CA Aix-en-Provence, ch. 1-11 référés, 9 octobre 2025, n° 25/00395
AIX-EN-PROVENCE
Ordonnance
Autre
PARTIES
Demandeur :
MB Car (SAS)
Défendeur :
MB Car (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Fevre
Avocats :
Me Daval-Guedj, Me Dunac Borghini, Me Chouman
Par jugement du 18 juillet 2025, le tribunal de commerce d'ANTIBES a:
- prononcé l'annulation de l'assemblée générale mixte du 18 novembre 2019 de ka SAS MB CAR pour cause de vice du consentement,
- prononcé la nullité de l'assemblée générale du 24 novembre 2020 de la SAS MB CAR eu égard à l'abus de majorité dans le cadre des votes actés lors de cette assemblée générale ,
- prononcé la nullité de l'assemblée générale du 24 août 2021 de la SAS MB CAR pour défaut de convocation et d'information,
- déclaré le jugement opposable à la SAS MB CAR
- débouté monsieur [J] [D] de sa demande de prescription triennale concernant l'assemblée du 18 novembre 2019,
- condamné monsieur [J] [D] aux dépens et au paiement de la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- rappelé que la décision est de droit assortie de l'exécution provisoire.
Par déclaration reçue le 25 juillet 2025, monsieur [J] [D] et la SAS MB CAR ont interjeté appel du jugement et par acte du 5 août 2025, monsieur [J] [D] a fait assigner monsieur [X] [L] et la SAS MB CAR à comparaître devant le premier président statuant en référé pour obtenir l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement et la condamnation de monsieur [L] aux dépens.
Aux termes de ses conclusions déposées à l'audience auxquelles il se réfère, monsieur [D] demande à la juridiction du premier président de :
- relever qu'il existe des moyens sérieux d'annulation ou de réformation du jugement du tribunal de commerce d'Antibes
- retenir que l'exécution provisoire aurait des conséquences manifestement excessives sur la gestion de la société
- retenir que l'application du jugement tel qu'il a été rédigé prive la société d'avoir un représentant,
- débouter monsieur [L] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions notamment au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner monsieur [L] aux dépens.
Aux termes de ses conclusions déposées à l'audience auxquelles il se réfère, monsieur [L] demande de :
- constater qu'il n'existe pas de moyens sérieux d'annulation ou de réformation de la décision de première instance,
- constater qu'il n'existe pas de conséquences manifestement excessives liées à l'exécution provisoire de la décision de première instance,
- débouter monsieur [D] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner monsieur [D] aux dépens et à lui payer la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La SAS MB CAR n'a pas comparu.
MOTIFS
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour l'exposé des moyens développés oralement au soutien de leurs prétentions respectives
L'assignation devant le premier juge est en date du 17 mars 2023 .
Postérieure au 1er janvier 2020, date d'entrée en vigueur du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, les dispositions de l'article 514-3 du code de procédure civile sont applicables à la demande
Elles prévoient:
« En cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance ».
Il ressort des termes du jugement de première que monsieur [D] avait formulé des observations sur l'exécution provisoire demandant à ce qu'elle ne soit pas prononcée :la demande est donc recevable en application de l'alinéa 1 du texte susvisé
Pour que soit écartée l'exécution provisoire, deux conditions cumulatives doivent être réunies:
- l'existence de moyens sérieux d'annulation ou de réformation
- le risque de conséquences manifestement excessives an cas d'exécution.
Si l'une fait défaut, la demande est rejetée.
Au titre des moyens sérieux de réformation, monsieur [D] fait valoir:
- que l'analyse du tribunal de commerce est incohérente et contraire aux règles de droit, qu'il ne peut notamment pas lui être reproché de ne pas produire des pièces qu'il ne détient pas, qu'il n'a pas caractérisé le dol qui lui est imputable
- que la décision n'est pas véritablement motivée
- que le tribunal a commis une erreur d'application de la règle de prescription et n'a pas motivé la raison pour laquelle il a écarté celle de l'article L235-9 du code de commerce ni la date de découverte du vice retenue.
Monsieur [L] répond:
- que la décision du tribunal de commerce est largement motivée en fait et en droit et que le fait qu'il ait été président de la SAS MB CAR n'est pas un moyen sérieux de réformation,
- que le tribunal de commerce n'a pas commis d'erreur d'application de la règle de la prescription
Les moyens sérieux de réformation sont ceux qui ont des chances raisonnables de succès sans que le premier président ait à examiner de manière approfondie les moyens sur lesquels la cour saisie au fond aura à statuer
Seule cette dernière est en effet compétente pour se prononcer sur le bien ou le mal fondé de l'analyse du premier juge des éléments de preuve fournis et des arguments juridiques soulevés , de sorte que les moyens tendant à critiquer sa motivation et contester sa décision ne sont pas des moyens sérieux de réformation dès lors que n'apparaît pas une erreur manifeste de fait ou de droit, une violation évidente des textes et des principes de droit applicables , de l'état de la jurisprudence ou des principes directeurs du procès.
En l'espèce, il apparaît à la lecture du jugement:
- de première part, que le tribunal n'a pas répondu à l'exception de sursis à statuer soulevée par monsieur [D] et la SAS MB CAR,
- de seconde part, que le tribunal n'a pas motivé sa décision relativement à l'annulation des décisions des assemblées des 24 novembre 2020 pour abus de majorité et 24 août 2021 pour défaut de convocation et d'information,
- de troisième part, que la tribunal n'a pas motivé sa décision sur le fait d'écarter l'application de la prescription triennale spéciale de l'article L235-9 du code de commerce s'agissant de la demande de nullité de la délibération du 18 novembre 2019 et de dater la découverte par monsieur [L] de la découverte des irrégularités constitutives d'un dol 'en 2020".
Ces défauts de motivation sont des moyens sérieux d'annulation et de réformation du jugement de première instance.
Au titre des conséquences manifestement excessives, monsieur [D] fait valoir:
- que la société est dans une impasse concernant sa gestion dans la mesure où elle n'aurait plus de dirigeant si l'exécution provisoire n'est pas arrêtée
- que la banque a cessé de payer loyers, fournisseurs et salaires,
- que la situation est susceptible de l'amener au dépôt de bilan
- que la société qu'il a créée vient en complément de la SAS MB CAR et non pour reprendre son activité
Monsieur [L] répond au contraire:
- qu'il n'a pas l'intention de vendre la société,
- que c'est l'arrêt de l'exécution provisoire qui aurait des conséquences manifestement excessives pour lui puisqu'il permettrait à monsieur [D] d'obérer les comptes de la société MB CARS et de transférer son activité à la société CD CARROSSERIE créée pour les besoins de la cause.
Les conséquences manifestement excessives sont celles qui conduisent à une situation irréversible et d'une exceptionnelle gravité, à un péril financier irrémédiable au regard des facultés de paiement du débiteur ou de remboursement du créancier en cas de réformation de la décision de première instance.
Il appartient dans les deux cas à celui qui s'en prévaut d'en apporter la preuve.
Il résulte en l'espèce de l'annulation des décisions susvisées assorties de l'exécution provisoire que la société MB CARS n'a plus de président puisque monsieur [L] ne se considère pas investi de cette fonction ( pièce 10 page 3 de monsieur [D] demandeur ) et que la délibération ayant nommé monsieur [V] à ce poste ( 24 août 2021) est annulée.
Cette situation donne lieu à des difficultés majeures avec la banque qui bloque l'exécution par la SAS MB CAR de ses obligations en matière salariale, vis-à-vis de ses fournisseurs et bailleur ( pièce 11 de monsieur [D] et pièce 7 de monsieur [L]) , susceptible d'entraîner une situation d'une exceptionnelle gravité en ce sens qu'elle l'expose à une cessation de son activité.
Justifiant en conséquence également de conséquences manifestement excessives, il sera fait droit à la demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement du tribunal de commerce d'ANTIBES du 18 juillet 2025.
Monsieur [L] qui succombe supportera les dépens.
L'équité n'impose pas l'application à son profit des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à son profit et il sera débouté de sa demande sur ce fondement
PAR CES MOTIFS.
Statuant publiquement , en référé,
ARRETONS l'exécution provisoire attachée au jugement du tribunal de commerce d'Antibes en date du 18 juillet 2025,
CONDAMNONS monsieur [X] [L] aux dépens,
DEBOUTONS monsieur [X] [L] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.