CA Orléans, ch. com., 9 octobre 2025, n° 22/00942
ORLÉANS
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 09/10/2025
la SCP LAVISSE BOUAMRIRENE GROUP
la SCP LAVAL CROZE CARPE
la SELAFA CHAINTRIER AVOCATS
ARRÊT du : 09 OCTOBRE 2025
N° : 210 - 25
N° RG 22/00942
N° Portalis DBVN-V-B7G-GR4U
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'[Localité 14] en date du 02 Mars 2022
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :
S.A.R.L. DAUPHIN - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265285343930965
Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 10]
Ayant pour avocat Me Pascal LAVISSE, membre de la SCP LAVISSE BOUAMRIRENE GROUP, avocat au barreau d'ORLEANS
D'UNE PART
INTIMÉES :
S.C.I. PROHOME - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265283164651753
Prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 9]
[Localité 10]
Ayant pour avocat Me Christophe CARPE, membre de la SCP LAVAL CROZE CARPE, avocat au barreau d'ORLEANS
S.C.I. JEANNE Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265284883476330
[Adresse 2]
[Localité 11]
Ayant pour avocat postulant Me Marie-sophie ETIENNE LUCAS, membre de la SELAFA CHAINTRIER AVOCATS, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me François SOUCHON, membre de la SCP SCP SOUCHON - CATTE - LOUIS - PLAINGUET, avocat au barreau de CHARTRES
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 19 Avril 2022
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 7 Novembre 2024
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats à l'audience publique du JEUDI 28 NOVEMBRE 2024, à 14 heures, Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, en charge du rapport, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, et Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 805 et 907 du code de procédure civile.
Après délibéré au cours duquel Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, et Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :
Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller,
Greffier :
Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats
et Monsieur Axel DURAND, Greffier lors du prononcé,
ARRÊT :
Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 09 OCTOBRE 2025 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
La SARL Dauphin est propriétaire d'un fonds de commerce de restauration qu'elle exploite dans les locaux situés [Adresse 5] à Orléans 45000 appartenant à la SCI Jeanne qui les a donnés à bail commercial suivant acte sous seing privé du 1er août 2015 au précédent propriétaire du fonds.
Par acte notarié du 9 janvier 2020, la SCI Jeanne a consenti à la SCI Prohome une promesse unilatérale de vente desdits locaux pour une durée expirant le 9 avril 2020 moyennant le prix de 240.000 euros payable comptant le jour de la constatation authentique de la réalisation de la promesse. La vente définitive du bien immobilier est intervenue par acte authentique du 30 avril 2020 moyennant le prix de 240 000 euros.
La SARL Dauphin faisant valoir qu'elle n'avait pas été destinataire de l'information prévue à l'article L.145-46-1 du code de commerce et partant n'avait pas été mise en mesure d'exercer son droit de préemption, a, par acte du 12 mars 2020, fait assigner la SCI Jeanne et la SCI Prohome devant le tribunal judiciaire d'Orléans aux fins, dans le dernier état de ses écritures, de voir déclarer nulles la promesse unilatérale de vente et la vente conclues entre les SCI Jeanne et Prohome et à tout le moins les lui déclarer inopposables, déclarer parfaite la vente forcée par la SCI Jeanne au profit de la société Dauphin, moyennant le versement du prix de 240 000 euros, des biens et droits immobiliers situés [Adresse 5], ordonner que la décision à intervenir vaudra vente ainsi que les publicités d'usage, condamner les SCI Jeanne et Prohome en paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi, outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire du 2 mars 2022, le tribunal judiciaire d'Orléans a :
- débouté la SARL Dauphin de l'ensemble de ses prétentions,
- débouté la SCI Jeanne de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- rejeté toute demande plus ample ou contraire,
- condamné la SARL Dauphin à payer à la SCI Jeanne et à la SCI Prohome la somme de 1 500 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- laissé les dépens à la charge de la SARL Dauphin, avec distraction au profit de la SCP Souchon-Catte-Louis-Plainguet.
Suivant déclaration du 19 avril 2022, la SARL Dauphin a interjeté appel de l'ensemble des chefs expressément énoncés de ce jugement lui faisant grief.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 26 décembre 2022, la SARL Dauphin demande à la cour de :
Vu l'article L.145-46-1 du code de commerce,
Vu l'article 1240 du code civil,
Vu ce qui précède,
Rejetant toutes demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,
- déclarer la SARL Dauphin recevable et bien fondée en son appel, y faire droit,
- déclarer les parties adverses SCI Jeanne et SCI Prohome mal fondées en leurs demandes, moyens, fins et prétentions, y compris à titre d'appel incident, les en débouter,
- rejeter l'appel incident des parties adverses,
- annuler et/ou infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
1er chef de jugement critiqué : débouté la SARL Dauphin de l'ensemble de ses prétentions à savoir:
' juger la SARL Dauphin recevable et bien fondée en ses demandes et y faire droit,
' déclarer nulles et de nul effet, à tout le moins inopposables à la SARL Dauphin, la promesse unilatérale de vente ainsi que la vente conclues entre la SCI Jeanne et la SCI Prohome, portant sur des locaux commerciaux sis [Adresse 4] à Orléans,
' déclarer parfaite la vente forcée, par la SCI Jeanne, au profit de la SARL Dauphin, moyennant le versement du prix de 240 000 euros, des biens et droits immobiliers ainsi identifiés :
' dans un ensemble immobilier situé à [Localité 14] [Adresse 1],
* Un local commercial d'une superficie d'environ 90 m²
' Un premier corps de bâtiment sur rue comprenant :
' au sous-sol, une cave privative,
' au rez-de-chaussée, une partie d'espace commercial, une salle de restaurant et un long dégagement desservant les appartements,
' au premier étage, un appartement à usage d'habitation,
' au deuxième étage, un appartement à usage d'habitation,
' dans les combles, un appartement à usage d'habitation.
' Un second corps de bâtiment comprenant au rez-de-chaussée : une partie de surface commerciale.
' Un troisième corps de bâtiment comprenant :
' au sous-sol : un escalier,
' au rez-de-chaussée, une surface commerciale,
' aux étages, une cage d'escalier desservant deux appartements en duplex à usage d'habitation,
' Le tout cadastré Section BK n° [Cadastre 12] Lieudit [Adresse 4] pour 00 ha 01 a 43 ca,
* Les lots de copropriétés suivants :
' lot n° 1 :
' Une cave située au sous-sol du bâtiment A et composée d'un escalier d'accès et de 2 zones voûtées.
' Quote-part bâtiment A : 45/1000èmes.
' Et les 35/1000èmes des parties communes générales.
' Lot n° 2 :
' Un local commercial situé en rez-de-chaussée, dans l'emprise des bâtiments A, B, C et D et comprenant une loggia ouverte sur l'extérieur, une salle de restaurant, une zone bar, une cuisine et une zone sanitaire.
' Quote-part bâtiment A : 211/1000èmes ' Quote-part bâtiment B : 1000/1000èmes
' Quote-part bâtiment C : 17/1000èmes
' Quote-part bâtiment D : 437/1000èmes
' Et les 305/1000èmes des parties communes
' (superficie de la partie privative des lots de copropriété : 86,44 m² pour le lot numéro 2)
' Et ce selon état descriptif de division et règlement de copropriété établi au terme d'un acte reçu par Maître [O] [D], notaire à [Localité 14], le 18 mai 2015 publié au service de la publicité foncière d'[Localité 14] 1ER le 9 juin 2015, volume 2015P, numéro 3943.
' L'ensemble ayant été acquis par la SCI Jeanne suivant acte reçu par Maître [O] [D], notaire à Orléans, le 16 juillet 2015, publié au Service de la Publicité Foncière d'Orléans 1, le 14 août 2015, Volume 2015P numéro 5665.
' ordonner que la décision à intervenir vaudra vente ainsi que les publicités d'usage,
' condamner la SCI Jeanne et la SCI Prohome, in solidum ou l'une à défaut de l'autre, à payer la SARL Dauphin la somme de 50 004 euros à titre de dommages-intérêts par application de l'article 1240 du code civil,
' condamner la SCI Jeanne et la SCI Prohome in solidum à payer à la société Dauphin la somme de 4500 euros par application de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux dépens, comprenant notamment tous frais de publication, et accorder à la SCP Lavisse Bouamrirene Gaftoniuc le droit prévu à l'article 699 du CPC,
2ème chef de jugement critiqué : condamné la SARL Dauphin à payer à la SCI Jeanne et à la SCI Prohome la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
3ème chef de jugement critiqué : condamné la SARL Dauphin aux dépens,
- confirmer le jugement entrepris uniquement en ce qu'il a débouté la SCI Jeanne de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
Statuant à nouveau,
- déclarer la SARL Dauphin recevable et bien fondée en ses demandes, et y faire droit,
- débouter la SCI Jeanne et la SCI Prohome de l'ensemble de leurs demandes reconventionnelles, mal fondées,
- déclarer nulles et de nul effet, à tout le moins inopposables à la SARL Dauphin, la promesse unilatérale de vente ainsi que la vente conclues entre la SCI Jeanne et la SCI Prohome, portant sur des locaux commerciaux sis [Adresse 4] à Orléans,
- déclarer parfaite la vente forcée, par la SCI Jeanne, au profit de la SARL Dauphin, moyennant le versement du prix de 240 000 euros, des biens et droits immobiliers ainsi identifiés :
Dans un ensemble immobilier situé à [Adresse 15],
* Un local commercial d'une superficie d'environ 90 m²
Un premier corps de bâtiment sur rue comprenant :
' au sous-sol, une cave privative,
' au rez-de-chaussée, une partie d'espace commercial, une salle de restaurant et un long dégagement desservant les appartements,
' au premier étage, un appartement à usage d'habitation,
' au deuxième étage, un appartement à usage d'habitation,
' dans les combles, un appartement à usage d'habitation.
Un second corps de bâtiment comprenant au rez-de-chaussée : une partie de surface commerciale.
Un troisième corps de bâtiment comprenant :
' au sous-sol : un escalier,
' au rez-de-chaussée, une surface commerciale,
' aux étages, une cage d'escalier desservant deux appartements en duplex à usage d'habitation,
Le tout cadastré Section BK n° [Cadastre 12] Lieudit [Adresse 4] pour 00 ha 01 a 43 ca,
* Les lots de copropriétés suivants :
Lot n° 1 :
' Une cave située au sous-sol du bâtiment A et composée d'un escalier d'accès et de 2 zones voûtées.
' Quote-part bâtiment A : 45/1000èmes.
' Et les 35/1000èmes des parties communes générales.
Lot n° 2 :
' Un local commercial situé en rez-de-chaussée, dans l'emprise des bâtiments A, B, C et D et comprenant une loggia ouverte sur l'extérieur, une salle de restaurant, une zone bar, une cuisine et une zone sanitaire.
' Quote-part bâtiment A : 211/1000èmes ' Quote-part bâtiment B : 1000/1000èmes
' Quote-part bâtiment C : 17/1000èmes
' Quote-part bâtiment D : 437/1000èmes
' Et les 305/1000èmes des parties communes
' (superficie de la partie privative des lots de copropriété : 86,44 m² pour le lot numéro 2)
Et ce selon état descriptif de division et règlement de copropriété établi au terme d'un acte reçu par Maître [O] [D], notaire à [Localité 14], le 18 mai 2015 publié au service de la publicité foncière d'[Localité 14] 1ER le 9 juin 2015, volume 2015P, numéro 3943.
L'ensemble ayant été acquis par la SCI Jeanne suivant acte reçu par Maître [O] [D], notaire à Orléans, le 16 juillet 2015, publié au Service de la Publicité Foncière d'Orléans 1, le 14 août 2015, Volume 2015P numéro 5665,
- ordonner la vente forcée au profit de la SARL Dauphin,
- ordonner que la décision à intervenir vaudra vente et dire qu'elle sera publiée aux frais de la SCI Jeanne et de la SCI Prohome,
- condamner la SCI Jeanne et la SCI Prohome, in solidum ou l'une à défaut de l'autre, à payer à la SARL Dauphin la somme de 50 004 euros à titre de dommages-intérêts par application de l'article 1240 du code civil,
- condamner la SCI Jeanne et la SCI Prohome in solidum à payer à la société Dauphin la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, comprenant notamment tous frais de publication, et accorder à la SCP Lavisse Bouamrirene Gaftoniuc le droit prévu à l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 28 septembre 2022, la SCI Jeanne demande à la cour de:
Vu les dispositions de l'article L.145-46-1 du code de commerce,
Vu les dispositions des articles 514, 699 et 700 du code de procédure civile,
- dire et juger la SARL Dauphin mal fondée, abusive et dilatoire en son action,
- dire et juger la SCI Jeanne recevable et bien fondée en ses demandes reconventionnelles,
En conséquence,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Orléans le 2 mars 2022, à la seule exception de ses dispositions relatives aux demandes reconventionnelles,
Et statuant à nouveau,
- débouter la SARL Dauphin de toutes demandes, prétentions, moyens, fins et conclusions,
- condamner la SARL Dauphin à verser à la SCI Jeanne les sommes de :
* 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
* 4 000 euros d'indemnité relative aux frais irrépétibles de première instance,
- condamner la SARL Dauphin aux entiers dépens de première instance, lesquels seront directement recouvrés par la SCP Souchon-Catte-Louis-Plainguet,
Y ajoutant,
- condamner la SARL Dauphin à verser à la SCI Jeanne la somme de 4 000 euros à titre d'indemnité relative aux frais irrépétibles d'appel,
- condamner la SARL Dauphin aux entiers dépens de l'appel.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 29 septembre 2022, la SCI Prohome demande à la cour de :
Vu l'article L.145-46-1 du code de commerce,
- déclarer l'appel interjeté par la SARL Dauphin irrecevable et mal fondé,
- débouter la SARL Dauphin de toutes ses demandes, fins et conclusions y compris à venir, plus amples ou contraires,
- déclarer la SCI Prohome bien fondée et recevable en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Y faisant droit,
- confirmer le jugement du 2 mars 2022 en toutes ses dispositions,
- condamner la SARL Dauphin à payer à la SCI Prohome une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- condamne la SARL Dauphin à payer à la SCI Prohome une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SARL Dauphin aux entiers dépens qui seront recouvrés par Me Carpe conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux dernières écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 7 novembre 2024 et l'affaire évoquée à l'audience du 28 novembre 2024.
MOTIFS
L'article L.145-46-1 du code de commerce dispose que 'lorsque le propriétaire d'un local à usage commercial ou artisanal envisage de vendre celui-ci, il en informe le locataire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou remise en main prope contre récépissé ou émargement. Cette notification doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente envisagée. Elle vaut offre de vente au profit du locataire. Ce dernier dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de cette offre pour se prononcer. En cas d'acceptation, le locataire dispose, à compter de la date d'envoi de sa réponse au bailleur, d'un délai de deux mois pour la réalisation de la vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l'acceptation par le locataire de l'offre de vente est subordonnée à l'obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois'.
En l'espèce, la SCI Jeanne, propriétaire des locaux litigieux qu'elle envisageait de vendre, a adressé à la SARL Dauphin une lettre recommandée avec avis de réception, datée du 2 décembre 2019, déposée à la poste le 6 décembre 2019 et receptionnée le 9 décembre 2019 par son destinataire qui y a apposé sa signature, portant 'information de vente du local commercial sis [Adresse 5] à Orléans 45000 lots 1 et 2" et comportant le prix à savoir 240 000 euros et les modalités de la vente envisagée, outre la reproduction, exigée à peine de nullité, des dispositions des quatre premiers alinéas de l'article L.145-46-1 du code de commerce.
La SARL Dauphin soutient qu'elle n'a jamais reçu ce courrier qui ne lui a jamais été remis. Elle indique qu'ayant appris de manière totalement fortuite la décision de la SCI Jeanne de vendre les locaux litigieux, elle a notifié à celle-ci, par lettre recommandée du 13 janvier 2020, son intention d'acquérir aux dites conditions et pour le prix proposé de 240 000 euros, intention réitérée à l'adresse du notaire instrumentaire par courrier recommandé avec avis de réception du 23 janvier 2020, ses courriers étant restés sans réponse.
Elle considère que faute de notification régulière, le délai d'un mois prévu à l'article L.145-46-1 du code de commerce ouvert à la société preneuse pour accepter l'offre n'a pas couru et que le droit de préemption du locataire n'a pas été purgé, de sorte qu'en application de cet article la promesse de vente du 9 janvier 2020 avec toutes suites et conséquences doit être déclarée nulle et de nul effet, à tout le moins inopposable à la société Dauphin.
La SARL Dauphin relève deux anomalies dans la prétendue notification du projet de cession, l'une relevant du récépissé d'accusé de réception qui indique comme expéditeur la SARL Orest demeurant [Adresse 8], personne morale étrangère à cette affaire sans lien contractuel avec la société Dauphin, l'autre de la signature figurant sur le récépissé du 9 janvier 2020 qui n'est pas celle du gérant de la SARL Dauphin.
Il s'avère que la lettre d'information datée du 2 décembre 2019 est adressée par la 'SCI [Adresse 13] [Adresse 3]', mentionnée sur l'en-tête, à la SARL Dauphin et signée par 'bailleur pour la SCI Jeanne, le représentant légal, [K] [Z]' et que ce courrier a été expédié en recommandé avec avis de réception par la 'SARL Orest [Adresse 8]'.
Il est établi que la SARL Orest est la holding de la SCI Jeanne dont elle détient 85% du capital social, les deux sociétés ayant le même gérant, M. [K] [Z]. Il est loisible à la société holding d'accomplir diverses formalités administratives pour le compte de sa filiale comme la notification du présent courrier de purge du droit de préférence, sans que cela n'induise en erreur la société Dauphin, dès lors que le courrier d'information est bien à en-tête de la SCI Jeanne et qu'il n'est pas contesté que la SARL Orest n'a aucune autre affaire avec la SARL Dauphin. Ainsi l'expédition du courrier de la SCI Jeanne par la société Orest ne saurait affecter la régularité de la notification.
Il est démontré par la preuve de dépôt d'une lettre recommandée avec avis de réception du 6 décembre 2019 (numéro objet 3A 000 412 8410 0) et l'avis de réception de votre lettre recommandée du 9 décembre 2019 (numéro AR 34 000 412 8410 0) que la SARL Dauphin est la destinataire et la réceptrice du courrier d'information. L'avis de réception porte la signature du destinataire.
En vertu de l'article 690 alinéa 1er du code de procédure civile, la notification destinée à une personne morale de droit privé est faite au lieu de son établissement. Il en résulte que la notification destinée à une personne morale de droit privé, lorqu'elle est faite au lieu de son établissement, est régulière et fait courir les délais de recours, sans qu'il y ait lieu de vérifier si l'avis de réception a été signé par une personne habilitée à recevoir l'acte (Com. 13 octobre 2015, n° 14-18.855).
En l'espèce, la notification a été faite à l'adresse de la société Dauphin figurant sur l'acte authentique de cession du fonds de commerce du 27 novembre 2019, à savoir [Adresse 7], adresse de son siège, où elle exploite également un fonds de commerce de bar-café. Il en résulte que la société Dauphin a bien réceptionné le courrier d'information le 9 décembre 2019 et disposait donc d'un délai d'un mois pour se prononcer, soit jusqu'au 9 janvier 2020, et qu'il ne saurait être reproché à la SCI Jeanne de ne pas avoir procédé par voie d'huissier, mode de notification non prévu par la loi.
La SARL Dauphin ne s'est pas manifestée dans le délai imparti, les courriers dont elle se prévaut en date des 13 et 23 janvier 2020 étant postérieurs à l'expiration dudit délai.
Par confirmation du jugement entrepris, elle sera déboutée de ses demandes de nullité voire d'inopposabilité de la promesse de vente du 9 janvier 2020 et de la réitération de la vente définitive le 30 avril 2020 et partant de sa demande de dommages-intérêts.
Sur les autres demandes :
La SCI Jeanne et la SCI Prohome ne justifient pas d'un préjudice distinct de celui résultant de l'obligation dans laquelle elles se sont trouvées l'une et l'autre d'engager des frais pour assurer leur défense, lequel est réparé par l'octroi d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elles seront donc déboutées de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, et ce par confirmation du jugement entrepris pour la SCI Jeanne.
Le sort des dépens et de l'indemnité de procédure a été exactement réglé par le premier juge.
La SARL Dauphin, qui succombe, supportera la charge des dépens d'appel et sera condamnée à verser à chacune des SCI Jeanne et SCI Prohome la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement du 2 mars 2022 du tribunal judiciaire d'Orléans en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
DÉBOUTE la SCI Prohome de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
CONDAMNE la SARL Dauphin aux dépens d'appel, lesquels pourront être directement recouvrés par Me Carpe, avocat, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SARL Dauphin à verser à la SCI Jeanne la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SARL Dauphin à verser à la SCI Prohome la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Monsieur Axel DURAND, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 09/10/2025
la SCP LAVISSE BOUAMRIRENE GROUP
la SCP LAVAL CROZE CARPE
la SELAFA CHAINTRIER AVOCATS
ARRÊT du : 09 OCTOBRE 2025
N° : 210 - 25
N° RG 22/00942
N° Portalis DBVN-V-B7G-GR4U
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'[Localité 14] en date du 02 Mars 2022
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :
S.A.R.L. DAUPHIN - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265285343930965
Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 10]
Ayant pour avocat Me Pascal LAVISSE, membre de la SCP LAVISSE BOUAMRIRENE GROUP, avocat au barreau d'ORLEANS
D'UNE PART
INTIMÉES :
S.C.I. PROHOME - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265283164651753
Prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 9]
[Localité 10]
Ayant pour avocat Me Christophe CARPE, membre de la SCP LAVAL CROZE CARPE, avocat au barreau d'ORLEANS
S.C.I. JEANNE Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265284883476330
[Adresse 2]
[Localité 11]
Ayant pour avocat postulant Me Marie-sophie ETIENNE LUCAS, membre de la SELAFA CHAINTRIER AVOCATS, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me François SOUCHON, membre de la SCP SCP SOUCHON - CATTE - LOUIS - PLAINGUET, avocat au barreau de CHARTRES
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 19 Avril 2022
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 7 Novembre 2024
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats à l'audience publique du JEUDI 28 NOVEMBRE 2024, à 14 heures, Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, en charge du rapport, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, et Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 805 et 907 du code de procédure civile.
Après délibéré au cours duquel Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, et Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :
Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller,
Greffier :
Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats
et Monsieur Axel DURAND, Greffier lors du prononcé,
ARRÊT :
Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 09 OCTOBRE 2025 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
La SARL Dauphin est propriétaire d'un fonds de commerce de restauration qu'elle exploite dans les locaux situés [Adresse 5] à Orléans 45000 appartenant à la SCI Jeanne qui les a donnés à bail commercial suivant acte sous seing privé du 1er août 2015 au précédent propriétaire du fonds.
Par acte notarié du 9 janvier 2020, la SCI Jeanne a consenti à la SCI Prohome une promesse unilatérale de vente desdits locaux pour une durée expirant le 9 avril 2020 moyennant le prix de 240.000 euros payable comptant le jour de la constatation authentique de la réalisation de la promesse. La vente définitive du bien immobilier est intervenue par acte authentique du 30 avril 2020 moyennant le prix de 240 000 euros.
La SARL Dauphin faisant valoir qu'elle n'avait pas été destinataire de l'information prévue à l'article L.145-46-1 du code de commerce et partant n'avait pas été mise en mesure d'exercer son droit de préemption, a, par acte du 12 mars 2020, fait assigner la SCI Jeanne et la SCI Prohome devant le tribunal judiciaire d'Orléans aux fins, dans le dernier état de ses écritures, de voir déclarer nulles la promesse unilatérale de vente et la vente conclues entre les SCI Jeanne et Prohome et à tout le moins les lui déclarer inopposables, déclarer parfaite la vente forcée par la SCI Jeanne au profit de la société Dauphin, moyennant le versement du prix de 240 000 euros, des biens et droits immobiliers situés [Adresse 5], ordonner que la décision à intervenir vaudra vente ainsi que les publicités d'usage, condamner les SCI Jeanne et Prohome en paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi, outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire du 2 mars 2022, le tribunal judiciaire d'Orléans a :
- débouté la SARL Dauphin de l'ensemble de ses prétentions,
- débouté la SCI Jeanne de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- rejeté toute demande plus ample ou contraire,
- condamné la SARL Dauphin à payer à la SCI Jeanne et à la SCI Prohome la somme de 1 500 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- laissé les dépens à la charge de la SARL Dauphin, avec distraction au profit de la SCP Souchon-Catte-Louis-Plainguet.
Suivant déclaration du 19 avril 2022, la SARL Dauphin a interjeté appel de l'ensemble des chefs expressément énoncés de ce jugement lui faisant grief.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 26 décembre 2022, la SARL Dauphin demande à la cour de :
Vu l'article L.145-46-1 du code de commerce,
Vu l'article 1240 du code civil,
Vu ce qui précède,
Rejetant toutes demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,
- déclarer la SARL Dauphin recevable et bien fondée en son appel, y faire droit,
- déclarer les parties adverses SCI Jeanne et SCI Prohome mal fondées en leurs demandes, moyens, fins et prétentions, y compris à titre d'appel incident, les en débouter,
- rejeter l'appel incident des parties adverses,
- annuler et/ou infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
1er chef de jugement critiqué : débouté la SARL Dauphin de l'ensemble de ses prétentions à savoir:
' juger la SARL Dauphin recevable et bien fondée en ses demandes et y faire droit,
' déclarer nulles et de nul effet, à tout le moins inopposables à la SARL Dauphin, la promesse unilatérale de vente ainsi que la vente conclues entre la SCI Jeanne et la SCI Prohome, portant sur des locaux commerciaux sis [Adresse 4] à Orléans,
' déclarer parfaite la vente forcée, par la SCI Jeanne, au profit de la SARL Dauphin, moyennant le versement du prix de 240 000 euros, des biens et droits immobiliers ainsi identifiés :
' dans un ensemble immobilier situé à [Localité 14] [Adresse 1],
* Un local commercial d'une superficie d'environ 90 m²
' Un premier corps de bâtiment sur rue comprenant :
' au sous-sol, une cave privative,
' au rez-de-chaussée, une partie d'espace commercial, une salle de restaurant et un long dégagement desservant les appartements,
' au premier étage, un appartement à usage d'habitation,
' au deuxième étage, un appartement à usage d'habitation,
' dans les combles, un appartement à usage d'habitation.
' Un second corps de bâtiment comprenant au rez-de-chaussée : une partie de surface commerciale.
' Un troisième corps de bâtiment comprenant :
' au sous-sol : un escalier,
' au rez-de-chaussée, une surface commerciale,
' aux étages, une cage d'escalier desservant deux appartements en duplex à usage d'habitation,
' Le tout cadastré Section BK n° [Cadastre 12] Lieudit [Adresse 4] pour 00 ha 01 a 43 ca,
* Les lots de copropriétés suivants :
' lot n° 1 :
' Une cave située au sous-sol du bâtiment A et composée d'un escalier d'accès et de 2 zones voûtées.
' Quote-part bâtiment A : 45/1000èmes.
' Et les 35/1000èmes des parties communes générales.
' Lot n° 2 :
' Un local commercial situé en rez-de-chaussée, dans l'emprise des bâtiments A, B, C et D et comprenant une loggia ouverte sur l'extérieur, une salle de restaurant, une zone bar, une cuisine et une zone sanitaire.
' Quote-part bâtiment A : 211/1000èmes ' Quote-part bâtiment B : 1000/1000èmes
' Quote-part bâtiment C : 17/1000èmes
' Quote-part bâtiment D : 437/1000èmes
' Et les 305/1000èmes des parties communes
' (superficie de la partie privative des lots de copropriété : 86,44 m² pour le lot numéro 2)
' Et ce selon état descriptif de division et règlement de copropriété établi au terme d'un acte reçu par Maître [O] [D], notaire à [Localité 14], le 18 mai 2015 publié au service de la publicité foncière d'[Localité 14] 1ER le 9 juin 2015, volume 2015P, numéro 3943.
' L'ensemble ayant été acquis par la SCI Jeanne suivant acte reçu par Maître [O] [D], notaire à Orléans, le 16 juillet 2015, publié au Service de la Publicité Foncière d'Orléans 1, le 14 août 2015, Volume 2015P numéro 5665.
' ordonner que la décision à intervenir vaudra vente ainsi que les publicités d'usage,
' condamner la SCI Jeanne et la SCI Prohome, in solidum ou l'une à défaut de l'autre, à payer la SARL Dauphin la somme de 50 004 euros à titre de dommages-intérêts par application de l'article 1240 du code civil,
' condamner la SCI Jeanne et la SCI Prohome in solidum à payer à la société Dauphin la somme de 4500 euros par application de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux dépens, comprenant notamment tous frais de publication, et accorder à la SCP Lavisse Bouamrirene Gaftoniuc le droit prévu à l'article 699 du CPC,
2ème chef de jugement critiqué : condamné la SARL Dauphin à payer à la SCI Jeanne et à la SCI Prohome la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
3ème chef de jugement critiqué : condamné la SARL Dauphin aux dépens,
- confirmer le jugement entrepris uniquement en ce qu'il a débouté la SCI Jeanne de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
Statuant à nouveau,
- déclarer la SARL Dauphin recevable et bien fondée en ses demandes, et y faire droit,
- débouter la SCI Jeanne et la SCI Prohome de l'ensemble de leurs demandes reconventionnelles, mal fondées,
- déclarer nulles et de nul effet, à tout le moins inopposables à la SARL Dauphin, la promesse unilatérale de vente ainsi que la vente conclues entre la SCI Jeanne et la SCI Prohome, portant sur des locaux commerciaux sis [Adresse 4] à Orléans,
- déclarer parfaite la vente forcée, par la SCI Jeanne, au profit de la SARL Dauphin, moyennant le versement du prix de 240 000 euros, des biens et droits immobiliers ainsi identifiés :
Dans un ensemble immobilier situé à [Adresse 15],
* Un local commercial d'une superficie d'environ 90 m²
Un premier corps de bâtiment sur rue comprenant :
' au sous-sol, une cave privative,
' au rez-de-chaussée, une partie d'espace commercial, une salle de restaurant et un long dégagement desservant les appartements,
' au premier étage, un appartement à usage d'habitation,
' au deuxième étage, un appartement à usage d'habitation,
' dans les combles, un appartement à usage d'habitation.
Un second corps de bâtiment comprenant au rez-de-chaussée : une partie de surface commerciale.
Un troisième corps de bâtiment comprenant :
' au sous-sol : un escalier,
' au rez-de-chaussée, une surface commerciale,
' aux étages, une cage d'escalier desservant deux appartements en duplex à usage d'habitation,
Le tout cadastré Section BK n° [Cadastre 12] Lieudit [Adresse 4] pour 00 ha 01 a 43 ca,
* Les lots de copropriétés suivants :
Lot n° 1 :
' Une cave située au sous-sol du bâtiment A et composée d'un escalier d'accès et de 2 zones voûtées.
' Quote-part bâtiment A : 45/1000èmes.
' Et les 35/1000èmes des parties communes générales.
Lot n° 2 :
' Un local commercial situé en rez-de-chaussée, dans l'emprise des bâtiments A, B, C et D et comprenant une loggia ouverte sur l'extérieur, une salle de restaurant, une zone bar, une cuisine et une zone sanitaire.
' Quote-part bâtiment A : 211/1000èmes ' Quote-part bâtiment B : 1000/1000èmes
' Quote-part bâtiment C : 17/1000èmes
' Quote-part bâtiment D : 437/1000èmes
' Et les 305/1000èmes des parties communes
' (superficie de la partie privative des lots de copropriété : 86,44 m² pour le lot numéro 2)
Et ce selon état descriptif de division et règlement de copropriété établi au terme d'un acte reçu par Maître [O] [D], notaire à [Localité 14], le 18 mai 2015 publié au service de la publicité foncière d'[Localité 14] 1ER le 9 juin 2015, volume 2015P, numéro 3943.
L'ensemble ayant été acquis par la SCI Jeanne suivant acte reçu par Maître [O] [D], notaire à Orléans, le 16 juillet 2015, publié au Service de la Publicité Foncière d'Orléans 1, le 14 août 2015, Volume 2015P numéro 5665,
- ordonner la vente forcée au profit de la SARL Dauphin,
- ordonner que la décision à intervenir vaudra vente et dire qu'elle sera publiée aux frais de la SCI Jeanne et de la SCI Prohome,
- condamner la SCI Jeanne et la SCI Prohome, in solidum ou l'une à défaut de l'autre, à payer à la SARL Dauphin la somme de 50 004 euros à titre de dommages-intérêts par application de l'article 1240 du code civil,
- condamner la SCI Jeanne et la SCI Prohome in solidum à payer à la société Dauphin la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, comprenant notamment tous frais de publication, et accorder à la SCP Lavisse Bouamrirene Gaftoniuc le droit prévu à l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 28 septembre 2022, la SCI Jeanne demande à la cour de:
Vu les dispositions de l'article L.145-46-1 du code de commerce,
Vu les dispositions des articles 514, 699 et 700 du code de procédure civile,
- dire et juger la SARL Dauphin mal fondée, abusive et dilatoire en son action,
- dire et juger la SCI Jeanne recevable et bien fondée en ses demandes reconventionnelles,
En conséquence,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Orléans le 2 mars 2022, à la seule exception de ses dispositions relatives aux demandes reconventionnelles,
Et statuant à nouveau,
- débouter la SARL Dauphin de toutes demandes, prétentions, moyens, fins et conclusions,
- condamner la SARL Dauphin à verser à la SCI Jeanne les sommes de :
* 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
* 4 000 euros d'indemnité relative aux frais irrépétibles de première instance,
- condamner la SARL Dauphin aux entiers dépens de première instance, lesquels seront directement recouvrés par la SCP Souchon-Catte-Louis-Plainguet,
Y ajoutant,
- condamner la SARL Dauphin à verser à la SCI Jeanne la somme de 4 000 euros à titre d'indemnité relative aux frais irrépétibles d'appel,
- condamner la SARL Dauphin aux entiers dépens de l'appel.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 29 septembre 2022, la SCI Prohome demande à la cour de :
Vu l'article L.145-46-1 du code de commerce,
- déclarer l'appel interjeté par la SARL Dauphin irrecevable et mal fondé,
- débouter la SARL Dauphin de toutes ses demandes, fins et conclusions y compris à venir, plus amples ou contraires,
- déclarer la SCI Prohome bien fondée et recevable en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Y faisant droit,
- confirmer le jugement du 2 mars 2022 en toutes ses dispositions,
- condamner la SARL Dauphin à payer à la SCI Prohome une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- condamne la SARL Dauphin à payer à la SCI Prohome une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SARL Dauphin aux entiers dépens qui seront recouvrés par Me Carpe conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux dernières écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 7 novembre 2024 et l'affaire évoquée à l'audience du 28 novembre 2024.
MOTIFS
L'article L.145-46-1 du code de commerce dispose que 'lorsque le propriétaire d'un local à usage commercial ou artisanal envisage de vendre celui-ci, il en informe le locataire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou remise en main prope contre récépissé ou émargement. Cette notification doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente envisagée. Elle vaut offre de vente au profit du locataire. Ce dernier dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de cette offre pour se prononcer. En cas d'acceptation, le locataire dispose, à compter de la date d'envoi de sa réponse au bailleur, d'un délai de deux mois pour la réalisation de la vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l'acceptation par le locataire de l'offre de vente est subordonnée à l'obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois'.
En l'espèce, la SCI Jeanne, propriétaire des locaux litigieux qu'elle envisageait de vendre, a adressé à la SARL Dauphin une lettre recommandée avec avis de réception, datée du 2 décembre 2019, déposée à la poste le 6 décembre 2019 et receptionnée le 9 décembre 2019 par son destinataire qui y a apposé sa signature, portant 'information de vente du local commercial sis [Adresse 5] à Orléans 45000 lots 1 et 2" et comportant le prix à savoir 240 000 euros et les modalités de la vente envisagée, outre la reproduction, exigée à peine de nullité, des dispositions des quatre premiers alinéas de l'article L.145-46-1 du code de commerce.
La SARL Dauphin soutient qu'elle n'a jamais reçu ce courrier qui ne lui a jamais été remis. Elle indique qu'ayant appris de manière totalement fortuite la décision de la SCI Jeanne de vendre les locaux litigieux, elle a notifié à celle-ci, par lettre recommandée du 13 janvier 2020, son intention d'acquérir aux dites conditions et pour le prix proposé de 240 000 euros, intention réitérée à l'adresse du notaire instrumentaire par courrier recommandé avec avis de réception du 23 janvier 2020, ses courriers étant restés sans réponse.
Elle considère que faute de notification régulière, le délai d'un mois prévu à l'article L.145-46-1 du code de commerce ouvert à la société preneuse pour accepter l'offre n'a pas couru et que le droit de préemption du locataire n'a pas été purgé, de sorte qu'en application de cet article la promesse de vente du 9 janvier 2020 avec toutes suites et conséquences doit être déclarée nulle et de nul effet, à tout le moins inopposable à la société Dauphin.
La SARL Dauphin relève deux anomalies dans la prétendue notification du projet de cession, l'une relevant du récépissé d'accusé de réception qui indique comme expéditeur la SARL Orest demeurant [Adresse 8], personne morale étrangère à cette affaire sans lien contractuel avec la société Dauphin, l'autre de la signature figurant sur le récépissé du 9 janvier 2020 qui n'est pas celle du gérant de la SARL Dauphin.
Il s'avère que la lettre d'information datée du 2 décembre 2019 est adressée par la 'SCI [Adresse 13] [Adresse 3]', mentionnée sur l'en-tête, à la SARL Dauphin et signée par 'bailleur pour la SCI Jeanne, le représentant légal, [K] [Z]' et que ce courrier a été expédié en recommandé avec avis de réception par la 'SARL Orest [Adresse 8]'.
Il est établi que la SARL Orest est la holding de la SCI Jeanne dont elle détient 85% du capital social, les deux sociétés ayant le même gérant, M. [K] [Z]. Il est loisible à la société holding d'accomplir diverses formalités administratives pour le compte de sa filiale comme la notification du présent courrier de purge du droit de préférence, sans que cela n'induise en erreur la société Dauphin, dès lors que le courrier d'information est bien à en-tête de la SCI Jeanne et qu'il n'est pas contesté que la SARL Orest n'a aucune autre affaire avec la SARL Dauphin. Ainsi l'expédition du courrier de la SCI Jeanne par la société Orest ne saurait affecter la régularité de la notification.
Il est démontré par la preuve de dépôt d'une lettre recommandée avec avis de réception du 6 décembre 2019 (numéro objet 3A 000 412 8410 0) et l'avis de réception de votre lettre recommandée du 9 décembre 2019 (numéro AR 34 000 412 8410 0) que la SARL Dauphin est la destinataire et la réceptrice du courrier d'information. L'avis de réception porte la signature du destinataire.
En vertu de l'article 690 alinéa 1er du code de procédure civile, la notification destinée à une personne morale de droit privé est faite au lieu de son établissement. Il en résulte que la notification destinée à une personne morale de droit privé, lorqu'elle est faite au lieu de son établissement, est régulière et fait courir les délais de recours, sans qu'il y ait lieu de vérifier si l'avis de réception a été signé par une personne habilitée à recevoir l'acte (Com. 13 octobre 2015, n° 14-18.855).
En l'espèce, la notification a été faite à l'adresse de la société Dauphin figurant sur l'acte authentique de cession du fonds de commerce du 27 novembre 2019, à savoir [Adresse 7], adresse de son siège, où elle exploite également un fonds de commerce de bar-café. Il en résulte que la société Dauphin a bien réceptionné le courrier d'information le 9 décembre 2019 et disposait donc d'un délai d'un mois pour se prononcer, soit jusqu'au 9 janvier 2020, et qu'il ne saurait être reproché à la SCI Jeanne de ne pas avoir procédé par voie d'huissier, mode de notification non prévu par la loi.
La SARL Dauphin ne s'est pas manifestée dans le délai imparti, les courriers dont elle se prévaut en date des 13 et 23 janvier 2020 étant postérieurs à l'expiration dudit délai.
Par confirmation du jugement entrepris, elle sera déboutée de ses demandes de nullité voire d'inopposabilité de la promesse de vente du 9 janvier 2020 et de la réitération de la vente définitive le 30 avril 2020 et partant de sa demande de dommages-intérêts.
Sur les autres demandes :
La SCI Jeanne et la SCI Prohome ne justifient pas d'un préjudice distinct de celui résultant de l'obligation dans laquelle elles se sont trouvées l'une et l'autre d'engager des frais pour assurer leur défense, lequel est réparé par l'octroi d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elles seront donc déboutées de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, et ce par confirmation du jugement entrepris pour la SCI Jeanne.
Le sort des dépens et de l'indemnité de procédure a été exactement réglé par le premier juge.
La SARL Dauphin, qui succombe, supportera la charge des dépens d'appel et sera condamnée à verser à chacune des SCI Jeanne et SCI Prohome la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement du 2 mars 2022 du tribunal judiciaire d'Orléans en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
DÉBOUTE la SCI Prohome de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
CONDAMNE la SARL Dauphin aux dépens d'appel, lesquels pourront être directement recouvrés par Me Carpe, avocat, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SARL Dauphin à verser à la SCI Jeanne la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SARL Dauphin à verser à la SCI Prohome la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Monsieur Axel DURAND, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT