CA Bordeaux, 1re ch. civ., 13 octobre 2025, n° 23/02761
BORDEAUX
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
--------------------------
ARRÊT DU : 13 OCTOBRE 2025
N° RG 23/02761 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NJQF
[Z] [I]
c/
[K] [I]
[W] [I]
S.C.I. JTC
Nature de la décision : AU FOND
EXPERTISE
Copie exécutoire délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 27 avril 2023 par le Tribunal Judiciaire de BORDEAUX (chambre : 1, RG : 20/08966) suivant déclaration d'appel du 09 juin 2023
APPELANT :
[Z] [I]
né le [Date naissance 8] 1981 à [Localité 16]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 13]
Représenté par Me Clément GERMAIN de la SELARL DUCOS-ADER / OLHAGARAY & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX, substitué par Me Philippe OLHAGARAY, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉ S :
1- [K] [I]
né le [Date naissance 3] 1955 à [Localité 15]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 12]
[Adresse 7] [W] [I]
né le [Date naissance 6] 1995 à [Localité 15]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 12]
3- S.C.I. JTC
demeurant [Adresse 12]
Représentés par Me Patrick TRASSARD de la SELARL TRASSARD & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 juin 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bénédicte LAMARQUE, conseiller, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Paule POIREL, présidente,
Bérengère VALLEE, conseiller,
Bénédicte LAMARQUE, conseiller,
Greffier lors des débats : Vincent BRUGERE
Greffier stagiaire lors des débats : Ophélie ESCUDIE
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
1 - M. [K] [I] a constitué le 15 mars 2001, avec ses deux fils M. [W] et M. [Z] [I], la SCI JTC immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n°435 344 445, ayant pour objet principal la propriété, l'administration, l'entretien et l'exploitation par bail ou autrement d'un bien immobilier situé à [Adresse 17] ([Adresse 9])[Adresse 1].
2 - Par acte notarié du 19 février 2013, M. [K] [I] a réalisé un apport d'un bien immobilier situé à [Adresse 18], à savoir une parcelle de terrain à bâtir de 00 ha 39 a 93 ca entraînant une augmentation de capital évalué à 140 000 euros.
3 - Par acte notarié du 17 avril 2014, MM. [K], [Z] et [W] [I] ont effectué un apport d'un bien immobilier situé à [Adresse 19], consistant en un immeuble à usage de bureaux, entrepôt, parking, bien qui dépendait
initialement de la communauté ayant existé entre M. [K] [I] et son épouse décédée Mme [D] [R] [B], mère de M. [Z] [I], et dont la valeur de cet apport a été estimée dans les opérations de succession à 800 000 euros.
4 - La SCI est également propriétaire d'un ensemble destiné à la location de gîtes et maisons d'hôtes à Sainte-Anne en Guadeloupe, dénommé « [Adresse 21] ».
5 - Les parts sont réparties comme il suit :
- M. [K] [I] détient l'usufruit de 96 parts et la pleine propriété de 488 parts ;
- M. [Z] [I] détient la pleine propriété de 564 parts et la nue-propriété de 96 parts ;
- M. [W] [I] détient la pleine propriété de 127 parts et la nue-propriété de 96 parts.
6 - M. [Z] [I] a été embauché par la SCI JTC en vertu d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel du 5 janvier 2015, en qualité de chargé de gestion locative moyennant un salaire mensuel brut de 1 215,73 euros.
Une rupture conventionnelle est intervenue le 30 janvier 2019 pour une date de fin de contrat effective le 8 mars 2019.
7 - Par acte du 18 novembre 2020, M. [Z] [I] a fait assigner MM. [K] et [W] [I] et la SCI JTC devant le tribunal judiciaire de Bordeaux, aux fins, notamment de voir prononcer la dissolution de la société en raison d'une mésentente entre associés paralysant le bon fonctionnement social, et, à titre subsidiaire, qu'il soit autorisé à se retirer pour justes motifs.
8 - Par jugement contradictoire du 27 avril 2023, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- débouté M. [Z] [I] de ses demandes ;
- débouté la SCI JTC, MM. [W] et [K] [I] de leurs demandes de dommages-intérêts ;
- condamné M. [Z] [I] à verser à la SCI JTC et MM. [K] et [W] [I] la somme totale de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [Z] [I] aux entiers dépens.
9 - M. [Z] [I] a relevé appel de ce jugement par déclaration du 9 juin 2023, en ce qu'il a :
- débouté M. [Z] [I] de ses demandes ;
- condamné M. [Z] [I] à verser à la SCI JTC, MM. [K] et [W] [I] la somme totale de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [Z] [I] aux entiers dépens.
10 - Par dernières conclusions déposées le 6 juin 2025, M. [Z] [I] demande à la cour de :
- déclarer M. [Z] [I] recevable et bien fondé en son appel.
Y faisant droit :
- réformer la décision rendue par le tribunal judiciaire de Bordeaux du 27 avril 2023 en ce qu'il a :
- débouté M. [Z] [I] de ses demandes ;
- condamné M. [Z] [I] à verser à la SCI JTC, MM. [K] et [W] [I] la somme totale de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [Z] [I] aux entiers dépens.
Statuant à nouveau :
à titre principal :
- prononcer la dissolution de la SCI JTC.
À titre subsidiaire :
- autoriser le retrait pour juste motif de M. [Z] [I] ;
- désigner tel expert qu'il plaira à la Cour, avec pour mission d'évaluer la valeur des parts sociales de la SCI JTC ;
- ordonner le remboursement des droits sociaux de M. [Z] [I] par la SCI JTC à la valeur fixée par l'expert.
En tout état de cause :
- rejeter l'intégralité des demandes, fins et prétentions de MM. [K] et [W] [I] ;
- condamner MM. [K] et [W] [I] à payer à M. [Z] [I] la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner MM. [K] et [W] [I] aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais de la mesure d'expertise judiciaire à intervenir, et frais d'exécution de l'arrêt.
11 - Par dernières conclusions déposées le 25 juin 2025, MM. [K] et [W] [I] et la SCI JTC demandent à la cour de :
- déclarer irrecevable les conclusions d'appelant n°3 et les pièces complémentaires 24 à 36 de M. [Z] [I] notifiées le 6 juin 2025 ;
- déclarer recevables et bien fondés MM. [K] et [W] [I] et la SCI JTC en l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
- confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté la SCI JTC, MM. [W] et [K] [I] de leurs demandes de dommages intérêts.
Statuant à nouveau :
- condamner M. [Z] [I] à verser à chacune des parties assignées, la SCI JTC et MM. [W] et [K] [I] la somme de 10 000 euros pour procédure abusive et injustifiée.
En tout état de cause :
- condamner M. [Z] [I] à verser à chacun des assignés, MM. [K] et [W] [I] et la SCI JTC, la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. [Z] [I] aux entiers dépens de l'instance avec distraction au bénéfice de la SELARL Trassard & Associés, selon l'article 699 du même code.
12 - A l'audience, au vu de dernières conclusions déposées par l'intimé postérieurement à l'ordonnance de clôture du 12 juin 2025, M. [Z] [I] ayant demandé, via son avocat, le même jour un report de la clôture, il a été procédé au rabat de l'ordonnance de clôture qui a été à nouveau fixée à la date de l'audience rapporteur du 26 juin 2025, avant les plaidoiries.
MOTIFS DE LA DÉCISION
13 - L'ordonnance de clôture ayant été reportée à la date de l'audience, soit le lendemain du dépôt des dernières conclusions des intimés qui leur ont permis de répondre aux conclusions déposées par l'appelant le 12 juin 2025, la cour constate qu'ils ont pu prendre connaissance des pièces 24 à 36 et y répondre utilement.
La demande de rejet des conclusion du 12 juin 2025 de M. [Z] [I] ainsi que des pièces 24 à 36 sera rejetée.
14 - Le jugement est contesté en ce qu'il a débouté M. [Z] [I] de sa demande de dissolution de la SCI ainsi que sa demande subsidiaire de retrait de la SCI, au motif que si la disparition de l'affection societatis était démontrée, n'était pas établie la paralysie de la société,
I - Sur la demande de dissolution de la SCI
15 - L'appelant fait valoir l'existence de justes motifs permettant la dissolution de la SCI dans la disparition de l'affectio societatis, élément essentiel de cette société familiale, entraînant le blocage de la société, ne pouvant assister aux assemblées générales pour éviter les conflits, et contestant la gestion caractérisée par une diminution du chiffre d'affaires ainsi que la décision de son père de s'octroyer gracieusement un logement et un bureau personnel privant ainsi la SCI des revenus locatifs correspondants.
Il produit les attestations du militaire de la gendarmerie de [Localité 22] et de l'intervenante sociale de la gendarmerie qui ont assisté à des entretiens très virulants avec son père ainsi que celle du médiateur faisant état de l'impossibilité de tout dialogue entre les parties, des attestations d'amis en pièces 16 et 18 de son dossier dont les dernières font état de l'origine du conflit lié aux préférences sexuelles de l'appelant, non acceptées par son père, ainsi que d'échanges de SMS et d'un courrier en juillet 2016 entre M. [Z] [I] et M. [K] [I] et un SMS à son frère, à la même période, resté sans réponse.
16 - Les intimés soutiennent que le conflit n'existe qu'entre l'appelant et son père, et qu'il n'est pas démontré que la mésentente serait imputable à M. [K] [I], rappelant l'ingratitude du fils [Z] [I] depuis de nombreuses années. Ils produisent 10 attestations mettant en avant les addictions à l'alcool et à la drogue de [Z] [I] et son comportement inadapté à l'égard d'un père décrit comme aidant. En réponse aux attestations de l'appelant produites en appel, ils versent 7 attestations venant contredire les propos homophones qui sont reprochés à M. [K] [I] à l'égard de son fils. Il estime que les demandes de l'appelant sont dictées par la colère, ne supportant pas de devoir se discipliner dans la gestion de l'affaire qui lui avait été confiée.
Ils contestent tout dysfonctionnement de la société, n'ayant jamais reçu la procuration de M. [Z] [I] pour l'assemblée générale de 2017 sans qu'il se soit plaint de son défaut de participation. Ils justifient d'un résultat net comptable bénéficiaire variant entre 135.966 euros en 2020 à 128.337 euros en 2003.
Ils soutiennent que l'absence de dividendes est le résultat d'une gestion prudente décidée en assemblée générale mais non d'une paralysie de la société.
Sur ce :
17 - Selon l'article 1844-7 5° du code civil, la société prend fin par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d'un associé pour justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé, ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société.
18 - En l'espèce, il n'est pas contesté que des conflits familiaux opposent l'appelant à son père, mais également à son frère, celui-ci se joignant aux conclusions d'intimés de son père et de la SCI, aucune relation n'existant entre eux, le dernier SMS adressé par l'appelant n'ayant pas trouvé de réponse de son frère. Cette mésentente est attestée par les témoignages versés tant par l'appelant que par les intimés. Ces conflits familiaux dont il est peu opérant de savoir qui en est à l'origine ont entraîné plusieurs procédures judiciaires dont les actions de M. [K] [I] contre son fils [Z] en révocation de donation pour ingratitude, ces donations correspondant à des parts de terrains et biens immobiliers mis en commun dans le cadre de la SCI, ainsi que l'action en responsabilité contre le notaire ayant procédé à l'évaluation des parts données à [Z]. M. [K] [I] a été débouté dans ces deux procédures.
19 - La perte de l'affectio societatis est ainsi établie. Toutefois, pour prononcer la dissolution de la SCI, il faut que sa disparition entraîne une situation de blocage, que l'objet social ne puisse plus être correctement réalisé et qu'aucune activité ne puisse être exercée.
20 - Il n'est pas contesté qu'en dehors de l'assemblée générale de 2017 pour laquelle M. [Z] [I] avait adressé une procuration à son frère que ce dernier dit n'avoir pas reçu, toutes les assemblées générales se sont tenues, M. [Z] [I] s'y faisant représenter permettant ainsi le vote des décisions et évitant ainsi le dysfonctionnement de la société.
21 - L'appelant à qui il appartient de démontrer la paralysie de la société ne produit aucun élément en dehors de l'attestation de Mme [N] évoquant la gestion de M. [K] [I] et ses relations avec la clientèle en termes de risque pour la SCI. Au contraire, les intimés justifient que par une gestion prudente, les comptes sont approuvés et les résultats nets stables, Mme [N] n'étant que locataire d'une maison dans un bien appartenant à la SCI et n'étant pas en possession des éléments comptables de la société. Enfin, l'absence de répartition de dividendes n'est pas à lui seul un motif de dysfonctionnement.
22 - Les conditions de dissolution de la SCI n'étant pas réunies en l'absence de paralysie de la société, la demande de l'appelant sera rejetée et le jugement déféré confirmé de ce chef.
II - Sur la demande de retrait de M. [Z] [I]
23 - Soutenant que le premier juge a mal apprécié les conditions du retrait d'un associé qui ne peut reposer que sur la mésentente et la mise à l'écart d'un associé, appréciée de manière subjective sans avoir à examiner si les circonstances alléguées portent atteinte au bon fonctionnement de la société, M. [Z] [I] sollicite que soit prononcé son retrait de la SCI.
Il produit en appel des témoignages permettant de démontrer la fausseté des allégations portées par son père en première instance, démontrant ainsi son professionnalisme, ses compétences, son sérieux et l'absence de toute addiction. Il justifie avoir porté plainte contre les auteurs de ces attestations pour propos diffamatoires le 5 mai 2023.
24 - Les intimés sollicitant la confirmation du jugement déféré soutiennent que la seule disparition de l'affectio societatis ne saurait être considérée comme un juste motif de retrait judiciaire, devant s'apprécier au regard des éléments sérieux caractérisant la mésentante et les conséquences graves qui y sont attachés sur les droits du retrayant.
Ils soutiennent au demeurant que le retrait judiciaire entraînerait des conséquences manifestement excessives pour la SCI de nature à la mettre en péril et entraînerait sa dissolution puisque lors de l'apport des parts en 2013 et 2014, il n'a été procédé à aucune réévaluation du capital, permettant ainsi à [Z] [I] de disposer de 51,90% des titres en pleine propriété et en nue-propriété alors qu'il aurait dû en avoir 28,03% et M. [K] [I] 55,26 % au lieu de 41,39% actuellement.
Ils rappellent que l'appelant n'a pas été licencié mais a signé une rupture conventionnelle de travail sans justifier des pressions qu'il aurait subies, qu'il n'est pas écarté de la gestion de la SCI et a ainsi pu voter contre la mise en réserve des bénéfices lors des assemblés générales.
Sur ce :
25 - L'article 1869 du code civil dispose que : 'sans préjudice des droits des tiers, un associé peut se retirer totalement ou partiellement de la société, dans les conditions prévues par les statuts ou, à défaut, après autorisation donnée par une décision unanime des autres associés. Ce retrait peut également être autorisé pour justes motifs par une décision de justice'.
26 - La mésentente s'apprécie de manière subjective par rapport à la situation personnelle de l'associé retrayant.
27 - Toutefois, comme pour l'examen de la demande de dissolution, il est inopérant de déterminer qui des associés est à l'origine des tensions familiales, celles-ci étant constituées depuis plusieurs années et toujours actuelles. La lecture des attestations versées par les intimés qui mettent en cause les qualités et compétences de M. [Z] [I] traduisent une perte de confiance des deux associés à son égard, ce dernier ne produisant que des attestations faisant état de ses qualités sans mettre en cause son père ni son frère sans qu'un dialogue ne soit possible aujourd'hui.
28 - Si M. [K] [I] a été débouté de ses deux actions qui visaient d'une part à révoquer les donations faites à [Z] [I] pour ingratitude et d'autre part à mettre en cause la responsabilité du notaire n'ayant pas revalorisé la société au moment du second apport en capital lui faisant perdre la majorité des parts en faveur de [Z] [I], il développe les mêmes moyens dans le cadre de la présente procédure visant ainsi à décridibiliser son fils tout en souhaitant le maintenir dans la SCI.
29 - Même minoritaire, M. [K] [I] conserve une autorité certaine sur ses fils comme il a été constaté par M. [U], militaire de la gendarmerie de [Localité 22] et Mme [P] intervenante sociale de la gendarmerie dans leurs attestations, lui permettant ainsi de disposer d'une majorité de blocage.
30 - Si les comptes sont approuvés chaque année et que la SCI fonctionne, il convient de relever que M. [Z] [I] n'assiste plus aux assemblées générales mais se fait représenter, qu'il ne dispose pas de majorité de blocage contrairement au cumul des voix de son père et de son frère, de sorte qu'il ne peut s'opposer à la gestion actuelle dont il dénonce certains abus notamment par la mise à disposition gratuite de certains biens à son père, privant la SCI de revenus locatifs et l'absence de distribution des dividendes.
31 - En effet, cette mise à disposition n'est pas contraire à l'objet social, compte tenu de son libellé, mais elle ne doit pas être contraire à l'intérêt social qui suppose que chacun des associés profite de cette gratuité ou d'un avantage équivalent ou de revenus permettant de rembourser des comptes courants et de faire face à aux charges courantes. Or, la mésentente persistante des associés entraîne l'absence de revenus générés par cette mise à disposition dont les intimés ne précisent pas les conséquences.
32 - Il est ainsi sans conteste que la disparition de l'affectio societatis consécutive aux conflits familiaux opposant les associés, à la perte de confiance de M. [Z] [I] à l'égard de son père qui détient une autorité certaine à l'égard de ses deux enfants, même s'il est minoritaire dans les parts sociales, disposant d'une majorité de blocage avec son fils [W], les procédures judiciaires engagées, la plainte pénale déposée par M. [Z] [I] à l'encontre de son père pour propos mensonger au regard des nombreuses attestations mettant en cause ses compétences et son addiction à l'alcool ainsi que l'opposition des parties sur la gestion des immeubles constituent un juste motif suffisant en ce qu'il entraîne nécessairement l'impossibilité de voter les décisions dans l'intérêt général de la société justifiant que soit ordonné le retrait de la SCI de M. [Z] [I].
33 - Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.
III - La désignation d'un expert pour procéder à l'évaluation des parts
34 - L'appelant sollicite la désignation d'un expert pour l'évaluation des parts, les intimés contestant la valorisation de la société au moment des apports de 2013 et 2014, sans réévaluation du capital social et une perte de majorité.
Il conteste l'évaluation faite par l'expert des biens immobiliers mandaté par son père qui a été faite par lot et donc dévaluée de 30%.
Sur ce:
35 - Selon l'article 1843-4 du code civil :
I. ' Dans les cas où la loi renvoie au présent article pour fixer les conditions de prix d'une cession des droits sociaux d'un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par jugement du président du tribunal judiciaire ou du tribunal de commerce compétent, statuant selon la procédure accélérée au fond et sans recours possible.
L'expert ainsi désigné est tenu d'appliquer, lorsqu'elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par les statuts de la société ou par toute convention liant les parties.
II. ' Dans les cas où les statuts prévoient la cession des droits sociaux d'un associé ou le rachat de ces droits par la société sans que leur valeur soit ni déterminée ni déterminable, celle-ci est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné dans les conditions du premier alinéa.
L'expert ainsi désigné est tenu d'appliquer, lorsqu'elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par toute convention liant les parties.'
36 - L'associé qui se retire a droit au remboursement de la valeur de ses droits sociaux. Le juge pourra contraindre les autres associés à racheter les parts de l'associé sortant de la SCI.
37 - En l'espèce, les statuts ne prévoient pas le retrait d'un associé mais uniquement la dissolution entraînant ainsi sa liquidation et la cour constatant l'absence d'accord amiable, en application de l'article 1843-4 du code civil, il y a lieu de désigner un expert qui évaluera le montant des parts en déterminant les critères qu'il juge les plus appropriés pour fixer la valeur des droits.
38 - L'expert étant le mandataire des parties, et celles-ci s'accordant en l'espèce sur les termes de sa mission, ceux-ci seront repris dans le dispositif ci-après.
39 - Pour le surplus, il n'entre pas dans les pouvoirs du juge saisi sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil de déterminer le délai dans lequel l'expert désigné doit déposer son rapport.
39 - L'expertise étant ordonnée à la demande des deux parties et dans leur intérêt partagé, ses frais, sauf meilleur accord des parties, seront supportés à part égale entre, d'une part, l'appelant à hauteur de 50 %, d'autre part, les intimés à hauteur de 50 %.
40 - L'expert ainsi désigné détenant seul le pouvoir de fixer la valeur des parts sociales, il convient de débouter l'appelant de voir le juge ordonner la valeur du rachat des parts sociales par M. [Z] [I].
IV - Sur les dépens et les frais irrépétibles
41 - M. [K] [I] et M. [W] [I], parties perdantes seront condamnés in solidum aux dépens ainsi qu'à la condamnation à M. [Z] [I] de la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Déclare recevable les conclusions n° 3 du 12 juin 2025 de M. [Z] [I] ainsi que les pièces 24 à 36,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de dissolution de la SCI, l'infirme pour le surplus, y compris sur les dépens et les frais irrépétibles.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Prononce le retrait de la SCI de M. [Z] [I],
Ordonne une expertise,
Désigne pour y procéder :
Mme [E] [X] ép. Doursat, Cabinet [X],
[Adresse 10] ,
Tél : [XXXXXXXX02] , Tel : [XXXXXXXX04]
Fax : 05 56 44 31 59 , Mèl : [Courriel 20]
Et à défaut de disponibilité :
M. [G] [J],
[Adresse 11] ,
Tel [XXXXXXXX05]
Mèl : [Courriel 14]
Avec la mission suivante déterminée :
- évaluer les parts sociales de la société SCI JTC appartenant à M. [K] [I], M. [Z] [I] et M. [W] [I] ;
- Se rendre sur place dans les différents locaux appartenant à la société SCI JTC et procéder à leur évaluation au m²;
- convoquer et entendre les parties ;
- se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission ;
- entendre tous sachants et s'adjoindre, si besoin est, tous sapiteurs de son choix ;
Dit que sauf meilleur accord des parties, le coût de l'expertise sera supporté à hauteur de 50 % par M. [K] [I] et [W] [I] d'une part et M. [Z] [I] d'autre part,
Déboute M. [Z] [I] de sa demande de voir ordonner le remboursement de des droits sociaux par la SCI JTC à la valeur fixée par l'expert,
Condamne in solidum M. [K] [I], M. [W] [I] à verser à M. [Z] [I] la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles,
Condamne in solidum M. [K] [I], M. [W] [I] aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Bérengère VALLEE, conseiller, en remplacement de Paule POIREL, présidente légitimement empêchée, et par Vincent BRUGERE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 13 OCTOBRE 2025
N° RG 23/02761 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NJQF
[Z] [I]
c/
[K] [I]
[W] [I]
S.C.I. JTC
Nature de la décision : AU FOND
EXPERTISE
Copie exécutoire délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 27 avril 2023 par le Tribunal Judiciaire de BORDEAUX (chambre : 1, RG : 20/08966) suivant déclaration d'appel du 09 juin 2023
APPELANT :
[Z] [I]
né le [Date naissance 8] 1981 à [Localité 16]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 13]
Représenté par Me Clément GERMAIN de la SELARL DUCOS-ADER / OLHAGARAY & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX, substitué par Me Philippe OLHAGARAY, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉ S :
1- [K] [I]
né le [Date naissance 3] 1955 à [Localité 15]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 12]
[Adresse 7] [W] [I]
né le [Date naissance 6] 1995 à [Localité 15]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 12]
3- S.C.I. JTC
demeurant [Adresse 12]
Représentés par Me Patrick TRASSARD de la SELARL TRASSARD & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 juin 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bénédicte LAMARQUE, conseiller, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Paule POIREL, présidente,
Bérengère VALLEE, conseiller,
Bénédicte LAMARQUE, conseiller,
Greffier lors des débats : Vincent BRUGERE
Greffier stagiaire lors des débats : Ophélie ESCUDIE
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
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EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
1 - M. [K] [I] a constitué le 15 mars 2001, avec ses deux fils M. [W] et M. [Z] [I], la SCI JTC immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n°435 344 445, ayant pour objet principal la propriété, l'administration, l'entretien et l'exploitation par bail ou autrement d'un bien immobilier situé à [Adresse 17] ([Adresse 9])[Adresse 1].
2 - Par acte notarié du 19 février 2013, M. [K] [I] a réalisé un apport d'un bien immobilier situé à [Adresse 18], à savoir une parcelle de terrain à bâtir de 00 ha 39 a 93 ca entraînant une augmentation de capital évalué à 140 000 euros.
3 - Par acte notarié du 17 avril 2014, MM. [K], [Z] et [W] [I] ont effectué un apport d'un bien immobilier situé à [Adresse 19], consistant en un immeuble à usage de bureaux, entrepôt, parking, bien qui dépendait
initialement de la communauté ayant existé entre M. [K] [I] et son épouse décédée Mme [D] [R] [B], mère de M. [Z] [I], et dont la valeur de cet apport a été estimée dans les opérations de succession à 800 000 euros.
4 - La SCI est également propriétaire d'un ensemble destiné à la location de gîtes et maisons d'hôtes à Sainte-Anne en Guadeloupe, dénommé « [Adresse 21] ».
5 - Les parts sont réparties comme il suit :
- M. [K] [I] détient l'usufruit de 96 parts et la pleine propriété de 488 parts ;
- M. [Z] [I] détient la pleine propriété de 564 parts et la nue-propriété de 96 parts ;
- M. [W] [I] détient la pleine propriété de 127 parts et la nue-propriété de 96 parts.
6 - M. [Z] [I] a été embauché par la SCI JTC en vertu d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel du 5 janvier 2015, en qualité de chargé de gestion locative moyennant un salaire mensuel brut de 1 215,73 euros.
Une rupture conventionnelle est intervenue le 30 janvier 2019 pour une date de fin de contrat effective le 8 mars 2019.
7 - Par acte du 18 novembre 2020, M. [Z] [I] a fait assigner MM. [K] et [W] [I] et la SCI JTC devant le tribunal judiciaire de Bordeaux, aux fins, notamment de voir prononcer la dissolution de la société en raison d'une mésentente entre associés paralysant le bon fonctionnement social, et, à titre subsidiaire, qu'il soit autorisé à se retirer pour justes motifs.
8 - Par jugement contradictoire du 27 avril 2023, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- débouté M. [Z] [I] de ses demandes ;
- débouté la SCI JTC, MM. [W] et [K] [I] de leurs demandes de dommages-intérêts ;
- condamné M. [Z] [I] à verser à la SCI JTC et MM. [K] et [W] [I] la somme totale de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [Z] [I] aux entiers dépens.
9 - M. [Z] [I] a relevé appel de ce jugement par déclaration du 9 juin 2023, en ce qu'il a :
- débouté M. [Z] [I] de ses demandes ;
- condamné M. [Z] [I] à verser à la SCI JTC, MM. [K] et [W] [I] la somme totale de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [Z] [I] aux entiers dépens.
10 - Par dernières conclusions déposées le 6 juin 2025, M. [Z] [I] demande à la cour de :
- déclarer M. [Z] [I] recevable et bien fondé en son appel.
Y faisant droit :
- réformer la décision rendue par le tribunal judiciaire de Bordeaux du 27 avril 2023 en ce qu'il a :
- débouté M. [Z] [I] de ses demandes ;
- condamné M. [Z] [I] à verser à la SCI JTC, MM. [K] et [W] [I] la somme totale de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [Z] [I] aux entiers dépens.
Statuant à nouveau :
à titre principal :
- prononcer la dissolution de la SCI JTC.
À titre subsidiaire :
- autoriser le retrait pour juste motif de M. [Z] [I] ;
- désigner tel expert qu'il plaira à la Cour, avec pour mission d'évaluer la valeur des parts sociales de la SCI JTC ;
- ordonner le remboursement des droits sociaux de M. [Z] [I] par la SCI JTC à la valeur fixée par l'expert.
En tout état de cause :
- rejeter l'intégralité des demandes, fins et prétentions de MM. [K] et [W] [I] ;
- condamner MM. [K] et [W] [I] à payer à M. [Z] [I] la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner MM. [K] et [W] [I] aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais de la mesure d'expertise judiciaire à intervenir, et frais d'exécution de l'arrêt.
11 - Par dernières conclusions déposées le 25 juin 2025, MM. [K] et [W] [I] et la SCI JTC demandent à la cour de :
- déclarer irrecevable les conclusions d'appelant n°3 et les pièces complémentaires 24 à 36 de M. [Z] [I] notifiées le 6 juin 2025 ;
- déclarer recevables et bien fondés MM. [K] et [W] [I] et la SCI JTC en l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
- confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté la SCI JTC, MM. [W] et [K] [I] de leurs demandes de dommages intérêts.
Statuant à nouveau :
- condamner M. [Z] [I] à verser à chacune des parties assignées, la SCI JTC et MM. [W] et [K] [I] la somme de 10 000 euros pour procédure abusive et injustifiée.
En tout état de cause :
- condamner M. [Z] [I] à verser à chacun des assignés, MM. [K] et [W] [I] et la SCI JTC, la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. [Z] [I] aux entiers dépens de l'instance avec distraction au bénéfice de la SELARL Trassard & Associés, selon l'article 699 du même code.
12 - A l'audience, au vu de dernières conclusions déposées par l'intimé postérieurement à l'ordonnance de clôture du 12 juin 2025, M. [Z] [I] ayant demandé, via son avocat, le même jour un report de la clôture, il a été procédé au rabat de l'ordonnance de clôture qui a été à nouveau fixée à la date de l'audience rapporteur du 26 juin 2025, avant les plaidoiries.
MOTIFS DE LA DÉCISION
13 - L'ordonnance de clôture ayant été reportée à la date de l'audience, soit le lendemain du dépôt des dernières conclusions des intimés qui leur ont permis de répondre aux conclusions déposées par l'appelant le 12 juin 2025, la cour constate qu'ils ont pu prendre connaissance des pièces 24 à 36 et y répondre utilement.
La demande de rejet des conclusion du 12 juin 2025 de M. [Z] [I] ainsi que des pièces 24 à 36 sera rejetée.
14 - Le jugement est contesté en ce qu'il a débouté M. [Z] [I] de sa demande de dissolution de la SCI ainsi que sa demande subsidiaire de retrait de la SCI, au motif que si la disparition de l'affection societatis était démontrée, n'était pas établie la paralysie de la société,
I - Sur la demande de dissolution de la SCI
15 - L'appelant fait valoir l'existence de justes motifs permettant la dissolution de la SCI dans la disparition de l'affectio societatis, élément essentiel de cette société familiale, entraînant le blocage de la société, ne pouvant assister aux assemblées générales pour éviter les conflits, et contestant la gestion caractérisée par une diminution du chiffre d'affaires ainsi que la décision de son père de s'octroyer gracieusement un logement et un bureau personnel privant ainsi la SCI des revenus locatifs correspondants.
Il produit les attestations du militaire de la gendarmerie de [Localité 22] et de l'intervenante sociale de la gendarmerie qui ont assisté à des entretiens très virulants avec son père ainsi que celle du médiateur faisant état de l'impossibilité de tout dialogue entre les parties, des attestations d'amis en pièces 16 et 18 de son dossier dont les dernières font état de l'origine du conflit lié aux préférences sexuelles de l'appelant, non acceptées par son père, ainsi que d'échanges de SMS et d'un courrier en juillet 2016 entre M. [Z] [I] et M. [K] [I] et un SMS à son frère, à la même période, resté sans réponse.
16 - Les intimés soutiennent que le conflit n'existe qu'entre l'appelant et son père, et qu'il n'est pas démontré que la mésentente serait imputable à M. [K] [I], rappelant l'ingratitude du fils [Z] [I] depuis de nombreuses années. Ils produisent 10 attestations mettant en avant les addictions à l'alcool et à la drogue de [Z] [I] et son comportement inadapté à l'égard d'un père décrit comme aidant. En réponse aux attestations de l'appelant produites en appel, ils versent 7 attestations venant contredire les propos homophones qui sont reprochés à M. [K] [I] à l'égard de son fils. Il estime que les demandes de l'appelant sont dictées par la colère, ne supportant pas de devoir se discipliner dans la gestion de l'affaire qui lui avait été confiée.
Ils contestent tout dysfonctionnement de la société, n'ayant jamais reçu la procuration de M. [Z] [I] pour l'assemblée générale de 2017 sans qu'il se soit plaint de son défaut de participation. Ils justifient d'un résultat net comptable bénéficiaire variant entre 135.966 euros en 2020 à 128.337 euros en 2003.
Ils soutiennent que l'absence de dividendes est le résultat d'une gestion prudente décidée en assemblée générale mais non d'une paralysie de la société.
Sur ce :
17 - Selon l'article 1844-7 5° du code civil, la société prend fin par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d'un associé pour justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé, ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société.
18 - En l'espèce, il n'est pas contesté que des conflits familiaux opposent l'appelant à son père, mais également à son frère, celui-ci se joignant aux conclusions d'intimés de son père et de la SCI, aucune relation n'existant entre eux, le dernier SMS adressé par l'appelant n'ayant pas trouvé de réponse de son frère. Cette mésentente est attestée par les témoignages versés tant par l'appelant que par les intimés. Ces conflits familiaux dont il est peu opérant de savoir qui en est à l'origine ont entraîné plusieurs procédures judiciaires dont les actions de M. [K] [I] contre son fils [Z] en révocation de donation pour ingratitude, ces donations correspondant à des parts de terrains et biens immobiliers mis en commun dans le cadre de la SCI, ainsi que l'action en responsabilité contre le notaire ayant procédé à l'évaluation des parts données à [Z]. M. [K] [I] a été débouté dans ces deux procédures.
19 - La perte de l'affectio societatis est ainsi établie. Toutefois, pour prononcer la dissolution de la SCI, il faut que sa disparition entraîne une situation de blocage, que l'objet social ne puisse plus être correctement réalisé et qu'aucune activité ne puisse être exercée.
20 - Il n'est pas contesté qu'en dehors de l'assemblée générale de 2017 pour laquelle M. [Z] [I] avait adressé une procuration à son frère que ce dernier dit n'avoir pas reçu, toutes les assemblées générales se sont tenues, M. [Z] [I] s'y faisant représenter permettant ainsi le vote des décisions et évitant ainsi le dysfonctionnement de la société.
21 - L'appelant à qui il appartient de démontrer la paralysie de la société ne produit aucun élément en dehors de l'attestation de Mme [N] évoquant la gestion de M. [K] [I] et ses relations avec la clientèle en termes de risque pour la SCI. Au contraire, les intimés justifient que par une gestion prudente, les comptes sont approuvés et les résultats nets stables, Mme [N] n'étant que locataire d'une maison dans un bien appartenant à la SCI et n'étant pas en possession des éléments comptables de la société. Enfin, l'absence de répartition de dividendes n'est pas à lui seul un motif de dysfonctionnement.
22 - Les conditions de dissolution de la SCI n'étant pas réunies en l'absence de paralysie de la société, la demande de l'appelant sera rejetée et le jugement déféré confirmé de ce chef.
II - Sur la demande de retrait de M. [Z] [I]
23 - Soutenant que le premier juge a mal apprécié les conditions du retrait d'un associé qui ne peut reposer que sur la mésentente et la mise à l'écart d'un associé, appréciée de manière subjective sans avoir à examiner si les circonstances alléguées portent atteinte au bon fonctionnement de la société, M. [Z] [I] sollicite que soit prononcé son retrait de la SCI.
Il produit en appel des témoignages permettant de démontrer la fausseté des allégations portées par son père en première instance, démontrant ainsi son professionnalisme, ses compétences, son sérieux et l'absence de toute addiction. Il justifie avoir porté plainte contre les auteurs de ces attestations pour propos diffamatoires le 5 mai 2023.
24 - Les intimés sollicitant la confirmation du jugement déféré soutiennent que la seule disparition de l'affectio societatis ne saurait être considérée comme un juste motif de retrait judiciaire, devant s'apprécier au regard des éléments sérieux caractérisant la mésentante et les conséquences graves qui y sont attachés sur les droits du retrayant.
Ils soutiennent au demeurant que le retrait judiciaire entraînerait des conséquences manifestement excessives pour la SCI de nature à la mettre en péril et entraînerait sa dissolution puisque lors de l'apport des parts en 2013 et 2014, il n'a été procédé à aucune réévaluation du capital, permettant ainsi à [Z] [I] de disposer de 51,90% des titres en pleine propriété et en nue-propriété alors qu'il aurait dû en avoir 28,03% et M. [K] [I] 55,26 % au lieu de 41,39% actuellement.
Ils rappellent que l'appelant n'a pas été licencié mais a signé une rupture conventionnelle de travail sans justifier des pressions qu'il aurait subies, qu'il n'est pas écarté de la gestion de la SCI et a ainsi pu voter contre la mise en réserve des bénéfices lors des assemblés générales.
Sur ce :
25 - L'article 1869 du code civil dispose que : 'sans préjudice des droits des tiers, un associé peut se retirer totalement ou partiellement de la société, dans les conditions prévues par les statuts ou, à défaut, après autorisation donnée par une décision unanime des autres associés. Ce retrait peut également être autorisé pour justes motifs par une décision de justice'.
26 - La mésentente s'apprécie de manière subjective par rapport à la situation personnelle de l'associé retrayant.
27 - Toutefois, comme pour l'examen de la demande de dissolution, il est inopérant de déterminer qui des associés est à l'origine des tensions familiales, celles-ci étant constituées depuis plusieurs années et toujours actuelles. La lecture des attestations versées par les intimés qui mettent en cause les qualités et compétences de M. [Z] [I] traduisent une perte de confiance des deux associés à son égard, ce dernier ne produisant que des attestations faisant état de ses qualités sans mettre en cause son père ni son frère sans qu'un dialogue ne soit possible aujourd'hui.
28 - Si M. [K] [I] a été débouté de ses deux actions qui visaient d'une part à révoquer les donations faites à [Z] [I] pour ingratitude et d'autre part à mettre en cause la responsabilité du notaire n'ayant pas revalorisé la société au moment du second apport en capital lui faisant perdre la majorité des parts en faveur de [Z] [I], il développe les mêmes moyens dans le cadre de la présente procédure visant ainsi à décridibiliser son fils tout en souhaitant le maintenir dans la SCI.
29 - Même minoritaire, M. [K] [I] conserve une autorité certaine sur ses fils comme il a été constaté par M. [U], militaire de la gendarmerie de [Localité 22] et Mme [P] intervenante sociale de la gendarmerie dans leurs attestations, lui permettant ainsi de disposer d'une majorité de blocage.
30 - Si les comptes sont approuvés chaque année et que la SCI fonctionne, il convient de relever que M. [Z] [I] n'assiste plus aux assemblées générales mais se fait représenter, qu'il ne dispose pas de majorité de blocage contrairement au cumul des voix de son père et de son frère, de sorte qu'il ne peut s'opposer à la gestion actuelle dont il dénonce certains abus notamment par la mise à disposition gratuite de certains biens à son père, privant la SCI de revenus locatifs et l'absence de distribution des dividendes.
31 - En effet, cette mise à disposition n'est pas contraire à l'objet social, compte tenu de son libellé, mais elle ne doit pas être contraire à l'intérêt social qui suppose que chacun des associés profite de cette gratuité ou d'un avantage équivalent ou de revenus permettant de rembourser des comptes courants et de faire face à aux charges courantes. Or, la mésentente persistante des associés entraîne l'absence de revenus générés par cette mise à disposition dont les intimés ne précisent pas les conséquences.
32 - Il est ainsi sans conteste que la disparition de l'affectio societatis consécutive aux conflits familiaux opposant les associés, à la perte de confiance de M. [Z] [I] à l'égard de son père qui détient une autorité certaine à l'égard de ses deux enfants, même s'il est minoritaire dans les parts sociales, disposant d'une majorité de blocage avec son fils [W], les procédures judiciaires engagées, la plainte pénale déposée par M. [Z] [I] à l'encontre de son père pour propos mensonger au regard des nombreuses attestations mettant en cause ses compétences et son addiction à l'alcool ainsi que l'opposition des parties sur la gestion des immeubles constituent un juste motif suffisant en ce qu'il entraîne nécessairement l'impossibilité de voter les décisions dans l'intérêt général de la société justifiant que soit ordonné le retrait de la SCI de M. [Z] [I].
33 - Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.
III - La désignation d'un expert pour procéder à l'évaluation des parts
34 - L'appelant sollicite la désignation d'un expert pour l'évaluation des parts, les intimés contestant la valorisation de la société au moment des apports de 2013 et 2014, sans réévaluation du capital social et une perte de majorité.
Il conteste l'évaluation faite par l'expert des biens immobiliers mandaté par son père qui a été faite par lot et donc dévaluée de 30%.
Sur ce:
35 - Selon l'article 1843-4 du code civil :
I. ' Dans les cas où la loi renvoie au présent article pour fixer les conditions de prix d'une cession des droits sociaux d'un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par jugement du président du tribunal judiciaire ou du tribunal de commerce compétent, statuant selon la procédure accélérée au fond et sans recours possible.
L'expert ainsi désigné est tenu d'appliquer, lorsqu'elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par les statuts de la société ou par toute convention liant les parties.
II. ' Dans les cas où les statuts prévoient la cession des droits sociaux d'un associé ou le rachat de ces droits par la société sans que leur valeur soit ni déterminée ni déterminable, celle-ci est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné dans les conditions du premier alinéa.
L'expert ainsi désigné est tenu d'appliquer, lorsqu'elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par toute convention liant les parties.'
36 - L'associé qui se retire a droit au remboursement de la valeur de ses droits sociaux. Le juge pourra contraindre les autres associés à racheter les parts de l'associé sortant de la SCI.
37 - En l'espèce, les statuts ne prévoient pas le retrait d'un associé mais uniquement la dissolution entraînant ainsi sa liquidation et la cour constatant l'absence d'accord amiable, en application de l'article 1843-4 du code civil, il y a lieu de désigner un expert qui évaluera le montant des parts en déterminant les critères qu'il juge les plus appropriés pour fixer la valeur des droits.
38 - L'expert étant le mandataire des parties, et celles-ci s'accordant en l'espèce sur les termes de sa mission, ceux-ci seront repris dans le dispositif ci-après.
39 - Pour le surplus, il n'entre pas dans les pouvoirs du juge saisi sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil de déterminer le délai dans lequel l'expert désigné doit déposer son rapport.
39 - L'expertise étant ordonnée à la demande des deux parties et dans leur intérêt partagé, ses frais, sauf meilleur accord des parties, seront supportés à part égale entre, d'une part, l'appelant à hauteur de 50 %, d'autre part, les intimés à hauteur de 50 %.
40 - L'expert ainsi désigné détenant seul le pouvoir de fixer la valeur des parts sociales, il convient de débouter l'appelant de voir le juge ordonner la valeur du rachat des parts sociales par M. [Z] [I].
IV - Sur les dépens et les frais irrépétibles
41 - M. [K] [I] et M. [W] [I], parties perdantes seront condamnés in solidum aux dépens ainsi qu'à la condamnation à M. [Z] [I] de la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Déclare recevable les conclusions n° 3 du 12 juin 2025 de M. [Z] [I] ainsi que les pièces 24 à 36,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de dissolution de la SCI, l'infirme pour le surplus, y compris sur les dépens et les frais irrépétibles.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Prononce le retrait de la SCI de M. [Z] [I],
Ordonne une expertise,
Désigne pour y procéder :
Mme [E] [X] ép. Doursat, Cabinet [X],
[Adresse 10] ,
Tél : [XXXXXXXX02] , Tel : [XXXXXXXX04]
Fax : 05 56 44 31 59 , Mèl : [Courriel 20]
Et à défaut de disponibilité :
M. [G] [J],
[Adresse 11] ,
Tel [XXXXXXXX05]
Mèl : [Courriel 14]
Avec la mission suivante déterminée :
- évaluer les parts sociales de la société SCI JTC appartenant à M. [K] [I], M. [Z] [I] et M. [W] [I] ;
- Se rendre sur place dans les différents locaux appartenant à la société SCI JTC et procéder à leur évaluation au m²;
- convoquer et entendre les parties ;
- se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission ;
- entendre tous sachants et s'adjoindre, si besoin est, tous sapiteurs de son choix ;
Dit que sauf meilleur accord des parties, le coût de l'expertise sera supporté à hauteur de 50 % par M. [K] [I] et [W] [I] d'une part et M. [Z] [I] d'autre part,
Déboute M. [Z] [I] de sa demande de voir ordonner le remboursement de des droits sociaux par la SCI JTC à la valeur fixée par l'expert,
Condamne in solidum M. [K] [I], M. [W] [I] à verser à M. [Z] [I] la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles,
Condamne in solidum M. [K] [I], M. [W] [I] aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Bérengère VALLEE, conseiller, en remplacement de Paule POIREL, présidente légitimement empêchée, et par Vincent BRUGERE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,