CA Aix-en-Provence, ch. 1-2, 9 octobre 2025, n° 24/12834
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-2
ARRÊT
DU 09 OCTOBRE 2025
N°2025/544
Rôle N° RG 24/12834 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BN3PX
S.A.S. [M]
C/
[U] [Z]
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Françoise BOULAN
Me Sandrine COHEN-SCALI
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par le TJ de GRASSE en date du 10 Octobre 2024 enregistrée au répertoire général sous le n° 24/00584.
APPELANTE
S.A.S. [M]
prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est [Adresse 1]
représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Rachid CHENIGUER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
et assistée par Me Alexandre GAUDIN de la SELARL GAUDIN CHARDIN ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substitué par Damien CANALI, avocat au barreau de PARIS, plaidant
INTIME
Monsieur [U] [Z]
né le 22 Octobre 1969 à [Localité 5],
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Sandrine COHEN-SCALI, avocat au barreau de GRASSE, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Septembre 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Angélique NETO, Présidente chargée du rapport, et Mme Paloma REPARAZ, Conseillère.
Mme Angélique NETO, Présidente, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Angélique NETO, Présidente
Mme Séverine MOGILKA, Conseillère
Madame Paloma REPARAZ, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Caroline VAN-HULST.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Octobre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Octobre 2025.
Signé par Mme Angélique NETO, Présidente et Mme Caroline VAN-HULST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
M. [U] [Z] a été embauché en 2009 par la société par actions simplifiée (SAS) [M], entreprise qui produit des emballages techniques de haute qualité pour les industries de la parfumerie, en qualité de directeur commercial moyennant une rémunération annuelle brute de 84 500 euros.
La société, qui était initialement une entreprise familiale, a cédé en septembre 2022 la majorité de son capital à la société Motion equity partners et un nouveau président de groupe a été nommé.
Dans le courant du mois de décembre 2023, une proposition de rupture conventionnelle de son contrat de travail a été adressée à M. [Z] par son employeur.
Le 21 décembre 2023, M. [Z] a été arrêté par son médecin.
Le 11 janvier 2024, la société [M] a mis en demeure M. [Z] de lui restituer sous 48 heures l'ensemble des données clients ainsi que tout le matériel professionnel en sa possession, y compris son ordinateur portable, au motif qu'elle ne disposait pas des documents de travail concernant deux clients stratégiques, Baxter et Dsm.
Le 15 janvier 2024, M. [Z] a restitué le matériel, et ce, en indiquant avoir déjà transmis à sa hiérarchie, à la fin de l'année 2023, les documents concernant les clients Baxter et Dsm.
Le 16 février 2024, M. [Z] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'une éventuelle sanction disciplinaire pouvant allant jusqu'au licenciement pour faute grave.
A la suite de l'entretien qui s'est déroulé le 11 mars 2024, la société [M] a notifié à M. [Z], par courrier en date du 2 avril 2024, son licenciement pour faute grave au motif qu'il s'était approprié un important volume de données sensibles appartenant à son employeur.
Par requête en date du 15 février 2024, la société [M] a sollicité du président du tribunal judiciaire de Grasse l'autorisation de procéder à une mesure d'instruction in futurum au domicile de M. [Z] sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile.
Par ordonnance rendue le 16 février 2024, le juge des requêtes a :
- constaté, au vu des justifications produites, que le requérant est fondé à ne pas appeler les parties visées par la mesure, les documents dont la société [M] sollicite l'appréhension étant des documents par nature volatiles (fichiers informatiques, courriels, documents) soumis à un risque élevé de déperdition ou d'altération dans l'hypothèse Monsieur [U] [Z] serait informé en amont et dans un cadre contradictoire des mesures sollicitées ;
- ordonné une mesure de constat ;
- commis pour y procéder un commissaire de justice avec pour mission de se rendre au domicile de Monsieur [U] [Z], au [Adresse 2] à [Localité 6] ou tout autre lieu il aurait établi son domicile personnel aux fins d'effectuer toutes contacts constatations concernant :
* la détention par Monsieur [U] [Z] de tous documents de nature financière, commerciale, stratégique ou autre appartenant à la société [M],
* la transmission à quiconque, par tous supports, de telles données, et pour ce faire :
** accéder aux messageries électroniques personnelle(s) et professionnelle(s) de Monsieur [U] [Z], à savoir notamment :
' [Courriel 3]
' [Courriel 4]
** se faire remettre en cas de besoin, les codes d'accès et/ou les motsde passe permettant d'accéder aux messageries électroniques susvisées,
** accéder à l'ensemble des ordinateurs fixes et portables, tablettes, et tous supports de stockage informatique de Monsieur [U] [Z],
** accéder au(x) téléphone(s) portable(s) de Monsieur [U] [Z],
** se faire remettre en cas de besoin des codes d'accès et/les mots de passe permettant d'accéder aux fichiers informatiques de Monsieur [U] [Z],
** se faire remettre ou rechercher tout dossier, fichier, document ou correspondance quel qu'en soit le support informatique ou autre, établissant de la part de Monsieur [U] [Z] :
' la détention de tous documents contenant le nom de clients, fournisseurs et prospects ainsi que tous procédés industriels ou documents appartenant à la société [M], notamment identifiés à l'aide des mots-clés listés ci-dessous,
' un transfert illicite, à toute personne ou à tout terminal informatique externe à la société [M], d'informations stratégiques et confidentielles de la société [M] tels que, notamment, des fichiers clients, listings des ventes, prix, politique commerciale, procédés industriels, savoir-faire, secret de fabrication, et pour ce faire, rechercher tout échange de courriels ayant pu exister entre le 21 décembre 2023 et la date d'exécution de la présente ordonnance, notamment à l'aide des mots-clés listés ci-dessous,
** vérifier l'absence de suppression dans ses ordinateurs, tablettes, téléphones, supports de stockage informatique ou documents par Monsieur [U] [Z] portant sur les informations stratégiques et confidentielles de la société [M],
** et contenant les mots clés déclinaison des mots-clés suivants : [il sera renvoyé à l'ordonnance pour la liste complète de ces mots-clés]
** toutes les locutions ou mots-clés ci-dessus et leurs déclinaisons pouvant être utilisés séparément ou de façon combinée et être écrits en minuscule et/ou majuscule, au
singulier ou au pluriel afin de répondre à l'objet de ladite mission,
- autorisé le commissaire de justice à se faire assister de toute autre commissaire de justice territorialement compétent,
- autorisé que les opérations de constat puissent être effectuées dès 7h00 du matin, afin d'optimiser les chances de trouver Monsieur [U] [Z] à domicile et favoriser la réussite des mesures sollicitées,
- autorisé le commissaire de justice à se faire accompagner ou assister de tous techniciens de son choix, notamment en matière informatique,
- autorisé le commissaire de justice à prendre des photos et/ou des copies sur supports papier et/ou informatique, des éléments trouvés, ainsi que de tout matériel jugé nécessaire par lui, à défaut d'utiliser ses propres moyens de copies, au besoin en les emportant temporairement en son étude,
- autorisé le commissaire de justice et le technicien choisi par lui, si nécessaire à procéder à l'extraction des disques durs des unités centrales des ordinateurs fixes et portables, tablettes et tous supports de stockage informatique, à leur examen à l'aide d'outils d'investigation de son choix, puis à la remise en place de ces disques durs dans leur unité centrale respective après en avoir pris copie,
- autorisé le commissaire de justice, en cas de difficultés dans la sélection et le tri des éléments recherchés, notamment au regard de leur volume ou en cas de difficultés rencontrées dans l'accès aux supports informatiques, à procéder à une copie complète en deux exemplaires des fichiers et disques durs et autres supports de données qui lui paraîtront nécessaires en rapport avec la mission confiée, dont une copie placée sous séquestre servira de référentiel et ne sera pas transmise à la partie requérante et l'autre copie servira au commissaire de justice de sorte à lui permettre de procéder de manière différée, avec l'aide du ou des techniciens choisis par lui, à l'ensemble des recherches et analyses visées ci-dessus,
- autorisé le commissaire de justice à se faire assister, si nécessaire et en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier,
- dit qu'en cas d'analyse différée, le technicien devra établir une note technique établissant la traçabilité de ses opérations et détruire ses fichiers de travail après réalisation de sa mission, et dit que le commissaire de justice remettra à la partie auprès de laquelle il les aura obtenues une copie des pièces telles qu'elles résultent du tri auquel il aura procédé
avec le technicien,
- ordonné que soit conservé en séquestre l'exemplaire des copies des documents qui auront été réalisés,
- ordonné que soit dressé un procès-verbal de constat qui sera déposé au greffe du tribunal judiciaire de céans dans les deux mois de l'exécution de la mission, et dont un exemplaire sera remis à la partie requérante, en annexant l'ensemble des éléments appréhendés,
- dit que le commissaire de justice procédera à l'exécution de sa mission dans un délai de deux mois à compter de l'ordonnance,
- dit par application de l'article 495 du code de procédure civile, l'ordonnance exécutoire au seul vu de la minute,
- dit que la présente ordonnance sera déposée au secrétariat-greffe de ce tribunal et qu'il en sera référé en cas de difficultés.
Le commissaire de justice désigné a procédé à ses opérations avant de dresser des procès-verbaux de constat le 1er mars 2024 à 7h15 pour intervention sur le site et le 15 mars 2024 pour analyse différée en son office.
Par acte de commissaire de justice en date du 29 mars 2024, M. [Z] a fait assigner la société [M] devant le président du tribunal judiciaire de Grasse afin d'obtenir la rétractation de l'ordonnance sur requête rendue le 16 février 2024.
Par ordonnance en date du 10 octobre 2024, ce magistrat a :
- déclaré recevable et bien-fondé la demande formée par M. [Z] aux fins de rétractation de l'ordonnance présidentielle du 16 février 2024 rendue sur la requête de la SAS [M] ;
- rétracté l'ordonnance sur requête de la 1ère vice-présidente du tribunal judiciaire de Grasse du 16 février 2024 avec toutes conséquences de droit et de fait ;
- ordonné la restitution par le commissaire de justice instrumentaire, par l'expert informatique l'accompagnant et par la SAS [M] de l'intégralité des documents ayant pu être appréhendés au cours des opérations autorisées par l'ordonnance du 16 février 2024, et ce dans un délai de 48 heures à compter de la signification de la présente ordonnance à la SAS [M], et sous astreinte de 500 euros par jour de retard en ce qui concerne cette dernière, cette astreinte courant pendant un délai de trois mois passé lequel délai il pourra être à nouveau statué sur l'astreinte ;
- fait interdiction à la SAS [M] d'utiliser toutes informations saisies en application de l'ordonnance sur requête en date du 16 février 2024 ou de s'en prévaloir, sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée ;
- ordonné la destruction par le commissaire de justice instrumentaire et par l'expert informatique l'accompagnant, de tous les duplicatas ayant pu être saisis ou réalisés au cours des opérations autorisées par l'ordonnance du 16 février 2024, quelle qu'en soit leur forme, et ce dans un délai de 48 heures à compter de la signification de la présente ordonnance à la SAS [M] ;
- déclaré irrecevable la demande relative aux échanges que M. [Z] a pu avoir avec son avocat qui auraient été appréhendés par la SAS [M] lors des investigations menées à sa demande le 9 février 2024 par KL Discovery ;
- rejeté le surplus des demandes formées par M. [Z] ;
- débouté la SAS [M] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la SAS [M] à payer à M. [Z] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la SAS [M] aux entiers dépens, avec distraction au profit de Maître Gomila, avocat associé de la SCP WABG.
Il a notamment estimé :
- qu'aucune critique n'était émise quant à la nécessité de déroger au principe du contradictoire ;
- que la mesure d'instruction sollicitée, à savoir une mesure d'investigation au domicile de M. [Z] sur tous ses supports informatiques, téléphoniques et messageries électroniques personnels, ne reposait sur aucun motif légitime pour les raisons suivantes :
* contrairement à ce qu'il est indiqué dans la requête, M. [Z] faisait toujours partie des effectifs à la date du 21 décembre 2023 et que, dans la mesure où il était en télétravail lorsqu'il a été placé en arrêt de travail à compter du 21 décembre 2023, il était légitime pour lui d'être en possession de ses outils de travail à son domicile, et notamment son ordinateur portable professionnel ;
* le fait pour la société [M] d'avoir, le 11 janvier 2024, mis en demeure M. [Z] de lui restituer sous 48 heures les outils professionnels mis à disposition alors qu'il était en arrêt-maladie était critiquable, sachant que M. [Z] démontrait avoir transmis des éléments concernant les clients Baxter et Dsm à M. [S] et Mme [E] par courriels des 21 novembre et 20 décembre 2023 ;
* l'envoi par M. [Z] de trois mails depuis sa messagerie professionnelle vers sa messagerie personnelle, comportant des fichiers joints concernant les éléments transmis à la fin de l'année 2023 portant sur les clients Baxter et Dsm, le 12 janvier 2024, était intervenu immédiatement après avoir été sommé par son employeur de restituer son matériel professionnel, en ce compris son ordinateur professionnel, ce qui démontrait la volonté du salarié de conserver la preuve de l'existence des documents réclamés ainsi que leur transmission à la hiérarchie ;
* le procès-verbal de constat dressé le 12 janvier 2024 par Me [H] établissait que la société [M] disposait d'un accès total à la messagerie professionnelle de M. [Z] sans qu'il n'était démontré l'envoi de d'autres messages suspects que les trois mails susvisés ;
* le fait pour M. [Z] d'avoir effacé ces envois de sa messagerie professionnelle ne révélait rien de suspect dès lors qu'il était normal d'expurger de sa messagerie professionnelle des éléments pouvant avoir un caractère ou une destination personnelle avant la restitution de l'ordinateur à son employeur ;
* les investigations informatiques menées le 9 février 2024 par KL Discovery sur l'ordinateur portable de M. [Z] avaient permis à la société [M] d'identifier très précisément la quantité (16) et la nature des fichiers qui avaient été copiés par M. [Z] sur des clés USB entre le 20 décembre 2023 et le 13 janvier 2024 sans qu'il n'en ressortait l'appropriation de données sensibles appartenant à l'entreprise et que les éléments envoyés depuis sa messagerie professionnelle ne démontraient aucun contact avec des concurrents ;
* le fait pour M. [Z] d'avoir utilisé son ordinateur professionnel lors de son arrêt maladie n'avait rien d'anormal ou de suspect, de même que la recrudescence d'activité constatée à la fin de l'année 2023 et au début de l'année 2024, à un moment où il avait été sommé de restituer son ordinateur professionnel, ce qui avait nécessité de remettre de l'ordre dans ses fichiers avant toute restitution ;
* le fait pour M. [Z] d'avoir omis d'effectuer des sauvegardes sur le serveur partagé ne démontrait pas une volonté de s'approprier de manière illicite des données de l'entreprise ;
* rien ne prouvait la volonté de M. [Z] de transmettre des données de l'entreprise à des concurrents ou toute autre intention autre que celle de préserver ses droits et conserver des preuves dans la perspective d'un litige avec son employeur ;
- que, de manière surabondante, la mesure d'instruction, telle que sollicitée, était disproportionnée au regard, d'une part, du nombre important de mots-clés (122) comportant des mots de caractère très générique tels que 'chiffres', 'fiches', 'fourniture', 'plan', 'contrat', 'stratégie'...pouvant donner accès à des données personnelles et, d'autre part, de ses modalités, à savoir une perquisition privée par un commissaire de justice en présence de techniciens, d'un serrurier et de la force publique réalisée à 7 heures du matin, sachant que M. [Z] était restreint dans ses heures de sortie comme étant en arrêt maladie.
Suivant déclaration transmise au greffe le 22 octobre 2024, la société [M] a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions dûment reprises.
Par arrêt en date du 20 février 2025, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a arrêté l'exécution provisoire de l'ordonnance entreprise.
Aux termes de ses écritures transmises le 20 juin 2025, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des prétentions et moyens, elle demande à la cour d'infirmer l'ordonnance entreprise et statuant à nouveau de :
- débouter M. [Z] de ses demandes ;
- juger irrecevable sa demande nouvelle en cause d'appel de condamnation au paiement de la somme de 10 000 euros pour procédure abusive ;
- confirmer en conséquence l'ordonnance du 16 février 2024 en toutes ses dispositions ;
- condamner M. [Z] à lui verser la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de Me Françoise Boulan, membre de la SELARL LX Aix-en-Provence, avocats associés aux offres de droit.
Elle expose que la mesure sollicitée repose sur un motif légitime notamment pour les raisons suivantes :
- sa compétititivé est organisée autour de trois pôles (des savoir-faire particuliers en matière de fabrication et de design des produits, sur les applications possibles de ses produits et dans les domaines commerciaux et tarifaires) qui requièrent chacun la protection du secret ;
- sa charte informatique ainsi que le contrat de travail de M. [Z] rappellent l'interdiction d'effectuer des copies des données de l'entreprise qu'elles aient un caractère professionnel ou personnel ;
- M. [Z] a été placé en arrêt maladie à compter du 21 décembre 2023 tout en conservant par devers lui ses outils professionnels, sachant qu'il avait accès à un certain nombre de données sensibles compte tenu de sa position dans l'entreprise ;
- elle s'est rendue compte, durant son arrêt de travail, que des fichiers et certaines données commerciales ne figuraient pas dans les dossiers de travail prévus à cet effet au sein de son serveur W:/, tel que cela résulte du procès-verbal de constat dressé le 12 janvier 2024, raison pour laquelle elle a mis en demeure son salarié, le 11 janvier 2024, de lui transmettre certains fichiers ainsi que les outils professionnels mis à sa disposition ;
- le même constat révèle que M. [Z] s'est connecté à distance aux serveurs de l'entreprise le 12 janvier 2024 afin de récupérer les données sollicitées en les transférant, depuis son email professionnel, vers une adresse électronique personnelle, au moyen de trois courriels avec fichiers joints, avant d'effacer toute trace de cette action, alors qu'il aurait pu se connecter directement sur le serveur de l'entreprise pour adresser, depuis sa boite professionnelle, les éléments sollicités ou les mettre à disposition sur le serveur au sein du dossier concerné ;
- le fait pour M. [Z] d'avoir envoyé des éléments par courriel ne le dispensait pas de son obligation de tenir à jour les dossiers partagés du serveur de l'entreprise en y classant les données commerciales nécessaires ;
- ces agissements ont éveillé sa crainte quant à la protection de ses données confidentielles ;
- qu'avant de déposer sa requête, elle a fait appel à un expert informatique afin qu'il confirme ou infirme ses soupçons de détournements de données lui appartenant, à la suite de quoi un rapport sera dressé le 9 février 2024 par la société KL Discovery après avoir procédé à l'étude des données présentes sur l'ordinateur professionnel de M. [Z] ;
- ce rapport confirme une potentielle fuite de données, sans pour autant de connaitre la nature et l'identité de tous les fichiers qui auraient été copiés et qui se trouveraient sur des supports de stockage externe appartenant à M. [Z], le contenu des fichiers concernés et le nombre de fichiers qui ont été copiés, raison pour laquelle elle a déposé sa requête ;
- il montre :
* que M. [Z] a massivement utilisé son ordinateur professionnel durant son arrêt maladie et a interagi avec 11 924 documents, ce qui a été révélé par les artéfacts, dont 4 912 documents PDF, sans que l'on puisse déterminer l'usage qui a été fait de ces consultations de documents entre le 21 décembre 2023 et le 15 janvier 2024 ;
* qu'il a connecté des périphériques de stockage USB à son ordinateur portable professionnel avant de le restituer à l'entreprise ;
* qu'il s'est notamment connecté à distance au serveur de l'entreprise pendant son arrêt maladie et a consulté des documents lui appartenant protégés par le secret des affaires ;
* la présence de fichiers commerciaux sur les clés USB de M. [Z] ;
- les conclusions de l'expert informatique caractérisent donc le motif légitime de la mesure d'instruction sollicitée dès lors que les données potentiellement captées sont stratégiques et couvertes par le secret des affaires ;
- la mesure sollicitée vise à déterminer avec certitude le nombre et la nature des données de l'entreprise qui auraient été détournées et qui seraient présentes sur les supports de stockage appartenant à M. [Z] ;
- les constatations réalisées les 1er et 15 mars 2024 en exécution de la requête montrent que M. [Z] détient des données de l'entreprise qu'il refuse de détruire en invoquant l'exercice de ses droits de la défense.
En réplique aux moyens de défense, elle :
- dément toute volonté d'évincer M. [Z] de la direction depuis que le fonds Motion Equity Partners a investi dans le groupe [M], faisant observer que la famille [M] est toujours active et que les deux offres d'emploi publiées lors de l'arrêt maladie de M. [Z] concernaient des postes de manager au sein de l'équipe commerciale et non son poste de directeur commercial ;
- conteste les affirmations de M. [Z] selon lesquelles il aurait été la cible de faits de harcèlement moral dès lors que l'enquête menée par le cabinet d'audit indépendant Fraissinet inscrit sur les listes de l'inspection du travail prouve le contraire, sachant que ses suspicisions sur le vol de ses données sont apparues après les discussions intervenues sur l'éventuelle rupture conventionnelle et que M. [Z] s'est plaint pour la première fois de harcèlement lorsqu'il a été placé en arrêt de travail ;
- relève que M. [Z] affirme faussement que le rapport de constat du 12 janvier 2024 démontrerait que des enregistrements auraient été effectués sur le serveur de l'entreprise, qu'il travestit les données du rapport de l'expert informatique pour tenter de faire croire qu'elle avait accès à sa messagerie professionnelle, et ce, alors même que les courriels ont été retrouvés sur le disque dur de son ordinateur portable professionnel et qu'il tente de jeter le discrédit sur les documents appréhendés par le commissaire de justice en exécution de la requête ;
- dément avoir été en possession des documents appréhendés dans le cadre de la mesure d'instruction, faisant observer que les captures d'écran insérées par M. [Z] dans ses écritures ne figurent pas dans le constat d'huissier qu'il a fait dresser le 6 juin 2024.
Elle critique la décision entreprise principalement en ce que :
- les éléments pris en compte par le premier juge pour fonder sa décision sont factuellement inexacts dès lors que les investigations de la société KL Discovery ne permettent pas de connaitre et d'identifier l'ampleur des fichiers qui ont été copiés sur des supports de stockage appartenant à M. [Z], comme cela est expliqué dans une lettre en date du 29 octobre 2024 en ce que le simple fait d'effectuer un copier d'un fichier présent sur un emplacement puis de le coller sur une clé USB sans l'ouvrir ne laisse pas de trace détectable, outre le fait que M. [Z] reconnait avoir copié des fichiers confidentiels et couverts par le secret des affaires appartenant à l'entreprise qui ne sont aucunement utiles dans le cadre d'un litige avec son employeur, ce qui justifie la mesure sollicitée afin d'établir une preuve directe des détournements de fichiers confidentiels lui appartenant et le constat de leur présence sur des supports de stockage appartenant à l'intimé ;
- la mesure sollicitée est proportionnée dès lors qu'elle porte uniquement sur les fichiers appartenant à la société [M] à l'exclusion de toutes autres, ce qui exclut toutes données personnelles, outre le fait qu'il entre dans la mission du commissaire de justice d'expurger tout document n'entrant pas dans l'objet de la mesure ordonnée, que la présence d'un gendarme et d'un serrurier est une mesure de protection classique dans le cadre de l'exécution de telles mesures afin d'assurer la sécurité des intervenants et que M. [Z] n'était pas tenu de rester son domicile en dehors des heures de sortie autorisées pendant son arrêt de travail.
Enfin, elle considère que la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par l'intimé est irrecevable comme ayant été formé pour la première fois en appel.
Aux termes de ses écritures transmises le 16 juin 2025, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des prétentions et moyens, M. [Z] sollicite de la cour qu'elle confirme l'ordonnance entreprise sauf en ce qu'elle a déclaré irrecevable sa demande relative aux échanges qu'il a pu avoir avec son avocat et statuant à nouveau :
- fasse interdiction à la société [M] de conserver et d'utiliser ses informations personnelles et de sa famille, et notamment les courriers et fichiers personnels et tous échanges avec son avocat, sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée ;
- déboute l'appelante de ses demandes ;
- la condamne à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- la condamne à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris le coût du procès-verbal de constat dressé par Me [D] le 6 juin 2024.
Il expose que l'entreprise a exposé de manière mensongère et fallacieuse les faits dans l'unique d'obtenir l'ordonnance sur requête notamment pour les raisons suivantes :
- en tant que directeur des ventes, il n'avait accès, sur le serveur partagé, qu'aux données commerciales de la société [M], ce qui exclut les données portant sur la fabrication, le savoir-faire, les tarifs fournisseurs, le marketing..., faisant observer que cela explique l'absence de clause de non-concurrence dans son contrat et qu'il résulte du procès-verbal de constat dressé à sa demande le 6 juin 2024 que les fichiers qu'il a conservés ne portent pas sur les savoir-faire et autres secrets de fabrication ou procédés industriels de la société [M] ;
- à partir du moment où la société [M] a été rachetée par un fonds d'investissement, une stratégie a été mise en place afin de se séparer de l'ancienne direction et des cadres aux plus hauts salaires ;
- il va être victime tout au long de l'année 2023 de pression et d'agissements de harcèlement moral afin de le pousser à démissionner, faits qu'il a dénoncés en juillet, octobre et décembre 2023, avant de lui proposer une rupture conventionnelle à la fin de l'année 2023 en lui laissant 48 heures pour se prononcer, étant relevé qu'il critique la manière dont l'enquête diligentée à la demande de l'inspection du travail, concluant à l'absence de faits de harcèlement moral, tout en relevant toutefois les carences de l'entreprise en terme de méthodes de management dans un contexte de transformation, a été menée, éléments qui ont été volontairement dissimulés dans la requête ;
- au moment de la requête, il n'avait nullement quitté l'entreprise, contrairement à ce que l'appelante a laissé croire dans sa requête, puisqu'il était, après avoir était en télétravail, en arrêt de travail depuis le 21 décembre 2023 pour cause de maladie, période au cours de laquelle l'appelante va le mettre en demeure, le 11 janvier 2024, de lui restituer ses données professionnelles et son matériel professionnel sous 48 heures en prétextant qu'il n'aurait pas déposé sur le réseau partagé de l'entreprise des documents importants concernant les clients Dsm et Baxter ;
- n'ayant pas quitté l'entreprise, il était normal qu'il soit en possession de son ordinateur professionnel et des supports de sauvegarde de ses données professionnelles, ce qui démontre l'absence de volonté délibérée de sa part de conserver des fichiers confidentiels mais également la faute commise par son employeur lorsqu'il lui enjoint de lui restituer les outils professionnels mis à sa disposition alors qu'il est en arrêt maladie ;
- les trois documents commerciaux sollicités avaient bien été enregistrés sur le serveur de l'entreprise et transmis à sa hiérarchie par email des 21 novembre et 18 décembre 2023, outre le fait que l'appelante avait accès à distance à l'intégralité des données contenues sur ses outils professionnels sans avoir besoin de son ordinateur professionnel, comme le démontre le procès-verbal de constat dressé le 12 janvier 2024, date à laquelle l'appelante n'était pas encore en possession de son ordinateur, et qu'elle a faussement prétexté une prétendue entrave des négociations tarifaires en cours, lesquelles étaient en réalité terminées, afin de récupérer son ordinateur professionnel ;
- comprenant que son employeur était en train de rechercher de faux prétextes pour le licencier, il a été contraint de se connecter au serveur de la société afin de récupérer les preuves démontrant que les trois fichiers prétendument absents du serveur s'y trouvaient bien en les transférant de sa messagerie professionnelle vers sa messagerie personnelle avant d'effacer les emails en question destinés à un usage personnel conformément à la charte informatique de la société qui stipule que les données à caractère personnel devront être supprimées par le salarié quotidiennement qui s'engage également à supprimer les messages devenus inutiles afin de ne pas saturer le système ;
- le constat d'huissier dressé le 12 janvier 2024 à la demande de l'appelante démontre la présence dans l'espace partagé des fichiers prétendument absents du serveur sans quoi il ne serait pas parvenu à se les transférer ;
- le 15 janvier 2024, il a déféré à la sommation illégitime de son employeur de restitution du matériel professionnel mis à sa disposition, et notamment son ordinateur et téléphone professionnels ;
- le rapport d'analyses informatiques dressé par la société KL Discovery le 9 février 2024 n'identifie et n'alerte sur aucune crainte, sachant que l'appelante a eu accès aux 23 111 courriels qui ont été retrouvés, que les sauvegardes de fichiers qu'il a effectués sur des supports externes (au nombre de 4) s'expliquent par ses déplacements professionnels et la nécessité pour lui de pouvoir accéder à ses fichiers professionnels en tous lieux et à tout moment, sans que la preuve ne soit rapportée qu'il s'agirait de fichiers stratégiques, que les 764 fichiers qui ont été consultés et enregistrés sur un périphérique externe entre le 1er septembre 2023 et le 15 janvier 2024 sont parfaitement identifiables comme cela est démontré par l'exemple de 16 fichiers, que les pics d'activité relevés du 11 au 15 janvier 2024 correspondent au moment où il a été contraint de se connecter à son ordinateur professionnel afin de procéder à son nettoyage avant de le restituer et de récupérer l'ensemble des moyens de preuve nécessaires à l'exercice de ses droits de la défense dans le cadre de l'action prud'homale envisagée, contrairement aux pics d'activité relevés après le 15 janvier 2024, jour où il a restitué son ordinateur ;
- le 16 février 2024, soit le jour où l'ordonnance sur requête a été rendue, sans attendre les résultats des recherches sollicitées, qui ne seront communiqués que le 16 mai 2024, l'appelante a initié la procédure de licenciement pour faute grave à son encontre ;
- il a toujours réfuté avoir capté des données confidentielles appartenant à l'entreprise en indiquant n'avoir sauvegardé que les documents utiles à la défense de ses intérêts dans le cadre du contentieux prud'homal et de la présente procédure, faisant observer que l'appelante fait état de 3 487 fichiers après en avoir dénombré 11 924, sachant qu'ils ne sont que 495 en enlevant les doublons, dont 209 qui ont été modifiés postérieurement au 21 décembre 2023 et 112 fichiers entre le 21 décembre 2023 et le 15 janvier 2024 , comme cela résulte du procès-verbal de constat qu'il a fait dresser en juin 2024, ce qui correspond à 32 fichiers pour établir le calcul de sa rémunération variable et 24 fichiers pour apporter la preuve des faits de harcèlement moral dont il a été victime ;
- la preuve d'une fuite massive de données professionnelles n'est pas rapportée, sachant que l'analyse des documents saisis à mis en évidence son respect des procédures, et notamment de la charte informatique et de sa parfaite loyauté envers son employeur ;
- la mesure sollicitée est inutile dès lors que l'appelante a connaissance des mails et fichiers qu'il détient en accédant librement à sa messagerie professionnelle, aux sauvegardes des disques et aux documents enregistrés sur les serveurs partagés.
Par ailleurs, il estime que la mesure sollicitée est disproportionnée :
- quant aux recherches effectuées sur son ordinateur dès lors que l'appelante n'a pas attendu les résultats de la mesure sollicitée pour procéder à son licenciement, qu'elle avait accès à l'intégralité des informations nécessaires pour établir une prétendue captation et un détournement de données, qu'un certain nombre de mots clés qui n'ont rien à voir avec l'activité de l'appelante permettant d'accéder à des fichiers privés, que la requête ne circonscrit pas la recherche comme sollicitant une saisie de tous les documents appartenant à l'appelante sans limiter sa demande aux documents pouvant être utiles dans le cadre d'un éventuel litige et que l'ordonnance n'a pas circonscrit dans le temps les documents à rechercher ;
- quant aux moyens utilisés pour la saisie des données en ce qu'une perquisition a été effectuée à son domicile le 1er mars 2024 à 7h15 par un commissaire de justice accompagné d'un expert informatique et assisté de 4 gendarmes et d'un serrurier en présence de sa famille ;
- quant aux conséquences sur sa vie privée étant donné que l'intervention du commissaire de justice à se faire remettre ou rechercher tout dossier, fichier, document ou correspondance identifiés à l'aide de 122 mots clés a conduit nécessairement à la remise de documents personnels, en ce compris les correspondances avec son avocat.
Enfin, il justifie sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive en considérant que les moyens déployés par son ancien employeur visent à l'intimider et à le faire renoncer à faire valoir ses droits, faisant observer qu'aucune action civile ou commerciale n'a été intentée à son encontre au vu des résultats de la mesure.
La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 24 juin 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de rétractation de l'ordonnance sur requête du 21 avril 2022
Aux termes de l'article de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. La demande doit reposer sur des faits précis, objectifs et vérifiables qui permettent de projeter le litige futur, qui peut n'être qu'éventuel, comme plausible et crédible. Il appartient donc aux requérants de rapporter la preuve d'éléments suffisants à rendre crédibles leurs allégations et démontrer que le résultat de la mesure à ordonner présente un intérêt probatoire.
Aux termes de l'article 493 du code de procédure civile, l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie. Les articles 494 et 495 du même code précisent qu'elle doit être motivée, qu'elle est exécutoire au vu de la minute et qu'une copie en est laissée, avec celle de la requête, à la personne à laquelle elle est opposée.
L'article 496 alinéa 2 du même code dispose que s'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance. L'article 497 précise que ce dernier a la faculté de modifier ou rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l'affaire.
Sur le fondement des textes précités, le juge saisi d'une demande de rétractation d'une ordonnance sur requête ayant ordonné une mesure d'instruction doit s'assurer de l'existence d'un motif légitime au jour du dépôt de la requête initiale à ordonner la mesure probatoire ainsi que des circonstances justifiant de ne pas y procéder contradictoirement et de la nature légalement admissible de la mesure sollicitée. L'ordonnance sur requête, rendue non contradictoirement, doit être motivée de façon précise, le cas échéant par l'adoption des motifs de la requête, s'agissant des circonstances qui exigent que la mesure d'instruction ne soit pas prise contradictoirement. Il en va de la régularité de la saisine du juge, laquelle constitue une condition préalable à l'examen de la recevabilité et du bien fondé de la mesure probatoire sollicitée.
Enfin, si le juge de la rétractation doit apprécier l'existence du motif légitime de la mesure sollicitée au jour du dépôt de la requête initiale ainsi qu'à la lumière des éléments de preuve produits ultérieurement devant lui, il est néanmoins tenu, s'agissant de la nécessité de recourir à une procédure non contradictoire, d'apprécier les seuls éléments figurant dans la requête ou l'ordonnance, sans qu'il puisse en suppléer la carence en recherchant les circonstances justifiant qu'il soit dérogé au principe de la contradiction dans les pièces produites ou les déduire du contexte de l'affaire.
Sur la nécessité de déroger au principe du contradictoire
Dans le cas présent, outre le fait que l'ordonnance vise la requête et les pièces qui y sont jointes, ce qui vaut adoption implicite des motifs figurant dans la requête, elle constate expressément qu'au vu des justifications produites (...) le requérant est fondé à ne pas appeler les parties visées par la mesure, les documents dont la société [M] sollicite l'appréhension étant des documents par nature volatiles (fichiers informatiques, courriels, documents) soumis à un risque élevé de déperdition ou d'altération dans l'hypothèse où Monsieur [U] [Z] serait informé en amont et dans un contradictoire des mesures sollicitées.
Aux termes de sa requête, la société [M] se prévaut d'un procès-verbal de constat dressé le 12 janvier 2024 par Me [W] [H], commissaire de justice, et d'un rapport informatique de la société KL Discovery en date du 12 février 2024, démontrant que des données numériques de l'entreprise ont été copiées par M. [Z] dans des supports externes et/ou transférées de sa boîte professionnelle à sa boîte personnelle lors d'une période au cours de laquelle il a été placé en arrêt maladie le 21 décembre 2023, et ce, jusqu'à ce qu'il restitue ses ordinateur et téléphone professionnels le 15 janvier 2024.
La mesure d'instruction sollicitée vise à déterminer la nature des données numériques qui ont été captées par M. [Z] et, le cas échéant, l'usage qu'il en a fait, entre le 21 décembre 2023 et le 15 janvier 2024.
La nature des informations recherchées et le fait qu'elles puissent se trouver sur des supports informatiques constituent effectivement des circonstances justifiant qu'il soit dérogé au principe du contradictoire par un effet de surprise en raison de la facilité et la rapidité avec laquelle peut être organisée la disparition des documents sollicités.
Dès lors que la requête et l'ordonnance rendue sur cette requête, qui en adopte expressément les motifs en indiquant vu la requête qui précède, et les pièces annexées, énoncent les circonstances justifiant que la mesure réclamée sur le fondement de l'article 145 ne soit pas prise contradictoirement, à savoir le risque de destruction d'éléments de preuve permettant d'établir la preuve d'une captation et d'un usage de données confidentielles, il n'y a pas lieu de rétracter l'ordonnance sur requête en date du16 février 2024 de ce chef.
Sur le motif légitime
Le motif légitime étant constitué par l'existence d'un litige potentiel entre les parties, il appartient à la société [M] de produire des éléments rendant crédible les actions qu'elle envisage d'exercer et, le cas échéant, d'établir que la mesure d'instruction sollicitée est de nature à lui permettre de réunir les éléments de fait pouvant servir de base aux procès visés.
Par ailleurs, il est admis que l'existence d'un motif légitime de demandes des mesures prévues à l'article 145 du code de procédure civile n'oblige pas le juge à ordonner la mesure sollicitée s'il l'estime inutile.
En l'espèce, au moment où la société [M] a déposé sa requête, le 15 février 2024, elle disposait d'éléments démontrant que M. [Z] avait copié des données de l'entreprise.
Il ressort du procès-verbal de constat de Me [H], commissaire de justice, dressé le 12 janvier 2024, soit avant même que M. [Z] n'ait restitué son ordinateur professionnel le 15 janvier 2024, après une mise en demeure adressée en ce sens par son employeur par courrier en date du 11 janvier 2024, que M. [Z] a transféré de sa messagerie professionnelle vers sa messagerie personnelle des documents de travail comportant des données commerciales concernant deux clients de l'entreprise, Baxter et Dsm. En se connectant sur la boîte mail professionnelle du salarié, il constate que tous les dossiers créés au nombre de 15 ont été vidés et que le premier fichier trouvé dans le dossier 'Envoyés' est daté du 19 juin 2023. En procédant à des clichés de la liste des fichiers trouvés dans ce dernier dossier, il relève la présence de trois courriels avec fichiers joints envoyés le jour même entre 12h29 et 12h33 sur la boîte personnelle du salarié concernant les clients Baxter et Dsm. Par ailleurs, Me [H] constate que ces documents n'ont pas été enregistrés sur le serveur partagé 'W / PCEMBCIA', en précisant que les fichiers les plus récents qui ont été enregistrés datent du 17 janvier 2023 pour le client Baxter et du 25 avril 2022 pour le client Dsm.
Le rapport de la société KL Discovery, qui date du 9 février 2024, décrit les résultats obtenus après les investigations informatiques faites sur l'ordinateur professionnel de M. [Z], qui a été restitué le 15 janvier 2024, au cours de la période allant du 1er septembre 2023 au 15 janvier 2024, par M. [O] [K]. Il constate que l'ordinateur a été connecté à 11 périphériques de stockage USB, le dernier ayant été déconnecté le 15 janvier 2024 à 11h52, ainsi qu'un certain nombre d'interactions avec des dossiers et fichiers consultés depuis l'ordinateur et enregistrés sur des supports externes. Il relève également un accès à un grand nombre de fichiers, et notamment 4 912 documents PDF, au cours de la période considérée, et plus parculièrement les 15 premiers jours de janvier 2024, dont certains ont été vraisemblablement transférés vers un support de stockage externe, ainsi que plusieurs accès à des fichiers vidéos les 12 et 13 janvier 2024. Il donne ainsi l'exemple de 16 fichiers appartenant à la société [M] identifiés sur les supports personnels de M. [Z] en précisant qu'il s'agit d'une présentation non exhaustive et par extraits. Il souligne qu'un grand nombre de fichiers, et principalement des courriels, ont été mis à la corbeille au cours de la même période, et plus significativement le 12 janvier 2024. Il expose avoir tenté de récupérer les fichiers supprimés sur l'ordinateur mais que ceux qui ont pu l'être ne présentent pas d'intérêt. Il indique avoir mis à la disposition de l'entreprise 23 111 courriels présents sur le disque dur, dont certains font l'objet d'interactions récentes.
Ces éléments établissent donc que M. [Z] a consulté et enregistré des fichiers de l'entreprise sur des supports USB personnels, en plus d'avoir transféré des documents commerciaux concernant deux clients de sa messagerie professionnelle à sa messagerie personnelle, qui n'avaient pas été classés dans les dossiers partagés du serveur de l'entreprise, avant de tout supprimer au moment de la restitution de son ordinateur professionnel.
M. [Z], qui ne le conteste pas, explique avoir procédé de la sorte afin de lui permettre de disposer des éléments de preuve suffisants pour faire valoir ses droits devant le conseil de prud'hommes, qu'il a saisi afin notamment de contester son licenciement pour faute, obtenir la réparation de ses préjudices pour harcèlement moral et manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ainsi que le paiement d'un certain nombre de rappel de salaires. Il dément avoir détourné des données confidentielles de l'entreprise au profit d'entreprises concurrentes et affirme avoir toujours procédé à des copies de ses documents de travail sur des supports de stockage personnels.
Or, la charte informatique de l'entreprise concernant l'utilisation du matériel informatique stipule que toute introduction de ressources informatiques extérieures à l'entreprise doit être autorisée par la direction et soumise au service informatique pour vérification. En outre, il est interdit de faire des copies de données appartenant à l'entreprise. Elle rappelle également que la responsabilité pénale du salarié pourra être mise en cause, notamment en cas de copie illégale de données, qu'elles aient un caractère professionnel ou personnel (interdiction de faire des copies autres que les sauvegardes, de toute donnée à caractère aussi bien professionnel que personnel). De même, l'article 9 du contrat de travail de M. [Z] stipule qu'il s'interdit de prendre, en vue de son usage personnel ou pour tout autre usage non autorisé expressément, des copies ou des reproductions de tous documents, données, fichiers et matériels appartenant à [M] S.A mais également que Monsieur [Z] [U] s'engage à ne communiquer à qui que ce soit les procédés de réalisation ou les méthodes commerciales de [M] S.A qui seront portés à sa connaissance et à plus forte raison à ne pas faire emploi de ces procédés et méthodes pour son compte personnel ou pour le compte d'une autre entreprise. Le présente clause continuera à s'appliquer même après l'expiration du présent contrat.
Même s'il le dément, il se peut que les données copiées par M. [Z], qui sont couvertes par le secret des affaires, soient stratégiques, sensibles et confidentielles.
En effet, excepté les données commerciales concernant les clients Baxter et Dsm, les constatations de Me [H] faites depuis l'entreprise et les investigations de M. [K] réalisées sur l'ordinateur professionnel de M. [Z] ne permettent pas de déterminer l'étendue, la nature et le contenu des éléments qui ont été copiés ou enregistrés dans des supports externes appartenant à M. [Z] et qui, dès lors, sont en sa possession. C'est en ce sens que M. [K] précise, dans un courrier en date du 29 octobre 2024, que les analyses informatiques effectuées ne permettent pas de prendre connaissance du contenu des fichiers qui ont été consultés mais uniquement des informations concernant leur nom, leur date de consultation et l'emplacement à partir duquel ils ont été consultés, de même qu'elles ne permettent pas de connaître l'étendue exactes des fichiers qui ont été copiés ou enregistrés sur des périphériques externes, sachant que le simple fait de copier des fichiers sur une clé ou un disque dur USB connecté à un ordinateur sans le consulter ne laisse aucune trace détectable, à l'inverse des actions de création et/ou de consultation des fichiers qui laissent des traces dénommées 'artéfacts', soit 11 924 traces dans le cas présent, dont 4 912 concernant des documents PDF.
De même, ils ne permettent pas d'exclure une fuite des données copiées au profit d'autres entreprises concurrentes. Si la société KL Discovery a été en mesure de récupérer 23 111 courriels de la boîte professionnelle de M. [Z], il en va différemment de sa boîte mail personnelle qui a très pu être utilisée pour communiquer sur les données de l'entreprise.
Dès lors, nonobstant le contexte de rupture de la relation de travail dans lequel M. [Z] a copié les données de l'entreprise et son intention quant à leur usage, éléments sur lesquels le juge de la rétractation, saisi d'une demande de mesure d'instruction sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, n'a pas à se prononcer comme devant être débattus devant la juridiction prud'homale compte tenu du motif du licenciement pour faute grave retenu par l'employeur, la société [M] justifie l'existence d'un litige potentiel susceptible de l'opposer à M. [Z] dans le cas où la mesure sollicitée révèlerait la captation et le détournement de données sensibles de l'entreprise. En effet, en dehors du litige prud'homale opposant les parties, la société [M] pourrait envisager, en fonction des résultats de la mesure sollicitée, de rechercher la responsabilité civile, commerciale ou pénale de M. [Z], et ce, même dans le cas où la preuve d'un emploi des données pour le compte d'autres entreprises ne serait pas établie.
Les résultats de la mesure qui a été exécutée, les 1er et 15 mars 2024, et l'analyse des données numériques conservées par M. [Z], telle qu'elle résulte du procès-verbal de constat dressé le 6 juin 2024, ne sont pas de nature à rendre la mesure sollicitée dépourvue de toute utilité.
En effet, outre le fait que la cour doit apprécier l'existence du motif légitime de la mesure sollicitée au jour du dépôt de la requête initiale ainsi qu'à la lumière des éléments de preuve produits ultérieurement devant lui, le bien-fondé ou l'opportunité des procès envisagés en vue de laquelle la mesure est sollicitée importe peu à ce stade. Il suffit pour la société [M] d'établir que la mesure d'instruction sollicitée est de nature à lui permettre de réunir les éléments de fait pouvant servir de base aux procès visés.
Tel est le cas en l'espèce étant donné que la société [M] verse aux débats des éléments rendant crédible la potentialité d'actions civile, commerciale et pénale pouvant être exercées à l'encontre de M. [Z] pour captation et détournement de données confidentielles de l'entreprise et justifiant l'utilité de la mesure sollicitée en vue de l'exercice éventuel de ces procès.
L'ordonnance entreprise sera donc infirmée en ce qu'elle a considéré que la société [M] ne justifiait pas d'un motif légitime à voir réunir des éléments de preuve en vue des procès qu'elle envisage d'exercer.
Sur la proportionnalité des mesures d'instruction autorisées
Au sens de l'article 145, les mesures légalement admissibles sont celles prévues par les articles 232 à 284-1 du code de procédure civile et elles ne doivent pas porter une atteinte disproportionnée aux intérêts légitimes du défendeur. Il ne doit pas s'agir de mesures générales d'investigation.
Il est rappelé que les résultats des investigations des mesures ordonnées ne peuvent être pris en considération pour apprécier la régularité de leur autorisation, laquelle doit l'être au moment de son prononcé.
Le respect à la vie privée et familiale ne constitue pas en lui-même un obstacle à l'application des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile dès lors que les mesures ordonnées procèdent d'un motif légitime et sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées.
Il convient néanmoins que l'atteinte portée à ce principe soit proportionnée au but poursuivi. Le juge doit donc rechercher si la mesure d'instruction demandée ne s'analyse pas comme une mesure générale d'investigation excédant les prévisions de l'article 145 susvisé et veiller à ce qu'elle soit circonscrite dans le temps et son objet. Elle doit également être strictement proportionnée à l'objectif poursuivi ainsi qu'aux intérêts antinomiques en présence.
Enfin, l'instance en rétractation ayant pour seul objet de soumettre à l'examen d'un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l'initiative d'une partie en l'absence de son adversaire, la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet.
Il ne peut ordonner ni une mesure nouvelle, de même nature, mais fondée sur une cause distincte, ni une mesure nouvelle de nature différente. Il peut en revanche modifier la mission en la complétant ou l'amendant afin qu'elle soit limitée dans son étendue et dans le temps, conformément à l'article 149 du même code, ainsi que ses modalités.
La recherche doit en effet être limitée aux fichiers, documents et correspondances en rapport avec les faits litigieux et comportant des mots-clés précisément énumérés en conséquence.
En l'espèce, aux termes de l'ordonnance sur requête, Me [H], commissaire de justice, pouvant être assisté de tout autre commissaire de justice, de tous techniciens de son choix (notamment en matière informatique) et, si nécessaire, de la force publique et d'un serrurier, a été commis pour se rendre au domicile de M. [Z], dès 7h du matin afin d'optimiser les chances de le trouver à domicile et favoriser la réussite de la mesure sollicitée, aux fins d'effectuer toutes constatations concernant la détention par ce dernier de tous documents de nature financière, commerciale, stratégique ou autre appartenant à la société [M] et la transmission à quiconque, par tout support, de telles données.
Il a été autorisé à accéder aux messageries électroniques personnelles et professionnelles de M. [Z] ainsi qu'à l'ensemble de ses téléphones, ordinateurs, tablettes et tous supports de stockage informatique.
Il lui a été demandé de se faire remettre ou de rechercher tout dossier, fichier, document ou correspondance établissant de la part de M. [Z] la détention de documents appartenant à la société [M] identifiés à l'aide d'une liste de 122 mots clés pouvant être utilisés séparément ou de façon combinée, et le transfert illicite à toute personne ou à tout terminal informatique externe à la société [M] d'informations stratégiques et confidentielles la concernant, notamment en recherchant tout échange de courriels ayant pu exister entre le 21 décembre 2023 et la date d'exécution de l'ordonnance, à l'aide notamment de la liste des mêmes 122 mots clés.
Il lui a été demandé de vérifier l'absence de suppression dans les éléments susvisés de telles informations.
Il a été autorisé à prendre des photos et/ou copies sur des supports papier et/ou informatique des éléments trouvés ainsi qu'à procéder à l'extraction des disques durs des unités centrales des éléments susvisés et leur examen à l'aide d'outils d'investigation de son choix avant de les remettre en place après en avoir pris copie.
Il a été autorisé, en cas de difficultés dans la sélection et le tri des éléments recherchés ou dans l'accès aux supports informatiques à procéder à une copie complète en deux exemplaires des fichiers et disques durs et autres supports de données qui lui paraîtront nécessaires en rapport avec la mission confiée, dont une copie placée sous séquestre qui servira de référentiel et ne sera pas transmise à la partie requérante et l'autre copie qui lui servira afin de procéder, de manière différée, à l'ensemble des recherches et analyses susvisées.
Il lui a été demandé enfin de dresser un procès-verbal de constat avec la remise d'un exemplaire à la société [M] en y annexant l'ensemble des éléments appréhendés tandis qu'il devra remettre à M. [Z] une copie des pièces telles qu'elles résultent du tri auquel il aura procédé avec le technicien.
La mesure d'instruction vise donc à la remise de tout support, notamment informatique, contenant, d'une part, une copie de tous les documents appartenant à la société Le [M], et identifiés à l'aide de 122 mots clés pouvant être utilisés séparément ou de façon combinée, copiés ou enregistrés par M. [Z] sur tous les supports de stockage informatique lui appartenant et, d'autre part, une copie des échanges de courriels depuis ses messageries professionnelles ou personnelles ayant pu exister entre le 21 décembre 2023 et la date d'exécution de l'ordonnance, soit le 1er mars 2024, portant sur des informations stratégiques et confidentielles de la société [M] à l'aide notamment des mêmes 122 mots clés.
Alors même que la société [M] entendait, dans sa requête (en page 23), restreindre toutes les mesures sollicitées à la période comprise entre le 21 décembre 2023, date à laquelle M. [Z] a été placé en arrêt maladie, et le 15 janvier 2024, date à laquelle il a restitué son ordinateur professionnel, cette limitation dans le temps ne ressort pas clairement de l'ordonnance sur requête concernant la captation des données de l'entreprise, seule l'extraction des échanges de courriels entrants et sortants à compter du 21 décembre 2023 étant autorisée afin de vérifier si des données confidentielles ont été transmises à des tiers au cours de cette période.
Il y a donc lieu de circonscrire la mesure dans le temps conformément au but poursuivi en indiquant dans la mission que les éléments recherchés, qu'il s'agisse des échanges de courriels ou de la copie ou l'enregistrement des documents appartenant à la société La [M], ne porteront que sur la période comprise entre le 21 décembre 2023 et le 15 janvier 2024, sachant qu'une sauvegarde qui aurait été effectuée au cours de cette période peut bien évidemment porter sur des fichiers qui ont été créés avant le 21 décembre 2023.
De plus, si la plupart des 122 mots clés qui sont listés sont spécifiques à l'activité de la société [M], il en va différemment des mots plus génériques, tels que 'chiffres', 'plan', 'devis', 'gestion', 'offres', 'tarifs', 'rapport', 'contrat', 'budget', 'film' et 'fourniture' qui peuvent conduire à des recherches et remise d'éléments n'ayant aucun lien avec la société [M]. Afin de circonscrire la mission du commissaire de justice aux faits de captation et de détournement de données appartenant à la société [M], il convient de préciser que les recherches et la remise porteront sur les 122 mots clés, tels qu'ils résultent de l'ordonnance, pouvant être utilisés séparément ou de façon combinée entre eux, à l'exception des mots 'chiffres', 'plan', 'devis', 'gestion', 'offres', 'tarifs', 'rapport', 'contrat', 'budget', 'film' et 'fourniture' qui doivent toujours être combinés avec '[M]' et/ou les autres mots-clés.
En revanche, dès lors que la nature des documents copies ou enregistrés par M. [Z] peut concerner des dossiers, fichiers, documents et correspondances, tels que des courriels ou courriers, il n'y a pas lieu de restreindre la mission selon la nature des documents recherchés mais uniquement de restreindre les recherches, le tri et la remise selon les mots-clés susvisés.
En effet, les limitations ordonnées conduisent à circonscrire suffisamment la mission du commissaire de justice commis dans le temps et dans son objet et, ainsi, à la rendre proportionnée au regard de l'objectif poursuivi.
En outre, si M. [Z] conteste les modalités de la mesure, le commissaire de justice ayant été autorisé à procéder à sa mission en présence de tous techniciens de son choix ainsi que de la force publique et d'un serrurier, si besoin, dès 7 heures du matin, ces modalités s'expliquent par la nécessité de favoriser la réussite de la mesure sollicitée en s'assurant de la présence de M. [Z] au regard de la facilité et la rapidité avec laquelle peut être organisée la disparition des documents sollicités et par la nature de la mesure qui impose de s'assurer de la sécurité des intervenants.
Cela était d'autant plus nécessaire que les arrêts de travail de M. [Z] autorisaient des sorties sans restriction.
De plus, il résulte du procès-verbal de constat des 1er et 15 mars 2024 que le commissaire de justice est intervenu au domicile de M. [Z] à 7h15 en étant assisté de deux experts en informatique, d'un gendarme et d'un serrurier et que, dès lors que M. [Z], qui était alors en présence de son épouse et de sa mère, ainsi déclarées, les a invités à entrer dans son domicile, il a été demandé au gendarme et au serrurier de se retirer.
Ces modalités, telles qu'elles sont prévues par l'ordonnance sur requête, ne sont donc pas disproportionnées par rapport au but poursuivi par la mesure sollicitée.
Enfin, M. [Z] affirme que la mesure, telle qu'elle a été exécutée, a entraîné des conséquences disproportionnées sur sa vie privée.
Or, les résultats des investigations de la mesure ordonnée ne peuvent être pris en considération pour apprécier la proportionnalité de la mesure autorisée.
En revanche, il appartient au juge de n'ordonner que des mesures justifiées et proportionnées, en considération des intérêts et droits contradictoires en présence, à savoir le droit à la preuve de la société [M] et le droit au respect de la vie privée de M. [Z].
En l'occurrence, la portée de la mesure d'instruction qui a été ordonnée a été strictement limitée à des mots-clés personnalisés et pertinents en lien avec le litige et à une période comprise entre le 21 décembre 2023 et le 15 janvier 2024, de sorte qu'elle ne peut s'analyser comme une mesure d'investigation générale.
Le fait pour le commissaire de justice d'avoir été autorisé à procéder en deux temps, à savoir procéder à une copie complète en deux exemplaires des fichiers et disques durs et autres supports de données qui lui paraîtront nécessaires en rapport avec la mission confiée avant de procéder, de manière différée, à un tri des éléments recueillis conformément à la mission circonscrite dans le temps et dans son objet, telle qu'elle résulte du présent arrêt, ne caractérise par une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée de M. [Z].
En effet, en prévoyant expressément que la copie complète qui aura été faite devra être placée sous séquestre afin de servir de référentiel sans pouvoir être transmise aux parties et que seule la copie des éléments qui auront été sélectionnés conformément à la mission devra être remise aux parties, la mesure, telle qu'elle a été ordonnée, n'est pas de nature à porter atteinte à la vie privée de M. [Z], pas plus qu'au secret des correspondances entre un avocat et son client, les mots tels que 'avocat', 'FIDAL', 'licenciement', 'maladie', 'rupture' et 'syndicat' ne faisant pas partie des mots-clés, pas plus qu'au secret bancaire, les mots tels que 'famille' et 'comptes' n'en faisant pas plus partie.
Si le commissaire de justice et les techniciens qui l'ont assisté ont pu avoir accès à des éléments relevant de la vie privée de M. [Z], lesquels ont été placés sous séquestre, les éléments devant être remis à la société [M] ne concernent que des documents lui appartenant qui ont été copiés et enregistrés par M. [Z] entre le 21 décembre 2023 et le 15 janvier 2024 ainsi que des échanges de courriels qui seraient intervenus au cours de la même période, ce qui exclut tout document et courriel personnel.
Ces modalités, telles qu'elles résultent de l'ordonnance entreprise et de la mission, telle qu'elle a été circonscrite par le présent arrêt, permettent donc de ne pas porter atteinte à la vie privée de M. [Z].
L'ordonnance entreprise sera donc infirmée en ce qu'elle a rétracté totalement l'ordonnance sur requête du 16 février 2024, avec toutes les conséquences en résultant, en raison de l'absence de motif légitime et d'une mesure disproportionné au regard du but poursuivi.
Il y a lieu d'ordonner la rétractation partielle de l'ordonnance sur requête en ce qu'elle n'a pas suffisamment limité dans son étendue et dans le temps la mesure d'instruction qui a été ordonnée.
Compte tenu du nouveau tri que devra effectuer le commissaire de justice commis, la société Touraine et M. [Z] seront tenus de lui restituer la copie des éléments qui leur ont été remis afin qu'ils soient détruits et auront l'interdiction d'en faire usage. Le commissaire de justice commis devra, quant à lui, remettre à la société [M] et à M. [Z] la copie des éléments qui seront recueillis conformément à sa mission, telle qu'elle a été circonscrite dans le présent arrêt, et en dresser procès-verbal de constat.
Sur les demandes reconventionnelles de M. [Z]
Sur la recevabilité de l'interdiction sollicitée
L'instance en rétractation ayant pour seul objet de soumettre à l'examen d'un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l'initiative d'une partie en l'absence de son adversaire, la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet. Il s'agit de statuer sur les mérites de la requête, de sorte que le juge de la rétractation dispose des mêmes pouvoirs que ceux dont disposait le juge des requêtes.
Il ne peut ordonner ni une mesure nouvelle, de même nature, mais fondée sur une cause distincte, ni une mesure nouvelle de nature différente.
En l'espèce, M. [Z] demande, à titre reconventionnel, de faire interdiction à la société [M] de conserver et d'utiliser ses informations personnelles et de sa famille, et notamment les courriers et fichiers personnels et tous échanges avec son avocat, sous astreinte.
Or, étant donné que la rétractation totale de l'ordonnance sur requête ayant prescrit la mesure par le premier juge a été infirmée, seule la portée de la mesure ayant été limitée dans le temps et dans son objet, cette demande doit être déclarée irrecevable, d'autant qu'elle porte sur des pièces qui auraient été recueillies lors de l'exécution de la mesure d'instruction. Une telle demande, qui ne porte pas sur les mérites de la requête, ne peut être faite que dans le cadre d'une autre procédure, de référé ou au fond.
L'ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a déclaré la demande de M. [Z] formée de ce chef irrecevable.
Sur la recevabilité de la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
L'article 564 du code de procédure civile énonce, qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
En l'espèce, alors même que M. [Z] fonde sa demande de dommages et intérêts en raison d'un abus du droit d'agir en justice qu'aurait commise, l'appelante, en ce qu'elle a sollicité une mesure d'instruction par voie de requête, il convient de relever que cette demande n'a jamais été formée devant le juge de la rétractation.
Il reste qu'il fonde également sa demande de dommages et intérêts par le fait que la société [M] s'entête dans une procédure d'appel s'apparentant à un véritable acharnement à son encontre.
S'agissant d'un fait qui s'est révélé par la déclaration d'appel, la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par M. [Z] en appel ne peut être considérée comme étant une demande nouvelle irrecevable.
Il y a donc lieu de rejeter la fin de non-recevoir soulevée de ce chef par la société [M].
Sur le bien-fondé de la demande de dommages et intérêts pour appel abusif
En application de l'article 559 du code de procédure civile, en cas d'appel principal dilatoire ou abusif, l'appelant peut être condamné à une amende civile sans préjudice des dommages et intérêts qui lui seraient réclamés.
Il est admis que celui triomphe, même partiellement, en son appel ne peut être condamné à des dommages et intérêts pour avoir abusé de son droit d'exercer des voies de recours.
En l'espèce, dès lors que la société [M] obtient gain de cause à hauteur d'appel, M. [Z] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Dès lors que la mesure d'instruction sollicitée a été strictement limitée à l'objectif poursuivi, de sorte que le recours en rétractation exercé par la société [M] était en partie fondé, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a mis les dépens à sa charge et l'a condamnée au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il y a donc lieu de laisser à chaque partie la charge de ses dépens de première instance et d'appel et de dire n'y avoir lieu, de ce fait, à la distraction de ceux d'appel au profit de Me Françoise Boulan, membre de la SELARL LX Aix-en-Provence, avocats associés aux offres de droit, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ces conditions, l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'une ou de l'autre des parties, de sorte qu'elles seront déboutées de leur demande formée de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande de M. [U] [Z] tendant à faire interdiction à la SAS [M] de conserver et d'utiliser ses informations personnelles et de sa famille, et notamment les courriers et fichiers personnels et tous échanges avec son avocat, sous astreinte ;
L'infirme en toutes ses autres dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Rétracte partiellement l'ordonnance sur requête en date du 16 octobre 2024 rendue par le président du tribunal judiciaire de Grasse ;
Limite l'ensemble de la mesure d'instruction ordonnée, qu'il s'agisse des échanges de courriels ou de la copie ou l'enregistrement des éléments recherchés, dans le temps à la période allant du 21 décembre 2023 au 15 janvier 2024, et ce, quelle que soit la date de création desdits éléments ;
Limite la mesure d'instruction ordonnée s'agissant uniquement des mots- clés 'chiffres', 'plan', 'devis', 'gestion', 'offres', 'tarifs', 'rapport', 'contrat', 'budget', 'film' et 'fourniture' qui devront être utilisés en les combinant avec le mot-clé '[M]' et/ou les autres mots-clés ;
Ordonne en conséquence à la SAS [M] et à M. [U] [Z] de restituer au commissaire de justice commis la copie des éléments appréhendés qui leur ont été remis afin qu'ils soient détruits ;
Fait interdiction à la SAS [M] et à M. [U] [Z] d'utiliser lesdits éléments ;
Ordonne au commissaire de justice commis de dresser un nouveau procès-verbal de constat qui sera déposé au greffe du tribunal judiciaire de Grasse dans les deux mois de la présente décision, et dont un exemplaire sera remis à la SAS [M] et M. [U] [Z], en y annexant l'ensemble des éléments appréhendés qui devront être recueillis conformément à sa mission, telle qu'elle a été circonscrite dans le temps et dans son objet aux termes du présent arrêt ;
Déclare recevable la demande de dommages et intérêts formée par M. [U] [Z] pour appel abusif ;
Déboute M. [U] [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif ;
Déboute la SAS [M] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en appel non compris dans les dépens ;
Déboute M. [U] [Z] de sa demande formulée sur le même fondement ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens de première instance et d'appel et dit n'y avoir lieu, de ce fait, à la distraction de ceux d'appel au profit de Me Françoise Boulan, membre de la SELARL LX Aix-en-Provence, avocats associés aux offres de droit, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
La greffière La présidente
Chambre 1-2
ARRÊT
DU 09 OCTOBRE 2025
N°2025/544
Rôle N° RG 24/12834 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BN3PX
S.A.S. [M]
C/
[U] [Z]
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Françoise BOULAN
Me Sandrine COHEN-SCALI
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par le TJ de GRASSE en date du 10 Octobre 2024 enregistrée au répertoire général sous le n° 24/00584.
APPELANTE
S.A.S. [M]
prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est [Adresse 1]
représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Rachid CHENIGUER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
et assistée par Me Alexandre GAUDIN de la SELARL GAUDIN CHARDIN ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substitué par Damien CANALI, avocat au barreau de PARIS, plaidant
INTIME
Monsieur [U] [Z]
né le 22 Octobre 1969 à [Localité 5],
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Sandrine COHEN-SCALI, avocat au barreau de GRASSE, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Septembre 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Angélique NETO, Présidente chargée du rapport, et Mme Paloma REPARAZ, Conseillère.
Mme Angélique NETO, Présidente, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Angélique NETO, Présidente
Mme Séverine MOGILKA, Conseillère
Madame Paloma REPARAZ, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Caroline VAN-HULST.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Octobre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Octobre 2025.
Signé par Mme Angélique NETO, Présidente et Mme Caroline VAN-HULST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
M. [U] [Z] a été embauché en 2009 par la société par actions simplifiée (SAS) [M], entreprise qui produit des emballages techniques de haute qualité pour les industries de la parfumerie, en qualité de directeur commercial moyennant une rémunération annuelle brute de 84 500 euros.
La société, qui était initialement une entreprise familiale, a cédé en septembre 2022 la majorité de son capital à la société Motion equity partners et un nouveau président de groupe a été nommé.
Dans le courant du mois de décembre 2023, une proposition de rupture conventionnelle de son contrat de travail a été adressée à M. [Z] par son employeur.
Le 21 décembre 2023, M. [Z] a été arrêté par son médecin.
Le 11 janvier 2024, la société [M] a mis en demeure M. [Z] de lui restituer sous 48 heures l'ensemble des données clients ainsi que tout le matériel professionnel en sa possession, y compris son ordinateur portable, au motif qu'elle ne disposait pas des documents de travail concernant deux clients stratégiques, Baxter et Dsm.
Le 15 janvier 2024, M. [Z] a restitué le matériel, et ce, en indiquant avoir déjà transmis à sa hiérarchie, à la fin de l'année 2023, les documents concernant les clients Baxter et Dsm.
Le 16 février 2024, M. [Z] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'une éventuelle sanction disciplinaire pouvant allant jusqu'au licenciement pour faute grave.
A la suite de l'entretien qui s'est déroulé le 11 mars 2024, la société [M] a notifié à M. [Z], par courrier en date du 2 avril 2024, son licenciement pour faute grave au motif qu'il s'était approprié un important volume de données sensibles appartenant à son employeur.
Par requête en date du 15 février 2024, la société [M] a sollicité du président du tribunal judiciaire de Grasse l'autorisation de procéder à une mesure d'instruction in futurum au domicile de M. [Z] sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile.
Par ordonnance rendue le 16 février 2024, le juge des requêtes a :
- constaté, au vu des justifications produites, que le requérant est fondé à ne pas appeler les parties visées par la mesure, les documents dont la société [M] sollicite l'appréhension étant des documents par nature volatiles (fichiers informatiques, courriels, documents) soumis à un risque élevé de déperdition ou d'altération dans l'hypothèse Monsieur [U] [Z] serait informé en amont et dans un cadre contradictoire des mesures sollicitées ;
- ordonné une mesure de constat ;
- commis pour y procéder un commissaire de justice avec pour mission de se rendre au domicile de Monsieur [U] [Z], au [Adresse 2] à [Localité 6] ou tout autre lieu il aurait établi son domicile personnel aux fins d'effectuer toutes contacts constatations concernant :
* la détention par Monsieur [U] [Z] de tous documents de nature financière, commerciale, stratégique ou autre appartenant à la société [M],
* la transmission à quiconque, par tous supports, de telles données, et pour ce faire :
** accéder aux messageries électroniques personnelle(s) et professionnelle(s) de Monsieur [U] [Z], à savoir notamment :
' [Courriel 3]
' [Courriel 4]
** se faire remettre en cas de besoin, les codes d'accès et/ou les motsde passe permettant d'accéder aux messageries électroniques susvisées,
** accéder à l'ensemble des ordinateurs fixes et portables, tablettes, et tous supports de stockage informatique de Monsieur [U] [Z],
** accéder au(x) téléphone(s) portable(s) de Monsieur [U] [Z],
** se faire remettre en cas de besoin des codes d'accès et/les mots de passe permettant d'accéder aux fichiers informatiques de Monsieur [U] [Z],
** se faire remettre ou rechercher tout dossier, fichier, document ou correspondance quel qu'en soit le support informatique ou autre, établissant de la part de Monsieur [U] [Z] :
' la détention de tous documents contenant le nom de clients, fournisseurs et prospects ainsi que tous procédés industriels ou documents appartenant à la société [M], notamment identifiés à l'aide des mots-clés listés ci-dessous,
' un transfert illicite, à toute personne ou à tout terminal informatique externe à la société [M], d'informations stratégiques et confidentielles de la société [M] tels que, notamment, des fichiers clients, listings des ventes, prix, politique commerciale, procédés industriels, savoir-faire, secret de fabrication, et pour ce faire, rechercher tout échange de courriels ayant pu exister entre le 21 décembre 2023 et la date d'exécution de la présente ordonnance, notamment à l'aide des mots-clés listés ci-dessous,
** vérifier l'absence de suppression dans ses ordinateurs, tablettes, téléphones, supports de stockage informatique ou documents par Monsieur [U] [Z] portant sur les informations stratégiques et confidentielles de la société [M],
** et contenant les mots clés déclinaison des mots-clés suivants : [il sera renvoyé à l'ordonnance pour la liste complète de ces mots-clés]
** toutes les locutions ou mots-clés ci-dessus et leurs déclinaisons pouvant être utilisés séparément ou de façon combinée et être écrits en minuscule et/ou majuscule, au
singulier ou au pluriel afin de répondre à l'objet de ladite mission,
- autorisé le commissaire de justice à se faire assister de toute autre commissaire de justice territorialement compétent,
- autorisé que les opérations de constat puissent être effectuées dès 7h00 du matin, afin d'optimiser les chances de trouver Monsieur [U] [Z] à domicile et favoriser la réussite des mesures sollicitées,
- autorisé le commissaire de justice à se faire accompagner ou assister de tous techniciens de son choix, notamment en matière informatique,
- autorisé le commissaire de justice à prendre des photos et/ou des copies sur supports papier et/ou informatique, des éléments trouvés, ainsi que de tout matériel jugé nécessaire par lui, à défaut d'utiliser ses propres moyens de copies, au besoin en les emportant temporairement en son étude,
- autorisé le commissaire de justice et le technicien choisi par lui, si nécessaire à procéder à l'extraction des disques durs des unités centrales des ordinateurs fixes et portables, tablettes et tous supports de stockage informatique, à leur examen à l'aide d'outils d'investigation de son choix, puis à la remise en place de ces disques durs dans leur unité centrale respective après en avoir pris copie,
- autorisé le commissaire de justice, en cas de difficultés dans la sélection et le tri des éléments recherchés, notamment au regard de leur volume ou en cas de difficultés rencontrées dans l'accès aux supports informatiques, à procéder à une copie complète en deux exemplaires des fichiers et disques durs et autres supports de données qui lui paraîtront nécessaires en rapport avec la mission confiée, dont une copie placée sous séquestre servira de référentiel et ne sera pas transmise à la partie requérante et l'autre copie servira au commissaire de justice de sorte à lui permettre de procéder de manière différée, avec l'aide du ou des techniciens choisis par lui, à l'ensemble des recherches et analyses visées ci-dessus,
- autorisé le commissaire de justice à se faire assister, si nécessaire et en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier,
- dit qu'en cas d'analyse différée, le technicien devra établir une note technique établissant la traçabilité de ses opérations et détruire ses fichiers de travail après réalisation de sa mission, et dit que le commissaire de justice remettra à la partie auprès de laquelle il les aura obtenues une copie des pièces telles qu'elles résultent du tri auquel il aura procédé
avec le technicien,
- ordonné que soit conservé en séquestre l'exemplaire des copies des documents qui auront été réalisés,
- ordonné que soit dressé un procès-verbal de constat qui sera déposé au greffe du tribunal judiciaire de céans dans les deux mois de l'exécution de la mission, et dont un exemplaire sera remis à la partie requérante, en annexant l'ensemble des éléments appréhendés,
- dit que le commissaire de justice procédera à l'exécution de sa mission dans un délai de deux mois à compter de l'ordonnance,
- dit par application de l'article 495 du code de procédure civile, l'ordonnance exécutoire au seul vu de la minute,
- dit que la présente ordonnance sera déposée au secrétariat-greffe de ce tribunal et qu'il en sera référé en cas de difficultés.
Le commissaire de justice désigné a procédé à ses opérations avant de dresser des procès-verbaux de constat le 1er mars 2024 à 7h15 pour intervention sur le site et le 15 mars 2024 pour analyse différée en son office.
Par acte de commissaire de justice en date du 29 mars 2024, M. [Z] a fait assigner la société [M] devant le président du tribunal judiciaire de Grasse afin d'obtenir la rétractation de l'ordonnance sur requête rendue le 16 février 2024.
Par ordonnance en date du 10 octobre 2024, ce magistrat a :
- déclaré recevable et bien-fondé la demande formée par M. [Z] aux fins de rétractation de l'ordonnance présidentielle du 16 février 2024 rendue sur la requête de la SAS [M] ;
- rétracté l'ordonnance sur requête de la 1ère vice-présidente du tribunal judiciaire de Grasse du 16 février 2024 avec toutes conséquences de droit et de fait ;
- ordonné la restitution par le commissaire de justice instrumentaire, par l'expert informatique l'accompagnant et par la SAS [M] de l'intégralité des documents ayant pu être appréhendés au cours des opérations autorisées par l'ordonnance du 16 février 2024, et ce dans un délai de 48 heures à compter de la signification de la présente ordonnance à la SAS [M], et sous astreinte de 500 euros par jour de retard en ce qui concerne cette dernière, cette astreinte courant pendant un délai de trois mois passé lequel délai il pourra être à nouveau statué sur l'astreinte ;
- fait interdiction à la SAS [M] d'utiliser toutes informations saisies en application de l'ordonnance sur requête en date du 16 février 2024 ou de s'en prévaloir, sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée ;
- ordonné la destruction par le commissaire de justice instrumentaire et par l'expert informatique l'accompagnant, de tous les duplicatas ayant pu être saisis ou réalisés au cours des opérations autorisées par l'ordonnance du 16 février 2024, quelle qu'en soit leur forme, et ce dans un délai de 48 heures à compter de la signification de la présente ordonnance à la SAS [M] ;
- déclaré irrecevable la demande relative aux échanges que M. [Z] a pu avoir avec son avocat qui auraient été appréhendés par la SAS [M] lors des investigations menées à sa demande le 9 février 2024 par KL Discovery ;
- rejeté le surplus des demandes formées par M. [Z] ;
- débouté la SAS [M] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la SAS [M] à payer à M. [Z] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la SAS [M] aux entiers dépens, avec distraction au profit de Maître Gomila, avocat associé de la SCP WABG.
Il a notamment estimé :
- qu'aucune critique n'était émise quant à la nécessité de déroger au principe du contradictoire ;
- que la mesure d'instruction sollicitée, à savoir une mesure d'investigation au domicile de M. [Z] sur tous ses supports informatiques, téléphoniques et messageries électroniques personnels, ne reposait sur aucun motif légitime pour les raisons suivantes :
* contrairement à ce qu'il est indiqué dans la requête, M. [Z] faisait toujours partie des effectifs à la date du 21 décembre 2023 et que, dans la mesure où il était en télétravail lorsqu'il a été placé en arrêt de travail à compter du 21 décembre 2023, il était légitime pour lui d'être en possession de ses outils de travail à son domicile, et notamment son ordinateur portable professionnel ;
* le fait pour la société [M] d'avoir, le 11 janvier 2024, mis en demeure M. [Z] de lui restituer sous 48 heures les outils professionnels mis à disposition alors qu'il était en arrêt-maladie était critiquable, sachant que M. [Z] démontrait avoir transmis des éléments concernant les clients Baxter et Dsm à M. [S] et Mme [E] par courriels des 21 novembre et 20 décembre 2023 ;
* l'envoi par M. [Z] de trois mails depuis sa messagerie professionnelle vers sa messagerie personnelle, comportant des fichiers joints concernant les éléments transmis à la fin de l'année 2023 portant sur les clients Baxter et Dsm, le 12 janvier 2024, était intervenu immédiatement après avoir été sommé par son employeur de restituer son matériel professionnel, en ce compris son ordinateur professionnel, ce qui démontrait la volonté du salarié de conserver la preuve de l'existence des documents réclamés ainsi que leur transmission à la hiérarchie ;
* le procès-verbal de constat dressé le 12 janvier 2024 par Me [H] établissait que la société [M] disposait d'un accès total à la messagerie professionnelle de M. [Z] sans qu'il n'était démontré l'envoi de d'autres messages suspects que les trois mails susvisés ;
* le fait pour M. [Z] d'avoir effacé ces envois de sa messagerie professionnelle ne révélait rien de suspect dès lors qu'il était normal d'expurger de sa messagerie professionnelle des éléments pouvant avoir un caractère ou une destination personnelle avant la restitution de l'ordinateur à son employeur ;
* les investigations informatiques menées le 9 février 2024 par KL Discovery sur l'ordinateur portable de M. [Z] avaient permis à la société [M] d'identifier très précisément la quantité (16) et la nature des fichiers qui avaient été copiés par M. [Z] sur des clés USB entre le 20 décembre 2023 et le 13 janvier 2024 sans qu'il n'en ressortait l'appropriation de données sensibles appartenant à l'entreprise et que les éléments envoyés depuis sa messagerie professionnelle ne démontraient aucun contact avec des concurrents ;
* le fait pour M. [Z] d'avoir utilisé son ordinateur professionnel lors de son arrêt maladie n'avait rien d'anormal ou de suspect, de même que la recrudescence d'activité constatée à la fin de l'année 2023 et au début de l'année 2024, à un moment où il avait été sommé de restituer son ordinateur professionnel, ce qui avait nécessité de remettre de l'ordre dans ses fichiers avant toute restitution ;
* le fait pour M. [Z] d'avoir omis d'effectuer des sauvegardes sur le serveur partagé ne démontrait pas une volonté de s'approprier de manière illicite des données de l'entreprise ;
* rien ne prouvait la volonté de M. [Z] de transmettre des données de l'entreprise à des concurrents ou toute autre intention autre que celle de préserver ses droits et conserver des preuves dans la perspective d'un litige avec son employeur ;
- que, de manière surabondante, la mesure d'instruction, telle que sollicitée, était disproportionnée au regard, d'une part, du nombre important de mots-clés (122) comportant des mots de caractère très générique tels que 'chiffres', 'fiches', 'fourniture', 'plan', 'contrat', 'stratégie'...pouvant donner accès à des données personnelles et, d'autre part, de ses modalités, à savoir une perquisition privée par un commissaire de justice en présence de techniciens, d'un serrurier et de la force publique réalisée à 7 heures du matin, sachant que M. [Z] était restreint dans ses heures de sortie comme étant en arrêt maladie.
Suivant déclaration transmise au greffe le 22 octobre 2024, la société [M] a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions dûment reprises.
Par arrêt en date du 20 février 2025, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a arrêté l'exécution provisoire de l'ordonnance entreprise.
Aux termes de ses écritures transmises le 20 juin 2025, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des prétentions et moyens, elle demande à la cour d'infirmer l'ordonnance entreprise et statuant à nouveau de :
- débouter M. [Z] de ses demandes ;
- juger irrecevable sa demande nouvelle en cause d'appel de condamnation au paiement de la somme de 10 000 euros pour procédure abusive ;
- confirmer en conséquence l'ordonnance du 16 février 2024 en toutes ses dispositions ;
- condamner M. [Z] à lui verser la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de Me Françoise Boulan, membre de la SELARL LX Aix-en-Provence, avocats associés aux offres de droit.
Elle expose que la mesure sollicitée repose sur un motif légitime notamment pour les raisons suivantes :
- sa compétititivé est organisée autour de trois pôles (des savoir-faire particuliers en matière de fabrication et de design des produits, sur les applications possibles de ses produits et dans les domaines commerciaux et tarifaires) qui requièrent chacun la protection du secret ;
- sa charte informatique ainsi que le contrat de travail de M. [Z] rappellent l'interdiction d'effectuer des copies des données de l'entreprise qu'elles aient un caractère professionnel ou personnel ;
- M. [Z] a été placé en arrêt maladie à compter du 21 décembre 2023 tout en conservant par devers lui ses outils professionnels, sachant qu'il avait accès à un certain nombre de données sensibles compte tenu de sa position dans l'entreprise ;
- elle s'est rendue compte, durant son arrêt de travail, que des fichiers et certaines données commerciales ne figuraient pas dans les dossiers de travail prévus à cet effet au sein de son serveur W:/, tel que cela résulte du procès-verbal de constat dressé le 12 janvier 2024, raison pour laquelle elle a mis en demeure son salarié, le 11 janvier 2024, de lui transmettre certains fichiers ainsi que les outils professionnels mis à sa disposition ;
- le même constat révèle que M. [Z] s'est connecté à distance aux serveurs de l'entreprise le 12 janvier 2024 afin de récupérer les données sollicitées en les transférant, depuis son email professionnel, vers une adresse électronique personnelle, au moyen de trois courriels avec fichiers joints, avant d'effacer toute trace de cette action, alors qu'il aurait pu se connecter directement sur le serveur de l'entreprise pour adresser, depuis sa boite professionnelle, les éléments sollicités ou les mettre à disposition sur le serveur au sein du dossier concerné ;
- le fait pour M. [Z] d'avoir envoyé des éléments par courriel ne le dispensait pas de son obligation de tenir à jour les dossiers partagés du serveur de l'entreprise en y classant les données commerciales nécessaires ;
- ces agissements ont éveillé sa crainte quant à la protection de ses données confidentielles ;
- qu'avant de déposer sa requête, elle a fait appel à un expert informatique afin qu'il confirme ou infirme ses soupçons de détournements de données lui appartenant, à la suite de quoi un rapport sera dressé le 9 février 2024 par la société KL Discovery après avoir procédé à l'étude des données présentes sur l'ordinateur professionnel de M. [Z] ;
- ce rapport confirme une potentielle fuite de données, sans pour autant de connaitre la nature et l'identité de tous les fichiers qui auraient été copiés et qui se trouveraient sur des supports de stockage externe appartenant à M. [Z], le contenu des fichiers concernés et le nombre de fichiers qui ont été copiés, raison pour laquelle elle a déposé sa requête ;
- il montre :
* que M. [Z] a massivement utilisé son ordinateur professionnel durant son arrêt maladie et a interagi avec 11 924 documents, ce qui a été révélé par les artéfacts, dont 4 912 documents PDF, sans que l'on puisse déterminer l'usage qui a été fait de ces consultations de documents entre le 21 décembre 2023 et le 15 janvier 2024 ;
* qu'il a connecté des périphériques de stockage USB à son ordinateur portable professionnel avant de le restituer à l'entreprise ;
* qu'il s'est notamment connecté à distance au serveur de l'entreprise pendant son arrêt maladie et a consulté des documents lui appartenant protégés par le secret des affaires ;
* la présence de fichiers commerciaux sur les clés USB de M. [Z] ;
- les conclusions de l'expert informatique caractérisent donc le motif légitime de la mesure d'instruction sollicitée dès lors que les données potentiellement captées sont stratégiques et couvertes par le secret des affaires ;
- la mesure sollicitée vise à déterminer avec certitude le nombre et la nature des données de l'entreprise qui auraient été détournées et qui seraient présentes sur les supports de stockage appartenant à M. [Z] ;
- les constatations réalisées les 1er et 15 mars 2024 en exécution de la requête montrent que M. [Z] détient des données de l'entreprise qu'il refuse de détruire en invoquant l'exercice de ses droits de la défense.
En réplique aux moyens de défense, elle :
- dément toute volonté d'évincer M. [Z] de la direction depuis que le fonds Motion Equity Partners a investi dans le groupe [M], faisant observer que la famille [M] est toujours active et que les deux offres d'emploi publiées lors de l'arrêt maladie de M. [Z] concernaient des postes de manager au sein de l'équipe commerciale et non son poste de directeur commercial ;
- conteste les affirmations de M. [Z] selon lesquelles il aurait été la cible de faits de harcèlement moral dès lors que l'enquête menée par le cabinet d'audit indépendant Fraissinet inscrit sur les listes de l'inspection du travail prouve le contraire, sachant que ses suspicisions sur le vol de ses données sont apparues après les discussions intervenues sur l'éventuelle rupture conventionnelle et que M. [Z] s'est plaint pour la première fois de harcèlement lorsqu'il a été placé en arrêt de travail ;
- relève que M. [Z] affirme faussement que le rapport de constat du 12 janvier 2024 démontrerait que des enregistrements auraient été effectués sur le serveur de l'entreprise, qu'il travestit les données du rapport de l'expert informatique pour tenter de faire croire qu'elle avait accès à sa messagerie professionnelle, et ce, alors même que les courriels ont été retrouvés sur le disque dur de son ordinateur portable professionnel et qu'il tente de jeter le discrédit sur les documents appréhendés par le commissaire de justice en exécution de la requête ;
- dément avoir été en possession des documents appréhendés dans le cadre de la mesure d'instruction, faisant observer que les captures d'écran insérées par M. [Z] dans ses écritures ne figurent pas dans le constat d'huissier qu'il a fait dresser le 6 juin 2024.
Elle critique la décision entreprise principalement en ce que :
- les éléments pris en compte par le premier juge pour fonder sa décision sont factuellement inexacts dès lors que les investigations de la société KL Discovery ne permettent pas de connaitre et d'identifier l'ampleur des fichiers qui ont été copiés sur des supports de stockage appartenant à M. [Z], comme cela est expliqué dans une lettre en date du 29 octobre 2024 en ce que le simple fait d'effectuer un copier d'un fichier présent sur un emplacement puis de le coller sur une clé USB sans l'ouvrir ne laisse pas de trace détectable, outre le fait que M. [Z] reconnait avoir copié des fichiers confidentiels et couverts par le secret des affaires appartenant à l'entreprise qui ne sont aucunement utiles dans le cadre d'un litige avec son employeur, ce qui justifie la mesure sollicitée afin d'établir une preuve directe des détournements de fichiers confidentiels lui appartenant et le constat de leur présence sur des supports de stockage appartenant à l'intimé ;
- la mesure sollicitée est proportionnée dès lors qu'elle porte uniquement sur les fichiers appartenant à la société [M] à l'exclusion de toutes autres, ce qui exclut toutes données personnelles, outre le fait qu'il entre dans la mission du commissaire de justice d'expurger tout document n'entrant pas dans l'objet de la mesure ordonnée, que la présence d'un gendarme et d'un serrurier est une mesure de protection classique dans le cadre de l'exécution de telles mesures afin d'assurer la sécurité des intervenants et que M. [Z] n'était pas tenu de rester son domicile en dehors des heures de sortie autorisées pendant son arrêt de travail.
Enfin, elle considère que la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par l'intimé est irrecevable comme ayant été formé pour la première fois en appel.
Aux termes de ses écritures transmises le 16 juin 2025, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des prétentions et moyens, M. [Z] sollicite de la cour qu'elle confirme l'ordonnance entreprise sauf en ce qu'elle a déclaré irrecevable sa demande relative aux échanges qu'il a pu avoir avec son avocat et statuant à nouveau :
- fasse interdiction à la société [M] de conserver et d'utiliser ses informations personnelles et de sa famille, et notamment les courriers et fichiers personnels et tous échanges avec son avocat, sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée ;
- déboute l'appelante de ses demandes ;
- la condamne à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- la condamne à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris le coût du procès-verbal de constat dressé par Me [D] le 6 juin 2024.
Il expose que l'entreprise a exposé de manière mensongère et fallacieuse les faits dans l'unique d'obtenir l'ordonnance sur requête notamment pour les raisons suivantes :
- en tant que directeur des ventes, il n'avait accès, sur le serveur partagé, qu'aux données commerciales de la société [M], ce qui exclut les données portant sur la fabrication, le savoir-faire, les tarifs fournisseurs, le marketing..., faisant observer que cela explique l'absence de clause de non-concurrence dans son contrat et qu'il résulte du procès-verbal de constat dressé à sa demande le 6 juin 2024 que les fichiers qu'il a conservés ne portent pas sur les savoir-faire et autres secrets de fabrication ou procédés industriels de la société [M] ;
- à partir du moment où la société [M] a été rachetée par un fonds d'investissement, une stratégie a été mise en place afin de se séparer de l'ancienne direction et des cadres aux plus hauts salaires ;
- il va être victime tout au long de l'année 2023 de pression et d'agissements de harcèlement moral afin de le pousser à démissionner, faits qu'il a dénoncés en juillet, octobre et décembre 2023, avant de lui proposer une rupture conventionnelle à la fin de l'année 2023 en lui laissant 48 heures pour se prononcer, étant relevé qu'il critique la manière dont l'enquête diligentée à la demande de l'inspection du travail, concluant à l'absence de faits de harcèlement moral, tout en relevant toutefois les carences de l'entreprise en terme de méthodes de management dans un contexte de transformation, a été menée, éléments qui ont été volontairement dissimulés dans la requête ;
- au moment de la requête, il n'avait nullement quitté l'entreprise, contrairement à ce que l'appelante a laissé croire dans sa requête, puisqu'il était, après avoir était en télétravail, en arrêt de travail depuis le 21 décembre 2023 pour cause de maladie, période au cours de laquelle l'appelante va le mettre en demeure, le 11 janvier 2024, de lui restituer ses données professionnelles et son matériel professionnel sous 48 heures en prétextant qu'il n'aurait pas déposé sur le réseau partagé de l'entreprise des documents importants concernant les clients Dsm et Baxter ;
- n'ayant pas quitté l'entreprise, il était normal qu'il soit en possession de son ordinateur professionnel et des supports de sauvegarde de ses données professionnelles, ce qui démontre l'absence de volonté délibérée de sa part de conserver des fichiers confidentiels mais également la faute commise par son employeur lorsqu'il lui enjoint de lui restituer les outils professionnels mis à sa disposition alors qu'il est en arrêt maladie ;
- les trois documents commerciaux sollicités avaient bien été enregistrés sur le serveur de l'entreprise et transmis à sa hiérarchie par email des 21 novembre et 18 décembre 2023, outre le fait que l'appelante avait accès à distance à l'intégralité des données contenues sur ses outils professionnels sans avoir besoin de son ordinateur professionnel, comme le démontre le procès-verbal de constat dressé le 12 janvier 2024, date à laquelle l'appelante n'était pas encore en possession de son ordinateur, et qu'elle a faussement prétexté une prétendue entrave des négociations tarifaires en cours, lesquelles étaient en réalité terminées, afin de récupérer son ordinateur professionnel ;
- comprenant que son employeur était en train de rechercher de faux prétextes pour le licencier, il a été contraint de se connecter au serveur de la société afin de récupérer les preuves démontrant que les trois fichiers prétendument absents du serveur s'y trouvaient bien en les transférant de sa messagerie professionnelle vers sa messagerie personnelle avant d'effacer les emails en question destinés à un usage personnel conformément à la charte informatique de la société qui stipule que les données à caractère personnel devront être supprimées par le salarié quotidiennement qui s'engage également à supprimer les messages devenus inutiles afin de ne pas saturer le système ;
- le constat d'huissier dressé le 12 janvier 2024 à la demande de l'appelante démontre la présence dans l'espace partagé des fichiers prétendument absents du serveur sans quoi il ne serait pas parvenu à se les transférer ;
- le 15 janvier 2024, il a déféré à la sommation illégitime de son employeur de restitution du matériel professionnel mis à sa disposition, et notamment son ordinateur et téléphone professionnels ;
- le rapport d'analyses informatiques dressé par la société KL Discovery le 9 février 2024 n'identifie et n'alerte sur aucune crainte, sachant que l'appelante a eu accès aux 23 111 courriels qui ont été retrouvés, que les sauvegardes de fichiers qu'il a effectués sur des supports externes (au nombre de 4) s'expliquent par ses déplacements professionnels et la nécessité pour lui de pouvoir accéder à ses fichiers professionnels en tous lieux et à tout moment, sans que la preuve ne soit rapportée qu'il s'agirait de fichiers stratégiques, que les 764 fichiers qui ont été consultés et enregistrés sur un périphérique externe entre le 1er septembre 2023 et le 15 janvier 2024 sont parfaitement identifiables comme cela est démontré par l'exemple de 16 fichiers, que les pics d'activité relevés du 11 au 15 janvier 2024 correspondent au moment où il a été contraint de se connecter à son ordinateur professionnel afin de procéder à son nettoyage avant de le restituer et de récupérer l'ensemble des moyens de preuve nécessaires à l'exercice de ses droits de la défense dans le cadre de l'action prud'homale envisagée, contrairement aux pics d'activité relevés après le 15 janvier 2024, jour où il a restitué son ordinateur ;
- le 16 février 2024, soit le jour où l'ordonnance sur requête a été rendue, sans attendre les résultats des recherches sollicitées, qui ne seront communiqués que le 16 mai 2024, l'appelante a initié la procédure de licenciement pour faute grave à son encontre ;
- il a toujours réfuté avoir capté des données confidentielles appartenant à l'entreprise en indiquant n'avoir sauvegardé que les documents utiles à la défense de ses intérêts dans le cadre du contentieux prud'homal et de la présente procédure, faisant observer que l'appelante fait état de 3 487 fichiers après en avoir dénombré 11 924, sachant qu'ils ne sont que 495 en enlevant les doublons, dont 209 qui ont été modifiés postérieurement au 21 décembre 2023 et 112 fichiers entre le 21 décembre 2023 et le 15 janvier 2024 , comme cela résulte du procès-verbal de constat qu'il a fait dresser en juin 2024, ce qui correspond à 32 fichiers pour établir le calcul de sa rémunération variable et 24 fichiers pour apporter la preuve des faits de harcèlement moral dont il a été victime ;
- la preuve d'une fuite massive de données professionnelles n'est pas rapportée, sachant que l'analyse des documents saisis à mis en évidence son respect des procédures, et notamment de la charte informatique et de sa parfaite loyauté envers son employeur ;
- la mesure sollicitée est inutile dès lors que l'appelante a connaissance des mails et fichiers qu'il détient en accédant librement à sa messagerie professionnelle, aux sauvegardes des disques et aux documents enregistrés sur les serveurs partagés.
Par ailleurs, il estime que la mesure sollicitée est disproportionnée :
- quant aux recherches effectuées sur son ordinateur dès lors que l'appelante n'a pas attendu les résultats de la mesure sollicitée pour procéder à son licenciement, qu'elle avait accès à l'intégralité des informations nécessaires pour établir une prétendue captation et un détournement de données, qu'un certain nombre de mots clés qui n'ont rien à voir avec l'activité de l'appelante permettant d'accéder à des fichiers privés, que la requête ne circonscrit pas la recherche comme sollicitant une saisie de tous les documents appartenant à l'appelante sans limiter sa demande aux documents pouvant être utiles dans le cadre d'un éventuel litige et que l'ordonnance n'a pas circonscrit dans le temps les documents à rechercher ;
- quant aux moyens utilisés pour la saisie des données en ce qu'une perquisition a été effectuée à son domicile le 1er mars 2024 à 7h15 par un commissaire de justice accompagné d'un expert informatique et assisté de 4 gendarmes et d'un serrurier en présence de sa famille ;
- quant aux conséquences sur sa vie privée étant donné que l'intervention du commissaire de justice à se faire remettre ou rechercher tout dossier, fichier, document ou correspondance identifiés à l'aide de 122 mots clés a conduit nécessairement à la remise de documents personnels, en ce compris les correspondances avec son avocat.
Enfin, il justifie sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive en considérant que les moyens déployés par son ancien employeur visent à l'intimider et à le faire renoncer à faire valoir ses droits, faisant observer qu'aucune action civile ou commerciale n'a été intentée à son encontre au vu des résultats de la mesure.
La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 24 juin 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de rétractation de l'ordonnance sur requête du 21 avril 2022
Aux termes de l'article de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. La demande doit reposer sur des faits précis, objectifs et vérifiables qui permettent de projeter le litige futur, qui peut n'être qu'éventuel, comme plausible et crédible. Il appartient donc aux requérants de rapporter la preuve d'éléments suffisants à rendre crédibles leurs allégations et démontrer que le résultat de la mesure à ordonner présente un intérêt probatoire.
Aux termes de l'article 493 du code de procédure civile, l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie. Les articles 494 et 495 du même code précisent qu'elle doit être motivée, qu'elle est exécutoire au vu de la minute et qu'une copie en est laissée, avec celle de la requête, à la personne à laquelle elle est opposée.
L'article 496 alinéa 2 du même code dispose que s'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance. L'article 497 précise que ce dernier a la faculté de modifier ou rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l'affaire.
Sur le fondement des textes précités, le juge saisi d'une demande de rétractation d'une ordonnance sur requête ayant ordonné une mesure d'instruction doit s'assurer de l'existence d'un motif légitime au jour du dépôt de la requête initiale à ordonner la mesure probatoire ainsi que des circonstances justifiant de ne pas y procéder contradictoirement et de la nature légalement admissible de la mesure sollicitée. L'ordonnance sur requête, rendue non contradictoirement, doit être motivée de façon précise, le cas échéant par l'adoption des motifs de la requête, s'agissant des circonstances qui exigent que la mesure d'instruction ne soit pas prise contradictoirement. Il en va de la régularité de la saisine du juge, laquelle constitue une condition préalable à l'examen de la recevabilité et du bien fondé de la mesure probatoire sollicitée.
Enfin, si le juge de la rétractation doit apprécier l'existence du motif légitime de la mesure sollicitée au jour du dépôt de la requête initiale ainsi qu'à la lumière des éléments de preuve produits ultérieurement devant lui, il est néanmoins tenu, s'agissant de la nécessité de recourir à une procédure non contradictoire, d'apprécier les seuls éléments figurant dans la requête ou l'ordonnance, sans qu'il puisse en suppléer la carence en recherchant les circonstances justifiant qu'il soit dérogé au principe de la contradiction dans les pièces produites ou les déduire du contexte de l'affaire.
Sur la nécessité de déroger au principe du contradictoire
Dans le cas présent, outre le fait que l'ordonnance vise la requête et les pièces qui y sont jointes, ce qui vaut adoption implicite des motifs figurant dans la requête, elle constate expressément qu'au vu des justifications produites (...) le requérant est fondé à ne pas appeler les parties visées par la mesure, les documents dont la société [M] sollicite l'appréhension étant des documents par nature volatiles (fichiers informatiques, courriels, documents) soumis à un risque élevé de déperdition ou d'altération dans l'hypothèse où Monsieur [U] [Z] serait informé en amont et dans un contradictoire des mesures sollicitées.
Aux termes de sa requête, la société [M] se prévaut d'un procès-verbal de constat dressé le 12 janvier 2024 par Me [W] [H], commissaire de justice, et d'un rapport informatique de la société KL Discovery en date du 12 février 2024, démontrant que des données numériques de l'entreprise ont été copiées par M. [Z] dans des supports externes et/ou transférées de sa boîte professionnelle à sa boîte personnelle lors d'une période au cours de laquelle il a été placé en arrêt maladie le 21 décembre 2023, et ce, jusqu'à ce qu'il restitue ses ordinateur et téléphone professionnels le 15 janvier 2024.
La mesure d'instruction sollicitée vise à déterminer la nature des données numériques qui ont été captées par M. [Z] et, le cas échéant, l'usage qu'il en a fait, entre le 21 décembre 2023 et le 15 janvier 2024.
La nature des informations recherchées et le fait qu'elles puissent se trouver sur des supports informatiques constituent effectivement des circonstances justifiant qu'il soit dérogé au principe du contradictoire par un effet de surprise en raison de la facilité et la rapidité avec laquelle peut être organisée la disparition des documents sollicités.
Dès lors que la requête et l'ordonnance rendue sur cette requête, qui en adopte expressément les motifs en indiquant vu la requête qui précède, et les pièces annexées, énoncent les circonstances justifiant que la mesure réclamée sur le fondement de l'article 145 ne soit pas prise contradictoirement, à savoir le risque de destruction d'éléments de preuve permettant d'établir la preuve d'une captation et d'un usage de données confidentielles, il n'y a pas lieu de rétracter l'ordonnance sur requête en date du16 février 2024 de ce chef.
Sur le motif légitime
Le motif légitime étant constitué par l'existence d'un litige potentiel entre les parties, il appartient à la société [M] de produire des éléments rendant crédible les actions qu'elle envisage d'exercer et, le cas échéant, d'établir que la mesure d'instruction sollicitée est de nature à lui permettre de réunir les éléments de fait pouvant servir de base aux procès visés.
Par ailleurs, il est admis que l'existence d'un motif légitime de demandes des mesures prévues à l'article 145 du code de procédure civile n'oblige pas le juge à ordonner la mesure sollicitée s'il l'estime inutile.
En l'espèce, au moment où la société [M] a déposé sa requête, le 15 février 2024, elle disposait d'éléments démontrant que M. [Z] avait copié des données de l'entreprise.
Il ressort du procès-verbal de constat de Me [H], commissaire de justice, dressé le 12 janvier 2024, soit avant même que M. [Z] n'ait restitué son ordinateur professionnel le 15 janvier 2024, après une mise en demeure adressée en ce sens par son employeur par courrier en date du 11 janvier 2024, que M. [Z] a transféré de sa messagerie professionnelle vers sa messagerie personnelle des documents de travail comportant des données commerciales concernant deux clients de l'entreprise, Baxter et Dsm. En se connectant sur la boîte mail professionnelle du salarié, il constate que tous les dossiers créés au nombre de 15 ont été vidés et que le premier fichier trouvé dans le dossier 'Envoyés' est daté du 19 juin 2023. En procédant à des clichés de la liste des fichiers trouvés dans ce dernier dossier, il relève la présence de trois courriels avec fichiers joints envoyés le jour même entre 12h29 et 12h33 sur la boîte personnelle du salarié concernant les clients Baxter et Dsm. Par ailleurs, Me [H] constate que ces documents n'ont pas été enregistrés sur le serveur partagé 'W / PCEMBCIA', en précisant que les fichiers les plus récents qui ont été enregistrés datent du 17 janvier 2023 pour le client Baxter et du 25 avril 2022 pour le client Dsm.
Le rapport de la société KL Discovery, qui date du 9 février 2024, décrit les résultats obtenus après les investigations informatiques faites sur l'ordinateur professionnel de M. [Z], qui a été restitué le 15 janvier 2024, au cours de la période allant du 1er septembre 2023 au 15 janvier 2024, par M. [O] [K]. Il constate que l'ordinateur a été connecté à 11 périphériques de stockage USB, le dernier ayant été déconnecté le 15 janvier 2024 à 11h52, ainsi qu'un certain nombre d'interactions avec des dossiers et fichiers consultés depuis l'ordinateur et enregistrés sur des supports externes. Il relève également un accès à un grand nombre de fichiers, et notamment 4 912 documents PDF, au cours de la période considérée, et plus parculièrement les 15 premiers jours de janvier 2024, dont certains ont été vraisemblablement transférés vers un support de stockage externe, ainsi que plusieurs accès à des fichiers vidéos les 12 et 13 janvier 2024. Il donne ainsi l'exemple de 16 fichiers appartenant à la société [M] identifiés sur les supports personnels de M. [Z] en précisant qu'il s'agit d'une présentation non exhaustive et par extraits. Il souligne qu'un grand nombre de fichiers, et principalement des courriels, ont été mis à la corbeille au cours de la même période, et plus significativement le 12 janvier 2024. Il expose avoir tenté de récupérer les fichiers supprimés sur l'ordinateur mais que ceux qui ont pu l'être ne présentent pas d'intérêt. Il indique avoir mis à la disposition de l'entreprise 23 111 courriels présents sur le disque dur, dont certains font l'objet d'interactions récentes.
Ces éléments établissent donc que M. [Z] a consulté et enregistré des fichiers de l'entreprise sur des supports USB personnels, en plus d'avoir transféré des documents commerciaux concernant deux clients de sa messagerie professionnelle à sa messagerie personnelle, qui n'avaient pas été classés dans les dossiers partagés du serveur de l'entreprise, avant de tout supprimer au moment de la restitution de son ordinateur professionnel.
M. [Z], qui ne le conteste pas, explique avoir procédé de la sorte afin de lui permettre de disposer des éléments de preuve suffisants pour faire valoir ses droits devant le conseil de prud'hommes, qu'il a saisi afin notamment de contester son licenciement pour faute, obtenir la réparation de ses préjudices pour harcèlement moral et manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ainsi que le paiement d'un certain nombre de rappel de salaires. Il dément avoir détourné des données confidentielles de l'entreprise au profit d'entreprises concurrentes et affirme avoir toujours procédé à des copies de ses documents de travail sur des supports de stockage personnels.
Or, la charte informatique de l'entreprise concernant l'utilisation du matériel informatique stipule que toute introduction de ressources informatiques extérieures à l'entreprise doit être autorisée par la direction et soumise au service informatique pour vérification. En outre, il est interdit de faire des copies de données appartenant à l'entreprise. Elle rappelle également que la responsabilité pénale du salarié pourra être mise en cause, notamment en cas de copie illégale de données, qu'elles aient un caractère professionnel ou personnel (interdiction de faire des copies autres que les sauvegardes, de toute donnée à caractère aussi bien professionnel que personnel). De même, l'article 9 du contrat de travail de M. [Z] stipule qu'il s'interdit de prendre, en vue de son usage personnel ou pour tout autre usage non autorisé expressément, des copies ou des reproductions de tous documents, données, fichiers et matériels appartenant à [M] S.A mais également que Monsieur [Z] [U] s'engage à ne communiquer à qui que ce soit les procédés de réalisation ou les méthodes commerciales de [M] S.A qui seront portés à sa connaissance et à plus forte raison à ne pas faire emploi de ces procédés et méthodes pour son compte personnel ou pour le compte d'une autre entreprise. Le présente clause continuera à s'appliquer même après l'expiration du présent contrat.
Même s'il le dément, il se peut que les données copiées par M. [Z], qui sont couvertes par le secret des affaires, soient stratégiques, sensibles et confidentielles.
En effet, excepté les données commerciales concernant les clients Baxter et Dsm, les constatations de Me [H] faites depuis l'entreprise et les investigations de M. [K] réalisées sur l'ordinateur professionnel de M. [Z] ne permettent pas de déterminer l'étendue, la nature et le contenu des éléments qui ont été copiés ou enregistrés dans des supports externes appartenant à M. [Z] et qui, dès lors, sont en sa possession. C'est en ce sens que M. [K] précise, dans un courrier en date du 29 octobre 2024, que les analyses informatiques effectuées ne permettent pas de prendre connaissance du contenu des fichiers qui ont été consultés mais uniquement des informations concernant leur nom, leur date de consultation et l'emplacement à partir duquel ils ont été consultés, de même qu'elles ne permettent pas de connaître l'étendue exactes des fichiers qui ont été copiés ou enregistrés sur des périphériques externes, sachant que le simple fait de copier des fichiers sur une clé ou un disque dur USB connecté à un ordinateur sans le consulter ne laisse aucune trace détectable, à l'inverse des actions de création et/ou de consultation des fichiers qui laissent des traces dénommées 'artéfacts', soit 11 924 traces dans le cas présent, dont 4 912 concernant des documents PDF.
De même, ils ne permettent pas d'exclure une fuite des données copiées au profit d'autres entreprises concurrentes. Si la société KL Discovery a été en mesure de récupérer 23 111 courriels de la boîte professionnelle de M. [Z], il en va différemment de sa boîte mail personnelle qui a très pu être utilisée pour communiquer sur les données de l'entreprise.
Dès lors, nonobstant le contexte de rupture de la relation de travail dans lequel M. [Z] a copié les données de l'entreprise et son intention quant à leur usage, éléments sur lesquels le juge de la rétractation, saisi d'une demande de mesure d'instruction sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, n'a pas à se prononcer comme devant être débattus devant la juridiction prud'homale compte tenu du motif du licenciement pour faute grave retenu par l'employeur, la société [M] justifie l'existence d'un litige potentiel susceptible de l'opposer à M. [Z] dans le cas où la mesure sollicitée révèlerait la captation et le détournement de données sensibles de l'entreprise. En effet, en dehors du litige prud'homale opposant les parties, la société [M] pourrait envisager, en fonction des résultats de la mesure sollicitée, de rechercher la responsabilité civile, commerciale ou pénale de M. [Z], et ce, même dans le cas où la preuve d'un emploi des données pour le compte d'autres entreprises ne serait pas établie.
Les résultats de la mesure qui a été exécutée, les 1er et 15 mars 2024, et l'analyse des données numériques conservées par M. [Z], telle qu'elle résulte du procès-verbal de constat dressé le 6 juin 2024, ne sont pas de nature à rendre la mesure sollicitée dépourvue de toute utilité.
En effet, outre le fait que la cour doit apprécier l'existence du motif légitime de la mesure sollicitée au jour du dépôt de la requête initiale ainsi qu'à la lumière des éléments de preuve produits ultérieurement devant lui, le bien-fondé ou l'opportunité des procès envisagés en vue de laquelle la mesure est sollicitée importe peu à ce stade. Il suffit pour la société [M] d'établir que la mesure d'instruction sollicitée est de nature à lui permettre de réunir les éléments de fait pouvant servir de base aux procès visés.
Tel est le cas en l'espèce étant donné que la société [M] verse aux débats des éléments rendant crédible la potentialité d'actions civile, commerciale et pénale pouvant être exercées à l'encontre de M. [Z] pour captation et détournement de données confidentielles de l'entreprise et justifiant l'utilité de la mesure sollicitée en vue de l'exercice éventuel de ces procès.
L'ordonnance entreprise sera donc infirmée en ce qu'elle a considéré que la société [M] ne justifiait pas d'un motif légitime à voir réunir des éléments de preuve en vue des procès qu'elle envisage d'exercer.
Sur la proportionnalité des mesures d'instruction autorisées
Au sens de l'article 145, les mesures légalement admissibles sont celles prévues par les articles 232 à 284-1 du code de procédure civile et elles ne doivent pas porter une atteinte disproportionnée aux intérêts légitimes du défendeur. Il ne doit pas s'agir de mesures générales d'investigation.
Il est rappelé que les résultats des investigations des mesures ordonnées ne peuvent être pris en considération pour apprécier la régularité de leur autorisation, laquelle doit l'être au moment de son prononcé.
Le respect à la vie privée et familiale ne constitue pas en lui-même un obstacle à l'application des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile dès lors que les mesures ordonnées procèdent d'un motif légitime et sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées.
Il convient néanmoins que l'atteinte portée à ce principe soit proportionnée au but poursuivi. Le juge doit donc rechercher si la mesure d'instruction demandée ne s'analyse pas comme une mesure générale d'investigation excédant les prévisions de l'article 145 susvisé et veiller à ce qu'elle soit circonscrite dans le temps et son objet. Elle doit également être strictement proportionnée à l'objectif poursuivi ainsi qu'aux intérêts antinomiques en présence.
Enfin, l'instance en rétractation ayant pour seul objet de soumettre à l'examen d'un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l'initiative d'une partie en l'absence de son adversaire, la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet.
Il ne peut ordonner ni une mesure nouvelle, de même nature, mais fondée sur une cause distincte, ni une mesure nouvelle de nature différente. Il peut en revanche modifier la mission en la complétant ou l'amendant afin qu'elle soit limitée dans son étendue et dans le temps, conformément à l'article 149 du même code, ainsi que ses modalités.
La recherche doit en effet être limitée aux fichiers, documents et correspondances en rapport avec les faits litigieux et comportant des mots-clés précisément énumérés en conséquence.
En l'espèce, aux termes de l'ordonnance sur requête, Me [H], commissaire de justice, pouvant être assisté de tout autre commissaire de justice, de tous techniciens de son choix (notamment en matière informatique) et, si nécessaire, de la force publique et d'un serrurier, a été commis pour se rendre au domicile de M. [Z], dès 7h du matin afin d'optimiser les chances de le trouver à domicile et favoriser la réussite de la mesure sollicitée, aux fins d'effectuer toutes constatations concernant la détention par ce dernier de tous documents de nature financière, commerciale, stratégique ou autre appartenant à la société [M] et la transmission à quiconque, par tout support, de telles données.
Il a été autorisé à accéder aux messageries électroniques personnelles et professionnelles de M. [Z] ainsi qu'à l'ensemble de ses téléphones, ordinateurs, tablettes et tous supports de stockage informatique.
Il lui a été demandé de se faire remettre ou de rechercher tout dossier, fichier, document ou correspondance établissant de la part de M. [Z] la détention de documents appartenant à la société [M] identifiés à l'aide d'une liste de 122 mots clés pouvant être utilisés séparément ou de façon combinée, et le transfert illicite à toute personne ou à tout terminal informatique externe à la société [M] d'informations stratégiques et confidentielles la concernant, notamment en recherchant tout échange de courriels ayant pu exister entre le 21 décembre 2023 et la date d'exécution de l'ordonnance, à l'aide notamment de la liste des mêmes 122 mots clés.
Il lui a été demandé de vérifier l'absence de suppression dans les éléments susvisés de telles informations.
Il a été autorisé à prendre des photos et/ou copies sur des supports papier et/ou informatique des éléments trouvés ainsi qu'à procéder à l'extraction des disques durs des unités centrales des éléments susvisés et leur examen à l'aide d'outils d'investigation de son choix avant de les remettre en place après en avoir pris copie.
Il a été autorisé, en cas de difficultés dans la sélection et le tri des éléments recherchés ou dans l'accès aux supports informatiques à procéder à une copie complète en deux exemplaires des fichiers et disques durs et autres supports de données qui lui paraîtront nécessaires en rapport avec la mission confiée, dont une copie placée sous séquestre qui servira de référentiel et ne sera pas transmise à la partie requérante et l'autre copie qui lui servira afin de procéder, de manière différée, à l'ensemble des recherches et analyses susvisées.
Il lui a été demandé enfin de dresser un procès-verbal de constat avec la remise d'un exemplaire à la société [M] en y annexant l'ensemble des éléments appréhendés tandis qu'il devra remettre à M. [Z] une copie des pièces telles qu'elles résultent du tri auquel il aura procédé avec le technicien.
La mesure d'instruction vise donc à la remise de tout support, notamment informatique, contenant, d'une part, une copie de tous les documents appartenant à la société Le [M], et identifiés à l'aide de 122 mots clés pouvant être utilisés séparément ou de façon combinée, copiés ou enregistrés par M. [Z] sur tous les supports de stockage informatique lui appartenant et, d'autre part, une copie des échanges de courriels depuis ses messageries professionnelles ou personnelles ayant pu exister entre le 21 décembre 2023 et la date d'exécution de l'ordonnance, soit le 1er mars 2024, portant sur des informations stratégiques et confidentielles de la société [M] à l'aide notamment des mêmes 122 mots clés.
Alors même que la société [M] entendait, dans sa requête (en page 23), restreindre toutes les mesures sollicitées à la période comprise entre le 21 décembre 2023, date à laquelle M. [Z] a été placé en arrêt maladie, et le 15 janvier 2024, date à laquelle il a restitué son ordinateur professionnel, cette limitation dans le temps ne ressort pas clairement de l'ordonnance sur requête concernant la captation des données de l'entreprise, seule l'extraction des échanges de courriels entrants et sortants à compter du 21 décembre 2023 étant autorisée afin de vérifier si des données confidentielles ont été transmises à des tiers au cours de cette période.
Il y a donc lieu de circonscrire la mesure dans le temps conformément au but poursuivi en indiquant dans la mission que les éléments recherchés, qu'il s'agisse des échanges de courriels ou de la copie ou l'enregistrement des documents appartenant à la société La [M], ne porteront que sur la période comprise entre le 21 décembre 2023 et le 15 janvier 2024, sachant qu'une sauvegarde qui aurait été effectuée au cours de cette période peut bien évidemment porter sur des fichiers qui ont été créés avant le 21 décembre 2023.
De plus, si la plupart des 122 mots clés qui sont listés sont spécifiques à l'activité de la société [M], il en va différemment des mots plus génériques, tels que 'chiffres', 'plan', 'devis', 'gestion', 'offres', 'tarifs', 'rapport', 'contrat', 'budget', 'film' et 'fourniture' qui peuvent conduire à des recherches et remise d'éléments n'ayant aucun lien avec la société [M]. Afin de circonscrire la mission du commissaire de justice aux faits de captation et de détournement de données appartenant à la société [M], il convient de préciser que les recherches et la remise porteront sur les 122 mots clés, tels qu'ils résultent de l'ordonnance, pouvant être utilisés séparément ou de façon combinée entre eux, à l'exception des mots 'chiffres', 'plan', 'devis', 'gestion', 'offres', 'tarifs', 'rapport', 'contrat', 'budget', 'film' et 'fourniture' qui doivent toujours être combinés avec '[M]' et/ou les autres mots-clés.
En revanche, dès lors que la nature des documents copies ou enregistrés par M. [Z] peut concerner des dossiers, fichiers, documents et correspondances, tels que des courriels ou courriers, il n'y a pas lieu de restreindre la mission selon la nature des documents recherchés mais uniquement de restreindre les recherches, le tri et la remise selon les mots-clés susvisés.
En effet, les limitations ordonnées conduisent à circonscrire suffisamment la mission du commissaire de justice commis dans le temps et dans son objet et, ainsi, à la rendre proportionnée au regard de l'objectif poursuivi.
En outre, si M. [Z] conteste les modalités de la mesure, le commissaire de justice ayant été autorisé à procéder à sa mission en présence de tous techniciens de son choix ainsi que de la force publique et d'un serrurier, si besoin, dès 7 heures du matin, ces modalités s'expliquent par la nécessité de favoriser la réussite de la mesure sollicitée en s'assurant de la présence de M. [Z] au regard de la facilité et la rapidité avec laquelle peut être organisée la disparition des documents sollicités et par la nature de la mesure qui impose de s'assurer de la sécurité des intervenants.
Cela était d'autant plus nécessaire que les arrêts de travail de M. [Z] autorisaient des sorties sans restriction.
De plus, il résulte du procès-verbal de constat des 1er et 15 mars 2024 que le commissaire de justice est intervenu au domicile de M. [Z] à 7h15 en étant assisté de deux experts en informatique, d'un gendarme et d'un serrurier et que, dès lors que M. [Z], qui était alors en présence de son épouse et de sa mère, ainsi déclarées, les a invités à entrer dans son domicile, il a été demandé au gendarme et au serrurier de se retirer.
Ces modalités, telles qu'elles sont prévues par l'ordonnance sur requête, ne sont donc pas disproportionnées par rapport au but poursuivi par la mesure sollicitée.
Enfin, M. [Z] affirme que la mesure, telle qu'elle a été exécutée, a entraîné des conséquences disproportionnées sur sa vie privée.
Or, les résultats des investigations de la mesure ordonnée ne peuvent être pris en considération pour apprécier la proportionnalité de la mesure autorisée.
En revanche, il appartient au juge de n'ordonner que des mesures justifiées et proportionnées, en considération des intérêts et droits contradictoires en présence, à savoir le droit à la preuve de la société [M] et le droit au respect de la vie privée de M. [Z].
En l'occurrence, la portée de la mesure d'instruction qui a été ordonnée a été strictement limitée à des mots-clés personnalisés et pertinents en lien avec le litige et à une période comprise entre le 21 décembre 2023 et le 15 janvier 2024, de sorte qu'elle ne peut s'analyser comme une mesure d'investigation générale.
Le fait pour le commissaire de justice d'avoir été autorisé à procéder en deux temps, à savoir procéder à une copie complète en deux exemplaires des fichiers et disques durs et autres supports de données qui lui paraîtront nécessaires en rapport avec la mission confiée avant de procéder, de manière différée, à un tri des éléments recueillis conformément à la mission circonscrite dans le temps et dans son objet, telle qu'elle résulte du présent arrêt, ne caractérise par une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée de M. [Z].
En effet, en prévoyant expressément que la copie complète qui aura été faite devra être placée sous séquestre afin de servir de référentiel sans pouvoir être transmise aux parties et que seule la copie des éléments qui auront été sélectionnés conformément à la mission devra être remise aux parties, la mesure, telle qu'elle a été ordonnée, n'est pas de nature à porter atteinte à la vie privée de M. [Z], pas plus qu'au secret des correspondances entre un avocat et son client, les mots tels que 'avocat', 'FIDAL', 'licenciement', 'maladie', 'rupture' et 'syndicat' ne faisant pas partie des mots-clés, pas plus qu'au secret bancaire, les mots tels que 'famille' et 'comptes' n'en faisant pas plus partie.
Si le commissaire de justice et les techniciens qui l'ont assisté ont pu avoir accès à des éléments relevant de la vie privée de M. [Z], lesquels ont été placés sous séquestre, les éléments devant être remis à la société [M] ne concernent que des documents lui appartenant qui ont été copiés et enregistrés par M. [Z] entre le 21 décembre 2023 et le 15 janvier 2024 ainsi que des échanges de courriels qui seraient intervenus au cours de la même période, ce qui exclut tout document et courriel personnel.
Ces modalités, telles qu'elles résultent de l'ordonnance entreprise et de la mission, telle qu'elle a été circonscrite par le présent arrêt, permettent donc de ne pas porter atteinte à la vie privée de M. [Z].
L'ordonnance entreprise sera donc infirmée en ce qu'elle a rétracté totalement l'ordonnance sur requête du 16 février 2024, avec toutes les conséquences en résultant, en raison de l'absence de motif légitime et d'une mesure disproportionné au regard du but poursuivi.
Il y a lieu d'ordonner la rétractation partielle de l'ordonnance sur requête en ce qu'elle n'a pas suffisamment limité dans son étendue et dans le temps la mesure d'instruction qui a été ordonnée.
Compte tenu du nouveau tri que devra effectuer le commissaire de justice commis, la société Touraine et M. [Z] seront tenus de lui restituer la copie des éléments qui leur ont été remis afin qu'ils soient détruits et auront l'interdiction d'en faire usage. Le commissaire de justice commis devra, quant à lui, remettre à la société [M] et à M. [Z] la copie des éléments qui seront recueillis conformément à sa mission, telle qu'elle a été circonscrite dans le présent arrêt, et en dresser procès-verbal de constat.
Sur les demandes reconventionnelles de M. [Z]
Sur la recevabilité de l'interdiction sollicitée
L'instance en rétractation ayant pour seul objet de soumettre à l'examen d'un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l'initiative d'une partie en l'absence de son adversaire, la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet. Il s'agit de statuer sur les mérites de la requête, de sorte que le juge de la rétractation dispose des mêmes pouvoirs que ceux dont disposait le juge des requêtes.
Il ne peut ordonner ni une mesure nouvelle, de même nature, mais fondée sur une cause distincte, ni une mesure nouvelle de nature différente.
En l'espèce, M. [Z] demande, à titre reconventionnel, de faire interdiction à la société [M] de conserver et d'utiliser ses informations personnelles et de sa famille, et notamment les courriers et fichiers personnels et tous échanges avec son avocat, sous astreinte.
Or, étant donné que la rétractation totale de l'ordonnance sur requête ayant prescrit la mesure par le premier juge a été infirmée, seule la portée de la mesure ayant été limitée dans le temps et dans son objet, cette demande doit être déclarée irrecevable, d'autant qu'elle porte sur des pièces qui auraient été recueillies lors de l'exécution de la mesure d'instruction. Une telle demande, qui ne porte pas sur les mérites de la requête, ne peut être faite que dans le cadre d'une autre procédure, de référé ou au fond.
L'ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a déclaré la demande de M. [Z] formée de ce chef irrecevable.
Sur la recevabilité de la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
L'article 564 du code de procédure civile énonce, qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
En l'espèce, alors même que M. [Z] fonde sa demande de dommages et intérêts en raison d'un abus du droit d'agir en justice qu'aurait commise, l'appelante, en ce qu'elle a sollicité une mesure d'instruction par voie de requête, il convient de relever que cette demande n'a jamais été formée devant le juge de la rétractation.
Il reste qu'il fonde également sa demande de dommages et intérêts par le fait que la société [M] s'entête dans une procédure d'appel s'apparentant à un véritable acharnement à son encontre.
S'agissant d'un fait qui s'est révélé par la déclaration d'appel, la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par M. [Z] en appel ne peut être considérée comme étant une demande nouvelle irrecevable.
Il y a donc lieu de rejeter la fin de non-recevoir soulevée de ce chef par la société [M].
Sur le bien-fondé de la demande de dommages et intérêts pour appel abusif
En application de l'article 559 du code de procédure civile, en cas d'appel principal dilatoire ou abusif, l'appelant peut être condamné à une amende civile sans préjudice des dommages et intérêts qui lui seraient réclamés.
Il est admis que celui triomphe, même partiellement, en son appel ne peut être condamné à des dommages et intérêts pour avoir abusé de son droit d'exercer des voies de recours.
En l'espèce, dès lors que la société [M] obtient gain de cause à hauteur d'appel, M. [Z] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Dès lors que la mesure d'instruction sollicitée a été strictement limitée à l'objectif poursuivi, de sorte que le recours en rétractation exercé par la société [M] était en partie fondé, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a mis les dépens à sa charge et l'a condamnée au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il y a donc lieu de laisser à chaque partie la charge de ses dépens de première instance et d'appel et de dire n'y avoir lieu, de ce fait, à la distraction de ceux d'appel au profit de Me Françoise Boulan, membre de la SELARL LX Aix-en-Provence, avocats associés aux offres de droit, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ces conditions, l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'une ou de l'autre des parties, de sorte qu'elles seront déboutées de leur demande formée de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande de M. [U] [Z] tendant à faire interdiction à la SAS [M] de conserver et d'utiliser ses informations personnelles et de sa famille, et notamment les courriers et fichiers personnels et tous échanges avec son avocat, sous astreinte ;
L'infirme en toutes ses autres dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Rétracte partiellement l'ordonnance sur requête en date du 16 octobre 2024 rendue par le président du tribunal judiciaire de Grasse ;
Limite l'ensemble de la mesure d'instruction ordonnée, qu'il s'agisse des échanges de courriels ou de la copie ou l'enregistrement des éléments recherchés, dans le temps à la période allant du 21 décembre 2023 au 15 janvier 2024, et ce, quelle que soit la date de création desdits éléments ;
Limite la mesure d'instruction ordonnée s'agissant uniquement des mots- clés 'chiffres', 'plan', 'devis', 'gestion', 'offres', 'tarifs', 'rapport', 'contrat', 'budget', 'film' et 'fourniture' qui devront être utilisés en les combinant avec le mot-clé '[M]' et/ou les autres mots-clés ;
Ordonne en conséquence à la SAS [M] et à M. [U] [Z] de restituer au commissaire de justice commis la copie des éléments appréhendés qui leur ont été remis afin qu'ils soient détruits ;
Fait interdiction à la SAS [M] et à M. [U] [Z] d'utiliser lesdits éléments ;
Ordonne au commissaire de justice commis de dresser un nouveau procès-verbal de constat qui sera déposé au greffe du tribunal judiciaire de Grasse dans les deux mois de la présente décision, et dont un exemplaire sera remis à la SAS [M] et M. [U] [Z], en y annexant l'ensemble des éléments appréhendés qui devront être recueillis conformément à sa mission, telle qu'elle a été circonscrite dans le temps et dans son objet aux termes du présent arrêt ;
Déclare recevable la demande de dommages et intérêts formée par M. [U] [Z] pour appel abusif ;
Déboute M. [U] [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif ;
Déboute la SAS [M] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en appel non compris dans les dépens ;
Déboute M. [U] [Z] de sa demande formulée sur le même fondement ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens de première instance et d'appel et dit n'y avoir lieu, de ce fait, à la distraction de ceux d'appel au profit de Me Françoise Boulan, membre de la SELARL LX Aix-en-Provence, avocats associés aux offres de droit, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
La greffière La présidente