CA Amiens, ch. économique, 9 octobre 2025, n° 24/02669
AMIENS
Arrêt
Autre
ARRET
N°
S.A.S. [9] [F] [H]
S.E.L.A.S. [10]
C/
[S]
[S]
copie exécutoire
le 09 octobre 2025
à
Me Demailly
Me Lemaire
FM
COUR D'APPEL D'AMIENS
CHAMBRE ÉCONOMIQUE
ARRET DU 09 OCTOBRE 2025
N° RG 24/02669 - N° Portalis DBV4-V-B7I-JDS3
JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE D'AMIENS DU 19 AVRIL 2024 (référence dossier N° RG 2023J00181)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTES
S.A.S. [9] [F] [H] agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentée par Me Franck DEMAILLY de la SELARL FRANCK DEMAILLY, avocat au barreau D'AMIENS
PARTIE INTERVENANTE
S.E.L.A.S. [10] ès qualités de mandataire liquidateur de la Société [9] [F] [H] en vertu d'un jugement de conversion en liquidation judiciaire de la procédure de sauvegarde rendu par le Tribunal de commerce d'Amiens le 7 juin 2024 agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Franck DEMAILLY de la SELARL FRANCK DEMAILLY, avocat au barreau D'AMIENS
ET :
INTIMES
Madame [T] [S]
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentée par Me Emmanuelle LEMAIRE de la SELAS EMMANUELLE LEMAIRE, avocat au barreau D'AMIENS
Monsieur [K] [S]
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représenté par Me Emmanuelle LEMAIRE de la SELAS EMMANUELLE LEMAIRE, avocat au barreau D'AMIENS
***
DEBATS :
A l'audience publique du 03 Juillet 2025 devant :
Mme Odile GREVIN, présidente de chambre,
Mme Florence MATHIEU, présidente de chambre,
et Mme Valérie DUBAELE, conseillère,
qui en ont délibéré conformément à la loi, la présidente a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 09 Octobre 2025.
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 804 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Madame Elise DHEILLY
PRONONCE :
Le 09 Octobre 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, présidente de chambre a signé la minute avec Madame Elise DHEILLY, greffière.
*
* *
DECISION
La SAS [8] [S] exploite une activité de maçonnerie, béton armé et génie civil, et a pour associés :
- Mme [T] [S], à hauteur de 292.000 actions ;
- M. [K] [S] à raison de 45.450 actions';
- la SAS [9] [F] [H], dont l'associé unique est M. [F] [H], à hauteur de 37.500 actions.
Par acte sous seing privé en date du 15 décembre 2021, les associés de la SAS [8] [S] ont conclu un pacte d'associés afin d'encadrer les conditions de cession des actions de ladite société, contenant entre autres en son article 1er une clause intitulée 'offre de vente réciproque'.
Le 28 juin 2023, M. [F] [H] a démissionné de ses fonctions au sein de la SAS [8] [S].
Par courrier du 12 juillet 2023, la SAS [9] [F] [H], a sollicité auprès de Mme [T] [S] et de M.[K] [S] (ci-après 'les époux [S]') le rachat de ses actions, en application du pacte d'associés.
Saisi d'une requête de Mme [T] [S], par une décision en date du 27 juillet 2023, le président du tribunal de commerce d'Amiens a ordonné la désignation de la SELARL [11] en qualité de conciliateur pour la SAS [8] [S] pour une durée de 4 mois en la personne de Maître [P] [B].
Par un courriel en date du 4 septembre 2023, les époux [S] ont confirmé la cession des titres de la SAS [9] [F] [H] en sollicitant un échéancier de 15 mois, proposition refusée par cette dernière.
Par un jugement en date du 7 septembre 2023, le tribunal de commerce d'Amiens a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SAS [8] [S], fixé la date provisoire de cessation des paiements au 20 décembre 2022 et désigné en qualité de mandataire judicaire la SELAS [10].
Par un courriel en date du 26 septembre 2023, les époux [S] ont informé la SAS [9] [F] [H] qu'ils considéraient le pacte d'associés du 15 décembre 2021 comme étant caduc compte tenu de l'ouverture de la procédure collective à l'égard de la SAS [8] [S].
En réponse, le 16 octobre 2023, la SAS [9] [F] [H] a mis en demeure les époux [S] d'exécuter la promesse d'achat des actions de la SAS [8] [S].
Le 19 octobre 2023, la SAS [9] [F] [H] a soumis aux époux [S] l'opportunité de mettre en place une procédure d'arbitrage, sans qu'il n'y soit donné suite.
Par acte de commissaire de justice en date du 9 novembre 2023, la SAS [9] [F] [H] a fait assigner les époux [S] devant le tribunal de commerce d'Amiens afin que soit ordonnée la vente et l'achat des actions de la SAS [8] [S], et de condamner solidairement les époux [S] au paiement de la somme de 37.500 euros correspondant au prix d'achat des actions par application du pacte d'associés du 15 décembre 2021, sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard.
Par un jugement en date du 1er décembre 2023, une procédure de sauvegarde a été ouverte par le tribunal de commerce d'Amiens à l'égard de la SAS [9] [F] [H], la SELAS [10] étant désignée en qualité de mandataire judiciaire'; cette dernière est intervenue volontairement à l'instance en cours relative au rachat des parts.
Par un jugement en date du 19 avril 2024, le tribunal de commerce d'Amiens a, avec le bénéfice de l'exécution provisoire':
- dit que le pacte d'associés du 15 décembre 2021 a pris fin de plein droit par l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la SAS [8] [S] le 7 septembre 2023 ;
- jugé irrecevable la demande faite par la SAS [9] [F] [H] de se voir racheter les 37.500 titres qu'elle détient dans ladite société par les époux [S] ;
- débouté la SAS [9] [F] [H] de l'intégralité de ses demandes ;
- condamné la SAS [9] [F] [H] à payer à chacun des défendeurs la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par un acte en date du 6 juin 2024, la SAS [9] [F] [H] et la SELAS [10] ès-qualités ont interjeté appel de ce jugement.
Par un jugement en date du 7 juin 2024, le tribunal de commerce d'Amiens a converti la procédure de sauvegarde de la SAS [9] [F] [H] en procédure de liquidation judiciaire, désignant la SELAS [10] en qualité de mandataire liquidateur.
Aux termes de leurs dernières écritures notifiées électroniquement le 3 mars 2025, la SAS [9] [F] [H] et la SELAS [10], ès-qualités, concluent à l'infirmation du jugement déféré et demandent à la cour de :
- donner acte de l'intervention volontaire de la SELAS [10], ès-qualités de mandataire liquidateur de la SAS [9] [F] [H] ;
- juger que la vente est parfaite entre les parties dès lors que la SAS [9] [F] [H] a fait part de son intention d'exécuter la clause de rachat à la charge des consorts [S] ;
- ordonner la vente et l'achat des actions de la SAS [8] [S] à la charge des consorts [S] et condamner solidairement les époux [S] à verser à la SAS [9] [F] [H]':
- la somme de 37.500 euros correspondant au prix d'achat des 37 500 actions de la SAS [8] [S] et ce, en application des clauses du pacte, sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à venir ;
' - la somme de 1.500 euros en exécution de la clause pénale stipulée dans le pacte du 15 décembre 2021 ;
' - la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;
' - la somme de 5.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.
Elles exposent qu'en application du pacte d'associés, l'obligation de racheter les titres de la SAS [8] [S] est née le [Date naissance 2] 2023, date à laquelle, M.[H] a quitté les effectifs de la société.
Elles font valoir qu'avant que la SAS [8] [S] n'ait été placée en redressement judiciaire, les conditions tenant à l'obligation de rachat étaient réunies, les époux [S] par un courriel de leur conseil le 4 septembre 2023 ayant donné leur accord.
Elles insistent sur le fait que l'obligation de rachat est née avant le terme du pacte, M. [H] ayant quitté la société le 28 juin 2023 tandis que le pacte a, quant à lui, pris fin le 7 septembre 2023.
Elles soutiennent que les époux [S] ont oeuvré de manière déloyale en retardant le rachat des titres détenus par la SAS [9] [F] [H], tout en sachant que la SAS [8] [S] était déjà en cessation des paiements, cette dernière ayant été fixée au 20 décembre 2022.
Elles indiquent que M. [H] n'avait aucune fonction de direction au sein de la société, à la différence des époux [S], qui eux étaient parfaitement informés sur la situation financière de la société.
Elles ajoutent que le refus des époux [S] d'exécuter leurs obligations de rachat a conduit au placement de la SAS [9] [F] [H] en liquidation judiciaire suivant décision du tribunal de commerce d'Amiens en date du 7 juin 2024.
Aux termes de leurs dernières écritures notifiées électroniquement le 27 septembre 2024, les époux [S] concluent à la confirmation du jugement déféré et demandent à la cour de :
- condamner la SAS [9] [F] [H] et la SELAS [10], ès-qualités de liquidateur à leur verser la somme de 3.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens,
- le cas échéant, inscrire cette créance au passif de la SAS [9] [F] [H].
- subsidiairement, dire que les sommes dues au titre du rachat seront compensées avec le préjudice subi par eux du fait de la mauvaise foi et de la déloyauté de la SAS [9] [F] [H].
Les époux [S] rétorquent que Monsieur [F] [H] était toujours dans l'entreprise jusqu'au 28 juillet 2023, date de son départ réel suite au préavis d'un mois, de sorte que le fait générateur de l'obligation n'existait donc pas à la date du 12 juillet 2023, date de la demande faite par la SAS [9] [F] [H].
Ils soutiennent que M. [H] ne pouvait ignorer la situation financière de l'entreprise au moment de sa démission au regard de ses fonctions et affirment que la SAS [9] [F] [H] a formulé la demande de rachat le 12 juillet 2023, le même jour où a été sollicité l'ouverture d'une procédure de conciliation au tribunal de commerce d'Amiens.
Ils font valoir que la commune intention des parties lors de la conclusion du pacte était, d'une part, de procéder à la transmission des titres des époux [S] au profit de la SAS [9] [F] [H], et d'autre part, de protéger les intérêts de la SAS [9] [F] [H] dans le cas où la SAS [8] [S] « tomberait » en redressement judiciaire, dans la mesure où le prêt BPI d'un montant de 35.000 euros accordé à la SAS [9] [F] [H] était financé par les dividendes à distribuer par ladite société, mais également les intérêts des époux [S] qui tirent leurs revenus de ladite société.
Ils affirment que l'ouverture de la procédure collective rend caduc le pacte d'associés et estiment que M.[H] qui a été désigné directeur général délégué par décision du 15 décembre 2021 avait parfaitement connaissance de la situation financière de la SAS [8] [S] et que c'est en réaction à la saisine du président du tribunal de commerce aux fins de désignation d'un conciliateur que M.[H] a demandé le rachat de ses titres.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 juin 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de rachat de titres formée par la SAS [9] [F] [H]
Aux termes des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Il est constant que les parties ont régularisé un pacte d'associés le 15 décembre 2021, aux termes duquel la SAS [9] [F] [H] et les époux [S] ont convenu que':
«'Article 1er-Offre de vente réciproque
Les associés, s'obligent pour le cas où ils décideraient de céder tout ou partie des titres de la Société 'SAS [8] [S]' qu'ils détiennent ou viendraient à détenir, à choisir préalablement pour acquéreurs les autres associés de la Société 'SAS [8] [S] ', pour chacun à part égale.
(')
De sorte qu'aux termes du présent pacte, Madame [T] [S] et Monsieur [K] [S] s'engagent à acquérir les actions détenues par la Société [9] [F] [H] en cas de départ de la société [8] [S] de Monsieur [F] [H], quel qu'en soit le motif, ou en cas de décès de celui-ci .'
«'Article 2-Procédure
M.et Mme [S] disposeront alors d'un délai de 90 jours à compter de la date de l'événement pour acquérir les actions de la Société [9] [F] [H] représentée par M. [F] [H].
M.[F] [H] au nom et pour le compte de la Société [9] [F] [H] restera soumis aux délais précités(...)
Article 4-Gestion du Pacte
Durée
Le présent pacte prend effet à compter de sa signature et s'imposera aux soussignés tant qu'ils demeureront propriétaire de tout ou partie des titres qui en sont l'objet.
Toutefois, il prendra fin de plein droit en cas de survenance d'un des événements suivants':
- changement de contrôle de l'une des parties,
- fusion, scission ou redressement judiciaire de la société (...)'».
Parallèlement à la signature de ce pacte, l'assemblée générale ordinaire de la SAS [8] [S] par procès-verbal du 15 décembre 2021 a nommé Monsieur [F] [H] en qualité de directeur général délégué disposant des mêmes pouvoirs de direction que le directeur général. Il ressort de l'article 20 des statuts de la société que le directeur général délégué dispose notamment du pouvoir de représenter la société à l'égard des tiers.
En l'espèce, il est établi que M. [F] [H] a informé ses associés, les époux [S] de son souhait de démissionner de ses fonctions de directeur général délégué par courrier du 28 juin 2023 et d'exercer un préavis d'un mois jusqu'au 28 juillet. Il a présenté aux époux [S] en application de l'article 1 du pacte d'associés une demande de rachat de ses titres par courrier du 12 juillet.
En application de l'article 2 du pacte, les époux [S] disposaient d'un délai de 90 jours pour acquérir les titres de la SAS [9] [F] [H] à compter de la démission de ce dernier, soit jusqu'au 26 septembre 2023. Or, il est justifié de ce qu'une procédure de redressement judiciaire de la SAS [9] [F] [H] a été ouverte par le tribunal de commerce d'Amiens suivant jugement du 7 septembre 2023. Cet événement étant survenu avant l'expiration du délai de 90 jours, conformément à l'article 4 de ladite convention, le pacte a pris automatiquement fin le 7 septembre 2023, de sorte qu'aucune obligation d'achat des titres de la SAS [9] [F] [H] n'incombe aux époux [S], contrairement à ce qu'affirme la SAS [9] [F] [H].
Ainsi, si la SAS [9] [F] [H] était lors de la démission de M. [F] [H] de ses fonctions au sein de la SAS [8] [S] recevable à former une demande de rachat des titres de ce dernier auprès des autres associés, toutefois, elle est devenue non fondée à le faire lorsque la juridiction consulaire a ouvert une procédure de redressement judiciaire le 7 septembre 2023 à l'égard de la SAS [8] [S].
Par conséquent, il convient de confirmer le jugement déféré, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de rachat de titres formée par la SAS [9] [F] [H].
Sur les autres demandes
Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, la SAS [9] [F] [H] et la SELAS [10], ès-qualités, succombant, elles seront tenues in solidum aux dépens d'appel.
La nature de l'affaire et les circonstances de l'espèce commandent de débouter les parties de leurs demandes respectives en paiement à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et rendu par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement rendu le 19 avril 2024 par le tribunal de commerce d'Amiens, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de rachat de titres formée par la SAS [9] [F] [H].
Et statuant à nouveau de ce chef, y ajoutant,
Déclare la SAS [9] [F] [H] recevable en sa demande de rachat de titres mais l'en déboute.
Déboute les parties de leurs demandes respectives en paiement à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.
Condamne in solidum la SAS [9] [F] [H] et la SELAS [10], ès-qualités, aux dépens d'appel.
La Greffière, La Présidente,
N°
S.A.S. [9] [F] [H]
S.E.L.A.S. [10]
C/
[S]
[S]
copie exécutoire
le 09 octobre 2025
à
Me Demailly
Me Lemaire
FM
COUR D'APPEL D'AMIENS
CHAMBRE ÉCONOMIQUE
ARRET DU 09 OCTOBRE 2025
N° RG 24/02669 - N° Portalis DBV4-V-B7I-JDS3
JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE D'AMIENS DU 19 AVRIL 2024 (référence dossier N° RG 2023J00181)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTES
S.A.S. [9] [F] [H] agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentée par Me Franck DEMAILLY de la SELARL FRANCK DEMAILLY, avocat au barreau D'AMIENS
PARTIE INTERVENANTE
S.E.L.A.S. [10] ès qualités de mandataire liquidateur de la Société [9] [F] [H] en vertu d'un jugement de conversion en liquidation judiciaire de la procédure de sauvegarde rendu par le Tribunal de commerce d'Amiens le 7 juin 2024 agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Franck DEMAILLY de la SELARL FRANCK DEMAILLY, avocat au barreau D'AMIENS
ET :
INTIMES
Madame [T] [S]
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentée par Me Emmanuelle LEMAIRE de la SELAS EMMANUELLE LEMAIRE, avocat au barreau D'AMIENS
Monsieur [K] [S]
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représenté par Me Emmanuelle LEMAIRE de la SELAS EMMANUELLE LEMAIRE, avocat au barreau D'AMIENS
***
DEBATS :
A l'audience publique du 03 Juillet 2025 devant :
Mme Odile GREVIN, présidente de chambre,
Mme Florence MATHIEU, présidente de chambre,
et Mme Valérie DUBAELE, conseillère,
qui en ont délibéré conformément à la loi, la présidente a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 09 Octobre 2025.
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 804 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Madame Elise DHEILLY
PRONONCE :
Le 09 Octobre 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, présidente de chambre a signé la minute avec Madame Elise DHEILLY, greffière.
*
* *
DECISION
La SAS [8] [S] exploite une activité de maçonnerie, béton armé et génie civil, et a pour associés :
- Mme [T] [S], à hauteur de 292.000 actions ;
- M. [K] [S] à raison de 45.450 actions';
- la SAS [9] [F] [H], dont l'associé unique est M. [F] [H], à hauteur de 37.500 actions.
Par acte sous seing privé en date du 15 décembre 2021, les associés de la SAS [8] [S] ont conclu un pacte d'associés afin d'encadrer les conditions de cession des actions de ladite société, contenant entre autres en son article 1er une clause intitulée 'offre de vente réciproque'.
Le 28 juin 2023, M. [F] [H] a démissionné de ses fonctions au sein de la SAS [8] [S].
Par courrier du 12 juillet 2023, la SAS [9] [F] [H], a sollicité auprès de Mme [T] [S] et de M.[K] [S] (ci-après 'les époux [S]') le rachat de ses actions, en application du pacte d'associés.
Saisi d'une requête de Mme [T] [S], par une décision en date du 27 juillet 2023, le président du tribunal de commerce d'Amiens a ordonné la désignation de la SELARL [11] en qualité de conciliateur pour la SAS [8] [S] pour une durée de 4 mois en la personne de Maître [P] [B].
Par un courriel en date du 4 septembre 2023, les époux [S] ont confirmé la cession des titres de la SAS [9] [F] [H] en sollicitant un échéancier de 15 mois, proposition refusée par cette dernière.
Par un jugement en date du 7 septembre 2023, le tribunal de commerce d'Amiens a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SAS [8] [S], fixé la date provisoire de cessation des paiements au 20 décembre 2022 et désigné en qualité de mandataire judicaire la SELAS [10].
Par un courriel en date du 26 septembre 2023, les époux [S] ont informé la SAS [9] [F] [H] qu'ils considéraient le pacte d'associés du 15 décembre 2021 comme étant caduc compte tenu de l'ouverture de la procédure collective à l'égard de la SAS [8] [S].
En réponse, le 16 octobre 2023, la SAS [9] [F] [H] a mis en demeure les époux [S] d'exécuter la promesse d'achat des actions de la SAS [8] [S].
Le 19 octobre 2023, la SAS [9] [F] [H] a soumis aux époux [S] l'opportunité de mettre en place une procédure d'arbitrage, sans qu'il n'y soit donné suite.
Par acte de commissaire de justice en date du 9 novembre 2023, la SAS [9] [F] [H] a fait assigner les époux [S] devant le tribunal de commerce d'Amiens afin que soit ordonnée la vente et l'achat des actions de la SAS [8] [S], et de condamner solidairement les époux [S] au paiement de la somme de 37.500 euros correspondant au prix d'achat des actions par application du pacte d'associés du 15 décembre 2021, sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard.
Par un jugement en date du 1er décembre 2023, une procédure de sauvegarde a été ouverte par le tribunal de commerce d'Amiens à l'égard de la SAS [9] [F] [H], la SELAS [10] étant désignée en qualité de mandataire judiciaire'; cette dernière est intervenue volontairement à l'instance en cours relative au rachat des parts.
Par un jugement en date du 19 avril 2024, le tribunal de commerce d'Amiens a, avec le bénéfice de l'exécution provisoire':
- dit que le pacte d'associés du 15 décembre 2021 a pris fin de plein droit par l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la SAS [8] [S] le 7 septembre 2023 ;
- jugé irrecevable la demande faite par la SAS [9] [F] [H] de se voir racheter les 37.500 titres qu'elle détient dans ladite société par les époux [S] ;
- débouté la SAS [9] [F] [H] de l'intégralité de ses demandes ;
- condamné la SAS [9] [F] [H] à payer à chacun des défendeurs la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par un acte en date du 6 juin 2024, la SAS [9] [F] [H] et la SELAS [10] ès-qualités ont interjeté appel de ce jugement.
Par un jugement en date du 7 juin 2024, le tribunal de commerce d'Amiens a converti la procédure de sauvegarde de la SAS [9] [F] [H] en procédure de liquidation judiciaire, désignant la SELAS [10] en qualité de mandataire liquidateur.
Aux termes de leurs dernières écritures notifiées électroniquement le 3 mars 2025, la SAS [9] [F] [H] et la SELAS [10], ès-qualités, concluent à l'infirmation du jugement déféré et demandent à la cour de :
- donner acte de l'intervention volontaire de la SELAS [10], ès-qualités de mandataire liquidateur de la SAS [9] [F] [H] ;
- juger que la vente est parfaite entre les parties dès lors que la SAS [9] [F] [H] a fait part de son intention d'exécuter la clause de rachat à la charge des consorts [S] ;
- ordonner la vente et l'achat des actions de la SAS [8] [S] à la charge des consorts [S] et condamner solidairement les époux [S] à verser à la SAS [9] [F] [H]':
- la somme de 37.500 euros correspondant au prix d'achat des 37 500 actions de la SAS [8] [S] et ce, en application des clauses du pacte, sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à venir ;
' - la somme de 1.500 euros en exécution de la clause pénale stipulée dans le pacte du 15 décembre 2021 ;
' - la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;
' - la somme de 5.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.
Elles exposent qu'en application du pacte d'associés, l'obligation de racheter les titres de la SAS [8] [S] est née le [Date naissance 2] 2023, date à laquelle, M.[H] a quitté les effectifs de la société.
Elles font valoir qu'avant que la SAS [8] [S] n'ait été placée en redressement judiciaire, les conditions tenant à l'obligation de rachat étaient réunies, les époux [S] par un courriel de leur conseil le 4 septembre 2023 ayant donné leur accord.
Elles insistent sur le fait que l'obligation de rachat est née avant le terme du pacte, M. [H] ayant quitté la société le 28 juin 2023 tandis que le pacte a, quant à lui, pris fin le 7 septembre 2023.
Elles soutiennent que les époux [S] ont oeuvré de manière déloyale en retardant le rachat des titres détenus par la SAS [9] [F] [H], tout en sachant que la SAS [8] [S] était déjà en cessation des paiements, cette dernière ayant été fixée au 20 décembre 2022.
Elles indiquent que M. [H] n'avait aucune fonction de direction au sein de la société, à la différence des époux [S], qui eux étaient parfaitement informés sur la situation financière de la société.
Elles ajoutent que le refus des époux [S] d'exécuter leurs obligations de rachat a conduit au placement de la SAS [9] [F] [H] en liquidation judiciaire suivant décision du tribunal de commerce d'Amiens en date du 7 juin 2024.
Aux termes de leurs dernières écritures notifiées électroniquement le 27 septembre 2024, les époux [S] concluent à la confirmation du jugement déféré et demandent à la cour de :
- condamner la SAS [9] [F] [H] et la SELAS [10], ès-qualités de liquidateur à leur verser la somme de 3.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens,
- le cas échéant, inscrire cette créance au passif de la SAS [9] [F] [H].
- subsidiairement, dire que les sommes dues au titre du rachat seront compensées avec le préjudice subi par eux du fait de la mauvaise foi et de la déloyauté de la SAS [9] [F] [H].
Les époux [S] rétorquent que Monsieur [F] [H] était toujours dans l'entreprise jusqu'au 28 juillet 2023, date de son départ réel suite au préavis d'un mois, de sorte que le fait générateur de l'obligation n'existait donc pas à la date du 12 juillet 2023, date de la demande faite par la SAS [9] [F] [H].
Ils soutiennent que M. [H] ne pouvait ignorer la situation financière de l'entreprise au moment de sa démission au regard de ses fonctions et affirment que la SAS [9] [F] [H] a formulé la demande de rachat le 12 juillet 2023, le même jour où a été sollicité l'ouverture d'une procédure de conciliation au tribunal de commerce d'Amiens.
Ils font valoir que la commune intention des parties lors de la conclusion du pacte était, d'une part, de procéder à la transmission des titres des époux [S] au profit de la SAS [9] [F] [H], et d'autre part, de protéger les intérêts de la SAS [9] [F] [H] dans le cas où la SAS [8] [S] « tomberait » en redressement judiciaire, dans la mesure où le prêt BPI d'un montant de 35.000 euros accordé à la SAS [9] [F] [H] était financé par les dividendes à distribuer par ladite société, mais également les intérêts des époux [S] qui tirent leurs revenus de ladite société.
Ils affirment que l'ouverture de la procédure collective rend caduc le pacte d'associés et estiment que M.[H] qui a été désigné directeur général délégué par décision du 15 décembre 2021 avait parfaitement connaissance de la situation financière de la SAS [8] [S] et que c'est en réaction à la saisine du président du tribunal de commerce aux fins de désignation d'un conciliateur que M.[H] a demandé le rachat de ses titres.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 juin 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de rachat de titres formée par la SAS [9] [F] [H]
Aux termes des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Il est constant que les parties ont régularisé un pacte d'associés le 15 décembre 2021, aux termes duquel la SAS [9] [F] [H] et les époux [S] ont convenu que':
«'Article 1er-Offre de vente réciproque
Les associés, s'obligent pour le cas où ils décideraient de céder tout ou partie des titres de la Société 'SAS [8] [S]' qu'ils détiennent ou viendraient à détenir, à choisir préalablement pour acquéreurs les autres associés de la Société 'SAS [8] [S] ', pour chacun à part égale.
(')
De sorte qu'aux termes du présent pacte, Madame [T] [S] et Monsieur [K] [S] s'engagent à acquérir les actions détenues par la Société [9] [F] [H] en cas de départ de la société [8] [S] de Monsieur [F] [H], quel qu'en soit le motif, ou en cas de décès de celui-ci .'
«'Article 2-Procédure
M.et Mme [S] disposeront alors d'un délai de 90 jours à compter de la date de l'événement pour acquérir les actions de la Société [9] [F] [H] représentée par M. [F] [H].
M.[F] [H] au nom et pour le compte de la Société [9] [F] [H] restera soumis aux délais précités(...)
Article 4-Gestion du Pacte
Durée
Le présent pacte prend effet à compter de sa signature et s'imposera aux soussignés tant qu'ils demeureront propriétaire de tout ou partie des titres qui en sont l'objet.
Toutefois, il prendra fin de plein droit en cas de survenance d'un des événements suivants':
- changement de contrôle de l'une des parties,
- fusion, scission ou redressement judiciaire de la société (...)'».
Parallèlement à la signature de ce pacte, l'assemblée générale ordinaire de la SAS [8] [S] par procès-verbal du 15 décembre 2021 a nommé Monsieur [F] [H] en qualité de directeur général délégué disposant des mêmes pouvoirs de direction que le directeur général. Il ressort de l'article 20 des statuts de la société que le directeur général délégué dispose notamment du pouvoir de représenter la société à l'égard des tiers.
En l'espèce, il est établi que M. [F] [H] a informé ses associés, les époux [S] de son souhait de démissionner de ses fonctions de directeur général délégué par courrier du 28 juin 2023 et d'exercer un préavis d'un mois jusqu'au 28 juillet. Il a présenté aux époux [S] en application de l'article 1 du pacte d'associés une demande de rachat de ses titres par courrier du 12 juillet.
En application de l'article 2 du pacte, les époux [S] disposaient d'un délai de 90 jours pour acquérir les titres de la SAS [9] [F] [H] à compter de la démission de ce dernier, soit jusqu'au 26 septembre 2023. Or, il est justifié de ce qu'une procédure de redressement judiciaire de la SAS [9] [F] [H] a été ouverte par le tribunal de commerce d'Amiens suivant jugement du 7 septembre 2023. Cet événement étant survenu avant l'expiration du délai de 90 jours, conformément à l'article 4 de ladite convention, le pacte a pris automatiquement fin le 7 septembre 2023, de sorte qu'aucune obligation d'achat des titres de la SAS [9] [F] [H] n'incombe aux époux [S], contrairement à ce qu'affirme la SAS [9] [F] [H].
Ainsi, si la SAS [9] [F] [H] était lors de la démission de M. [F] [H] de ses fonctions au sein de la SAS [8] [S] recevable à former une demande de rachat des titres de ce dernier auprès des autres associés, toutefois, elle est devenue non fondée à le faire lorsque la juridiction consulaire a ouvert une procédure de redressement judiciaire le 7 septembre 2023 à l'égard de la SAS [8] [S].
Par conséquent, il convient de confirmer le jugement déféré, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de rachat de titres formée par la SAS [9] [F] [H].
Sur les autres demandes
Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, la SAS [9] [F] [H] et la SELAS [10], ès-qualités, succombant, elles seront tenues in solidum aux dépens d'appel.
La nature de l'affaire et les circonstances de l'espèce commandent de débouter les parties de leurs demandes respectives en paiement à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et rendu par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement rendu le 19 avril 2024 par le tribunal de commerce d'Amiens, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de rachat de titres formée par la SAS [9] [F] [H].
Et statuant à nouveau de ce chef, y ajoutant,
Déclare la SAS [9] [F] [H] recevable en sa demande de rachat de titres mais l'en déboute.
Déboute les parties de leurs demandes respectives en paiement à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.
Condamne in solidum la SAS [9] [F] [H] et la SELAS [10], ès-qualités, aux dépens d'appel.
La Greffière, La Présidente,