CA Aix-en-Provence, ch. 3-3, 9 octobre 2025, n° 21/02171
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
CSF Jurco (SELAS)
Défendeur :
Lixxbail (SA), Loman Conseil en Marketing et Organisation Informatique (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Noel
Vice-président :
Mme Ougier
Conseiller :
Mme Vincent
Avocats :
Me Badie, Me Magnan, Me Boulard
EXPOSE DU LITIGE
La SELARL CSF Jurco est une société d'exercice libéral au sein de laquelle sept avocats exercent leur activité, assistés de deux secrétaires juridiques et d'une comptable. Depuis près de 25 ans, elle utilise le système de gestion informatique SECIB appelé MAC Avocat et qui fonctionne sous Apple.
Souhaitant simplifier son système de facturation, la société Jurco s'est rapprochée de la société Loman Conseil en marketing & organisation informatique (ci-après la société Loman) exploitant ce logiciel.
La société Jurco a souhaité coupler la téléphonie avec l'informatique et la gestion du temps passé et les courriels.
Le 21 février 2017, la société Loman a adressé à la société Jurco une première offre commerciale pour l'équipement d'une solution de téléphonie puisque le logiciel Buroclic nécessitait l'installation d'un système de téléphonie par internet.
Le 1er mars 2017, quatre membres de la société Jurco se rendaient dans les locaux de la société Loman à [Localité 5] pour une présentation du logiciel Buroclic.
Le 9 mai 2017, la société Loman a adressé un « compte rendu » de l'installation à prévoir, moyennant un coût estimatif de l'ordre de 27 874 euros HT.
Le 27 juin 2017, la société Loman a adressé un bon de commande à la société Jurco chiffrant le coût de l'installation à la somme de 39 648,66 euros. Cette dernière a donné son accord le 5 août 2017.
L'abonnement mensuel téléphonie + internet devait s'élever à la somme de 313,60 euros HT.
Le 15 septembre 2017, la société Jurco a régularisé un contrat de crédit-bail avec la banque Crédit agricole.
Toutefois, dès l'installation du logiciel Buroclic le 1er mars 2018, les membres de la société Jurco a déploré l'impossibilité de l'utiliser avec Apple.
Le 08 mars 2018, la société Jurco a adressé une lettre recommandée à la société Loman lui enjoignant de régulariser le système dans les plus brefs délais, à défaut elle exigeait le remboursement des sommes perçues.
Le 19 mars 2018, la société Jurco a fait part à la société Loman de ce que les promesses d'économie des factures de téléphonie étaient vaines car elle constatait que ces factures de téléphonie s'élevaient à la somme de 865,14 euros.
Le 20 mars 2018, la société Loman a répondu à la société Jurco en justifiant les dysfonctionnements du logiciel par le fait, notamment :
- Que les numéros de téléphone et les adresses mails n'étaient pas systématiquement saisis dans les fiches SECIB,
- Que la liste des factures dans SECIB ne correspondait pas à la réalité comptable,
- Que l'ergonomie du logiciel a été montré lors de la présentation du 1er mars 2017 qui aurait duré tout l'après-midi,
- Qu'un formateur, Monsieur [W] [H] serait intervenu 3 fois au cabinet.
Compte tenu de l'impossibilité d'utiliser le logiciel, la société Jurco a demandé à la société Loman de rétablir le logiciel SECIB à compter du 1er avril 2018 et le remboursement des sommes indûment payées.
Suivant lettre recommandée avec accusé de réception du 18 avril 2018, la société Jurco a mis en demeure l'éditeur du logiciel (Loman) de rembourser la somme de 29 646,66 euros HT.
Selon acte d'huissier du 8 août 2018, la société Jurco a assigné la société Loman devant le tribunal de commerce de Nice aux fins de résolution du contrat.
Selon acte extrajudiciaire du 14 février 2019 la société Jurco a fait assigner la Société Lixxbail en intervention forcée.
Selon jugement dont appel du 11 janvier 2021 le Tribunal de Commerce de Nice a :
- Dit la SELAS CSF Jurco recevable dans son action,
- Débouté la SELAS CSF Jurco de sa demande de résolution de contrat,
- Débouté la SELAS CSF Jurco de l'intégralité de ses demandes 'ns et conclusions,
- Condamné la SELAS CSF Jurco à poursuivre le paiement des échéances du contrat de crédit-bail à la SA Lixxbail jusqu'à son terme,
- Ordonné l'exécution provisoire,
- Condamné la SELAS CSF Jurco à payer la somme de 3 500 Euros à la SAS Loman Conseil en marketing et organisation informatique sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- Condamné la SELAS CSF Jurco aux entiers dépens,
- Liquidé les dépens à la somme de 126,72 Euros.
La SELAS CSF Jurco a interjeté appel selon déclaration du 12 février 2021.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 juin 2025. L'affaire a été appelée à l'audience du 10 juin 2025 et a été mise en délibéré au 9 octobre 2025.
L'arrêt rendu sera contradictoire, conformément à l'article 467 du code de procédure civile.
PRETENTIONS ET MOYENS
Par conclusions signifiées par RPVA le 30 mai 2025, la SELAS CSF Jurco demande à la cour de :
Vu l'article L. 721-3 du Code de commerce,
Vu les articles 46 et 700 du Code de procédure civile,
Vu les articles 1103, 1104, 1217, 1224, 1231-1 et 1231-2 du Code civil,
Vu la jurisprudence citée,
Vu les pièces produites,
Déclarer recevable l'appe1 de la SELAS CSF Jurco et bien fondé,
Infirmer le jugement du Tribunal de commerce de NICE en date du 11 janvier 2021 en ces chefs qui ont :
- Débouté la SELAS CSF Jurco de sa demande de résolution de contrat.
- Débouté la SELAS CSF Jurco de l'intégralité de ses demandes, 'ns et conclusions.
- Condamné la SELAS CSF Jurco à poursuivre le paiement des échéances du contrat de crédit-bail à la SA Lixxbail jusqu'à son terme.
- Ordonné l'exécution provisoire.
- Condamné la SELAS CSF Jurco à payer la somme de 3 500 euros à la SAS Loman Conseil marketing & organisation informatique sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- Débouté les parties du surplus de leurs demandes
- Condamné la SELAS CSF TURCO aux entiers dépens.
- Liquidé les dépens à la somme de 126,72 euros.
Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de NICE du 11 janvier 2021 en ce qu'il a dit la SELAS CSF Jurco recevable en son action,
Et statuant de nouveau :
Juger que la société Loman Conseil en marketing & organisation informatique, débitrice à l'égard de la SELAS CSF Jurco d'une obligation de renseignement, de conseil, d'information et d'assistance technique n'a pas respecté ses engagements contractuels,
Ordonner la résolution du contrat de vente du matériel informatique Buroclic conclu entre la société Loman Conseil en marketing & organisation informatique et la SELAS CSF Jurco,
A titre principal :
Ordonner la mise hors de cause de la société Lixxbail en l'état de la levée d'option faite par la SELAS CSF Jurco le 11 février 2023,
Condamner la société Loman Conseil en marketing & organisation informatique à rembourser à la SELAS CSF Jurco le prix d'acquisition du matériel de 39 648,66 euros HT, soit 47.578,39 euros TTC assorti des intérêts au taux légal à compter du 14 février 2019,
Ordonner la restitution du matériel informatique et 1'équipement de téléphonie à la société Loman Conseil en marketing & organisation informatique,
Juger que la SELAS CSF Jurco ne doit pas restituer le câblage qui n'a jamais été effectué,
Débouter la société Lixxbail de ses demandes tendant à titre principal, con'rmé en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de Commerce de NICE du 11 janvier 2021,
A titre subsidiaire, si la mise hors de cause de la société Lixxbail n'est pas ordonnée :
Ordonner la résolution du contrat de vente du matériel informatique Buroclic conclu entre la société Loman Conseil en marketing & organisation informatique et la SELAS CSF Jurco subrogée dans les droits de la société Lixxbail conclu le 05 août 2017,
Ordonner la caducité à la date d'effet de la résolution du contrat de vente, du contrat de crédit-bail accessoire à la vente conclu entre la SELAS CSF Jurco et la société Lixxbail conclu le 15 septembre 2017,
Juger inapplicables les clauses prévues au contrat de crédit-bail de la société Lixxbail en cas de résiliation du contrat, la présente étant une résolution de la vente,
Ordonner la restitution du matériel informatique et l'équipement de téléphonie à la société Loman Conseil en marketing & organisation informatique,
Juger que la SELAS CSF Jurco ne doit pas restituer le câblage qui n'a jamais été effectué,
Condamner la société Lixxbail à verser à la SELAS CSF Jurco la somme de 50 666,40 euros au titre des loyers réglés en vertu du contrat de location du 15 septembre 2017,
Débouter la société Lixxbail de sa demande tendant à voir dire et Juger qu'elle ne sera tenue de rembourser à la SELASC CSF Jurco les seuls loyers honorés à compter du 14/02/19, date de l'assignation en intervention forcée, sous réserve du périmètre de la résolution, et ainsi le cas échéant, sous déduction de la somme de 18 834,79 euros TTC,
En tout état de cause :
Débouter la société Loman Conseil en marketing & organisation informatique de l'intégralité de ses demandes, 'ns et conclusions,
Condamner la société Loman Conseil en marketing & organisation informatique à payer à la SELAS CSF Jurco la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts correspondant aux gains manqués,
Condamner la société Loman Conseil en marketing & organisation informatique au paiement d'une somme de 10 000 euros au pro't de la SELAS CSF Jurco sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens distraits au profit de la SCP Badie-Simon-Thibaud & Juston sur leur affirmation de droit.
Par conclusions récapitulatives n°2 signifiées par RPVA le 27 mai 2025, la société Loman demande à la cour de :
Vu les articles 1304 et suivants du Code civil,
Révoquer l'ordonnance clôture du 31 mars 2025,
Ordonner la clôture au jour de l'audience du 10 juin 2025,
Confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de NICE du 11 janvier 2021 en ce qu'il a :
- Débouté la SELAS CSF Jurco de sa demande de résolution de contrat,
- Débouté la SELAS CSF Jurco de l'intégralité de ses demandes 'ns et conclusions,
- Condamné la SELAS CSF Jurco à poursuivre le paiement des échéances du contrat de crédit-bail à la SA Lixxbail jusqu'à son terme,
- Condamné la SELAS CSF Jurco à payer la somme de 3 500 Euros à la SAS Loman Conseil en marketing et organisation informatique sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamné la SELAS CSF Jurco aux entiers dépens,
- Liquidé les dépens à la somme de 126,72 Euros.
En conséquence :
Débouter la SELAS CSF Jurco de l'intégralité de leurs demandes, 'ns et conclusions,
Dire et Juger que la SELAS CSF Jurco est une professionnelle ne pouvant bénéficier des dispositions protectrices du droit de la consommation,
Juger que la société Loman Conseil en marketing et organisation informatique exploitant sous 1'enseigne Buroclic a parfaitement informé la SELAS CSF Jurco préalablement à la régularisation du contrat,
Débouter la SELAS CSF Jurco de sa demande de résolution de contrat comme étant mal fondée pour être fondée sur une obligation d'information précontractuelle,
Dire et Juger que la société Loman Conseil en marketing et organisation informatique exploitant sous l'enseigne Buroclic a parfaitement exécuté le contrat de vente principal et les contrats accessoires d'installation et de maintenance et n'a donc pas manqué à ses obligations contractuelles,
Débouter la SELAS CSF Jurco de sa demande de résolution du contrat,
Juge en tant que de besoin que la résolution ne peut porter sur le câblage des locaux pour un montant de 4 171,66 Euros HT et sur l'équipement de téléphonie couplé avec Buroclic pour un montant de 11 524,00 Euros HT,
Débouter la SELAS CSF Jurco de sa demande de résolution du contrat portant sur le câblage des locaux pour un montant de 4 171,66 Euros HT et sur l'équipement de téléphonie couplé avec Buroclic pour un montant de 11 524,00 Euros HT,
Débouter, si la résolution était prononcée, la société Lixxbail de sa demande de condamnation de la société Loman Conseil en marketing et organisation informatique exploitant sous l'enseigne Buroclic à lui rembourser la somme de 47 578,39 Euros HT,
Juger si la résolution était prononcée, que la société Lixxbail ne pourrait solliciter la condamnation de la société Loman Conseil en marketing et organisation informatique exploitant sous l'enseigne Buroclic à lui rembourser que la somme de 13 929,00 Euros HT,
Débouter la SELAS CSF Jurco de sa demande de condamnation de la société Loman Conseil en marketing et organisation informatique exploitant sous l'enseigne Buroclic à lui payer la somme de 20 000 Euros à titre de dommages et intérêts, cette demande étant infondée et n'étant pas justifiée,
En tous cas,
Condamner la SELAS CSF Jurco à payer à la société Loman Conseil en marketing et organisation informatique exploitant sous l°enseigne Buroclic la somme de 5 000 Euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
La Condamner aux entiers dépens.
Par conclusions d'intimé n°2 signifiées par RPVA le 23 mai 2025, la SA Lixxbail demande à la cour de :
A titre principal :
Vu l'article 1227 du Code civil,
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de commerce de Nice du 11 janvier 2021,
Statuant à nouveau en cas de prononcé de la résolution du contrat principal :
A titre subsidiaire :
Vu l'article 31 du Code de procédure civile,
- Ordonner la mise hors de cause de la SA Lixxbail compte tenu de la levée d'option d'achat du matériel par la SELARL CSF Jurco le 11/02/2023,
A titre infiniment subsidiaire :
- Ordonner la caducité subséquente du contrat de crédit-bail à compter du 14/02/2019, date de l'assignation en intervention forcée,
- Condamner en conséquence la SAS Loman Conseil et marketing et organisation à rembourser à la SA Lixxbail le prix d'acquisition total des matériels bureautiques de 47 578,39 euros TTC, assorti des intérêts au taux légal à compter du 14/02/2019,
- Dire et Juger que la SA Lixxbail sera tenue de rembourser à la SELAS CSF Jurco les seuls loyers honorés à compter du 14/02/2019, date de l'assignation en intervention forcée, sous réserve du périmètre de la résolution, et ainsi le cas échéant, sous déduction de la somme de 18 834,79 euros TTC,
En tout état de cause,
- Débouter la SELAS CSF Jurco et la SAS Loman Conseil et marketing et organisation de toutes leurs demandes plus amples et contraires,
- Condamner toute partie succombante à payer à la SA Lixxbail la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction pour ces derniers au profit de Maître Joseph Magnan par application de l'article 699 du Code de procédure civile.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est fait renvoi aux dernières écritures déposées pour l'exposé des moyens des parties.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la résolution du contrat liant les sociétés Loman et Jurco
La société Jurco soutient que le contrat de prestation informatique proposé par la société Loman regroupe :
- Un contrat de fourniture d'un logiciel Buroclic, communément appelé licence,
- Un contrat de vente en ce qui concerne le transfert de propriété du support téléphonique,
- Un contrat de service (maintenance et formation).
Si le contrat liant les parties est un contrat spécial, il reste toutefois soumis aux dispositions du droit commun et notamment la société Loman qui en sa qualité de vendeur professionnel d'un matériel informatique avait une obligation d'information, de conseil, et de mise en garde à son égard.
Ainsi, elle soutient que la société Loman a manqué à son devoir d'information et de conseil concernant les caractéristiques techniques de la solution logicielle Buroclic et qu'il lui appartient de rapporter la preuve qu'elle a respecté cette obligation. Or, elle n'a jamais été informée de l'incompatibilité du logiciel avec un univers Mac alors qu'elle a choisi ce logiciel au motif qu'elle pouvait conserver son système d'exploitation Apple.
La société Loman a proposé une solution instable consistant à « émuler » une version de Windows sur le Mac, nécessitant un changement d'univers à chaque utilisation du logiciel de Buroclic et qui finalement n'a pas correctement fonctionné.
En réplique, la société Loman soutient que le code de la consommation est inapplicable et que la société Jurco est une professionnelle.
Elle fait valoir qu'elle n'a pas manqué à son obligation précontractuelle d'information, qu'elle a présenté son logiciel lors d'une réunion avec les membres du cabinet pendant plusieurs heures qui ont pu s'apercevoir que le logiciel fonctionnait avec Windows et non sur un Mac. Par ailleurs, il est possible d'exploiter le logiciel avec des ordinateurs Apple en mettant en place une interface particulière qui n'est en aucun cas une solution bancale comme le soutient à tort l'appelante, ce qu'elle justifie par le témoignage de nombreux utilisateurs.
Par ailleurs, elle relève que la résolution du contrat de vente ne peut être prononcée que lorsque l'une des parties n'a pas exécuté ses obligations contractuelles, or le manquement éventuel à une obligation d'information est un manquement précontractuel qui ne peut justifier une résolution.
Selon l'article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.
Sur le manquement à l'obligation précontractuelle d'information
L'article 1112-1 du code civil dispose que « [Localité 4] des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.
Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.
Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.
Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.
Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants. »
En l'espèce, il résulte des pièces produites que les pourparlers entre la société Jurco et Loman sur le contrat litigieux ont débuté à la fin de l'année 2016 et se sont déroulés sur toute l'année 2017. Il n'est pas contesté que la société Loman connaissait parfaitement les attentes de la société Jurco.
Il apparaît qu'au cours de ces pourparlers, plusieurs représentants de la société Jurco ont bénéficié d'une réunion de présentation du logiciel au sein des locaux de la société Loman en mai 2017 et que l'ensemble des documents de présentation du logiciel, tout comme les comptes-rendus de Loman sur Buroclic du mois de mai 2017 ou les bons de commande mentionnent que celui-ci fonctionne sous Windows. Cette information était donc connue de la société Jurco.
La société Jurco soutient que le logiciel ne fonctionne pas sous Apple et produit à l'appui de sa demande, des courriers de sa part datés du mois de mars et d'avril 2018, dans lesquels elle se plaint notamment du manque d'ergonomie du logiciel, mais aussi de dysfonctionnements au motif que le logiciel ne fonctionnerait pas avec Apple et qu'elle ne peut facturer correctement son travail, outre diverses difficultés. Pour attester de ces difficultés, elle verse aux débats un mail du 20 mars 2018 de M. [R], responsable maintenance informatique, qui explique comment réactiver le clavier Apple en cas de problèmes, et des mails des 21 et 28 mars 2018 dans lequel elle indique rencontrer des difficultés d'enregistrement d'un client et de facturation et avoir eu un blocage du système.
Toutefois, il n'est pas possible au vu de ces seules pièces de déterminer que les difficultés sont imputables à une non-compatibilité du logiciel avec le système Apple, d'autant d'une part, que les critiques de l'appelante portent majoritairement sur l'ergonomie du logiciel et d'autre part, que la société Loman indique sans être contestée que la société Jurco utilise Apple pour la gestion des dossiers, mais le logiciel Sage windows pour la comptabilité et la facturation. Dès lors, si une incompatibilité devait exister, elle ne porterait que sur une partie des missions du logiciel.
De même, l'attestation de M. [D] technicien informatique, employé par la société Jurco en octobre 2018, qui indique « le programme vendu et le matériel conseillé ne sont pas du tout adapter à la configuration de se cabinet, étant donner qu'il travail sur une architecture 100 % apple » apparaît peu détaillée et n'est étayée par aucun élément technique. Elle ne saurait donc suffire à caractériser cette non-compatibilité.
Il n'est donc pas établi d'une part, la réalité d'un dysfonctionnement du logiciel en lien avec le système Mac et par conséquent, un manquement de la part de la société Loman à son obligation précontractuelle d'information sur ce point, qui en tout état de cause, comme le relève l'intimée, ne peut entraîner qu'une nullité du contrat qui n'est pas sollicitée en l'espèce.
Sur les courriels et appels téléphoniques non implémentés dans le logiciel
La société Jurco reproche à la société Loman de ne pas avoir implémenté dans le logiciel les courriels, ainsi que les appels téléphoniques qui n'ont pu être ajoutés dans les temps passés des fiches clients.
La société Loman réplique que la migration des données a commencé le 9 mars 2018 et s'est terminée le 11 mars 2018, soit postérieurement au premier courrier recommandé et qu'un nombre important de fiches clients n'était pas valablement et efficacement renseigné et que cela ne lui incombait pas.
La société Loman produit un courriel du 11 mars 2018 de M. [R] qui indique qu'il vient de finir l'importation des dossiers qui a duré plusieurs jours et que sa réintégration doit être faite le lendemain. Il ressort des courriels que cette réintégration a été faite mais qu'elle n'apporte pas satisfaction à la société Jurco puisque dans son courrier du 18 avril 2018, elle indique que l'implémentation des téléphones et mails « a été mal rentrée ou tout du moins mal identifiée ».
Toutefois, hormis ce courrier, force est de constater que la société Jurco ne produit aucune pièce pour en attester alors que dans ce même courrier qui reprend les doléances de plusieurs avocats, cette difficulté n'est pas dénoncée par tous et que la société Loman rétorque que les fiches clients étaient incomplètes.
Sur le non-respect de l'engagement de la baisse des factures France télécom
La société Jurco soutient que la société Loman n'a pas respecté son engagement de la baisse des factures France Telecom et ne l'avait pas informée que la résiliation des lignes téléphoniques entraînerait la résiliation des lignes des télécopieurs.
La société Loman conclut qu'elle ne rapporte pas la preuve de ce qu'elle allègue et que la résiliation des lignes de télécopie ne lui incombe pas.
En l'espèce, la société Jurco ne justifie pas de l'économie qu'elle aurait dû faire, qui lui aurait été promise par la société Loman, et que finalement, elle n'a pas fait. Il est donc impossible de caractériser le grief qu'elle invoque.
Par ailleurs, elle est seule titulaire de son contrat internet avec Orange et ne peut donc reprocher à un tiers de ne pas l'avoir informée des conditions et conséquences de la résiliation de ce contrat.
Sur l'absence de formation
La société Jurco reproche à la société Loman de ne pas avoir permis la formation du personnel qui n'est donc pas en mesure d'utiliser le logiciel.
Toutefois, la société Loman indique qu'elle a assuré de nombreuses heures de formation et que quand son intervenant s'est rendu dans les locaux, il s'est fait expulser.
En l'espèce, la société Loman justifie avoir envoyé un formateur les 6 et 7 mars 2018 pour une formation sur la facturation et sur la saisie du temps passé, ainsi que le 13 mars 2018. Il est ensuite intervenu le 26 mars 2018 mais indique qu'il a été invité à partir au bout de 30 minutes sans que la société Jurco ne le conteste. Il ressort du mail de M. [N] du 4 avril 2018, qu'il a proposé d'intervenir le 29 mars, mais la date n'a pas été confirmée par la société Jurco. Par la suite, compte tenu des relations entre les parties, plus aucune formation n'a été assurée.
Dès lors, il ne peut être contesté que la société Jurco a exécuté son obligation de formation et le fait qu'elle ait été écourtée ne saurait lui être imputée.
Sur les diligences tronquées dans les factures
La société Jurco indique qu'avec ce logiciel, plus aucune des factures du cabinet n'est en conformité avec les règles déontologiques de la profession d'avocat car il y a un manque d'espace dans le libellé pour la saisie du temps passé, la société Loman indiquant qu'il ne s'agit que d'un réglage.
En l'espèce, il ressort de divers courriers de la société Jurco qu'elle ne pouvait rentrer dans le logiciel l'ensemble de ses diligences par manque d'espace. Toutefois, par courriel du 4 avril 2018, M. [N], formateur de la société Loman indiquait qu'il avait fait modifier le programme de saisie des temps pour ajouter un libellé libre pour permettre ainsi, la description des interventions.
Dès lors, il apparaît que cette difficulté a été réglée, ou tout du moins aucun élément ne prouve qu'il perdure, et ne constitue pas en tout état de cause, un motif grave entraînant la résolution du contrat.
Sur l'instabilité du logiciel
La société Jurco argue que le logiciel est instable de manière générale comme l'attestent les échanges de courriels entre les parties, et qu'il a notamment subi des blocages répétitifs.
La société Loman conteste en indiquant que la preuve n'en est pas rapportée.
En l'espèce, il a été vu que par plusieurs courriers et mails, la SAS Jurco s'est plainte de blocage du système lors de son utilisation. Toutefois, à l'exception de ces courriers qu'elle a donc établi unilatéralement, elle ne produit aucun document justifiant de blocages récurrents, empêchant une utilisation normale de ce logiciel. Même l'attestation de M. [D] de la société Cryptoman ne décrit pas les dysfonctionnements indiquant seulement que le logiciel Buroclic n'a pas été utilisé depuis son installation partielle par la société Jurco.
Sur l'échec de la migration des données
La société Jurco relève que la récupération des données traitées par son ancien logiciel SECIB et la migration vers Buroclic a été impossible et qu'elle en rapporte la preuve par une attestation de la société Cryptoman.
La société Loman conteste ces allégations et indique que la migration a été réalisée.
En l'espèce, dans son attestation établie en septembre 2019, M. [D] de la société Cryptoman indique avoir constaté que la migration des données vers le logiciel Buroclic a partiellement échoué, sans plus de précision. Or, il résulte des échanges de courriers et de mails que la migration a nécessairement eu lieu puisque la société Jurco se plaint de problèmes de saisies de nouvelles données et d'erreurs sur certains dossiers. En tout état de cause, ces seuls éléments lacunaires absolument pas étayées ne sauraient caractériser une inexécution de la part de la société Loman à ce titre.
En conséquence, il apparaît que la société Jurco, si elle justifie de difficultés liées à l'utilisation du logiciel Buroclic, ne rapporte pas la preuve que celles-ci sont dues à une inexécution de la part de la société Loman de ses obligations justifiant la résolution du contrat. La société Jurco doit être déboutée de l'ensemble de ses demandes et le jugement sera confirmé.
Sur les demandes annexes
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.
Les dépens d'appel seront mis à la charge de la SAS Jurco.
La SAS Jurco sera condamnée à payer à la SAS Loman et à la SA Lixxbail la somme de 2 000 euros à chacune au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement du tribunal de commerce de Nice du 11 janvier 2021 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la SELAS Jurco à payer à la SAS Loman et à la SA Lixxbail la somme de 2 000 euros à chacune au titre des frais irrépétibles ;
Condamne la SELAS Jurco aux entiers dépens d'appel distraits au profit de Me Magnan, avocat.