CA Paris, Pôle 5 - ch. 3, 9 octobre 2025, n° 22/03574
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 09 OCTOBRE 2025
(n° 169/2025, 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/03574 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFJDV
Décision déférée à la Cour : jugement du 25 novembre 2021 du Tribunal judiciaire de MEAUX - 1ère chambre - RG n°20/01451
APPELANTS
M. [ES] [Z]
Né le 7 octobre 1948 à [Localité 44]
De nationalité française
Exerçant la profession de chirurgien-dentiste
Demeurant [Adresse 7]
S.A.R.L. BRUNNER FAMILY, agissant en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 16]
[Localité 22]
Immatriculée au RCS de Mulhouse sous le numéro 791 968 928
M. [O] [TK]
Né le 27 octobre 1971 à [Localité 39]
De nationalité française
Demerant [Adresse 25]
Mlle [NA] [P]
Née le 17 février 1970 à [Localité 34]
De nationalité française
Demerant [Adresse 25]
Mlle [DL] [A]
Née le 3 juillet 1968 à [Localité 38]
De nationalité française
Exerçant la profession de chirurgien-dentiste
Demeurant [Adresse 11]
M. [KC] [L]
Né le 15 avril 1948 à [Localité 33]
De nationalité française
Exerçant la profession d'ingénieur
Demeurant [Adresse 26]
Mme [C] [XE] épouse [L]
Née le 21 février 1945 à [Localité 36]
De nationalité française
Exerçant la profession de sage-femme
Demeurant [Adresse 26]
S.A.R.L. MITSUKOSHIMAE, agissant en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 23]
[Localité 1]
M. [R] [SE]
Né le 31 janvier 1953 à [Localité 40] (Vosges)
De nationalité française
Exerçant la profession de dirigeant de société
Demeurant [Adresse 17]
Mme [G] [OG] épouse [SE]
Née le 24 mai 1955 à [Localité 32] (Haute-Marne)
De nationalité française
Sans profession
Demeurant [Adresse 17]
S.A.R.L. PADIA, agissant en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 20]
[Localité 27]
Immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 799 352 554
M. [F] [CP]
Né le 28 juillet 1959 à [Localité 45]
De nationalité française
Exerçant la profession de directeur commercial
Demeurant [Adresse 14]
M. [AS] [I]
Né le 8 novembre 1959 à [Localité 30]
De nationalité française
Exerçant la profession de pharmacien
Demeurant [Adresse 46]
M. [U] [V]
Né le 25 janvier 1952 à [Localité 51] (Indre-et-Loire)
De nationalité française
Exerçant la profession de docteur en médecine
Demeurant [Adresse 21]
S.A.R.L. [X], agissant en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 13]
[Localité 28]
Immatriculée au RCS d'Evry sous le numéro 518 916 440
Mme [Y] [IA] épouse [X]
Née le 9 février 1968 à [Localité 50]
De nationalité française
Demeurant [Adresse 13]
M. [JS] [S]
Né le 6 janvier 1965 à [Localité 43]
De nationalité française
Exerçant la profession d'ingénieur
Demeurant [Adresse 15]
Mme [M] [H]
Née le 26 décembre 1971 au Nigéria
De nationalité nigérianne
Demeurant [Adresse 15]
M. [VC] [YK]
Né le 1er avril 1948 à [Localité 54] (Autriche)
De nationalité française
Retraité
Demeurant [Adresse 8]
Mme [K] [FY] épouse [YK]
Née le 3 août 1952 à [Localité 41]
De nationalité française
Sans profession
Demeurant [Adresse 8]
S.A.R.L. AMANIA, agissant en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 9]
[Localité 24]
Immatriculée au RCS de Lyon sous le numéro 480 063 783
S.A.R.L. PECC, agissant en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 9]
[Localité 24]
Immatriculée au RCS de Lyon sous le numéro 479 864 795
S.A.R.L. AMACLE, agissant en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 12]
[Localité 29]
Immatriculée au RCS d'Evry sous le numéro 479 218 703
S.A.R.L. LES POMMES DE PINS, agissant en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 3]
[Localité 19]
M. [GU] [WI]
Né le 8 mai 1964 à [Localité 52] (Allemagne)
De nationalité française
Exerçant la profession de chirurgien-dentiste
Demeurant [Adresse 35]
Mme [J] [B]
Né le 9 novembre 1953 à [Localité 42]
De nationalité française
Retraitée
Demeurant [Adresse 47]
Représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334
M. [BB] [ME]
Né le 21 janvier 1965 à [Localité 48]
De nationalité française
Exerçant la profession d'agent technico-commercial
Demeurant [Adresse 4]
Mme [W] [PY]
Née le 14 août 1968 à [Localité 31]
De nationalité française
Exerçant la profession de coiffeuse
Demeurant [Adresse 4]
M. [KY] [T]
Né le 23 août 1974 à [Localité 49]
De nationalité française
Exerçant la profession d'ingénieur
Demeurant [Adresse 6]
Mme [D] [NW] épouse [T]
Née le 18 novembre 1972 à [Localité 50]
De nationalité française
Exerçant la profession de consultant-formateur
Demeurant [Adresse 6]
S.A.R.L.U. MOZART 2012, agissant en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 18]
[Localité 5]
M. [IW] [N]
Né le 22 avril 1933 à [Localité 53]
De nationalité française
Retraité
Demeurant [Adresse 2]
Représentés par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque G 334
Assistés de Me Mickaël COHEN de la SELARLU CABINET COHEN, avocat au barreu de PARIS, toque E 1000
INTIMÉE
S.A.S.U. [Localité 37], prise en la personne de son président domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 10]
[Localité 37]
Assignée à personne habilitée et n'ayant pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Nathalie RECOULES, présidente de chambre, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport, en présence de Mme Stéphanie DUPONT, conseillère
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de:
- Mme Nathalie RECOULES, présidente de chambre
- Mme Stéphanie DUPONT, conseillère
- Mme Marie GIROUSSE, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Carole TREJAUT
ARRÊT :
- réputé contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Nathalie RECOULES, présidente de chambre et par M. Soufiane HASSAOUI, greffier présent lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCÉDURE
Les requérants sont propriétaires d'un ou plusieurs lots au sein de la Résidence médicalisée pour personnes âgées dépendantes « le Château de Chantemerle » située à [Localité 37].
La Résidence est exploitée par la SARL [Localité 37] (ci-après « la société Maisoncelles »), au titre de baux commerciaux conclus concomitamment à l'acte de vente.
La société Domusvi, maison mère de la SARL [Localité 37], a déposé le 21 février 2017 une demande de permis de construire afin de créer un nouvel Établissement d'Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes de 80 lits avec transfert des 80 lits de la résidence « le Château de Chantemerle ».
A compter du 29 janvier 2019, la société Maisoncelles a fait délivrer des congés aux bailleurs.
Néanmoins, la construction du nouvel Ehpad n'ayant pas été achevée avant l'arrivée du terme de certains de ces baux, la preneuse s'est maintenue dans les lieux moyennant le versement spontané d'une « indemnité d'occupation » équivalente aux loyers.
Les bailleurs ont fait assigner la société Maisoncelles par acte d'huissier du 3 juin 2020 aux fins de remettre en cause les congés délivrés.
Par jugement du 25 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Paris s'est déclaré compétent et a, notamment :
débouté les requérants de leur demande tendant à dire que la société [Localité 37] a renoncé aux congés délivrés à la SARL Brunner Family, Mlle [DL] [A], Mr et Mme [L], la SARL Padia, Mme [Y] [X], Mr [U] [V], Mr [S] et Mme [H], la SARL Pecc, la SARL Mozart et qu'un nouveau bail commercial de 9 ans s'est en conséquence formé aux mêmes conditions et charges que le bail d'origine avec lesdits bailleurs ;
débouté les requérants listés de leur demande tendant à dire irréguliers les congés délivrés par la société [Localité 37] à Mr [O] [TK] et Mlle [P] [NA], Mr [F] [CP], Mr [AS] [I], la SARL LES Pommes De Pins, Mr [BB] [ME] et Mme [W] [PY], Mr et Mme [KY] et [D] [T], Mr [IW] [N] ;
débouté les vingt-cinq requérants de leur demande tendant à constater qu'aucun congé n'a été délivré à Mr [ES] [Z], la société Mitsukoshimae, Mr [R] [SE], la SARL [X], Mr et Mme [YK], la SARL Amania, la SARL Amacle et Mr [GU] [WI] ;
rejeté toute demande autre, plus ample ou contraire ;
dit que les parties conserveront la charge de leurs dépens;
rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
rappelé que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit.
Par déclaration du 12 février 2022, Monsieur [Z] et autres ont interjeté appel du jugement.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
Aux termes de ses conclusions notifiées le 28 avril 2022, lesquelles Monsieur [Z] et autres, appelants, demande à la cour de :
infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Meaux le 7 juin 2021 ;
Statuant à nouveau,
déclarer irréguliers comme étant nuls les congés délivrés par la société [Localité 37] aux bailleurs ;
déclarer en conséquence que les contrats de bail commercial se sont poursuivis dans les termes et conditions pour chacun des appelants après l'échéance de chaque bail précisé dans le tableau ci-dessous :
Bailleurs
Date de formation d'un nouveau contrat de bail
M. [ES] [Z]
31/08/2019
SARL Brunner family
31/08/2019
M. [O] [TK] et Mlle [NA] [P]
07/09/2020
Mlle. [DL] [A]
31/08/2019
M. et Mme. [KC] et [C] [L]
31/08/2019
Société Mitsukoshimae
31/08/2019
M. [R] [SE]
05/09/2020
SARL Padia
31/08/2019
M. [F] [CP]
18/07/2020
M. [AS] [I]
29/12/2020
M. [U] [V]
31/12/2019
SARL [X]
31/12/2019
M. [Y] [X]
31/08/2019
M. [S] et Mme. [H]
31/12/2019
M. et Mme. [VC] et [K] [YK]
25/03/2020
SARL Amania
31/12/2020
SARL Pecc
31/12/2020
SARL Amacle
20/06/2020
SARL Les pommes de pins
13/07/2020
M. [GU] [WI]
31/08/2020
Mme. [J] [B]
17/06/2020
M. [BB] [ME] et Mme. [W] [PY]
22/12/2020
M. et Mme. [KY] et [D] [T]
22/12/2020
SARL Mozart 2012
31/12/2019
M. [IW] [N]
16/08/2020
ordonner à la société [Localité 37] de reprendre le paiement des loyers contractuels aux appelants dus à compter du 21 juillet 2021, date de l'arrêt des paiements des loyers par la société [Localité 37] aux appelants ;
Subsidiairement,
déclarer que le preneur a renoncé aux congés délivrés en se maintenant dans les lieux loués après la date pour laquelle les congés ont été délivrés ;
En conséquence, déclarer qu'un nouveau contrat de bail est intervenu entre les parties aux mêmes conditions de loyer et de charges aux dates suivantes :
Bailleurs
Date de formation d'un nouveau contrat de bail
M. [ES] [Z]
31/08/2019
SARL Brunner family
31/08/2019
M. [O] [TK] et Mlle [NA] [P]
07/09/2020
Mlle. [DL] [A]
31/08/2019
M. et Mme. [KC] et [C] [L]
31/08/2019
Société Mitsukoshimae
31/08/2019
M. [R] [SE]
05/09/2020
SARL Padia
31/08/2019
M. [F] [CP]
18/07/2020
M. [AS] [I]
29/12/2020
M. [U] [V]
31/12/2019
SARL [X]
31/12/2019
M. [Y] [X]
31/08/2019
M. [S] et Mme. [H]
31/12/2019
M. et Mme. [VC] et [K] [YK]
25/03/2020
SARL Amania
31/12/2020
SARL Pecc
31/12/2020
SARL Amacle
20/06/2020
SARL Les pommes de pins
13/07/2020
M. [GU] [WI]
31/08/2020
Mme. [J] [B]
17/06/2020
M. [BB] [ME] et Mme. [W] [PY]
22/12/2020
M. et Mme. [KY] et [D] [T]
22/12/2020
SARL Mozart 2012
31/12/2019
M. [IW] [N]
16/08/2020
ordonner à la société [Localité 37] de payer le montant des loyers contractuels aux appelants dus à compter de la date de formation du nouveau contrat de bail commercial ;
condamner la société [Localité 37] aux dépens, avec recouvrement direct au profit de l'avocat constitué conformément à l'article 699 du code de procédure civile, et à payer à chacun des appelants une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de leurs prétentions, les appelants font valoir que :
- Sur l'irrégularité des congés délivrés,
sur la connaissance du preneur et le défaut d'information, la société [Localité 37] avait connaissance, dès la délivrance des premiers congés à partir du 29 janvier 2019 pour des départs échelonnés à compter du 30 août 2019, de son incapacité à libérer les lieux aux dates annoncées. Les travaux de construction de sa nouvelle résidence, prouvés par la pièce n°6, devaient en effet se dérouler entre le 24 juillet 2019 et le 24 février 2021. Le preneur a sciemment omis d'informer les bailleurs de cette situation ;
sur la qualification de fraude et ses conséquences, cette omission a privé les bailleurs d'une chance de trouver rapidement de nouveaux locataires, faute de connaître la date effective de libération des lieux. Plutôt que de négocier un nouveau contrat de bail, même dérogatoire, le preneur a eu recours à une man'uvre pour échapper à ses obligations légales en matière de bail commercial. Cette attitude caractérise une mauvaise foi certaine dans l'exécution du contrat, en violation de l'article 1104 du code civil et constitue une fraude au contrat de bail ainsi qu'aux articles L.145-1, L.145-4 et suivants du code de commerce. En conséquence, les congés délivrés par la société [Localité 37] sont affectés d'une nullité, impliquant que les contrats de bail commercial se sont poursuivis dans leurs termes et conditions pour chacun des appelants après l'échéance de chaque bail ;
- Sur la renonciation du preneur aux congés délivrés,
sur le maintien tardif dans les lieux et la volonté de renoncer aux congés délivrés, la société [Localité 37] a commencé à délivrer congé aux bailleurs dès le 29 janvier 2019 pour un départ au 30 août 2019, tout en sachant qu'elle ne pourrait pas quitter la résidence à la date annoncée. Les travaux de construction de sa nouvelle résidence ne pouvaient en effet être finalisés qu'après février 2021. Le preneur s'est d'ailleurs maintenu dans les lieux jusqu'au 21 juillet 2021, soit près de deux ans après l'échéance des premiers congés. Ces circonstances démontrent de manière non équivoque la volonté initiale du preneur de renoncer au bénéfice des congés délivrés ;
sur la conséquence du maintien dans les lieux sur la validité du congé, le maintien prolongé dans les lieux loués après la date d'effet du congé, même avec paiement d'une indemnité d'occupation, vaut renonciation au bénéfice du congé délivré. Un nouveau contrat de bail d'une durée de 9 années entières et consécutives est alors réputé s'être formé à compter de la date d'effet du congé initial. Tel est manifestement le cas en l'espèce ;
- Sur l'absence d'acceptation de la résiliation et la contestation des bailleurs, aucune acceptation expresse de la résiliation des contrats de bail commercial n'a jamais été exprimée par les bailleurs. Au contraire, ces derniers ont contesté le départ de la société [Localité 37] des locaux loués et ont refusé la restitution des clés de leurs lots. Ce comportement des bailleurs renforce l'argument selon lequel il y a eu renonciation aux congés par le preneur et, par conséquent, formation d'un nouveau contrat de bail commercial aux mêmes termes et conditions entre les parties.
SUR CE,
Conformément aux dispositions des articles 4 et 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions. Il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes aux fins de voir 'constater' ou de 'juger', lorsqu'elles ne constituent pas des prétentions visant à conférer un droit à la partie qui les requiert mais ne sont en réalité que de simples allégations ou un rappel des moyens invoqués.
Il ressort des dispositions de l'article L.145-4 du code de commerce que la durée du contrat de location commerciale ne peut être inférieure à neuf ans. Le preneur a la faculté de donner congé à l'expiration d'une période triennale, au moins six mois à l'avance, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte extrajudiciaire. Cependant, les baux conclus pour une durée supérieure à neuf ans peuvent comporter des stipulations contraires.
Au cas d'espèce, il n'est pas contesté que les baux litigieux ont porté sur une durée supérieure à neuf années et qu'il a été contractuellement fait interdiction au preneur de donner congé pendant la durée contractuelle prévue avec chacun des bailleurs.
Sur l'irrégularité des congés délivrés
Au cas d'espèce, il n'est pas discuté que les congés ont été délivrés dans les formes prévues par la loi et en respectant le préavis légal.
Contrairement à ce que soutiennent les bailleurs en cause d'appel, la fraude, qui consiste en un acte de tromperie intentionnelle effectué pour priver une personne de ses droits, n'est caractérisée au cas d'espèce ni par la connaissance qu'avait l'occupante, au moment de la délivrance des congés litigieux, de son incapacité à libérer les lieux aux dates annoncées aux bailleurs, ni par le défaut d'information de ces derniers de la durée des travaux, dont il est établi par la pièce n° 6 versée aux débats qu'ils se sont déroulés du 24 juillet 2019 au 24 février 2021. En effet, au-delà de la date de la prise d'effet des différents congés, les bailleurs n'ont pas été privés de leur droit en ce qu'il n'est, ni allégué, ni démontré que la locataire aurait continué à occuper les lieux sans payer des indemnités d'occupation à chacun d'entre eux.
La perte de chance alléguée, mais non démontrée en absence de preuve des diligences ou démarches effectuées par les bailleurs en vue de trouver un nouveau locataire à la délivrance des congés litigieux, ne saurait être sanctionnée par la nullité de ces actes au risque de priver le preneur de son droit de mettre fin aux baux commerciaux dans les conditions prévues par la loi ou par le contrat. La réparation d'une perte de chance ne peut être qu'indemnitaire et se mesure à l'aune de la chance perdue, qui ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.
Il s'en déduit que les congés ont été valablement délivrés par l'intimée et que les baux liant les parties ont pris fin aux dates rappelées pour chacun d'entre eux dans le tableau reproduit ci-dessus.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de voir déclarer nuls les congés délivrés par la société [Localité 37] aux bailleurs désignés au dispositif du jugement et, y ajoutant, la demande de voir déclarer nuls les congés délivrés aux autres d'entre eux sera rejetée.
Par voie de conséquence, la demande d'ordonner à la [Localité 37] de reprendre le paiement des loyers contractuels à compter du 21 juillet 2021 sera rejetée.
Sur la survenance d'un nouveau bail
Au soutien de cette prétention, les appelants soutiennent, en premier lieu, qu'en se maintenant dans les lieux, la locataire a renoncé au bénéfice des congés délivrés, en second lieu, que la résiliation des contrats n'a jamais été acceptée par les bailleurs.
Cependant, il ressort des dispositions de l'article L.145-4 du code de commerce que le congé est un acte unilatéral qui produit effet, contrairement à ce que soutiennent les appelants, sans avoir à être accepté par le bailleur. Il met fin au bail de manière irrévocable de sorte qu'il ne peut être rétracté par son auteur sans l'accord explicite du bailleur.
Il s'en déduit que le maintien dans les lieux du locataire au-delà de la date d'effet du congé qu'il a délivré ne peut s'analyser en une renonciation au bénéfice de ce congé que si les circonstances établissent de façon non équivoque sa volonté d'y renoncer, volonté qui ne se présume pas.
Il ne peut se déduire de la pièce n°4, versée aux débats, relative à un courrier adressé par « [Localité 37] ' Château de Chantemerle » le 20 janvier 2014 à M. et Mme. [E] faisant part d'un accord au renouvellement de leur bail en date de mars 2005 une expression de la volonté non équivoque de la locataire de renoncer aux congés litigieux délivrés entre quatre et cinq ans plus tard, s'agissant au demeurant d'un courrier adressé à des bailleurs qui ne sont pas parties à la cause.
Il n'est pas davantage démontré que la locataire ait sollicité les bailleurs afin d'obtenir leur accord sur une rétractation des congés délivrés à chacun postérieurement à leur délivrance.
L'expression de l'opposition des bailleurs au départ de l'occupante manifestée par leur refus d'être présents à l'établissement d'états de sortie des lieux, tel que cela ressort de la pièce n°9, ne suffit pas à considérer que l'intimée ait été maintenue dans les liens d'un nouveau bail commercial, ce d'autant qu'il n'est pas prétendu que les appelants n'ont pas repris possession des lieux.
Il s'infère de ces éléments qu'aucun nouveau bail ne s'est formé à la date d'effet des congés valablement délivrés et que la demande de voir ordonner à la [Localité 37] de payer le montant des loyers contractuels aux appelants dus à compter de la date de formation du nouveau contrat sera rejetée.
Sur les demandes accessoires
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
Les demandes formées au titre des frais irrépétibles seront rejetées et, succombant en leurs prétentions, les appelants seront condamnés à supporter la charge des dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement rendu par tribunal judiciaire de Meaux le 25 novembre 2021 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déboute la SARL Brunner Family, Mlle [DL] [A], Mr et Mme [L], la SARL Padia, Mme [Y] [X], Mr [U] [V], Mr [S] et Mme [H], la SARL Pecc, la SARL Mozart 2012, Mr [O] [TK] et Mlle [P] [NA], Mr [F] [CP], Mr [AS] [I], la SARL Les Pommes De Pins, Mr [BB] [ME] et Mme [W] [PY], Mr et Mme [KY] et [D] [T], Mr [IW] [N], Mr [ES] [Z], la société Mitsukoshimae, Mr [R] [SE], Mme. [G] [SE], la SARL [X], Mr et Mme [YK], la SARL Amania, la SARL Amacle et Mr [GU] [WI], Mme. [J] [B] de leur demande d'ordonner à la société [Localité 37] de reprendre le paiement des loyers contractuels à compter du 21 juillet 2021 ;
Déboute la SARL Brunner Family, Mlle [DL] [A], Mr et Mme [L], la SARL Padia, Mme [Y] [X], Mr [U] [V], Mr [S] et Mme [H], la SARL Pecc, la SARL Mozart 2012, Mr [O] [TK] et Mlle [P] [NA], Mr [F] [CP], Mr [AS] [I], la SARL Les Pommes De Pins, Mr [BB] [ME] et Mme [W] [PY], Mr et Mme [KY] et [D] [T], Mr [IW] [N], Mr [ES] [Z], la société Mitsukoshimae, Mr [R] [SE], Mme. [G] [SE], la SARL [X], Mr et Mme [YK], la SARL Amania, la SARL Amacle et Mr [GU] [WI], Mme. [J] [B] de leur demande d'ordonner à la société [Localité 37] de payer le montant des loyers contractuels dus à compter de la date de formation du nouveau contrat ;
Rejette toute autre demande ;
Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civle ;
Condamne la SARL Brunner Family, Mlle [DL] [A], Mr et Mme [L], la SARL Padia, Mme [Y] [X], Mr [U] [V], Mr [S] et Mme [H], la SARL Pecc, la SARL Mozart 2012, Mr [O] [TK] et Mlle [P] [NA], Mr [F] [CP], Mr [AS] [I], la SARL Les Pommes De Pins, Mr [BB] [ME] et Mme [W] [PY], Mr et Mme [KY] et [D] [T], Mr [IW] [N], Mr [ES] [Z], la société Mitsukoshimae, Mr [R] [SE], Mme. [G] [SE], la SARL [X], Mr [VC] [YK] et Mme [K] [YK], la SARL Amania, la SARL Amacle et Mr [GU] [WI], Mme. [J] [B] à supporter la charge des dépens d'appel.
Le greffier La présidente
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 09 OCTOBRE 2025
(n° 169/2025, 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/03574 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFJDV
Décision déférée à la Cour : jugement du 25 novembre 2021 du Tribunal judiciaire de MEAUX - 1ère chambre - RG n°20/01451
APPELANTS
M. [ES] [Z]
Né le 7 octobre 1948 à [Localité 44]
De nationalité française
Exerçant la profession de chirurgien-dentiste
Demeurant [Adresse 7]
S.A.R.L. BRUNNER FAMILY, agissant en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 16]
[Localité 22]
Immatriculée au RCS de Mulhouse sous le numéro 791 968 928
M. [O] [TK]
Né le 27 octobre 1971 à [Localité 39]
De nationalité française
Demerant [Adresse 25]
Mlle [NA] [P]
Née le 17 février 1970 à [Localité 34]
De nationalité française
Demerant [Adresse 25]
Mlle [DL] [A]
Née le 3 juillet 1968 à [Localité 38]
De nationalité française
Exerçant la profession de chirurgien-dentiste
Demeurant [Adresse 11]
M. [KC] [L]
Né le 15 avril 1948 à [Localité 33]
De nationalité française
Exerçant la profession d'ingénieur
Demeurant [Adresse 26]
Mme [C] [XE] épouse [L]
Née le 21 février 1945 à [Localité 36]
De nationalité française
Exerçant la profession de sage-femme
Demeurant [Adresse 26]
S.A.R.L. MITSUKOSHIMAE, agissant en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 23]
[Localité 1]
M. [R] [SE]
Né le 31 janvier 1953 à [Localité 40] (Vosges)
De nationalité française
Exerçant la profession de dirigeant de société
Demeurant [Adresse 17]
Mme [G] [OG] épouse [SE]
Née le 24 mai 1955 à [Localité 32] (Haute-Marne)
De nationalité française
Sans profession
Demeurant [Adresse 17]
S.A.R.L. PADIA, agissant en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 20]
[Localité 27]
Immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 799 352 554
M. [F] [CP]
Né le 28 juillet 1959 à [Localité 45]
De nationalité française
Exerçant la profession de directeur commercial
Demeurant [Adresse 14]
M. [AS] [I]
Né le 8 novembre 1959 à [Localité 30]
De nationalité française
Exerçant la profession de pharmacien
Demeurant [Adresse 46]
M. [U] [V]
Né le 25 janvier 1952 à [Localité 51] (Indre-et-Loire)
De nationalité française
Exerçant la profession de docteur en médecine
Demeurant [Adresse 21]
S.A.R.L. [X], agissant en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 13]
[Localité 28]
Immatriculée au RCS d'Evry sous le numéro 518 916 440
Mme [Y] [IA] épouse [X]
Née le 9 février 1968 à [Localité 50]
De nationalité française
Demeurant [Adresse 13]
M. [JS] [S]
Né le 6 janvier 1965 à [Localité 43]
De nationalité française
Exerçant la profession d'ingénieur
Demeurant [Adresse 15]
Mme [M] [H]
Née le 26 décembre 1971 au Nigéria
De nationalité nigérianne
Demeurant [Adresse 15]
M. [VC] [YK]
Né le 1er avril 1948 à [Localité 54] (Autriche)
De nationalité française
Retraité
Demeurant [Adresse 8]
Mme [K] [FY] épouse [YK]
Née le 3 août 1952 à [Localité 41]
De nationalité française
Sans profession
Demeurant [Adresse 8]
S.A.R.L. AMANIA, agissant en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 9]
[Localité 24]
Immatriculée au RCS de Lyon sous le numéro 480 063 783
S.A.R.L. PECC, agissant en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 9]
[Localité 24]
Immatriculée au RCS de Lyon sous le numéro 479 864 795
S.A.R.L. AMACLE, agissant en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 12]
[Localité 29]
Immatriculée au RCS d'Evry sous le numéro 479 218 703
S.A.R.L. LES POMMES DE PINS, agissant en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 3]
[Localité 19]
M. [GU] [WI]
Né le 8 mai 1964 à [Localité 52] (Allemagne)
De nationalité française
Exerçant la profession de chirurgien-dentiste
Demeurant [Adresse 35]
Mme [J] [B]
Né le 9 novembre 1953 à [Localité 42]
De nationalité française
Retraitée
Demeurant [Adresse 47]
Représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334
M. [BB] [ME]
Né le 21 janvier 1965 à [Localité 48]
De nationalité française
Exerçant la profession d'agent technico-commercial
Demeurant [Adresse 4]
Mme [W] [PY]
Née le 14 août 1968 à [Localité 31]
De nationalité française
Exerçant la profession de coiffeuse
Demeurant [Adresse 4]
M. [KY] [T]
Né le 23 août 1974 à [Localité 49]
De nationalité française
Exerçant la profession d'ingénieur
Demeurant [Adresse 6]
Mme [D] [NW] épouse [T]
Née le 18 novembre 1972 à [Localité 50]
De nationalité française
Exerçant la profession de consultant-formateur
Demeurant [Adresse 6]
S.A.R.L.U. MOZART 2012, agissant en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 18]
[Localité 5]
M. [IW] [N]
Né le 22 avril 1933 à [Localité 53]
De nationalité française
Retraité
Demeurant [Adresse 2]
Représentés par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque G 334
Assistés de Me Mickaël COHEN de la SELARLU CABINET COHEN, avocat au barreu de PARIS, toque E 1000
INTIMÉE
S.A.S.U. [Localité 37], prise en la personne de son président domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 10]
[Localité 37]
Assignée à personne habilitée et n'ayant pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Nathalie RECOULES, présidente de chambre, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport, en présence de Mme Stéphanie DUPONT, conseillère
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de:
- Mme Nathalie RECOULES, présidente de chambre
- Mme Stéphanie DUPONT, conseillère
- Mme Marie GIROUSSE, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Carole TREJAUT
ARRÊT :
- réputé contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Nathalie RECOULES, présidente de chambre et par M. Soufiane HASSAOUI, greffier présent lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCÉDURE
Les requérants sont propriétaires d'un ou plusieurs lots au sein de la Résidence médicalisée pour personnes âgées dépendantes « le Château de Chantemerle » située à [Localité 37].
La Résidence est exploitée par la SARL [Localité 37] (ci-après « la société Maisoncelles »), au titre de baux commerciaux conclus concomitamment à l'acte de vente.
La société Domusvi, maison mère de la SARL [Localité 37], a déposé le 21 février 2017 une demande de permis de construire afin de créer un nouvel Établissement d'Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes de 80 lits avec transfert des 80 lits de la résidence « le Château de Chantemerle ».
A compter du 29 janvier 2019, la société Maisoncelles a fait délivrer des congés aux bailleurs.
Néanmoins, la construction du nouvel Ehpad n'ayant pas été achevée avant l'arrivée du terme de certains de ces baux, la preneuse s'est maintenue dans les lieux moyennant le versement spontané d'une « indemnité d'occupation » équivalente aux loyers.
Les bailleurs ont fait assigner la société Maisoncelles par acte d'huissier du 3 juin 2020 aux fins de remettre en cause les congés délivrés.
Par jugement du 25 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Paris s'est déclaré compétent et a, notamment :
débouté les requérants de leur demande tendant à dire que la société [Localité 37] a renoncé aux congés délivrés à la SARL Brunner Family, Mlle [DL] [A], Mr et Mme [L], la SARL Padia, Mme [Y] [X], Mr [U] [V], Mr [S] et Mme [H], la SARL Pecc, la SARL Mozart et qu'un nouveau bail commercial de 9 ans s'est en conséquence formé aux mêmes conditions et charges que le bail d'origine avec lesdits bailleurs ;
débouté les requérants listés de leur demande tendant à dire irréguliers les congés délivrés par la société [Localité 37] à Mr [O] [TK] et Mlle [P] [NA], Mr [F] [CP], Mr [AS] [I], la SARL LES Pommes De Pins, Mr [BB] [ME] et Mme [W] [PY], Mr et Mme [KY] et [D] [T], Mr [IW] [N] ;
débouté les vingt-cinq requérants de leur demande tendant à constater qu'aucun congé n'a été délivré à Mr [ES] [Z], la société Mitsukoshimae, Mr [R] [SE], la SARL [X], Mr et Mme [YK], la SARL Amania, la SARL Amacle et Mr [GU] [WI] ;
rejeté toute demande autre, plus ample ou contraire ;
dit que les parties conserveront la charge de leurs dépens;
rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
rappelé que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit.
Par déclaration du 12 février 2022, Monsieur [Z] et autres ont interjeté appel du jugement.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
Aux termes de ses conclusions notifiées le 28 avril 2022, lesquelles Monsieur [Z] et autres, appelants, demande à la cour de :
infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Meaux le 7 juin 2021 ;
Statuant à nouveau,
déclarer irréguliers comme étant nuls les congés délivrés par la société [Localité 37] aux bailleurs ;
déclarer en conséquence que les contrats de bail commercial se sont poursuivis dans les termes et conditions pour chacun des appelants après l'échéance de chaque bail précisé dans le tableau ci-dessous :
Bailleurs
Date de formation d'un nouveau contrat de bail
M. [ES] [Z]
31/08/2019
SARL Brunner family
31/08/2019
M. [O] [TK] et Mlle [NA] [P]
07/09/2020
Mlle. [DL] [A]
31/08/2019
M. et Mme. [KC] et [C] [L]
31/08/2019
Société Mitsukoshimae
31/08/2019
M. [R] [SE]
05/09/2020
SARL Padia
31/08/2019
M. [F] [CP]
18/07/2020
M. [AS] [I]
29/12/2020
M. [U] [V]
31/12/2019
SARL [X]
31/12/2019
M. [Y] [X]
31/08/2019
M. [S] et Mme. [H]
31/12/2019
M. et Mme. [VC] et [K] [YK]
25/03/2020
SARL Amania
31/12/2020
SARL Pecc
31/12/2020
SARL Amacle
20/06/2020
SARL Les pommes de pins
13/07/2020
M. [GU] [WI]
31/08/2020
Mme. [J] [B]
17/06/2020
M. [BB] [ME] et Mme. [W] [PY]
22/12/2020
M. et Mme. [KY] et [D] [T]
22/12/2020
SARL Mozart 2012
31/12/2019
M. [IW] [N]
16/08/2020
ordonner à la société [Localité 37] de reprendre le paiement des loyers contractuels aux appelants dus à compter du 21 juillet 2021, date de l'arrêt des paiements des loyers par la société [Localité 37] aux appelants ;
Subsidiairement,
déclarer que le preneur a renoncé aux congés délivrés en se maintenant dans les lieux loués après la date pour laquelle les congés ont été délivrés ;
En conséquence, déclarer qu'un nouveau contrat de bail est intervenu entre les parties aux mêmes conditions de loyer et de charges aux dates suivantes :
Bailleurs
Date de formation d'un nouveau contrat de bail
M. [ES] [Z]
31/08/2019
SARL Brunner family
31/08/2019
M. [O] [TK] et Mlle [NA] [P]
07/09/2020
Mlle. [DL] [A]
31/08/2019
M. et Mme. [KC] et [C] [L]
31/08/2019
Société Mitsukoshimae
31/08/2019
M. [R] [SE]
05/09/2020
SARL Padia
31/08/2019
M. [F] [CP]
18/07/2020
M. [AS] [I]
29/12/2020
M. [U] [V]
31/12/2019
SARL [X]
31/12/2019
M. [Y] [X]
31/08/2019
M. [S] et Mme. [H]
31/12/2019
M. et Mme. [VC] et [K] [YK]
25/03/2020
SARL Amania
31/12/2020
SARL Pecc
31/12/2020
SARL Amacle
20/06/2020
SARL Les pommes de pins
13/07/2020
M. [GU] [WI]
31/08/2020
Mme. [J] [B]
17/06/2020
M. [BB] [ME] et Mme. [W] [PY]
22/12/2020
M. et Mme. [KY] et [D] [T]
22/12/2020
SARL Mozart 2012
31/12/2019
M. [IW] [N]
16/08/2020
ordonner à la société [Localité 37] de payer le montant des loyers contractuels aux appelants dus à compter de la date de formation du nouveau contrat de bail commercial ;
condamner la société [Localité 37] aux dépens, avec recouvrement direct au profit de l'avocat constitué conformément à l'article 699 du code de procédure civile, et à payer à chacun des appelants une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de leurs prétentions, les appelants font valoir que :
- Sur l'irrégularité des congés délivrés,
sur la connaissance du preneur et le défaut d'information, la société [Localité 37] avait connaissance, dès la délivrance des premiers congés à partir du 29 janvier 2019 pour des départs échelonnés à compter du 30 août 2019, de son incapacité à libérer les lieux aux dates annoncées. Les travaux de construction de sa nouvelle résidence, prouvés par la pièce n°6, devaient en effet se dérouler entre le 24 juillet 2019 et le 24 février 2021. Le preneur a sciemment omis d'informer les bailleurs de cette situation ;
sur la qualification de fraude et ses conséquences, cette omission a privé les bailleurs d'une chance de trouver rapidement de nouveaux locataires, faute de connaître la date effective de libération des lieux. Plutôt que de négocier un nouveau contrat de bail, même dérogatoire, le preneur a eu recours à une man'uvre pour échapper à ses obligations légales en matière de bail commercial. Cette attitude caractérise une mauvaise foi certaine dans l'exécution du contrat, en violation de l'article 1104 du code civil et constitue une fraude au contrat de bail ainsi qu'aux articles L.145-1, L.145-4 et suivants du code de commerce. En conséquence, les congés délivrés par la société [Localité 37] sont affectés d'une nullité, impliquant que les contrats de bail commercial se sont poursuivis dans leurs termes et conditions pour chacun des appelants après l'échéance de chaque bail ;
- Sur la renonciation du preneur aux congés délivrés,
sur le maintien tardif dans les lieux et la volonté de renoncer aux congés délivrés, la société [Localité 37] a commencé à délivrer congé aux bailleurs dès le 29 janvier 2019 pour un départ au 30 août 2019, tout en sachant qu'elle ne pourrait pas quitter la résidence à la date annoncée. Les travaux de construction de sa nouvelle résidence ne pouvaient en effet être finalisés qu'après février 2021. Le preneur s'est d'ailleurs maintenu dans les lieux jusqu'au 21 juillet 2021, soit près de deux ans après l'échéance des premiers congés. Ces circonstances démontrent de manière non équivoque la volonté initiale du preneur de renoncer au bénéfice des congés délivrés ;
sur la conséquence du maintien dans les lieux sur la validité du congé, le maintien prolongé dans les lieux loués après la date d'effet du congé, même avec paiement d'une indemnité d'occupation, vaut renonciation au bénéfice du congé délivré. Un nouveau contrat de bail d'une durée de 9 années entières et consécutives est alors réputé s'être formé à compter de la date d'effet du congé initial. Tel est manifestement le cas en l'espèce ;
- Sur l'absence d'acceptation de la résiliation et la contestation des bailleurs, aucune acceptation expresse de la résiliation des contrats de bail commercial n'a jamais été exprimée par les bailleurs. Au contraire, ces derniers ont contesté le départ de la société [Localité 37] des locaux loués et ont refusé la restitution des clés de leurs lots. Ce comportement des bailleurs renforce l'argument selon lequel il y a eu renonciation aux congés par le preneur et, par conséquent, formation d'un nouveau contrat de bail commercial aux mêmes termes et conditions entre les parties.
SUR CE,
Conformément aux dispositions des articles 4 et 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions. Il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes aux fins de voir 'constater' ou de 'juger', lorsqu'elles ne constituent pas des prétentions visant à conférer un droit à la partie qui les requiert mais ne sont en réalité que de simples allégations ou un rappel des moyens invoqués.
Il ressort des dispositions de l'article L.145-4 du code de commerce que la durée du contrat de location commerciale ne peut être inférieure à neuf ans. Le preneur a la faculté de donner congé à l'expiration d'une période triennale, au moins six mois à l'avance, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte extrajudiciaire. Cependant, les baux conclus pour une durée supérieure à neuf ans peuvent comporter des stipulations contraires.
Au cas d'espèce, il n'est pas contesté que les baux litigieux ont porté sur une durée supérieure à neuf années et qu'il a été contractuellement fait interdiction au preneur de donner congé pendant la durée contractuelle prévue avec chacun des bailleurs.
Sur l'irrégularité des congés délivrés
Au cas d'espèce, il n'est pas discuté que les congés ont été délivrés dans les formes prévues par la loi et en respectant le préavis légal.
Contrairement à ce que soutiennent les bailleurs en cause d'appel, la fraude, qui consiste en un acte de tromperie intentionnelle effectué pour priver une personne de ses droits, n'est caractérisée au cas d'espèce ni par la connaissance qu'avait l'occupante, au moment de la délivrance des congés litigieux, de son incapacité à libérer les lieux aux dates annoncées aux bailleurs, ni par le défaut d'information de ces derniers de la durée des travaux, dont il est établi par la pièce n° 6 versée aux débats qu'ils se sont déroulés du 24 juillet 2019 au 24 février 2021. En effet, au-delà de la date de la prise d'effet des différents congés, les bailleurs n'ont pas été privés de leur droit en ce qu'il n'est, ni allégué, ni démontré que la locataire aurait continué à occuper les lieux sans payer des indemnités d'occupation à chacun d'entre eux.
La perte de chance alléguée, mais non démontrée en absence de preuve des diligences ou démarches effectuées par les bailleurs en vue de trouver un nouveau locataire à la délivrance des congés litigieux, ne saurait être sanctionnée par la nullité de ces actes au risque de priver le preneur de son droit de mettre fin aux baux commerciaux dans les conditions prévues par la loi ou par le contrat. La réparation d'une perte de chance ne peut être qu'indemnitaire et se mesure à l'aune de la chance perdue, qui ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.
Il s'en déduit que les congés ont été valablement délivrés par l'intimée et que les baux liant les parties ont pris fin aux dates rappelées pour chacun d'entre eux dans le tableau reproduit ci-dessus.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de voir déclarer nuls les congés délivrés par la société [Localité 37] aux bailleurs désignés au dispositif du jugement et, y ajoutant, la demande de voir déclarer nuls les congés délivrés aux autres d'entre eux sera rejetée.
Par voie de conséquence, la demande d'ordonner à la [Localité 37] de reprendre le paiement des loyers contractuels à compter du 21 juillet 2021 sera rejetée.
Sur la survenance d'un nouveau bail
Au soutien de cette prétention, les appelants soutiennent, en premier lieu, qu'en se maintenant dans les lieux, la locataire a renoncé au bénéfice des congés délivrés, en second lieu, que la résiliation des contrats n'a jamais été acceptée par les bailleurs.
Cependant, il ressort des dispositions de l'article L.145-4 du code de commerce que le congé est un acte unilatéral qui produit effet, contrairement à ce que soutiennent les appelants, sans avoir à être accepté par le bailleur. Il met fin au bail de manière irrévocable de sorte qu'il ne peut être rétracté par son auteur sans l'accord explicite du bailleur.
Il s'en déduit que le maintien dans les lieux du locataire au-delà de la date d'effet du congé qu'il a délivré ne peut s'analyser en une renonciation au bénéfice de ce congé que si les circonstances établissent de façon non équivoque sa volonté d'y renoncer, volonté qui ne se présume pas.
Il ne peut se déduire de la pièce n°4, versée aux débats, relative à un courrier adressé par « [Localité 37] ' Château de Chantemerle » le 20 janvier 2014 à M. et Mme. [E] faisant part d'un accord au renouvellement de leur bail en date de mars 2005 une expression de la volonté non équivoque de la locataire de renoncer aux congés litigieux délivrés entre quatre et cinq ans plus tard, s'agissant au demeurant d'un courrier adressé à des bailleurs qui ne sont pas parties à la cause.
Il n'est pas davantage démontré que la locataire ait sollicité les bailleurs afin d'obtenir leur accord sur une rétractation des congés délivrés à chacun postérieurement à leur délivrance.
L'expression de l'opposition des bailleurs au départ de l'occupante manifestée par leur refus d'être présents à l'établissement d'états de sortie des lieux, tel que cela ressort de la pièce n°9, ne suffit pas à considérer que l'intimée ait été maintenue dans les liens d'un nouveau bail commercial, ce d'autant qu'il n'est pas prétendu que les appelants n'ont pas repris possession des lieux.
Il s'infère de ces éléments qu'aucun nouveau bail ne s'est formé à la date d'effet des congés valablement délivrés et que la demande de voir ordonner à la [Localité 37] de payer le montant des loyers contractuels aux appelants dus à compter de la date de formation du nouveau contrat sera rejetée.
Sur les demandes accessoires
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
Les demandes formées au titre des frais irrépétibles seront rejetées et, succombant en leurs prétentions, les appelants seront condamnés à supporter la charge des dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement rendu par tribunal judiciaire de Meaux le 25 novembre 2021 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déboute la SARL Brunner Family, Mlle [DL] [A], Mr et Mme [L], la SARL Padia, Mme [Y] [X], Mr [U] [V], Mr [S] et Mme [H], la SARL Pecc, la SARL Mozart 2012, Mr [O] [TK] et Mlle [P] [NA], Mr [F] [CP], Mr [AS] [I], la SARL Les Pommes De Pins, Mr [BB] [ME] et Mme [W] [PY], Mr et Mme [KY] et [D] [T], Mr [IW] [N], Mr [ES] [Z], la société Mitsukoshimae, Mr [R] [SE], Mme. [G] [SE], la SARL [X], Mr et Mme [YK], la SARL Amania, la SARL Amacle et Mr [GU] [WI], Mme. [J] [B] de leur demande d'ordonner à la société [Localité 37] de reprendre le paiement des loyers contractuels à compter du 21 juillet 2021 ;
Déboute la SARL Brunner Family, Mlle [DL] [A], Mr et Mme [L], la SARL Padia, Mme [Y] [X], Mr [U] [V], Mr [S] et Mme [H], la SARL Pecc, la SARL Mozart 2012, Mr [O] [TK] et Mlle [P] [NA], Mr [F] [CP], Mr [AS] [I], la SARL Les Pommes De Pins, Mr [BB] [ME] et Mme [W] [PY], Mr et Mme [KY] et [D] [T], Mr [IW] [N], Mr [ES] [Z], la société Mitsukoshimae, Mr [R] [SE], Mme. [G] [SE], la SARL [X], Mr et Mme [YK], la SARL Amania, la SARL Amacle et Mr [GU] [WI], Mme. [J] [B] de leur demande d'ordonner à la société [Localité 37] de payer le montant des loyers contractuels dus à compter de la date de formation du nouveau contrat ;
Rejette toute autre demande ;
Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civle ;
Condamne la SARL Brunner Family, Mlle [DL] [A], Mr et Mme [L], la SARL Padia, Mme [Y] [X], Mr [U] [V], Mr [S] et Mme [H], la SARL Pecc, la SARL Mozart 2012, Mr [O] [TK] et Mlle [P] [NA], Mr [F] [CP], Mr [AS] [I], la SARL Les Pommes De Pins, Mr [BB] [ME] et Mme [W] [PY], Mr et Mme [KY] et [D] [T], Mr [IW] [N], Mr [ES] [Z], la société Mitsukoshimae, Mr [R] [SE], Mme. [G] [SE], la SARL [X], Mr [VC] [YK] et Mme [K] [YK], la SARL Amania, la SARL Amacle et Mr [GU] [WI], Mme. [J] [B] à supporter la charge des dépens d'appel.
Le greffier La présidente