Cass. 1re civ., 4 juin 1996, n° 93-18.612
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Commune de Torcy
Défendeur :
"Tennis-Club de Marne-la-Vallée" (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lemontey
Rapporteur :
Mme Delaroche
Avocat général :
Mme Le Foyer de Costil
Avocats :
SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Waquet, Farge et Hazan
Attendu qu'en 1980, devant le développement que connaissait sa région, la commune de Torcy a envisagé la création d'un complexe sportif consacré au tennis, et, pour ce faire, s'est adressée à M. Gimard, principal dirigeant d'une société dite société " Tennis-Club de Marne-la-Vallée " dont le siège social était à Paris ; que le 13 octobre 1980, la commune, représentée par son maire, M. X..., et ladite société représentée par son PDG, M. Gimard, ont signé un protocole aux termes duquel contre la mise à sa disposition d'un terrain la société s'est engagée à construire un ensemble de courts de tennis, couverts et découverts avec dépendances, la commune accordant sa garantie pour les emprunts nécessaires à cet investissement ; que le 5 décembre 1980, à la suite d'une délibération du conseil municipal, le maire a été ainsi autorisé à garantir auprès de la Caisse fédérale de crédit mutuel d'Ile-de-France, CFCM, un emprunt de 2 500 000 francs, au profit de la société Tennis-Club de Marne-la-Vallée ; que, cependant, le 21 janvier 1981, la structure juridique destinée à construire et à gérer le complexe sportif a été envisagée sous forme d'une association, dite association du Tennis-Club de Marne-la-Vallée, sous la présidence de M. Gimard, le maire, M. X..., étant président d'honneur ; que le 9 avril 1981, la commune représentée par son maire, et l'association sportive du Tennis-Club de Marne-la-Vallée représentée par son président M. Gimard ont passé une convention concernant un bail à construction, comprenant les engagements respectifs des parties ; que, le 15 juin 1981, cette convention a reçu l'approbation du sous-préfet de Meaux ; que, le 19 juin, le maire a avisé les services de la CFCM de cette approbation ; que, le 30 juin suivant, l'acte d'emprunt de la somme de 2 500 000 francs a été signé par M. Gimard, en qualité de président du Tennis-Club de Marne-la-Vallée, le maire de Torcy et la CFCM ; que dans le corps de cet acte la commune s'engageait " au cas où la partie débitrice ne s'acquitterait pas, pour quelque motif que ce soit, des sommes dues par elle aux échéances convenues à en effectuer elle-même le paiement en ses lieu et place sur simple demande du prêteur " ; que, par un second contrat du 19 mars 1982, passé entre les mêmes parties, la CFCM a accordé un nouveau prêt de 200 000 francs, la municipalité donnant sa garantie dans des termes identiques à ceux du premier ; que les fonds ont été versés au compte de l'association ; qu'en 1984, devant les agissements repréhensibles de M. Gimard, la municipalité a porté plainte, à la suite de laquelle celui-ci a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour faux et usage et abus de confiance au préjudice de l'association " Tennis-Club de Marne-la-Vallée " ; que, le 5 septembre 1988, la CFCM a assigné la commune, en qualité de caution solidaire de l'association, aux fins de condamnation au paiement de la somme de 5 479 399 francs ; que la commune a opposé la nullité de ses engagements et de l'obligation principale en raison notamment de l'indétermination de l'emprunteur garanti, de l'absence d'existence de l'association, et du fait que M. Gimard avait signé les contrats en fournissant de faux pouvoirs ; qu'écartant ces moyens l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 23 juin 1993) a accueilli la demande de la CFCM en condamnant la commune à lui payer la somme de 2 500 000 francs avec intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 1984 et celle de 196 464,99 francs avec intérêts aux taux légal à compter du 12 novembre 1984 ; qu'il a en outre prononcé la capitalisation des intérêts ;
Attendu que la commune de Torcy fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, de première part, que la cour d'appel, qui constate que les actes de cautionnements indiquaient en qualité de débiteur de l'obligation garantie le " Tennis-Club de Marne-la-Vallée ", sans préciser s'il s'agissait de la société ou de l'association du même nom, a violé les articles 1169 et 2015 du Code civil ; alors, de deuxième part, que la cour d'appel constate que le conseil municipal avait donné son accord au cautionnement des dettes de la société du Tennis-Club de Marne-la-Vallée ; qu'il ne ressort pas de termes clairs et précis de ces délibérations, dont l'interprétation n'appartient pas au juge judiciaire, que le maire ait été habilité à engager la commune à cautionner les dettes de l'association du même nom ; qu'ainsi la cour d'appel n'a pu estimer que le maire avait pu valablement engager la commune à cette fin sans violer l'article L. 122-19 du Code des communes ; alors, de troisième part, que la cour d'appel, qui prétend déduire, de ce que la commune aurait tiré toutes les conséquences juridiques de l'existence de l'association du Tennis-Club de Marne-la-Vallée, qu'elle ne " pourrait " venir soutenir que cette association n'existerait pas, sans préciser si elle statue à cet égard en fait ou en droit, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 5 de la loi du 19 juillet 1901 ; alors, de quatrième part, qu'elle a encore privé sa décision de base légale, au regard du même texte, en ne constatant pas que l'association a été régulièrement déclarée et a donné lieu à une insertion au Journal officiel ; alors, de cinquième part, que le jugement qui ouvre contre une personne morale une procédure de redressement judiciaire est dépourvu d'autorité de chose jugée et, à tout le moins, d'une autorité absolue de chose jugée quant à l'existence juridique de celle-ci ; qu'en estimant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1351 du Code civil ; alors, enfin, qu'un cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable ; que le cautionnement d'une obligation contractuelle ne saurait, sans violation des articles 2012 et 2015 du Code civil être étendu à l'obligation de restituer née de l'annulation dudit contrat ;
Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel a constaté que les deux contrats de prêts avaient été signés par M. Gimard en qualité de président, et non de président-directeur général, du Tennis-Club de Marne-la-Vallée, avec comme domiciliation dans le premier contrat avenue Salvador-Allende, 77200 Torcy, et dans le second, hôtel de ville de Torcy ; qu'elle a relevé, à l'opposé, que, dans tous les documents où le nom de la société apparaissait, le siège de celle-ci était ... ; qu'elle a ainsi retenu que le maire n'avait pu se méprendre sur le débiteur auquel il accordait la garantie de la commune et a considéré, à bon droit, que le cautionnement était de ce chef valable ; qu'en deuxième lieu la commune n'est pas recevable à soutenir pour la première fois devant la Cour de Cassation que son maire n'avait pas été valablement habilité par les délibérations du conseil municipal ; qu'en troisième lieu, ainsi que l'ont exactement relevé les juges du fond, elle n'est plus en droit d'invoquer l'inexistence d'une association qui, pendant un temps, a utilisé conformément à l'objet social les fonds versés sur un compte ouvert à son nom en aménageant six terrains de tennis, et contre laquelle elle a engagé diverses procédures pour obtenir notamment, par des décisions devenues définitives, la résiliation de son bail et la mise en redressement judiciaire de l'affaire ; qu'enfin, tant que les parties n'ont pas été remises en l'état antérieur à la conclusion de leurs conventions annulées, l'obligation de restituer inhérente au contrat de prêt demeure valable ; que, dès lors, le cautionnement, en considération duquel le prêt a été consenti, subsiste tant que cette obligation valable n'est pas éteinte ; que par ces motifs propres et adoptés des premiers juges, substitués à ceux critiqués par le sixième grief, la décision est légalement justifiée ; qu'ainsi, en aucune de ses branches, le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.