardins de Beauvert sur le fondement de la responsabilité contractuelle.
- débouter Monsieur [F] de toutes ses demandes en tant que dirigées contre la SCI Les jardins de Beauvert sur le fondement contractuel, et notamment en ce qu'il sollicite la condamnation de la SCI Les jardins de Beauvert au titre des préjudices matériel, de jouissance et moral qu'il allègue.
II ' A titre subsidiaire :
- juger, à titre subsidiaire, que Monsieur [F] ne rapporte pas la preuve d'une faute spécifiquement imputable à la SCI Les jardins de Beauvert.
- juger que, selon l'expert [O], aucun désordre n'est imputable à la SCI Les jardins de Beauvert.
- débouter de plus fort Monsieur [F] de toutes ses demandes en tant que dirigées contre la SCI Les jardins de Beauvert, et notamment en ce qu'il sollicite la condamnation de la SCI Les jardins de Beauvert au titre des préjudices matériel, de jouissance et moral qu'il allègue.
III ' En tout état de cause :
- condamner Monsieur [F] à payer à la SCI Les jardins de Beauvert la somme de 9.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner Monsieur [F] aux entiers dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de la SELARL CDMF-avocats sur son affirmation de droit.
Au soutien de ses demandes, l'appelante conclut tout d'abord à la forclusion de l'action engagée par Monsieur [F] sur le fondement de la garantie de parfait achèvement ou au visa des articles 1642-1 et 1648, ou 1643 du code civil,
Concernant le désordre lié à la VMC, elle estime que le sifflement allégué était nécessairement apparent à réception, et pour celui affectant les huisseries et le volet roulant, elle fait valoir qu'il a été réservé à réception.
Elle énonce que dans la mesure où tous les désordres ont été, soit réservés à la réception, soit dénoncés dans l'année de garantie de parfait achèvement, Monsieur [F] devait obligatoirement agir, en application des articles 1642-1 et 1648 al.2 du code civil, dans l'année de garantie de parfait achèvement ou, à tout le moins, dans l'année suivant la prise de possession, qui commençait à courir le 18 septembre 2012.
Elle rappelle que s'agissant d'un délai de forclusion, l'article 2239 du code civil n'est pas applicable.
Concernant les désordres acoustiques allégués, elle énonce que seule une infime non-conformité aux bruits aériens a été constatée, puisqu'un écart de 4 dB a été relevé entre les communs et le salon de l'appartement n°506, alors que la tolérance admise est de 3 dB. Elle allègue que Monsieur [F] a préféré mettre un terme aux opérations d'expertise, considérant sans doute que l'écart avec la tolérance admise était trop faible pour conférer un quelconque intérêt à la poursuite des investigations.
Par ailleurs, elle rappelle qu'il est de jurisprudence constante que le régime de responsabilité contractuelle de droit commun est inapplicable dans les rapports entre le vendeur et l'acquéreur en l'état futur d'achèvement, en présence de vices de construction ou de défauts de conformité apparents, comme c'est le cas en l'espèce.
Subsidiairement, elle conclut à l'absence de faute qui lui soit imputable, puisqu'elle n'est pas compétente en matière de technique de construction.
Enfin, elle conteste le quantum des demandes.
Dans ses conclusions notifiées le 17 juin 2024, M.[F] demande à la cour de:
Vu les articles 1642-1, 1646-1 du code civil,
Vu les articles 1134 et suivants, 1147, 1603 et suivants, 1792 et suivants du code civil,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Vu la jurisprudence et les pièces,
Vu le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Grenoble le 23 novembre 2023 (RG 17/00920)
Vu l'appel interjeté par la SCI Les jardins de Beauvert,
- juger recevable mais non fondé l'appel interjeté par la SCI Les jardins de Beauvert à l'encontre du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Grenoble le 23 novembre 2023 (RG 17/00920)
A titre principal,
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :
- déclaré irrecevable la demande de Monsieur [J] [F] en paiement des travaux de reprise des garde-corps du balcon pour défaut de qualité à agir,
- déclaré recevable la demande de Monsieur [J] [F] au titre du désordre acoustique sur le fondement de la garantie décennale,
- déclaré recevable les demandes de Monsieur [J] [F] au titre du désordre concernant l'étanchéité des huisseries et des volets roulants et sur le désordre lié à la VMC, sur le fondement de la responsabilité contractuelle,
- condamné la SCI Les jardins de Beauvert à payer à Monsieur [J] [F]
les sommes de :
o 1.100 euros TTC au titre de la réparation du désordre acoustique affectant l'appartement n°A506
o 2.681,80 euros TTC au titre de la mise en conformité de l'étanchéité des huisseries et volets roulants affectant l'appartement n°A506
o 165 euros TTC au titre de la mise en conformité du dimensionnement de la bouche d'entrée d'air située en partie haute de la baie vitrée du salon,
- condamné la SCI Les jardins de Beauvert aux entiers dépens
Et y ajoutant,
- dire que les sommes octroyées au titre de la réparation des désordres seront indexées sur l'index BT01 à compter du dépôt du rapport d'expertise
- condamner la SCI Les jardins de Beauvert aux dépens d'appel
- condamner la SCI Les jardins de Beauvert à payer à Monsieur [J] [F] la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel
Et à titre d'appel incident,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
- condamné la SCI Les jardins de Beauvert à payer à Monsieur [J] [F] la somme de 2.000 euros en réparation du préjudice immatériel ;
- condamné la SCI Les jardins de Beauvert à payer à Monsieur [J] [F] la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Et statuant à nouveau,
- condamné la SCI Les jardins de Beauvert à payer à Monsieur [J] [F] la somme de 5.000 euros en réparation du préjudice immatériel ;
- condamné la SCI Les jardins de Beauvert à payer à Monsieur [J] [F] la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Subsidiairement, si la Cour estime n'y avoir lieu à réformation du jugement quant au quantum des demandes au titre du préjudice immatériel et des frais irrépétibles
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions
Et y ajoutant, en tout état de cause,
- débouter la SCI Les jardins de Beauvert de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de Monsieur [F]
- dire que les sommes octroyées au titre de la réparation des désordres seront indexées sur l'index BT01 à compter du dépôt du rapport d'expertise
- condamner la SCI Les jardins de Beauvert aux entiers dépens, en ce compris les dépens de référé, les frais d'expertise et les dépens d'appel
- condamner la SCI Les jardins de Beauvert à payer à Monsieur [J] [F] la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel
M.[F] conclut tout d'abord à la confirmation du jugement quant à la responsabilité décennale de la SCI pour les désordres acoustiques, faisant valoir que le défaut d'isolation phonique des cloisons entre appartements ne permet pas une indépendance réelle des occupants et de ce fait, rend l'immeuble impropre à sa destination. Il souligne que les décibels s'ajoutent de façon logarithmique, et qu'un doublement du niveau sonore se traduit par une augmentation de 3 dB.
Il sollicite également la confirmation du jugement quant à la responsabilité contractuelle de la SCI pour les désordres liés à la VMC et aux huisseries.
Il fait d'abord état du caractère non apparent des désordres, ce qui exclut l'application des articles 1642-1 et 1648 du code civil.
Il fait valoir que les sifflements en provenance de la bouche d'aération et les conséquences du désordre n'étaient perceptibles qu'à l'usage.
S'agissant du défaut d'étanchéité des huisseries et volets roulants, c'est à juste titre selon lui que le tribunal a relevé que le désordre n'était pas apparu dans toute son ampleur à la réception.
A titre incident, il conteste le montant de la somme qui lui a été allouée au titre du préjudice immatériel et des frais irrépétibles au regard du nombre d'années de procédure.
La clôture a été prononcée le 17 juin 2025.
MOTIFS
Sur le défaut d'isolation phonique
Selon l'article L.111-1 du code de la construction et de l'habitation, applicable en l'espèce, les contrats de louage d'ouvrage ayant pour objet la construction de bâtiments d'habitation sont réputés contenir les prescriptions légales ou réglementaires relatives aux exigences minimales requises en matière d'isolation phonique.
Les travaux de nature à satisfaire à ces exigences relèvent de la garantie de parfait achèvement visée à l'article 1792-6 du code civil'reproduit à l'article L. 111-20-2.
Le vendeur ou le promoteur immobilier est garant, à l'égard du premier occupant de chaque logement, de la conformité à ces exigences pendant un an à compter de la prise de possession.
Selon l'article L.111-20-2, la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.
La garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception.
Les délais nécessaires à l'exécution des travaux de réparation sont fixés d'un commun accord par le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur concerné.
En l'absence d'un tel accord ou en cas d'inexécution dans le délai fixé, les travaux peuvent, après mise en demeure restée infructueuse, être exécutés aux frais et risques de l'entrepreneur défaillant.
L'exécution des travaux exigés au titre de la garantie de parfait achèvement est constatée d'un commun accord, ou, à défaut, judiciairement.
La garantie ne s'étend pas aux travaux nécessaires pour remédier aux effets de l'usure normale ou de l'usage.
L'application de cet article peut être écartée en cas de non-respect des dispositions contractuelles, mais aucun élément ne permet de démontrer ce non-respect au vu des pièces produites.
Par ailleurs, il est de jurisprudence constante que les désordres d'isolation phonique peuvent relever de la garantie décennale même en cas de respect des exigences minimales légales ou réglementaires, et il ne peut être déduit de la seule conformité aux normes applicables en la matière l'absence de désordres relevant de cette garantie (Cass plén, 27 octobre 2006, n°05-19.408), mais cela implique de caractériser l'impropriété à destination. En l'espèce, s'agissant de l'appartement de M.[F], force est de constater que les mesures d'isolement donnent des résultats conformes aux exigences à l'exception de l'isolement entre les communs et le salon, puisqu'une tolérance de 3 DB est admise et qu'elle est en l'espèce de 4DB, ce qui caractérise une non-conformité.
Pour autant, même s'il est incontestable que cette non-conformité génère une gêne puisque l'isolation phonique n'est pas parfaite, le dépassement du seuil de 3 DB reste très restreint et la preuve n'est pas rapportée que ce manque d'isolation présente un caractère de gravité tel qu'elle puisse aboutir à une impropriété à destination. En effet, le logement remplit néanmoins la fonction à laquelle il était destiné.
En conséquence, ce désordre relevait de la garantie de parfait achèvement.
Le délai d'un an de la garantie de parfait achèvement, interrompu par l'action en référé, recommence à courir à la date de la décision prescrivant une expertise (Cass. 3e civ. 16-3-2023 n° 21-24.574).
Or, aucun acte n'a été accompli entre l'ordonnance de référé du 30 octobre 2013 et l'acte d'huissier du 21 juillet 2015, l'action est forclose, le jugement sera infirmé.
Sur la VMC
Ce désordre a été signalé par courier du 22 février 2013 et ne figure pas sur le procès-verbal de réception.
L'expert note que le bruit entendu par les propriétaires peut provenir du sous-dimensionnement de l'entrée d'air et énonce que ce désordre ne compromet pas la solidité de l'ouvrage et ne le rend pas impropre à destination.
Le fait que l'entrée d'air soit sous-dimensionnée est un désordre nécessairement non apparent pour un profane de la construction. Dès lors qu'il ne présente pas un caractère décennal, il relève de la responsabilité de droit commun et suppose la démonstration d'une faute.
L'expert a imputé ces désordres à deux entrepreneurs qui ne sont pas dans la cause, mais non à la SCI Beauvert dont la responsabilité ne peut donc être retenue sur ce fondement.
En application de l'article 1642-1 du code civil, le vendeur d'un immeuble à construire ne peut être déchargé, ni avant la réception des travaux, ni avant l'expiration d'un délai d'un mois après la prise de possession par l'acquéreur, des vices de construction ou des défauts de conformité alors apparents.
Il n'y aura pas lieu à résolution du contrat ou à diminution du prix si le vendeur s'oblige à réparer.
Toutefois, dès lors qu'il résulte des débats et des propres conclusions de l'intimé que le défaut de conformité n'était pas apparent, il ne peut être fait application des articles 1642-1 et suivants du code civil.
Sur la mise en conformité de l'étanchéité des huisseries et volets
Lors de la réception, une réserve portait sur le joint d'une fenêtre dans une chambre, toutefois, c'est à juste titre que le premier juge a énoncé que le dommage, consistant en l'absence d'étanchéité de l'intégralité des huisseries et volets roulants, entraînant d'importantes traces noires à l'usage, ne pouvait être qualifié d'apparent, dès lors que l'ampleur du défaut ne pouvait pleinement se révéler qu'à l'usage.
L'expert énonce toutefois que ce désordre, qui provient d'un défaut de finition des ouvrages de menuiserie et volets roulants, ne compromet pas la solidité de l'ouvrage et ne le rend pas impropre à destination.
La responsabilité de la SCI Beauvert ne peut donc être recherchée que sur le fondement de la responsabilité de droit commun.
Or en l'espèce, l'expert impute une faute à un entrepreneur qui n'est pas dans la cause, mais non à la SCI Beauvert dont la responsabilité ne peut donc être retenue sur ce fondement.
De la même façon que pour la VMC, dès lors qu'il résulte des débats et des propres conclusions de l'intimé que le défaut de conformité n'était pas apparent, il ne peut être fait application des articles 1642-1 et suivants du code civil.
Les demandes présentées par M.[F] au titre de ses préjudices sont sans objet au regard de ce qui précède.
M.[F] qui sucombe à l'instancesera condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Infirme le jugement déféré et, statuant de nouveau ;
Déclare irrecevable la demande relative à l'isolation phonique ;
Déboute M.[F] de ses demandes à l'encontre de la SCI Beauvert s'agissant des désordres relatifs à la VMC et à l'étanchéité des huisseries et volets ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M.[F] aux dépens ;
Prononcé par mise à disposition de la décision au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Anne-Laure Pliskine, Conseillère faisant fonction de Présidente de section, et par la Greffière, Solène Roux, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente de section