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Décisions

CA Bordeaux, 2e ch. civ., 9 octobre 2025, n° 24/05342

BORDEAUX

Arrêt

Autre

CA Bordeaux n° 24/05342

9 octobre 2025

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

2ème CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 09 OCTOBRE 2025

N° RG 24/05342 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-OB3X

[X] [B]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro N-33243-2024-02995 du 17/01/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

c/

S.A.R.L. GM AUTOMOBILE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 29 novembre 2024 par le Juge de l'exécution de LIBOURNE (RG : 24/00036) suivant déclaration d'appel du 10 décembre 2024

APPELANTE :

[X] [B]

née le [Date naissance 1] 1994 à [Localité 5]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 3] - [Localité 4]

Représentée par Me Elena POPA, avocat au barreau de LIBOURNE

INTIMÉE :

S.A.R.L. GM AUTOMOBILE

société à responsabilité limitée immatriculée au RCS de LIBOURNE sous le numéro 824 081 699, ayant son siège [Adresse 2] à [Localité 5], prise en la personne de son représentant légal Monsieur [O] [V], Gérant

Représentée par Me Cédric BERNAT de la SELARL LEX CONTRACTUS, avocat au barreau de BORDEAUX substitué à l'audience par Me MEZIANE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 juillet 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Christine DEFOY, Conseillère, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jacques BOUDY, Président

Madame Christine DEFOY, Conseillère

Madame Bénédicte DE VIVIE, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Chantal BUREAU

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * *

FAITS ET PROCÉDURE :

01. Madame [X] [B], assurée tous risques, a subi un sinistre le 20 juin 2022, causé par un épisode de grêle ayant endommagé son véhicule, notamment au niveau du pare-brise et de la carrosserie.

Le 21 juin 2022, son assureur a missionné un expert afin de réaliser une expertise. L'expertise a eu lieu le 22 juin 2022.

L'assurance de Mme [B] lui aurait assuré que les réparations seraient prises en charge par elle, ce qui n'a pas été le cas.

02. Par ordonnance en date du 9 février 2024, Mme [B] s'est vu enjoindre de payer à la Sarl GM Automobile la somme de 1 674, 14 euros en principal, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 16 novembre 2023.

L'ordonnance d'injonction de payer a été signifiée le 6 mars 2024.

03. Selon procès verbal en date du 6 septembre 2024, dénoncé le 11 septembre suivant, la Sarl GM Automobile a fait procéder à une saisie attribution entre les mains de la Banque Postale, évaluant un total saisissable à hauteur de 430, 10 euros.

04. Par acte du 3 octobre 2024, Mme [B] a assigné la société GM Automobile devant le tribunal judiciaire de Libourne afin de notamment contester cette saisie.

05. Par jugement du 29 novembre 2024, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Libourne a :

- débouté Mme [B] de l'intégralité de ses demandes,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [B] au paiement des entiers dépens,

- rejeté les demandes plus amples ou contraires.

06. Mme [B] a relevé appel de l'entièreté du jugement le 10 décembre 2024.

07. Par décision du 17 janvier 2024, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à Mme [B].

08. L'ordonnance du 10 janvier 2025 a fixé l'affaire à l'audience des plaidoiries du 2 juillet 2025, avec clôture de la procédure à la date du 18 juin 2025.

09. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 26 février 2025, Mme [B] demande à la cour, sur le fondement des articles L 553-4 I alinéa 1 er, L845-5 du code de la sécurité sociale, L 112-4, R 112-5, R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution :

- d'infirmer les dispositions du jugement rendu le 29 novembre 2024, par le juge de

l'exécution du tribunal judiciaire de Libourne en ce qu'il :

- l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes,

- a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a condamnée au paiement des entiers dépens,

- a rejeté les demandes plus amples ou contraires,

statuant à nouveau,

à titre principal,

- de juger que les sommes saisies sont insaisissables,

- d'ordonner la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée par la société GM Automobile sur ses comptes bancaires en l'agence la Banque Postale pour un montant de 430,10 euros, ainsi que tous les actes de saisie subséquente,

à titre subsidiaire,

- de lui octroyer les plus larges délais de paiement,

en tout état de cause,

- de condamner la société GM Automobile à lui payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L121-2 du code de des procédures civiles d'exécution,

- de condamner la société GM Automobile à prendre en charge tous les frais liés à la présente procédure judiciaire et à tous les actes de saisie pratiqués,

- de condamner la société GM Automobile à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civil alinéa 2,

- de condamner la société GM Automobile à prendre en charge tous les dépens y compris les frais de l'article 10 pour parvenir à l'exécution de la décision à intervenir.

10. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 2 juin 2025, la Sarl GM Automobile demande à la cour, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :

- de confirmer en toutes ses dispositions, le jugement déféré, du 29 novembre 2024,

- de condamner Mme [B] à lui verser une indemnité de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles,

- de condamner Mme [B] aux dépens.

11. En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions des parties pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.

12. L'affaire a été appelée à l'audience du 2 juillet 2025 et mise en délibéré au 9 octobre 2025.

MOTIFS :

Sur la saisissabilité des sommes, objet de la saisie-attribution du 6 septembre 2024 et la validité de la mesure de saisie attribution litigieuse,

13. L'article L112-2 du code des procédures civiles d'exécution dispose que ' ne peuvent être saisis :

1° Les biens que la loi déclare insaisissables,

2° Les biens que la loi rend incessibles à moins qu'il n'en soit disposé autrement,

3° Les provisions, sommes et pensions à caractère alimentaire, sauf pour le paiement des aliments déjà fournis par le saisissant à la partie saisie;

4° Les biens disponibles déclarés insaisissables par le testateur ou le donateur, sauf autorisation du juge et pour la portion qu'il détermine par les créanciers postérieurs à l''acte de donation ou à l'ouverture du legs,

5° Les biens mobiliers nécessaires à la vie et au travail du saisi et de sa famille, si ce n'est pour paiement de leur prix, dans les limites fixées par décret en Conseil d'Etat et sous réserve des dispositions du 6°. Ils deviennent cependant saisissables s'ils se trouvent dans un lieu autre que celui où le saisi demeure ou travaille habituellement, s'ils sont des biens de valeur, en raison notamment de leur importance, de leur matière, de leur rareté, de leur ancienneté ou de leur caractère luxueux, s'ils perdent leur caractère de nécessité en raison de leur quantité ou s'ils constituent des éléments corporels d'un fonds de commerce;

6° Les biens mobiliers mentionnés au 5°, même pour paiement de leur prix, lorsqu'ils sont la propriété des bénéficiaires de prestations d'aide sociale à l'enfance prévues aux articles L222-1 à L222-7 du code de l'aide sociale et des familles;

7° Les objets indispensables aux personnes handicapées ou destinés aux soins des personnes malades.'

14. Par ailleurs, l'article L553-4 I du code de la sécurité sociale prévoit que les prestations sociales sont incessibles et insaisissables, sauf pour le recouvrement des prestations indûment versées à la suite d'une manoeuvre frauduleuse ou d'une fausse déclaration de l'allocataire.

15. L'article L845-5 du code de la sécurité sociale dispose que la prime d'activité est incessible et insaisissable, sauf pour le recouvrement des créances mentionnées au articles L581- et L581-3, selon les modalités prévues aux troisième alinéa de l'article L553-2.

16. Enfin, l'article R112-5 du code des procédures civiles d'exécution dispose que lorsqu'un compte est crédité d'une créance insaisissable en tout ou partie, l'insaisissabilité se reporte à due concurrence sur le solde du compte.

17. Pour contester la validité de la mesure de saisie-attribution diligentée à son encontre par la Sarl GM Automobile, Mme [B] fait valoir que les sommes saisies sur son compte avaient un caractère insaisissable, s'agissant de prestations familiales ainsi que de primes d'activité et que lorsqu'un compte est crédité du montant d'une créance insaisissable en tout ou partie, l'insaisissabilité se reporte à due concurrence sur le solde du compte. Dès lors, la saisie attribution est irrégulière et sa mainlevée doit être ordonnée.

18. Pour s'opposer à de telles prétentions et conclure à la confirmation du jugement déféré, le Sarl GM Automobile expose que Mme [B] fait preuve d'une mauvaise foi caractérisée, à l'aune notamment de l'article 220 alinéa 1er du code civil qui prévoit le principe de la solidarité des dettes entre époux, dès lors qu'elle a passé sous silence l'existence même de son mari, ainsi que ses revenus. Ainsi pour bénéficier notamment des diverses allocations offertes par la Caf, Mme [B] a été défaillante dans la déclaration exacte de sa situation matrimoniale et le fait pour elle d'avoir engagé une procédure de divorce ne lui permet en aucune façon de s'exonérer de la solidarité d'ordre public de l'article 220 alinéa du code civil. L'intimée conclut donc à la confirmation du jugement entrepris qui a écarté le principe d'insaisissabilité des créances saisies et qui a rejeté la demande de mainlevée de la saisie- attribution litigieuse.

19. A titre liminaire, il convient de rappeler que la saisie attribution réalisée entre les mains de la Banque Postale le 6 septembre 2024 sur un compte de Mme [B] a révélé un total disponible de 1065, 80 euros et un total saisissable de 430, 10 euros.

Toutefois, il est acquis que lorsqu'un compte est crédité du montant d'une créance insaisissable en tout ou partie, l'insaisissabilité se reporte à due concurrence sur le solde du compte.

20. Pour démontrer que les sommes saisies sur son compte présentent un caractère insaisissable, Mme [B] produit ses relevés bancaires sur son compte CCP à la banque Postale, à compter du 9 août 2024 jusqu'au 8 novembre 2024, qui démontrent effectivement que ce compte est quasiment exclusivement alimenté par des prestations sociales réglées par la Caf de la Gironde à l'exception de quelques petits virements en provenance de sa famille. Il s'ensuit que les sommes concernées s'avèrent insaisissables à l'exception d'une créance de 370 euros correspondant à des virements effectués par des proches.

21. Contrairement à ce que soutient la Sarl GM Automobile, il ne peut être déduit du fait de la perception de la prime d'activité par Mme [B] sur la période considérée que celle-ci a perçu sur le même laps de temps des revenus de nature salariale. En outre, nonobstant les soupçons émis par l'intimée, il n'est pas démontré que les prestations sociales alimentant ce compte ont été perçues indûment par l'appelante qui aurait volontairement pour ce faire dissimulé la réalité de sa situation matrimoniale.

22. Si la dette contractée par Mme [B] pour la réparation d'un véhicule commun est nécessairement une dette ménagère à laquelle son époux est tenu, conformément à l'article 220 du code civil, il n'en demeure pas moins que le compte concerné par la mesure de saisie-attribution est quasi exclusivement alimenté par des prestations sociales perçues par l'appelante, sous réserve de la somme de 370 euros en provenance de proches, de sorte que les sommes visées sont insaisissables.

23. Réformant le jugement entrepris, la cour ne pourra que considérer la saisie attribution litigieuse et en ordonner la mainlevée.

24. La demande de délais de grâce formée par Mme [B] à titre subsidiaire sera quant à elle déclarée de fait sans objet.

Sur la demande indemnitaire de l'appelante,

25. L'article L121-2 du code des procédures civiles d'exécution dispose que le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages et intérêts en cas d'abus de saisie.

26. Sur le fondement de la disposition précitée, Mme [B] sollicite la condamnation de la Sarl GM Automobile à lui payer la somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts, faisant valoir que la présente procédure lui a généré du stress.

27. Toutefois, nonobstant le caractère injustifié de la présente procédure, Mme [B] défaille à démontrer que cette dernière a été diligentée de manière abusive par son adversaire et qu'elle a subi un stress consécutif, aucun élément médical n'étant produit en ce sens. Elle sera donc déboutée de ce chef de sa demande et le jugement entrepris confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes,

28. Les dispositions prises en application de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens seront infirmées.

29. Mme [B], qui bénéficie de l'aide juridictionnelle à 100% dans le cadre de la présente procédure, sera déboutée de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile. La Sarl GM Automobile, qui succombe en cause d'appel, sera condamnée aux entiers dépens de la procédure.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire, mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

Dans les limites de sa saisine,

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté Mme [X] [B] de sa demande indemnitaire pour abus de saisie,

Statuant à nouveau pour le surplus,

Ordonne la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée par la société GM Automobile le 6 septembre 2024 sur les comptes bancaires de Mme [X] [B] à la Banque Postale pour un montant de 430,10 euros,

Dit que la demande de délais de grâce formée à titre subsidiaire par Mme [X] [B] est devenue sans objet,

Y ajoutant,

Déboute Mme [X] [B] de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Sarl GM Automobile aux entiers dépens de la procédure.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jacques BOUDY, président, et par Madame Chantal BUREAU, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

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