CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 10 octobre 2025, n° 23/07457
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Agence Premium (SAS)
Défendeur :
Amel Lys (EURL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ardisson
Conseillers :
Mme de La Simone, Mme Guillemain
Avocats :
Me Akuesson, Me Combes
FAITS ET PROCEDURE
Le 2 septembre 2020, la société Amel'lys, qui exerce une activité de fleuriste, a signé auprès de la société Agence Premium deux bons de commande, le premier portant sur la location d'un téléphone sans fil (Yealink W56H) pour une durée de soixante-trois mois, pour un montant mensuel de 69 euros HT et le second sur des solutions de téléphonie.
Le matériel Yealink a été installé dans les locaux de la société Amel'lys le 5 novembre 2020.
La société Amel'lys a reproché à la société Agence Premium l'absence de diligences pour la mise en place du nouvel opérateur et donc le défaut de fonctionnement du matériel de téléphonie.
Suivant lettre recommandée avec accusé de réception du 26 avril 2021, réitérée le 11 mai 2021, la société Agence Premium a mis en demeure la société Amel'lys de régler les échéances dues au titre du contrat de location de matériel téléphonique, en vain.
Suivant requête du 14 juin 2021, la société Agence Premium a saisi le président du tribunal de commerce de Créteil qui, par ordonnance du 18 juin 2021, a enjoint à la société Amel'lys de payer la somme en principal de 5.216,40 euros outre 360 euros et 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement ainsi que les intérêts liquidés à la somme de 18,63 euros et les dépens.
Par lettre adressée au greffe du tribunal en date du 12 juillet 2021, la société Amel'lys a déclaré former opposition à l'ordonnance.
La société Amel'lys ayant soulevé l'incompétence territoriale du tribunal de commerce de Créteil, ce dernier, par jugement du 15 février 2022, s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Melun et lui a renvoyé l'affaire.
Parallèlement, la société Amel'lys avait assigné la société Viatelease en intervention devant le tribunal de commerce de Melun par acte du 31 mai 2022 aux fins de remboursement d'échéances prélevées sur son compte pour un montant de 529,80 euros. Elle a été réglée par cette dernière et s'est ainsi désistée de sa demande à l'égard de la société Viatelease, désistement constaté par jugement du 4 juillet 2022.
Par jugement du 9 janvier 2023, le tribunal de commerce de Melun a':
- déclaré l'opposition formée par la société Amel'lys contre l'ordonnance portant injonction de payer rendue le 18 juin 2021 recevable et bien fondée,
- dit que le présent jugement se substitue à l'ordonnance portant injonction de payer conformément aux dispositions de l'article 1420 du code de procédure civile, qu'il met à néant,
- débouté la société Agence Premium de l'ensemble de ses prétentions,
- condamné reconventionnellement la société Agence Premium à payer à la société Amel'lys la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour avoir poursuivi fautivement un client pour des frais de résiliation douteux liés à un contrat qui n'avait pas débuté,
- rappelé que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit,
- condamné la société Agence Premium à payer à la société Amel'lys la somme de 1.500 euros TTC sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Agence Premium en tous les dépens dont frais de greffe liquidés à la somme de 85,19 euros TTC,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
La société Agence Premium a formé appel du jugement par déclaration du 20 avril 2023 enregistrée le 2 mai 2023.
Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 22 janvier 2024, la société Agence Premium demande à la cour, au visa des principes de bonne foi et de loyauté dans la conclusion et l'exécution des contrats, des articles 4 et suivants du code de procédure civile, des articles 1103 et suivants du code civil, des articles 1130 et suivants du code civil, de l'article 1218 du code civil, des articles 1231 et suivants du code civil, des articles 1174 et suivants du code civil, des articles 1217 et suivants du code civil, de la loi 91-650 du 9 juillet 1991, et l'article L 131-1 du code des procédures civiles d'exécution, de l'article 481-1 et l'article 514 du code de procédure civile, de l'article L441-10 du code de commerce, des articles L 44 et D406-18 à D406-20 du code des postes et des télécommunications':
- de déclarer la SARL Amel'lys irrecevable en son action et en toutes ses demandes et l'y déclarer mal fondée ;
- de déclarer la SAS Agence Premium recevable et bien fondée en son appel et en toutes ses demandes ;
Y faisant droit
- d'annuler le jugement déféré
- A titre subsidiaire, d'infirmer le jugement déféré'
Et, statuant à nouveau :'
- de juger que le contrat portant sur le Matériel téléphonique a été valablement conclu par la signature du Bon de commande du 2 septembre 2020 par la SARL Amelys'lys et qu'il a été exécuté par la SAS Agence Premium de façon satisfaisante par la livraison et l'installation du matériel ;
- de juger que le contrat portant sur le Matériel téléphonique est résilié aux torts exclusifs de la SARL Amel'lys pour défaut de paiement ;
- de juger que le contrat portant sur les Solutions de la téléphonie a été valablement conclu par la signature du Bon de commande du 2 septembre 2020 par la SARL Amel'lys et qu'il a été exécuté par la SAS Agence Premium de façon satisfaisante ;
- de juger que le contrat portant sur le Matériel téléphonique est résilié aux torts exclusifs de la SARL Amel'lys pour défaut de paiement ;
- de juger que le contrat portant sur les Solutions de la téléphonie est résilié aux torts exclusifs de la SARL Amel'lys pour défaut de paiement ;
En conséquence,
- de condamner la SARL Amel'lys à payer à la SAS Agence Premium la somme de 4.347 euros HT soit 5.216,40 euros TTC au titre de l'indemnité de résiliation anticipée à ses torts du Bon de commande du 2 septembre 2020 portant sur le Matériel téléphonique, outre intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 26 avril 2021 ; A titre infiniment subsidiaire,
- de condamner la SARL Amel'lys à payer à la SAS Agence Premium la somme de 2.484 euros TTC au titre de l'indemnité de jouissance du matériel téléphonique.
- de condamner la SARL Amel'lys à payer à la SAS Agence Premium la somme de 300 euros HT soit 360 euros TTC au titre de la reprise du Matériel téléphonique ;
- de condamner la SARL Amel'lys à payer à la SAS Agence Premium la somme de 1.705 euros HT soit 2.046 euros TTC au titre de l'indemnité de résiliation anticipée à ses torts du Bon de commande du 2 septembre 2020 portant sur les Solutions de téléphonie, outre intérêts légaux à compter du jugement à intervenir ;
A titre infiniment subsidiaire,
- de condamner la SARL Amel'lys à payer à la SAS Agence Premium la somme de 168 euros TTC au titre des abonnements et consommations téléphoniques.
- de condamner la SARL Amel'lys à payer à la SAS Agence Premium la somme de 300 euros HT soit 360 euros TTC des frais de déprogrammation anticipée ;
- d'ordonner à la SARL Amel'lys la restitution à la SAS Agence Premium à ses propres frais du Matériel téléphonique sous peine d'une astreinte non comminatoire de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement à intervenir, et ce, jusqu'à parfaite restitution du Matériel téléphonique listé au sein du Bon d'intervention du 5 novembre 2020 ; Ne pas se réserver la liquidation.
- de condamner la SARL Amel'lys à payer à la SAS Agence Premium la somme de 280 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement portant sur les factures nº21-04-2895 et 1343259, 1345427, 1347603, 1349763, 1351950 et 1354172 ;
- d'ordonner la capitalisation de tous les intérêts de retard dus au titre de la décision à intervenir ;
- de condamner la SARL Amel'lys à payer à la SAS Agence Premium la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de condamner la SARL Amel'lys aux entiers dépens, en ce compris les frais de première instance, de l'injonction de payer et de son opposition et à hauteur d'appel.
Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 19 janvier 2024, la société Amel'lys demande à la cour, au visa des articles 1219, 1220, 1231-1 à 1231-3 du code civil':
- de rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la société Agence Premium,
- de confirmer le jugement rendu le 9 janvier 2023 par le tribunal de commerce de Melun,
- de condamner la société Agence Premium à verser à la société Amel'lys la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner la société Agence Premium aux entiers dépens.
* La clôture a été prononcée suivant ordonnance en date du 15 mai 2025.
SUR CE, LA COUR,
Sur la demande d'annulation du jugement
La société Agence Premium souligne que le jugement l'a condamnée reconventionnellement à payer à la société Amel'lys la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour avoir poursuivi fautivement un client pour des frais de résiliation douteux liés à un contrat qui n'avait pas débuté. Elle soutient que la société Amel'lys n'avait pas formulé de demande reconventionnelle en condamnation pour procédure fautive sur le fondement de l'article 1240 du code civil mais uniquement une demande reconventionnelle pour réparation de ses préjudices moral et financier sur le fondement de l'article 1231-1 du même code. Elle fait valoir qu'en substituant d'office un fondement délictuel au fondement contractuel invoqué sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations, le tribunal a violé le principe du contradictoire. Elle indique en outre qu'en utilisant les termes frais de résiliation douteux dans son dispositif, les premiers juges ont manqué à leur obligation d'objectivité et d'impartialité. Enfin l'appelante estime que le jugement ne s'est fondé que sur les prétentions d'une seule partie et a méconnu l'objet du litige.
La société Amel'lys affirme que sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts figurait bien dans ses conclusions de première instance et relève que l'emploi de l'adjectif «'douteux'» ne peut être considéré, au regard des éléments fournis par l'ensemble des parties, comme une appréciation morale personnelle. Elle ajoute que l'omission du rappel des conclusions d'une partie n'entraîne pas la nullité du jugement.
Aux termes de l'article 460 du code de procédure civile':
«'La nullité d'un jugement ne peut être demandée que par les voies de recours prévues par la loi.'»
En vertu de l'article 16 du même code':
«'Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.
Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.'»
Il ressort des conclusions déposées en première instance par la société Amel'lys que celle-ci sollicitait alors à titre reconventionnel la condamnation de la société Agence Premium sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts, pour préjudice moral et financier. Contrairement à ce que soutient la société Agence Premium, le tribunal, qui a fait droit à cette demande à hauteur de 1.000 euros, n'a pas précisé le fondement retenu. Les premiers juges ont retenu les moyens développés par la société Amel'lys et n'ont donc pas enfreint le principe du contradictoire. En outre, l'emploi de l'adjectif «'douteux'» ne traduit pas une appréciation morale empreinte de partialité. Enfin, le tribunal a préciser rejeter toutes les demandes de la société Agence Premium et la seule absence de référence à ses conclusions dans l'exposé des prétentions des parties ne justifie pas une annulation de la décision.
Il convient de débouter la société Agence Premium de sa demande d'annulation du jugement.
Sur la résiliation des deux contrats
La société Agence Premium réclame la résiliation des deux contrats, portant sur le matériel téléphonique d'une part et sur les solutions de téléphonie d'autre part, aux torts exclusifs de la société Amel'lys pour défaut de paiement. Elle fait valoir que les deux contrats sont indépendants sachant qu'elle exerce une activité prédominante de commercialisation des équipements de téléphonie utiles à l'entreprise cliente mais a également une branche d'activité en qualité d'opérateur de téléphonie enregistré auprès de l'ARCEP. Elle signale que le contrat de matériel peut parfaitement poursuivre son exécution en dépit du maintien ou non du contrat de téléphonie/internet et vice-versa. Elle en conclut que le contrat matériel, indépendant du contrat téléphonie, a été exécuté par ses soins puisque la livraison et l'installation du bien loué ont eu lieu. Elle ajoute qu'elle a réglé à la société Amel'lys le rachat d'engagement dans le cadre de la résiliation anticipée avec son ancien prestataire. Elle relève que la société Amel'lys n'apporte aucun élément de preuve relatif à l'absence de fonctionnement du matériel. Elle indique en outre que la société Amel'lys ne justifie pas avoir restitué le téléphone sans fil. S'agissant du bon de commande solutions de téléphonie, la société Agence Premium soutient que la société Amel'lys a consommé mensuellement son forfait téléphonique et ne justifie pourtant d'aucun paiement de loyers. Elle fait valoir que l'intimée lui a fourni un RIO (Relevé d'Identité Opérateur) erroné de sorte que la commande de portabilité a été annulée par le sous-traitant.
La société Amel'lys relève que c'est parce que la ligne téléphonique n'a pas pu être mise en place avec succès que le contrat matériel, correctement livré, s'est retrouvé inutile. Elle insiste sur le lien essentiel unissant les deux contrats conclus simultanément. Elle soutient qu'elle a décidé de recourir aux services de la société Agence Premium pour faciliter ses démarches et que cette dernière a failli dans ses obligations relatives au mandat de portabilité. Elle fait valoir que la société Agence Premium ne justifie pas lui avoir demandé la fourniture d'un numéro RIO.
En vertu de l'article 1217 du code civil':
«'La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :
- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;
- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;
- obtenir une réduction du prix ;
- provoquer la résolution du contrat ;
- demander réparation des conséquences de l'inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.'»
En vertu de l'article 1229 du code civil':
«'La résolution met fin au contrat.
La résolution prend effet, selon les cas, soit dans les conditions prévues par la clause résolutoire, soit à la date de la réception par le débiteur de la notification faite par le créancier, soit à la date fixée par le juge ou, à défaut, au jour de l'assignation en justice.
Lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l'exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l'intégralité de ce qu'elles se sont procuré l'une à l'autre. Lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, il n'y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu sa contrepartie ; dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation.
Les restitutions ont lieu dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.'»
Les documents contractuels versés aux débats sont les suivants':
- un bon de commande daté du 2 septembre 2020 pour la «'location linéaire sur 21 trimestres pour un montant mensuel de 69 euros HT'» d'un téléphone sans fil Yealink W56H (ou équivalent) en formule standard téléphonique,
- un bon de commande daté du 2 septembre 2020 pour «'solutions de la téléphonie'» ainsi désignées «'0164324328': une ligne principale 2 communications simultanées, appels illimités(2) vers les fixes de France métropolitaine et de plus de 40 destinations. Présentation du numéro, signal d'appel et assistance professionnelle. Internet jusqu'à 20 méga'», pour un montant total après remise de 49 euros HT par mois avec un engagement de 36 mois,
- un mandat de portabilité daté du 2 septembre 2020 signé par la société Amel'lys comportant la désignation des lignes à porter mais la colonne relative au n° RIO n'est pas renseignée,
- un mandat de prélèvement SEPA avec les coordonnées du créancier Agence Premium,
- le bon d'intervention du 5 novembre 2020 attestant de la livraison du téléphone Yealink.
En signant les deux bons de commande, la société Amel'lys a reconnu avoir pris connaissance des «'conditions générales du matériel'» d'une part et des «'conditions générales opérateur'» d'autre part disponibles sur le site www.agence-premium.com.
Le 19 novembre 2020, la société Agence Premium adresse un courriel à la société Amel'lys en ces termes':
«'Comme indiqué dans un précédent appel il nous est essentiel de récupérer le code RIO de votre ligne fixe afin de mener à bien la commande de téléphonie. Pouvez-vous contacter votre opérateur actuel et faire une demande de RIO pour la ligne 0164324328.'».
Le 24 décembre 2020, le Guichet Unique des Portabilités écrit à la société Agence Premium à propos de la demande de portabilité relative à la société Amel'lys':
«'Votre demande de portabilité concernant le/les N° suivant(s) a été rejetée': NDI': 0164324328. Nous avons eu un rejet de la part de SFR ' Société française du radio, pour le motif suivant:Le RIO n'est pas valide. Le numéro RIO est récupérable depuis la ligne à porter en composant le 3179, service et appel gratuit. Veillez à ne pas confondre les O majuscule avec les zéros, et les I majuscule avec les 1 ou les I minuscule. En attendant un retour de votre part, votre commande reste en attente. Sans retour de votre part sous (') nous annulerons votre commande. Nous restons à votre disposition pour tout renseignement complémentaire.'».
La société Agence Premium réécrit le 28 décembre 2020':
«'Nous nous permettons de revenir vers vous pour la mise en place de votre forfait auprès de notre agence. Comme expliqué lors de nos différents échanges il nous est indispensable d'obtenir le code RIO de votre ligne 0164324328. Vous pouvez le récupérer en composant le 3179 sur votre poste ou bien en le demandant à votre opérateur actuel. Nous vous confirmons qu'ils ne peuvent en aucun cas retenir cette information qu'ils doivent vous fournir dans les 48h après la demande, même en cas de litige. Merci de nous faire un retour dans le plus bref délai.'»
Les 6, 7, 9 et 20 avril 2021 elle formule encore une demande auprès de la société Amel'lys « Suite à votre échange téléphonique de ce jour, merci de nous transmettre les coordonnées de votre opérateur.'».
Le 3 juin 2021 la société Agence Premium informe la société Amel'lys de son obligation de restituer la box internet après avoir précisé «'votre accès n'étant plus fonctionnel, nous vous informons de la résiliation du service internet en question'».
La société Agence Premium justifie avoir réclamé à de nombreuses reprises le code RIO à la société Amel'lys et lui avoir d'ailleurs indiqué la marche à suivre pour l'obtenir.
En effet, afin de porter son numéro fixe chez un autre opérateur, l'abonné ' ici la société Amel'lys ' doit obtenir le relevé d'identité opérateur (RIO) lié à son numéro auprès de son opérateur actuel et le transmettre à son futur opérateur lors de la souscription. Ce RIO est un code alphanumérique unique généré par l'opérateur de l'abonné. Cette démarche émanant de la ligne de l'abonné doit donc être effectuée par ce dernier et n'incombe pas au nouvel opérateur.
Il est acquis que la société Agence Premium a livré et installé le 5 novembre 2020 le matériel téléphonique conformément au premier bon de commande signé le 2 septembre 2020 relatif au contrat de location. Elle n'a ensuite pas pu poursuivre la portabilité du numéro en l'absence de communication du numéro RIO indispensable.
Des factures de téléphonie sont produites de sorte que le matériel de téléphonie a bien été utilisé. Comme le soutient à juste titre l'appelante, l'intimée ne démontre pas de dysfonctionnement de l'installation téléphonique.
Les conditions générales matériel comportent sous l'article 3 «'Annulation, garantie de la commande et dépôt de garantie'» les dispositions suivantes':
«'3.1 Avant l'installation du matériel, le client peut se désister et annuler sa commande de matériel suivant un compromis':
Le client paiera 50% de la somme totale à laquelle il s'était engagé (soit en location soit en achat).
après installation, le client paiera 100% de la somme totale à laquelle il s'était engagé (soit en location soit en achat) et renvoyer le matériel à sa charge dans les locaux d'Agence Premium.'» (sic)
L'article 9': «'Résiliation et litige'» est ainsi libellé':
«'9.1 A la fin du contrat, et après résiliation de l'organisme, Agence Premium missionnera un transporteur ou technicien afin de récupérer le matériel.
9.2 La reprise du matériel est facturé 300 euros HT au client.
9.3 En cas de problème technique, le client ne pourra demander aucune indemnité à Agence Premium.
9.4 Si le client final souhaite assigner la société Agence Premium, cela se fera dans la ville au demeurant de celle-ci et non celle du plaignant.'»
La société Amel'lys produit par ailleurs un certain nombre de documents relatifs à la société Viatelease, qui n'est pas dans la cause dans la mesure où la société Amel'lys s'est désistée de ses demandes à son encontre. L'intervention d'un organisme financier est évoquée dans les documents contractuels. L'examen de ceux-ci laisse apparaître que les 21 échéances trimestrielles d'un montant de 207 euros, outre la TVA et l'assurance, devaient être versées au loueur financier pour la location du matériel fourni par la société Agence Premium. La société Viatelease a d'ailleurs adressé la facture unique de loyers à la société Amel'lys, le premier loyer devant être prélevé à compter du mois de janvier 2021. Le 14 octobre 2021, la société Viatelease, face aux impayés, a réclamé une indemnité de résiliation à hauteur de 4.098,60 euros. La société Amel'lys a finalement reçu le 17 juin 2022, après l'avoir assignée à cette fin, un remboursement de la société Viatelease de 529,80 euros au titre des prélèvements du 1er février 2021 et du 1er avril 2021. Il apparaît donc que le bailleur financier ' dont aucun contrat n'est fourni ' n'a pas réclamé, in fine, d'indemnité de résiliation à la société Amel'lys.
Comme rappelé supra, les «'conditions générales matériel'» de la société Agence Premium stipulent une indemnité au profit de cette dernière lorsque le client se désiste ou annule sa commande avant ou après installation du matériel.
Si un différend est intervenu entre les parties à propos de la communication du code RIO et des diligences à accomplir pour la portabilité du numéro, la société Amel'lys n'a cependant pas annulé ni se s'est désistée de sa commande après installation du matériel. Elle n'a pas honoré les échéances ce qui a conduit la société Agence Premium à solliciter la résiliation du contrat. Or aucune indemnité n'est prévue par les «'conditions générales matériel'» dans cette hypothèse. La société Agence Premium sera donc déboutée de sa demande en paiement de la somme de 5.216,40 euros TTC. En outre, l'indemnité prévue à l'article 9 à hauteur de 300 euros HT du contrat est stipulée lorsque la société Agence Premium missionne un transporteur afin de récupérer le matériel en fin de contrat, ce qui n'a pas été le cas en l'occurrence. L'appelante sera donc également déboutée de sa demande ce chef.
La société Agence Premium réclame à titre subsidiaire la somme de 2.484 euros TTC à titre d'indemnité de jouissance du matériel téléphonique en soutenant que celle-ci n'a pas été restituée. La société Amel'lys verse aux débats un échange de courriels relatif à la box internet et une preuve d'envoi Colissimo à une société autre que la société Agence Premium. Ces éléments ne concernent pas le matériel de téléphonie Yealink mais la box internet et la preuve de la restitution du standard téléphonique n'est donc pas rapportée.
La lettre de mise en demeure du 26 avril 2021 précisait qu'à défaut de paiement sous huitaine le contrat serait résilié. La lettre recommandée du 11 mai 2021 en réclamant la totalité des échéances jusqu'au terme du contrat, a constaté la résiliation de celui-ci. La résiliation du contrat de location matériel est donc effective à compter du 11 mai 2021. La société Amel'lys, qui ne démontre pas avoir restitué le matériel, est redevable d'une indemnité de jouissance compensant le préjudice subi par le fournisseur. La société Agence Premium ne s'explique pas sur le calcul de l'indemnité réclamée à hauteur de 2.484 euros TTC.
La location du matériel était prévue à hauteur de 69 euros HT par mois. Compte-tenu de la conservation du matériel, une indemnisation à concurrence de trente mois, soit 69x30 à savoir 2.070 euros HT apparaît raisonnable. La société Amel'lys sera condamnée à payer cette somme à la société Agence Premium.
Concernant le second bon de commande relatif aux solutions de téléphonie, signé pour une durée de 36 mois, la société Agence Premium produit les «'conditions générales d'opérateur'». Elles prévoient en leur article 6.3 «'En cas de résiliation anticipée, le client souscripteur devra payer le montant du reste de l'engagement restant, s'additionnant à cela des frais de déprogrammation anticipée seront imputés au client. Ils varient de 100 euros à 300 euros.'» et en leur article 9 «'En cas de résiliation définitive de contrat avant la date échéance, le client ayant souscrit à un forfait, devra s'acquitter des mois de forfaits restants, ainsi que de la pénalité de rupture de 450 euros HT.'»(sic). L'incident de paiement est une des causes prévues pour une résiliation anticipée imputable au client. La société Agence Premium fait valoir que la société Amel'lys a réglé cinq mois sur les trente-six échéances mensuelles.
La cour relève cependant que la société Agence Premium ne justifie pas avoir adressé de mise en demeure relative au contrat solutions de téléphonie à la société Amel'lys. La requête en injonction de payer ne concernait d'ailleurs que le contrat portant sur le matériel de téléphonie. La demande en paiement au titre de ce second contrat n'a été formée que par conclusions lors de l'instance devant le tribunal de commerce de Créteil. La société appelante ne démontre donc pas répondre aux conditions posées par les conditions générales opérateur pour bénéficier d'une indemnité de résiliation anticipée puisqu'aucune résiliation ne lui a été notifiée ni mise en demeure préalable de payer. Il sera en revanche fait droit à sa demande en paiement de la somme de 168 euros TTC au titre des abonnements et consommations téléphoniques et de la somme de 280 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement pour les sept factures impayées. Le jugement sera infirmé sur ce point.
Il convient en outre de condamner la société Amel'lys à restituer à ses frais à la société Agence Premium le matériel téléphonique Yealink objet du bon de commande du 2 septembre 2020 et installé selon bon d'intervention du 5 novembre 2020. Compte-tenu de l'obsolescence d'un tel matériel, il n'apparaît pas opportun d'ordonner le prononcé d'une astreinte comme sollicité et la société appelante sera déboute de sa demande à cette fin.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
La société Amel'lys succombant à l'action, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles. La société Amel'lys sera ainsi condamnée aux dépens de première instance et d'appel. Il n'est en outre pas inéquitable de la condamner à verser à la société Agence Premium la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
DEBOUTE la société Agence Premium de sa demande d'annulation du jugement';
INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a débouté la société Agence Premium de sa demande en paiement des indemnités de résiliation au titre des contrats de matériel téléphonique et de solutions de téléphonie et des frais de reprise du matériel téléphonique et de déprogrammation anticipée';
Statuant à nouveau et y ajoutant,
CONDAMNE la société Amel'lys à payer à la société Agence Premium les sommes de 2.070 euros HT au titre de l'indemnité de jouissance du matériel téléphonique, de 168 euros TTC au titre des abonnements et consommations téléphoniques et de 280 euros pour frais de recouvrement';
CONDAMNE la société Amel'lys à restituer à ses frais à la société Agence Premium le matériel téléphonique Yealink objet du bon de commande du 2 septembre 2020 et installé selon bon d'intervention du 5 novembre 2020';
DEBOUTE la société Agence Premium de sa demande tendant à voir prononcer une astreinte';
CONDAMNE la société Amel'lys aux dépens de première instance et d'appel ;
CONDAMNE la société Amel'lys à payer à la société Agence Premium la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.