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Décisions

CA Orléans, ch. com., 9 octobre 2025, n° 23/01866

ORLÉANS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Arkea financements et services (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chegaray

Conseillers :

Mme Chenot, M. Desforges

Avocats :

Me Pesme, Me Hascoet, Me Chollet, Me Boulaire

JCP [Localité 10], du 23 mai 2023

23 mai 2023

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Suivant contrat signé le 10 juillet 2010, M. [M] [R] a commandé auprès de la société Rev'Solaire la fourniture et la pose d'un système photovoltaïque pour un prix de 21'400 euros, entièrement financé par la souscription le même jour auprès de la société Financo d'un emprunt du même montant au taux nominal de 5,50 % remboursable sur 12 ans au moyen de mensualités de 255,63 euros, assurance incluse, emprunt signé à la fois par M. [M] [R] et Mme [E] [C].

La société Rev'Solaire a été placée en redressement judiciaire suivant jugement du 30 octobre 2013, puis en liquidation judiciaire le 9 juillet 2014, Maître [L] [H] étant désigné liquidateur.

Se plaignant de ce que l'installation ne satisfaisait en rien aux promesses de rendement qui lui avaient été faites et de ce que l'investissement qui devait réduire sa facture énergétique s'était au contraire révélé très coûteux, M. [M] [R] a fait assigner devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d'Orléans la société Financo, la société [H]-Ponroy ès-qualités de liquidateur de la société Rev'Solaire, ainsi que Mme [E] [C] suivant actes des 11 août, 16 août et 16 septembre 2022, en vue de voir notamment prononcer la nullité du contrat de vente et celle du contrat de crédit affecté conclus le 10 juillet 2010 et de voir la société Financo privée de sa créance de restitution du capital emprunté outre la voir condamnée à lui verser les sommes de :

- 21'400 euros correspondant à l'intégralité du prix de vente de l'installation,

- 15'410,72 euros correspondant aux intérêts conventionnels et frais payés en exécution du prêt souscrit,

- 5 000 euros au titre du préjudice moral,

- 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

outre la mise à la charge de la liquidation judiciaire de la désinstallation, de l'enlèvement et de la remise en état de la toiture de la maison.

Par jugement du 23 mai 2023, le tribunal judiciaire d'Orléans a :

- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la SA Financo,

- déclaré recevables les demandes formées par M. [M] [R],

- annulé le contrat de vente principal du 10 juillet 2010 signé par M. [M] [R] avec la SAS Rev'Solaire désormais prise en la personne de la SAS [H] Ponroy et associés en qualité de mandataire liquidateur de cette société, selon bon de commande du 10 juillet 2010,

- constaté et au besoin prononcé la nullité du contrat de crédit souscrit le 10 juillet 2010 par M. [M] [R] auprès de la SA Financo et affecté au contrat principal,

- condamné la SA Financo à verser à M. [M] [R] la somme de 21 400 euros, avec intérêt au taux légal à compter du jugement,

- débouté M. [M] [R] de sa demande de paiement des intérêts conventionnels et des frais,

- débouté M. [M] [R] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- débouté la SA Financo de l'ensemble de ses prétentions,

- rejeté toute demande plus ample ou contraire,

- condamné la SA Financo à verser à M. [M] [R] la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toute demande plus ample ou contraire,

- dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision,

- laissé les dépens à la charge de la SA Financo.

La société Financo a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 20 juillet 2023 en critiquant expressément tous les chefs du jugement lui faisant grief.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 21 mars 2025, la société Financo devenue Arkéa Financements & Services demande à la cour de :

À titre principal :

- infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- déclarer les demandes de M. [R] et Mme [C] irrecevables, la prescription étant acquise, et subsidiairement mal fondées et les en débouter,

- condamner solidairement M. [M] [R] et Mme [E] [C] à rembourser à la société Arkéa Financements & Services anciennement dénommée la société Financo l'intégralité des sommes perçues dans le cadre de l'exécution provisoire,

À titre subsidiaire, si la cour venait à confirmer le jugement sur la nullité des conventions :

- condamner solidairement M. [M] [R] et Mme [E] [C] à rembourser à la société Arkéa Financements & Services, anciennement dénommée la société Financo, le capital emprunté d'un montant de 21 400 euros au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, en l'absence de faute de Financo et en toute hypothèse en l'absence de préjudice et de lien de causalité,

À titre infiniment subsidiaire :

- condamner la société Arkéa Financements & Services, anciennement dénommée la société Financo, à payer à M. [M] [R] et Mme [E] [C] la somme de 1 euro de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à l'insolvabilité du vendeur,

- condamner solidairement M. [M] [R] et Mme [E] [C] à rembourser à la société Arkéa Financements & Services, anciennement dénommée la société Financo le capital emprunté d'un montant de 21 400 euros au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,

En tout état de cause :

- condamner solidairement M. [M] [R] et Mme [E] [C] à payer à la société Arkéa Financements & Services, anciennement dénommée la société Financo, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement M. [M] [R] et Mme [E] [C] aux entiers dépens.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 31 mars 2025, M. [M] [R] et Mme [E] [C] demandent à la cour de :

Vu l'article liminaire du code de la consommation,

Vu les anciens articles 1109 et 1116 du code civil,

Vu l'article 16 de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finance rectificative pour 2012,

Vu les articles L. 121-23 à L. 121-26 du code de la consommation, dans leur rédaction issue de la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993,

Vu l'article L. 121-28, tel qu'issu de la loi n°2008-776 du 4 août 2008,

Vu la jurisprudence citée et l'ensemble des pièces visées aux débats,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

* rejette la fin de non-recevoir soulevée par la SA Financo,

* déclare recevables les demandes formées par M. [M] [R],

* annule le contrat de vente principal du 10 juillet 2010 signé par M. [M] [R] avec la SAS Rev'Solaire désormais prise en la personne de la SAS [H] Ponroy et associés en qualité de mandataire liquidateur de cette société, selon bon de commande du 10 juillet 2010,

* constate et au besoin prononce la nullité du contrat de crédit souscrit le 10 juillet 2010 par M. [M] [R] auprès de la SA Financo et affecté au contrat principal,

* condamne la SA Financo à verser à M. [M] [R] la somme de 21 400 euros, avec intérêt au taux légal à compter du présent jugement,

* déboute la SA Financo de l'ensemble de ses prétentions,

* rejette toute demande plus ample ou contraire,

* condamne la SA Financo à verser à M. [M] [R] la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

* dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la présente décision,

* laisse les dépens à la charge de la SA Financo,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

* déboute M. [M] [R] de sa demande de paiement des intérêts conventionnels et des frais,

* déboute M. [M] [R] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- constater que la société Financo a commis une faute dans le déblocage des fonds et doit être privée de sa créance de restitution du capital emprunté, et la condamner à procéder au remboursement de l'ensemble des sommes versées par M. [M] [R] et Mme [E] [C] au titre de l'exécution normale du contrat de prêt litigieux ;

- condamner la société Financo à verser à M. [M] [R] et Mme [E] [C] l'intégralité des sommes suivantes :

* 21 400 euros correspondant à l'intégralité du prix de vente de l'installation ;

* 15 410,72 euros correspondant aux intérêts conventionnels et frais payés par M. [M] [R] et Mme [E] [C] à la société financo en exécution du prêt souscrit ;

* 5 000 euros au titre du préjudice moral ;

* 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter la société Financo et la société Rev'solaire de l'intégralité de leurs prétentions, fins et conclusions contraires ;

- condamner la société Financo à supporter les dépens de l'instance.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.

Maître [H] ès-qualités de liquidateur de la société Rev'Solaire s'est vu signifier la déclaration d'appel de la société Financo ainsi que ses conclusions le 6 octobre 2023 par acte remis à domicile. M. [M] [R] et Mme [E] [C] lui ont fait signifier leurs premières écritures d'intimés suivant acte remis à personne morale le 24 janvier 2024. Il n'a pas constitué avocat.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 24 avril 2025. L'affaire a été plaidée le 15 mai suivant.

MOTIFS

Sur la recevabilité des demandes :

M. [M] [R] et Mme [E] [C] fondent leur action en nullité principalement sur la méconnaissance des prescriptions d'ordre public du code de la consommation, et de manière secondaire sur l'existence d'un dol, quand bien même ils ne font qu'évoquer lapidairement ce second moyen en page 14 de leurs écritures, sans le développer.

Une telle action en nullité se prescrit par 5 ans à compter du jour où les intimés ont connu ou auraient dû connaître les faits leur permettant de l'exercer, ce conformément à l'article 2224 du code civil.

S'agissant du dol allégué, M. [M] [R] et Mme [E] [C] ont pu, dès réception de leur première facture établie le 2 mars 2012, constater que leur installation n'était pas aussi efficiente que ce que prévoyait la simulation manuscrite de l'agent commercial qui les a démarchés. Cette simulation prenait pour base de calcul une production annuelle de 2479 kWh et un revenu de 1437 euros par an, là où leur installation n'a produit la première année que 2412 kWh pour un rachat d'électricité à hauteur de 1399 euros, soit un résultat légèrement inférieur. Leur deuxième facture du 2 mars 2013 a quant à elle été établie sur la base d'une production annuelle de 2140 kWh, pour une valeur rachetée de 1255 euros. Elle devait suffire à les convaincre du décalage entre ce qu'avait pu leur laisser entrevoir leur vendeur et la productivité réelle de leur installation, ce d'autant que les factures des années ultérieures se sont avérées, pour la majorité d'entre elles, plus élevées que cette deuxième facture. Au total, l'ensemble des factures produites par les appelants portant sur la période de 2012 à 2020 montre une production annuelle moyenne de 2206 kWh (à rapprocher des 2479 kWh retenus dans les calculs manuscrits du commercial), pour un revenu annuel moyen de 1300 euros (à comparer aux 1437 euros retenus dans la simulation).

Le dol dénoncé par les appelants reposant sur une promesse de rendement non tenue, il doit être considéré, compte tenu des constats qui précèdent, que le délai quinquennal de prescription de l'action fondée sur un tel moyen a commencé à courir au plus tard le 2 mars 2013, date de la deuxième facture annuelle de rachat d'électricité, et que ce délai était donc expiré depuis plus de 4 ans lorsque M. [M] [R] a introduit la présente procédure à l'été 2022.

La demande de M. [M] [R] et Mme [E] [C] fondée sur le dol se trouve donc prescrite.

Il en va en revanche différemment de leur demande en nullité fondée sur les irrégularités affectant le contrat de vente.

Il est constant, et la société Arkéa l'écrit elle-même, que conformément à l'article 2224 précité, le délai de prescription d'une telle demande a commencé à courir du jour où M. [M] [R] et Mme [E] [C] ont été en mesure de constater les vices qu'ils allèguent.

Il convient par ailleurs de rappeler qu'en application de l'article 1315 alinéa 2, devenu 1353 alinéa 2, du code civil, la charge de la preuve du point de départ d'un délai de prescription incombe à celui qui invoque cette fin de non-recevoir, en l'occurrence la société Arkéa (Com, 24 janvier 2024, n°22-10.492).

Or aucun élément de l'espèce ne vient établir que dès avant les 5 ans précédant son acte introductif d'instance, soit antérieurement au mois d'août 2017, M. [M] [R] était en mesure de connaître les vices affectant son contrat et qui résultaient du non-respect des dispositions du code de la consommation.

À cet égard, la reproduction même lisible des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement au dos du contrat ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservations de ces dispositions (Civ 1re, 24 janvier 2024 , n°22-16.115), et ne saurait dès lors suffire à faire courir le délai de la prescription de l'action en annulation du contrat à partir de la conclusion de celui-ci (Civ 1re, 12 mars 2025, n°23-22.043).

Aussi la demande en nullité de M. [M] [R] et Mme [E] [C] fondée sur l'irrégularité du contrat de vente n'est pas prescrite et doit être déclarée recevable, comme l'a retenu le premier juge.

Le jugement sera donc réformé uniquement en ce qu'il a rejeté en son entier la fin de non-recevoir soulevée par la société Financo, déclarant recevables sans distinction les demandes formées par M. [M] [R].

Statuant à nouveau, la cour déclarera M. [M] [R] et Mme [E] [C] irrecevables en leur demande en nullité du contrat principal fondée sur le dol, mais recevables en leur demande en nullité du même contrat fondée sur les irrégularités du bon de commande.

Sur la demande en nullité du contrat principal pour non-respect des dispositions du code de la consommation :

Il résulte de l'article L 121-23 du code de la consommation dans sa version applicable aux faits de l'espèce que le contrat signé dans le cadre d'un démarchage à domicile doit comporter, à peine de nullité, diverses mentions dont :

- la désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés,

- les conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d'exécution de la prestation de services,

- le prix global à payer et les modalités de paiement ; en cas de vente à tempérament ou de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit, ainsi que le taux nominal de l'intérêt et le taux effectif global de l'intérêt.

En l'espèce, les mentions relatives aux panneaux photovoltaïques et à l'onduleur n'appellent pas d'observation dès lors que le nombre de ces éléments, leur marque, le modèle et leur puissance sont clairement spécifiés, de même que le coût global de l'installation, renseignant ainsi suffisamment le consommateur sur le matériel qu'il s'apprête à acquérir et lui permettant d'effectuer toute comparaison utile. En revanche si la pose du matériel, facturée indépendamment, comporte une ligne « frais administratif », cette mention insuffisamment précise ne permet pas au consommateur de connaître les démarches administratives que le vendeur s'apprête à assumer en les lui facturant sous ce poste, et celles qui, le cas échéant, lui incombent. Elle ne satisfait donc pas à l'exigence de désignation précise à la fois de la nature et des caractéristiques des biens offerts et des services proposés.

Surtout, le contrat ne comporte aucune information relative aux délais, tant de livraison de l'installation que d'accomplissement des démarches administratives incombant au vendeur.

Ces manquements de la société Rev'Solaire aux prescriptions du code de la consommation suffisent à entacher de nullité le contrat de vente signé par M. [M] [R].

Il est néanmoins exact que, s'agissant d'une nullité relative, celle-ci peut être couverte par la volonté des parties de confirmer l'acte.

Suivant l'article 1338 du code civil dans sa version applicable à la cause :

« L'acte de confirmation ou ratification d'une obligation contre laquelle la loi admet l'action en nullité ou en rescision n'est valable que lorsqu'on y trouve la substance de cette obligation, la mention du motif de l'action en rescision, et l'intention de réparer le vice sur lequel cette action est fondée.

À défaut d'acte de confirmation ou ratification, il suffit que l'obligation soit exécutée volontairement après l'époque à laquelle l'obligation pouvait être valablement confirmée ou ratifiée.

La confirmation, ratification, ou exécution volontaire dans les formes et à l'époque déterminées par la loi, emporte la renonciation aux moyens et exceptions que l'on pouvait opposer contre cet acte, sans préjudice néanmoins du droit des tiers ».

En vertu de ce texte, la confirmation d'un acte nul exige à la fois la connaissance du vice l'affectant et la manifestation, expresse ou tacite, de l'intention de le réparer.

Or la seule reproduction des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable aux contrats conclus hors établissement n'était pas de nature à donner à M. [M] [R] une connaissance effective du vice qui résultait de l'inobservation de ces dispositions (Civ 1re, 24 janvier 2024, précité). Elle ne permet donc pas de caractériser une quelconque confirmation tacite du contrat de la part de celui-ci.

Aucun autre acte de M. [M] [R] ne vient révéler de sa part une volonté univoque de ratifier le contrat en toute connaissance de cause. La signature des documents concomitants à la commande et aux travaux, le paiement des échéances du prêt et la perception, par nature passive, des revenus versés par EDF au titre de la revente d'électricité, ne sont pas suffisants pour caractériser à la fois la connaissance des irrégularités affectant le contrat signé et la volonté de les réparer (voir sur ce point Civ 1re, 15 juin 2022, n°21-11.747).

La confirmation du contrat de vente irrégulier n'est donc pas caractérisée au cas d'espèce, et sa nullité sera dès lors prononcée, par confirmation du jugement déféré.

Sur la nullité du contrat de prêt affecté :

En application de l'article L 311-21 du code de la consommation dans sa version en vigueur au moment de la conclusion des contrats litigieux, le contrat de crédit affecté est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.

Dès lors que le contrat de vente conclu le 10 juillet 2010 entre M. [M] [R] et la société Rev'Solaire se voit judiciairement annulé, la nullité du contrat de crédit affecté conclu le même jour entre la société Financo devenue Arkéa d'une part, M. [M] [R] et Mme [E] [C] d'autre part, ne pourra qu'être constatée.

Sur les conséquences de l'annulation des contrats :

L'annulation des contrats entraîne leur anéantissement rétroactif, en sorte que les parties doivent être replacées en l'état où elles se trouvaient avant leur conclusion.

En l'espèce, seules les conséquences de l'annulation du contrat de crédit affecté sont discutées.

L'annulation de celui-ci emporte en principe pour les emprunteurs l'obligation de restituer au prêteur le capital prêté, et pour le prêteur l'obligation de restituer aux emprunteurs les sommes perçues de leur part en exécution de ce contrat.

S'il est exact que le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, encore faut-il que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute (1re Civ, 25 nov 2020, n°19-14.908).

En sa qualité de professionnel du crédit intervenant de façon habituelle pour le financement de ventes conclues dans le cadre de démarchages à domicile, la société Sofinco devenue Arkéa se devait, ne serait-ce que pour s'assurer de l'efficacité des contrats de crédit souscrits, de vérifier le respect par le vendeur des dispositions d'ordre public du droit de la consommation. À défaut d'une telle vérification, elle a commis une faute (1re Civ. 22 septembre 2021, n° 19-21.968).

En revanche, M. [M] [R] et Mme [E] [C] ne démontrent pas subir aujourd'hui un préjudice réel en lien avec une telle faute.

Il n'est certes pas contestable que, la liquidation judiciaire de la société Rev'Solaire étant aujourd'hui clôturée, M. [M] [R] n'a aucun espoir d'obtenir de celle-ci la restitution du prix de vente, et que dans ces conditions l'obligation des emprunteurs de restituer le capital à la banque est susceptible de caractériser pour eux un préjudice économique alors que parallèlement, compte tenu de l'annulation du contrat de vente, M. [M] [R] n'est plus propriétaire de l'installation, laquelle doit pouvoir être restituée au vendeur ou à tout le moins, dans le cas d'espèce, retirée pour éviter des frais d'entretien ou de réparation (voir sur ce point Civ 1ère, 10 juillet 2024, n°22-24.754).

Toutefois, il n'est pas contesté par M. [M] [R] que l'installation a correctement fonctionné jusqu'à ce jour, et que cet investissement financé par le prêt de la société Sofinco lui a permis de percevoir en retour :

- un crédit d'impôt de 8 000 euros ainsi qu'une aide régionale de 1 300 euros, ce que confirme le rapport d'expertise privée des intimés (pièce 4 [R]/[C]),

- un revenu annuel moyen de 1 300 euros, calculé par la cour à partir des factures produites pour les années 2012 à 2020, représentant à ce jour, dès lors qu'il n'est pas prétendu que l'installation serait d'ores et déjà démontée, un gain total de 16'900 euros.

La cour trouve ainsi dans les pièces produites par M. [M] [R] et Mme [E] [C] les éléments suffisants pour évaluer le gain procuré à ces derniers par le matériel financé grâce au concours de la société Financo, du jour de son installation jusqu'au jour du présent arrêt, à 26'200 euros.

Dès lors, il ne subsiste aucun préjudice résiduel pour les demandeurs en lien avec leur obligation de restituer à la société Financo le capital prêté de 21'400 euros, dont le montant s'avère inférieur au gain financier que le financement octroyé par la banque leur a procuré.

Il n'y a, dans ces conditions, pas lieu de priver la banque de sa créance de restitution.

Aussi M. [M] [R] et Mme [E] [C] se trouvent redevables à l'égard de la société Arkéa de la somme de 21'400 euros en restitution du capital prêté en conséquence de l'annulation du contrat de crédit affecté.

Réciproquement, la société Arkéa doit restituer à M. [M] [R] et Mme [E] [C] l'intégralité des sommes par eux acquittées en exécution du contrat de prêt annulé. Si les intimés réclament devant la cour une condamnation de la banque à leur payer la somme de 21 400 euros correspondant au montant du capital emprunté et remboursé en intégralité outre une somme de 15 410,72 euros correspondant selon eux aux intérêts conventionnels et frais réglés en exécution du prêt, soit un montant total de 36 810,72 euros, ils ne versent aucun état du montant des sommes en principal, intérêts, frais et assurance réellement acquittées auprès de la banque.

De son côté la société Sofinco verse un décompte de créance au 24 novembre 2022, lequel fait ressortir qu'il lui a été réglé par les emprunteurs, au titre :

- de 121 échéances mensuelles de 255,63 euros versées entre le 24 juin 2011 et le 24 juin 2021 en capital, intérêts et assurance, une somme totale de 30 931,23 euros,

- du remboursement anticipé de leur prêt le 24 juin 2021, une somme de 4 871,80 euros,

soit une somme totale de 35 803,03 euros.

La banque se trouve donc débitrice à l'égard de M. [M] [R] et Mme [E] [C] de cette somme de 35 803,03 euros au titre de son obligation de restitution consécutive à l'annulation du prêt.

Selon l'article 1289 du code civil dans sa version applicable en l'espèce, lorsque deux personnes se trouvent débitrices l'une envers l'autre, il s'opère entre elles une compensation qui éteint les deux dettes.

L'article 1290 ancien du même code précise que la compensation s'opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l'insu des débiteurs ; les deux dettes s'éteignent réciproquement, à l'instant où elles se trouvent exister à la fois, jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives.

En vertu de ces dispositions, les dettes de restitutions de 35 803,03 de la société Arkéa et de 21 400 euros des époux [G] s'éteignent réciproquement à concurrence de leurs quotités respectives. La société Arkéa sera, en définitive, condamnée à payer à M. [M] [R] et Mme [E] [C] la seule somme de 14 403,03 euros correspondant au différentiel entre les dettes respectives de restitution en faveur de ces derniers (35 803,03 - 21 400).

Le jugement entrepris sera infirmé en ce sens.

Sur la demande indemnitaire de M. [M] [R] et Mme [E] [C] au titre d'un préjudice moral :

Les intimés ne versent pas d'éléments de nature à justifier de l'existence d'un préjudice moral en lien avec la faute de la banque, au titre duquel ils sollicitent une réparation à hauteur de 5000 euros. Ils ne pourront donc qu'être déboutés de cette prétention indemnitaire, et ce par ajout au jugement entrepris dans la mesure où seul M. [M] [R] formait une telle demande devant le tribunal, Mme [E] [C] s'y étant associée à hauteur d'appel.

Sur les demandes accessoires :

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Alors que l'appel interjeté par la société Financo devenue Arkéa s'avère fondé en partie, et compte tenu des circonstances de l'espèce, il apparaît conforme à l'équité de dire que chacune des parties gardera la charge des dépens par elle exposés devant la cour et de rejeter les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté en son entier la fin de non-recevoir soulevée par la société Financo, déclarant recevables sans distinction les demandes formées par M. [M] [R],

Statuant à nouveau,

DÉCLARE M. [M] [R] et Mme [E] [C] irrecevables en leur demande en nullité du contrat signé le 10 juillet 2010 avec la société Rev'Solaire fondée sur le dol, mais recevables en leur demande en nullité du même contrat fondée sur les irrégularités du bon de commande,

Sur le fond,

CONFIRME le jugement en ce qu'il a :

- annulé le contrat de vente principal du 10 juillet 2010 signé par M. [M] [R] avec la société Rev'Solaire selon bon de commande du 10 juillet 2010,

- constaté et au besoin prononcé la nullité du contrat de crédit souscrit le 10 juillet 2010 par M. [M] [R] auprès de la SA Financo et affecté au contrat principal,

- condamné la société Financo aux dépens ainsi qu'à verser à M. [M] [R] la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

L'INFIRME pour le surplus et statuant à nouveau,

DIT la société Financo devenue Arkéa Financements & Services redevable à l'égard de M. [M] [R] et Mme [E] [C] de la somme de 35 803,03 euros, et M. [M] [R] et Mme [E] [C] redevables à l'égard de la société Financo devenue Arkéa Financements & Services de la somme de 21 400 euros, au titre des restitutions consécutives à l'annulation du crédit affecté souscrit le 10 juillet 2010,

CONDAMNE en conséquence la société Financo devenue Arkéa Financements & Services à payer à M. [M] [R] et Mme [E] [C] la seule somme différentielle de 14 403,03 euros,

DÉBOUTE M. [M] [R] et Mme [E] [C] de leur prétention indemnitaire formée à l'encontre de la société Financo devenue Arkéa Financements & Services au titre d'un préjudice moral,

REJETTE les demandes formées de part et d'autre sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel,

LAISSE à la charge de chacune des parties les dépens par elle exposés au stade de l'appel.

Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Monsieur Axel DURAND, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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