CA Nîmes, 4e ch. com., 10 octobre 2025, n° 23/02037
NÎMES
Arrêt
Autre
EXPOSÉ
Vu l'appel interjeté le 14 juin 2023 par l'EURL [Z] carrelage à l'encontre du jugement rendu le 24 mars 2023 par le tribunal de commerce de Nîmes dans l'instance n° RG 2021J00201 ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 14 octobre 2023 par l'EURL [Z] carrelage, appelante, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 3 janvier 2024 par la SA Allianz Iard, intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 3 avril 2024 par la SA Axa France Iard, intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu l'ordonnance du 14 janvier 2025 de clôture de la procédure à effet différé au 28 août 2025.
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Lors de la réalisation des archives départementales du Gard, l'EURL [Z] carrelage s'est vue confier par marché conclu le 18 mars 2009 avec le département du Gard, le lot n°13 « châpe - faïence et sols pierre », lequel a été sous-traité à la société Elma Méditerranée alors in bonis.
L'EURL [Z] carrelage est assurée auprès de la société Axa France Iard en vertu d'un contrat « multirisque ».
La société Elma Méditerranée est assurée au titre de la « responsabilité civile professionnelle des entrepreneurs dommages aux constructions » auprès de la compagnie AGF, depuis compagnie Allianz Iard.
Par ordonnance de référé du 16 août 2020, le tribunal administratif de Nîmes a ordonné une expertise afin de faire constater les désordres affectant les sols que la société [Z] carrelage avait la charge de réaliser. Le rapport a été rendu le 22 juillet 2011.
Par décision du 20 janvier 2012, le département du Gard a résilié le marché aux frais et risques de l'EURL [Z] carrelage et notifié à la même entreprise le 27 mai 2014 le décompte général du marché faisant apparaître un solde de 111 794.06 euros.
Par jugement du 09 mai 2019, le tribunal administratif a fixé le solde débiteur du décompte général du marché à la somme de 110 651.76 euros, les frais d'expertise étant mis à la charge de l'EURL [Z] carrelage.
Par arrêt du 31 janvier 2022, la cour administrative d'appel de [Localité 8] a rejeté la demande de réformation du jugement formulée par l'entreprise ainsi que sa demande en condamnation dirigée à l'encontre du département en réintégration des sommes de 92 029.81 euros et 6 475.17 euros.
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Par exploit du 5 mai 2021, l'EURL [Z] carrelage a fait assigner devant le tribunal de commerce de Nîmes la compagnie Allianz ainsi que la société Axa France, aux fins de voir dire et juger que la compagnie Allianz était l'assureur de la société Alma Méditerranée, laquelle était le sous-traitant de l'EURL [Z] carrelage, de voir juger cette compagnie relever et garantir l'entreprise des condamnations prononcées à son encontre et à lui payer à ce titre la somme de 120 738.63 euros et, subsidiairement de voir juger la société AXA relever et garantir l'entreprise des condamnations prononcées à son encontre, en sa qualité d'assureur, et à lui payer à ce titre la somme de 120 738.63 euros.
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Par jugement du 24 mars 2023, le tribunal de commerce de Nîmes a statué au visa des articles 31 du code de procédure civile et de l'article 2224 du code civil, et :
« Déclare l'action de l'EURL [Z] carrelage prescrite,
Condamne l'EURL [Z] carrelage à payer :
à la SAS Allianz Iard la somme de 1800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
à la SA Axa Iard la somme de 2500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Rejette toutes autres demandes, fins et conclusions
Condamne l'EURL [Z] carrelage aux dépens de l'instance en ce non compris le coût de la citation introductive d'instance, le coût de la signification de la présente décision, ainsi que tous autres frais et accessoires. ».
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L'EURL [Z] carrelage a relevé appel le 14 juin 2023 de ce jugement pour le voir infirmer, annuler, ou réformer en ce qu'il a :
- déclaré l'action de l'EURL [Z] carrelage prescrite,
- condamné l'EURL [Z] carrelage à payer :
- à la société Allianz la somme de 1800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- à la société Axa France la somme de 2500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions
- condamné l'EURL [Z] carrelage aux dépens de l'instance.
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Dans ses dernières conclusions, l'EURL [Z] carrelage, appelante, demande à la cour, au visa de l'article 1792 du code civil, de l'article 1231-1 du code civil, de l'article L.241-1 du code des assurances, de l'article L 114-1 du code des assurances, et de l'article 700 du code de procédure civile, de :
« Déclarer l'appel interjeté par l'EURL [Z] carrelages à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce de Nîmes le 24 mars 2023, recevable et bien fondé,
En conséquence,
- Réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nîmes le 24 mars 2023 en ce qu'il a :
Déclaré l'action de l'EURL [Z] carrelage prescrite,
Condamne l'EURL [Z] carrelage à payer :
- à la SA Allianz Iard la somme de 1800,00 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- à la SA Axa Iard, la somme de 2500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toutes autres demandes, fins et conclusions contraires,
Condamne l'EURL [Z] carrelage aux dépens de l'instance que le tribunal liquide et taxe à la somme de 90,62 euros en ce non compris le coût de la citation introductive d'instance, le coût de la signification de la présente décision, ainsi que tous autres frais et accessoires.
Et statuant à nouveau
Constater que la société [Z] carrelage était titulaire du lot n°13 « chapes, carrelages, faïence et sol pierre » par marché conclu le 18 mars 2009,
Constater que la société Elma Méditerranée était la sous-traitante de l'EURL [Z] carrelage au titre de ce marché et ce, par acte d'engagement en date du 19 octobre 2009,
Constater que l'EURL [Z] carrelages a été condamné par arrêt de la cour administrative de [Localité 8] en date du 31 janvier 2022, aujourd'hui définitif, à porter et payer une somme de 120 738, 63 euros au conseil départemental du Gard, en raison des défaillances des travaux réalisés par son sous-traitant,
Constater que l'EURL [Z] carrelages a d'ores et déjà réglé une somme de 86 575,49 euros, un échéancier ayant été signé avec la Direction générale des finances publiques, pour le solde de la somme réclamée abusivement de 143 776,45 euros, à savoir 57 200,96 euros,
Constater que l'EURL [Z] carrelages établit une créance à ce jour liquide certaine et exigible,
Constater que l'EURL [Z] carrelages justifie du caractère actuel, certain et définitif du préjudice allégué,
Constater en conséquence que l'EURL [Z] carrelages justifie d'un intérêt pour agir,
Constater que l'action exercée est une action de l'assuré contre son assureur,
Constater que l'action de l'EURL [Z] carrelages a en outre pour cause le recours d'un tiers, en l'espèce le département du Gard,
Constater en conséquence que le délai de prescription ne court qu'à compter du jour où ce tiers a été indemnisé par l'assuré,
Ainsi,
A titre principal,
Constater que Axa France Iard était l'assureur de l'EURL [Z] carrelage au titre la réalisation des archives départementales, par marché conclu le 18 mars 2009, dans le cadre du lot n°13 « chapes, carrelages, faïence et sol pierre » tant au titre de la responsabilité civile décennale que professionnelle,
Constater que la compagnie Axa France Iard doit garantie à l'EURL [Z] carrelage au titre de la responsabilité civile contractuelle de droit commun au titre des désordres intermédiaires,
Constater que la prescription de l'action engagée par l'EURL [Z] carrelages n'est pas acquise en l'espèce tenant les dispositions de l'article L 114-1 du code des assurances
A titre subsidiaire,
Constater que la compagnie Allianz Iard était l'assureur de la société Elma Méditerranée au titre la réalisation des travaux confiés sur le chantier des archives départementales, dans le cadre du lot n°13 « chapes, carrelages, faïence et sol pierre » par marché conclu le 18 mars 2009, en qualité de sous-traitant de l'EURL [Z] carrelage,
Tenant la liquidation judiciaire de la société Elma Méditerranée,
Juger que la compagnie Allianz Iard doit relever et garantir l'EURL [Z] carrelage des condamnations prononcées à son encontre en sa qualité d'assureur du sous-traitant,
Condamner la compagnie Allianz Iard à porter et payer à [Z] carrelage la somme de 120 738, 63 euros,
En tout état de cause.
Condamner la partie défaillante à porter et payer à l'EURL [Z] carrelage une somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance.
Au soutien de ses prétentions, l'EURL [Z] carrelage, appelante, expose qu'elle a un intérêt à agir suite à la décision définitive de la cour administrative d'appel de [Localité 8] du 31 janvier 2022, la créance revendiquée étant bien certaine liquide et exigible.
Elle fait également valoir que la société [Z] carrelage et la société Elma
Méditerranée sont bien assurées à la fois au titre de leur responsabilité civile pour la garantie décennale qu'au titre de leur responsabilité civile contractuelle et que les travaux effectués par la société Elma Méditerranée ont été réceptionnés, le marché de travaux ayant fait l'objet d'une résiliation aux frais et risques.
L'appelant explique qu'à la lecture de l'attestation d'assurance du contrat souscrit par l'EURL [Z] Carrelage auprès de la compagnie Axa, il apparaît qu'elle est bien garantie au titre de sa responsabilité civile contractuelle et que, par ailleurs, la société Elma Méditerranée anciennement assurée auprès de l'assureur AGF et désormais la société Allianz, doit garantie non seulement au titre des condamnations mises à la charge de l'EURL [Z] carrelage au titre des dommages matériels mais également au titre des dommages immatériels consécutifs.
Elle fait ensuite valoir que son action n'est pas prescrite au regard de l'article L 114-1 du code des assurances le délai commençant à courir à compter de la décision du tribunal administratif de Nîmes du 9 mai 2019 la condamnant à porter et payer une somme 110 651,76 euros ainsi qu'à prendre en charge les frais d'expertise d'une montant de 10 086,87 euros.
À titre principal, l'appelante estime que la compagnie Axa lui doit garantie au titre de la responsabilité civile contractuelle de droit commun des constructeurs à hauteur de 120 738, 63 euros conformément à la décision de confirmation de la cour administrative d'appel de [Localité 8]. Subsidiairement, elle sollicite la condamnation de la compagnie Allianz au titre de la responsabilité civile contractuelle de droit commun des constructeurs et en sa qualité d'assureur de la société Elma Méditerranée d'avoir à la garantir des condamnations mises à sa charge tant concernant les dommages matériels qu'immatériels, et ce, pour le même montant.
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Dans ses dernières conclusions, la société Axa France, intimée, demande à la cour de :
« Vu l'appel interjeté par l'EURL [Z] carrelage à l'encontre de cette décision,
Rejeter ledit appel.
Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Vu les articles 31 du code de procédure civile et 2224 du code civil,
Déclarer irrecevable pour défaut d'intérêt à agir, sinon prescrite l'action de l'EURL [Z] carrelage envers la SA Axa France Iard.
Condamner l'EURL [Z] carrelage à payer à la SA Axa France Iard la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamner l'EURL [Z] carrelage aux dépens de première instance.
Subsidiairement,
Vu les articles 4 et 954 du code de procédure civile,
Vu les conclusions d'appelant notifiées le 12 septembre 2023 par l'EURL [Z] carrelage,
Vu le dispositif de ces conclusions lequel ne comporte à l'égard de la SA Axa France Iard que des demandes de « constater » et aucune demande de condamnation,
Constatant que la cour n'est dès lors saisie d'aucune prétention de l'EURL [Z] carrelage à l'encontre de la SA Axa France Iard,
Confirmer le jugement entrepris à l'égard de la SA Axa France Iard.
Très subsidiairement au fond,
Débouter l'EURL [Z] carrelage de ses demandes à l'encontre de la SA Axa France Iard à défaut de justifier des conditions de mise en 'uvre de la garantie appelée.
Débouter l'EURL [Z] carrelage de toutes ses demandes y compris celles au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamner l'EURL [Z] carrelage à payer à la SA Axa France Iard la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamner l'EURL [Z] carrelage aux dépens de première instance.
En tout état de cause : ajoutant au jugement entrepris,
Rejeter toutes demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la SA Axa France Iard.
Déclarer irrecevable sinon débouter la société Allianz de son appel en garantie à l'encontre de la SA Axa France Iard.
Condamner l'EURL [Z] carrelage à payer à la SA Axa France Iard la somme supplémentaire de 3.500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamner l'EURL [Z] carrelage aux dépens d'appel. ».
Au soutien de ses prétentions, la société Axa France Iard, intimée, expose que la demande de l'appelante est irrecevable faute d'établir une créance liquide, certaine et exigible du fait de l'appel régularisé à l'encontre du jugement prononcé le 9 mai 2019 par le tribunal administratif qui l'a condamnée au paiement de 110.651,76 euros outre les frais d'expertise judiciaire envers le département du Gard. L'assureur souligne également qu'un avis d'échéancier émis par la Direction Générale des Finances Publiques en date du 1er août 2023 n' établit pas que l'appelante aurait d'ores et déjà réglé une somme de 86.575,49 euros.
L'assureur indique que l'action de la société est prescrite, plus de 5 années s'étant écoulées entre la date à laquelle étaient connus les désordres et la recherche de garantie.
L'intimée fait observer qu'aucune demande en condamnation n'est formulée à son égard, l'examen du dispositif des conclusions d'appelant comportant uniquement à l'égard de la SA Axa France Iard que des demandes de « constater ».
Elle fait valoir que la garantie n'est pas mobilisable puisqu'il n'est pas établi que les travaux ont été réceptionnés avec ou sans réserve, hors les désordres allégués, compromettant la solidité de la construction ou la rendant impropre à sa destination et que le marché a été soldé. Elle précise que la garantie décennale ne trouve pas à s'appliquer au regard des microfissures non évolutives.
Concernant l'appel en garantie, elle fait valoir outre la prescription qu'il ne peut être prononcée à son encontre, les conclusions d'expertise établissant la faute de son assuré lui étant inopposables en raison de son absence aux opérations et que, de plus, en faute de réception, la garantie décennale souscrite auprès de la concluante ne saurait être mobilisée.
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Dans ses dernières conclusions, la société Allianz, intimée, demande à la cour, au visa des articles 2224 et suivants du code civil, de l'article 31 du code de procédure civile, des articles 1792 et suivants du code civil, de l'article 1231-1 du code civil, et de l'article 9 du code de procédure civile, de :
« Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nîmes le 24 mars 2023, en ce qu'il a rejeté les demandes de la société [Z] carrelage, au besoin par substitution de motifs.
A titre principal :
Juger la société [Z] carrelage prescrite en ses demandes dirigées à l'encontre de la société Allianz.
Juger la société [Z] carrelage irrecevable en toutes ses demandes dirigées à l'encontre de la société Allianz en sa qualité d'assureur de responsabilité de la société Elma Méditerranée.
Rejeter les demandes de la société [Z] carrelage au visa de cette irrecevabilité.
Surabondamment,
Juger qu'à défaut de justifier du caractère actuel, certain et définitif du préjudice allégué, la société [Z] carrelage, dépourvue d'intérêt, sera déclarée irrecevable à agir au visa de l'article 31 du code de procédure civile et, en toute hypothèse, mal fondée.
Rejeter, de plus fort, les demandes de la société [Z] carrelage au visa de cette irrecevabilité.
A titre très subsidiaire,
Juger que le contrat d'assurances souscrit par la société Elma Méditerranée n'a pas vocation à s'appliquer.
Juger que la garantie responsabilité civile décennale du sous-traitant n'est pas mobilisable en l'absence de réception et de dommage de nature décennale.
Juger que le contrat d'assurances souscrit n'a pas vocation à garantir la responsabilité civile contractuelle de la société Elma Méditerranée.
Surabondamment,
Juger que les garanties complémentaires ne sont pas davantage mobilisables.
En conséquence,
Rejeter l'ensemble des demandes dirigées à l'encontre de la société Allianz.
A titre très subsidiaire,
Juger que le montant de la réclamation n'est pas justifié, ni dans son principe, ni dans son quantum en l'absence de toute pièce probante versée aux débats.
En l'état et à défaut de production notamment du contenu de l'annexe 2 au rapport d'expertise judiciaire intitulé « Bordereau de l'ensemble des documents et dires reçus »,
Rejeter toutes demandes plus amples ou contraires présentées par la société [Z] carrelage ou tout autre contestant à l'encontre de la société Allianz.
En cas de succombance,
Juger que la responsabilité de la société Elma Méditerranée, si elle était retenue par la cour, ne saurait être exclusive et doit être partagée avec la société [Z] carrelage, laquelle a commis des fautes qui ont contribué à la survenance du sinistre.
Limiter le recours de la société [Z] carrelage.
Condamner in solidum la société [Z] carrelage et la société Axa France Iard à relever et garantir dans les proportions soumises à l'appréciation du tribunal mais qui ne sauraient être inférieures à 30 %, la société Allianz de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à leur encontre en principal, intérêts, frais, et accessoires.
Faire application de la franchise contractuelle, telle qu'elle ressort des conditions particulières du contrat d'assurances souscrit s'élevant à 20 % du montant des dommages avec un minimum de 800 euros et un maximum de 13 100 euros, avec revalorisation opposable aux tiers s'agissant de garanties facultatives.
N'entrer en voie de condamnation que franchise déduite.
Rejeter toutes demandes plus amples ou contraires qui seraient dirigées à l'encontre de la société Allianz.
Condamner la société [Z] carrelage et/ou tout succombant au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamner la société [Z] carrelage et/ou tout succombant aux entiers dépens distraits au profit de Maître Alain de Angelis de la SCP De Angelis et associés. ».
Au soutien de ses prétentions, la société Allianz, intimée, expose que l'action de l'appelante est prescrite au visa de l'article 2224 du code civil dès lors qu'un délai supérieur à 5 ans s'est écoulé entre le 31 juillet 2014, date de l'émission de titres exécutoires par le département du Gard en vertu desquels l'EURL [Z] carrelage a eu connaissance des faits permettant d'exercer l'action contre l'assureur de la société.
Elma Méditerranée et le 5 mai 2021, date de l'assignation au fond de la société Allianz, sans qu'aucun acte interruptif de prescription à la requête de la société [Z] carrelage n'ait été délivré à l'assureur.
Elle fait également valoir que faute de démontrer qu'elle s'est acquittée de la somme mise à sa charge au titre des condamnations prononcées, l'EURL [Z] carrelage est dépourvue d'intérêt à agir.
Subsidiairement, l'assureur invoque le fait que la garantie responsabilité civile du sous-traitant en cas de dommage de nature décennale est inapplicable en premier lieu en l'absence de réception de l'ouvrage par l'EURL [Z] carrelage qu'elle soit expresse ou tacite et en second lieu en l'absence de dommage de nature décennale les dommages allégués étant pour l'essentiel des microfissures dont il n'est pas établi qu'elles porteraient atteinte à la solidité de l'ouvrage ou rendraient celui-ci impropre à sa destination.
Concernant les autres garanties dites « complémentaires » prévues au contrat d'assurance dans les conditions générales, l'intimée fait valoir qu'elles ne sont pas mobilisables dans le cas d'espèce.
Très subsidiairement, l'assureur affirme que la demande doit être rejetée en l'absence de tout document justifiant l'intervention de la société Elma Méditerranée sur le chantier et notamment au regard du contenu de l'annexe 2 du rapport d'expertise judiciaire intitulé « Bordereau de l'ensemble des documents et dires reçus ».
À titre encore plus subsidiaire, l'assureur affirme que l'appelante ne démontre pas avoir réglé les sommes mises à sa charge qui, par ailleurs, concerneraient des dépenses nécessaires pour achever le marché confié à la société [Z] carrelage ou des dépenses qui sont sans rapport avec l'intervention, à supposer dommageable, de la Société Elma Méditerranée. Enfin, l'intimée estime qu'une partie des condamnations doit demeurer à la charge de l'entrepreneur et de son assureur la société Axa en raison de l'absence fautive de contrôle et de vérification de l'EURL [Z] carrelage à l'égard de son sous-traitant et dont la responsabilité ne saurait être inférieure à 30 % dans l'exécution des travaux.
Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
DISCUSSION
Sur l'intérêt à agir de la société [Z] carrelage
Selon l'article 31 du code de procédure civile, « l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. ».
En l'espèce, la cour administrative d'appel de Marseille a, par arrêt du 31 janvier 2022, rejeté la demande en réformation de la décision du tribunal administratif de Nîmes du 9 mai 2019 mettant au débit de l'EURL [Z] carrelage la somme de 110 651.76 euros correspondant au solde du marché outre les frais d'expertise.
Il est produit un courrier de la direction générale des finances publiques (« affaire cd30c/sabatier affaire gard ») du 1er août 2023 faisant état d'une proposition d'échéancier pour une somme restant due de 57 200.96 euros.
Par conséquent, dès lors que la présente action tend à recouvrer auprès des assureurs la somme mise à sa charge suite aux décisions des juridictions administratives dans le cadre du marché de travaux publics des archives départementales, l'EURL [Z] carrelage justifie d'un intérêt direct et personnel à agir.
Le jugement déféré sera réformé sur ce point.
Sur la prescription de l'action
- à l'égard de la société AXA Iard
Selon l'article L 114-1 du code des assurances, « toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance. ['] Toutefois, ce délai ne court :
1° En cas de réticence, omission, déclaration fausse ou inexacte sur le risque couru, que du jour où l'assureur en a eu connaissance ;
2° En cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s'ils prouvent qu'ils l'ont ignoré jusque-là.
Quand l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, le délai de la prescription ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ou a été indemnisé par ce dernier ».
Le recours ou l'action en justice peut s'exercer par voie reconventionnelle sous forme de dépôt de conclusions (Civ. 1re, 10 déc. 1985, n° 84-14.851).
En l'espèce, le recours de l'EURL [Z] carrelage, qui se fonde sur les clauses du contrat d'assurance la liant à son assureur, est soumis au délai de prescription biennale de l'article L 114-1 alinéa 3 du code des assurances.
Il ressort du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 9 mai 2019, produit par l'appelante, que l'action en justice a été initiée devant la juridiction administrative par l'EURL [Z] carrelage selon requête du 21 mars 2017 afin d'obtenir du département du Gard le paiement de la somme de 27 664.75 euros TTC au titre du solde des travaux du lot n° 13.
Selon la même décision, le département du Gard a alors sollicité la condamnation de l'entreprise au paiement de la somme de 117 589.26 euros, celui-ci ayant décidé une résiliation du marché le 20 janvier 2012 au motif que l'entreprise [Z] Carrelage n'a ni repris l'altimétrie des chapes ni réparé les fissures sur l'ensemble des chapes. Cette demande a été formulée, selon les termes du jugement, par des mémoires en défense dont le premier a été enregistré le 10 novembre 2017 marquant ainsi le point de départ du recours de l'assuré contre son assureur.
Par conséquent, la prescription a commencé à courir le 10 novembre 2017 et non en 2011, date du référé expertise initié à la demande de la société [Z] en vue de résoudre un litige portant sur la résiliation du contrat.
En effet, le constructeur n'ayant pas intérêt à agir en garantie avant d'être lui-même assigné aux fins de paiement ou d'exécution de l'obligation en nature, il ne peut être considéré comme inactif, pour l'application de la prescription extinctive, avant l'introduction de ces demandes principales. Dès lors, l'assignation, si elle n'est pas accompagnée d'une demande de reconnaissance d'un droit, ne serait-ce que par provision, ne peut faire courir la prescription de l'action du constructeur tendant à être garanti de condamnations en nature ou par équivalent ou à obtenir le remboursement de sommes mises à sa charge en vertu de condamnations ultérieures
L'action de l'EURL [Z] à l'encontre de son assureur a été engagée devant le tribunal de commerce le 5 mai 2021.
Le délai biennal étant écoulé, l'action de l'EURL [Z] carrelage à l'encontre de la société AXA est en conséquence prescrite.
Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
- à l'égard de la société Allianz Iard
Selon l'article 2224 du code civil, « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ».
Il résulte de l'arrêt de la cour administrative d'appel de [Localité 8] du 31 janvier 2022, que des titres exécutoires ont été délivrés en raison de la résiliation du marché intervenue le 20 janvier 2012 et le refus de l'entreprise [Z] carrelage de procéder aux travaux de reprises nécessitant, alors, l'intervention d'une entreprise tierce. Selon la même décision, le département du Gard a ajouté dans les sommes réclamées les pénalités de retard pour la période allant du 27 juillet 2010 au 23 janvier 2012 date de la notification de la décision de résiliation.
Dès lors, il ne peut être tenu compte, pour fixer le point de départ de la prescription comme le soutient la société Allianz, de la procédure de recouvrement diligentée par le département du Gard le 31 juillet 2014.
En conséquence, le délai de prescription a commencé à courir à compter de la demande en paiement du Département du Gard, soit le 10 novembre 2017. L'assignation en paiement ayant été délivrée le 5 mai 2021, l'action de l'appelante n'est pas prescrite.
Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
III. Sur les demandes d'indemnisation de la société [Z] carrelage à l'égard d'Allianz
Selon l'article 1231-1 du code civil, « le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure ».
En l'espèce, il résulte des conditions générales du contrat d'assurance liant la société Elma méditerranée à la compagnie d'assurance Allianz, anciennement AGF, que celle-ci a contracté une garantie de base « responsabilité civile décennale » qui contient les clauses suivantes.
Aux termes de l'article 1.1, est garanti « le paiement des travaux de réparation de la construction à la réalisation de laquelle l'assuré a participé lorsque sa responsabilité est engagée dans les conditions visées aux paragraphes ci-après. Les travaux de réparation, notamment en cas de remplacement des ouvrages, comprennent également les travaux de démolition, déblaiement, dépose ou démontage éventuellement nécessaires ».
L'article 1.1.1 précise : « la garantie s'applique en cas de dommages à des travaux de bâtiment engageant la responsabilité de l'assuré en qualité de locateur d'ouvrage sur le fondement des articles 1792 et 1792-2 du Code civil ».
En vertu de l'article 1.1.2, « moyennant stipulation aux dispositions particulières, la garantie s'applique en cas de dommages matériels à des travaux de génie civil engageant la responsabilité de l'assuré en qualité de locateur d'ouvrage sur le fondement de l'article 1792 du code civil ».
Enfin, l'article 1.1.3 stipule qu' « en cas de dommages de la nature de ceux visés au 1.1.1 et 1.1.2 ci-dessus la garantie s'applique également à la responsabilité que l'assuré peut encourir, en qualité de sous-traitant, en vertu de l'obligation contractuelle de droit commun à laquelle il peut être tenu vis-à-vis du locataire d'ouvrage titulaire du marché ou d'un sous-traitant ».
Il résulte de la lecture de ces clauses contractuelles que, lorsqu'elle intervient en qualité d'entreprise principale, la société Elma méditerranée n'est assurée que si elle engage sa responsabilité décennale vis-à-vis du maître d'ouvrage et que, lorsqu'elle intervient en qualité de sous-traitant, la garantie ne joue que si l'entreprise principale engage elle-même sa responsabilité décennale.
Il ressort de l'arrêt de la cour administrative d'appel de [Localité 8] du 31 janvier 2022, qui reprend les conclusions de l'expertise du 22 juillet 2011, que « les chapes réalisées par l'EURL [Z] carrelage (') présentaient une fissuration anormale et quasi généralisée qui nécessitait un traitement afin d'éviter toute évolution, que les malfaçons étaient due à une désolidarisation imparfaite, une qualité et une épaisseur de béton mises en 'uvre inadaptées, des joints mal positionnés et une absence supposée de produits de cure ».
Ces désordres ont nécessité la réalisation de travaux de reprise par une entreprise tierce ainsi que le relève la cour administrative d'appel, laquelle indique : « le département produit l'ensemble des pièces du marché de substitution conclu avec la société SNC Eurosyntec le 20 décembre 2011, pour un montant total de 328 338,36 euros toutes taxes comprises. Il ressort de l'examen de ces documents que le marché conclu par le département du Gard avec la SNC Eurosyntec portait sur des travaux de résine pour traitement des désordres sur les chapes des archives départementales du Gard ». La cour administrative précise que la société [Z] carrelage « ne conteste pas utilement que ces travaux ont trait à la reprise des malfaçons sur les travaux qu'elle a réalisés dans le cas du marché résilié et n'établit ni même n'allègue qu'elle n'aurait pas été mise en mesure d'en suivre l'exécution ».
Il ressort des pièces fournies que la réception des travaux est intervenue après l'intervention de l'entreprise tierce. Les désordres causés par les travaux litigieux sont antérieurs à la réception, de sorte qu'ils ne sont pas couverts par la garantie décennale.
Par conséquent, la garantie souscrite par sa sous-traitante, la société Elma méditerranée, auprès de la société Allianz, anciennement AGF, ne joue pas.
Les demandes de la société [Z] carrelage formulées à l'encontre de la société Allianz seront donc rejetées.
Sur les frais de l'instance :
L'EURL [Z] carrelage, qui succombe, devra supporter les dépens de première instance et d'appel. Me Alain de Angelis de la S.C.P. d'avocats de Angelis & associés pourra recouvrer directement contre la partie ci-dessus condamnée, ceux des dépens dont il aura fait l'avance sans en recevoir provision.
L'EURL [Z] carrelage devra payer à la société Axa Iard et Allianz à chacune une somme équitablement arbitrée à 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a déclaré prescrite l'action de l'EURL [Z] carrelage à l'encontre de la société Allianz et en ce que les dépens de la citation introductive d'instance et de signification du jugement n'ont pas été mis à la charge de l'EURL [Z] ;
Statuant à nouveau de ces chefs,
Dit que l'action de l'EURL [Z] dirigée à l'encontre de la société Allianz est recevable ;
Déboute l'EURL [Z] de ses demandes dirigées à l'encontre de la société Allianz ;
Dit que l'EURL [Z] carrelage supportera les dépens de première instance et d'appel et payera à la société Axa Iard et Allianz à chacune une somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dit que Me Alain de Angelis de la S.C.P. d'avocats de Angelis & associés pourra recouvrer directement contre la partie ci-dessus condamnée, ceux des dépens dont il aura fait l'avance sans en recevoir provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.