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Cass. 1re civ., 11 avril 2012, n° 10-25.904

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Caisse de crédit mutuel Ile-de-France (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gérard

Rapporteur :

M. Laborde

Avocat général :

M. Le Mesle

Avocats :

Me Le Prado, SCP Piwnica et Molinié

Cass. 1re civ. n° 10-25.904

10 avril 2012

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 décembre 2009), que la Caisse de crédit mutuel de Paris 3e et 4e Marais Bastille, aux droits de laquelle vient la Caisse de crédit mutuel Ile-de-France (la caisse), a consenti à la société Ilodelis.com nouvellement créée (la société), deux concours, l'un sous la forme d'un prêt destiné à financer l'acquisition du droit au bail et les premières activités de la société, l'autre sous la forme d'une facilité de caisse, Mme X..., gérante de la société et Mme Y..., associée, s'étant rendues cautions pour le premier concours tandis que Mme Y... se rendait seule caution solidaire pour le second ; que la société ayant été mise en liquidation judiciaire, la caisse, après avoir déclaré sa créance, a assigné en paiement Mmes X... et Y... en leurs qualités de cautions ; que ces dernières ont recherché la responsabilité de la caisse pour octroi d'un crédit inapproprié et manquement à son obligation de mise en garde ;

Attendu que la caisse fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à verser à Mmes X... et Y... la somme globale de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts et ordonné la compensation entre cette somme et celles dues par les cautions, alors, selon le moyen :

1°/ qu'il appartient à l'emprunteur ou ses cautions d'apporter en preuve les éléments de nature à établir l'octroi abusif de crédit qu'il impute à la caisse ; qu'en se bornant à relever en l'espèce le défaut de production par la caisse du «moindre programme prévisionnel d'activités de la société» et «d'éléments comptables prévisionnels»,quand il appartenait à Mmes X... et Y..., cautions solidaires de la société, débitrice en liquidation judiciaire, d'apporter en preuve les éléments de nature à établir l'octroi abusif de crédit, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil ;

2°/ que le dirigeant de société ayant contracté l'emprunt consenti à cette dernière est présumé caution avertie ; qu'en l'espèce, il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que Mme X... était gérante statutaire de la société ; qu'en affirmant cependant que, titulaire d'une maîtrise de lettres et d'un Dess de l'information et de la documentation et (ayant) exercé des activités de documentaliste ... elle ne peut donc pas être considérée, en sa qualité de signataire des actes de prêt concernés, comme une gérante avertie de la gestion d'une société commerciale, sans constater que l'intéressée se serait tenue à l'écart des tractations avec la caisse et de la gestion de la société emprunteur, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

3°/ que le simple associé peut être caution avertie dès lors qu'il est établi qu'il a participé activement à la gestion de l'entreprise ; qu'en l'espèce, il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que «Mme Y... indique dans son curriculum vitae disposer d'une maîtrise technique et langage des médias et d'une formation complémentaire en gestion et finances et avoir été chargée de communication dans une agence spécialisée dans les nouvelles technologies des BTP, de l'environnement et de l'industrie avant d'entrer dans la société Mareva, producteur de matériel de piscines ; qu'elle déclare avoir une bonne connaissance de la gastronomie française ; qu'elle précise que dans les postes qu'elle a occupés, elle était chargée de la recherche de fournisseurs de l'achat de services et de marchandises, de l'élaboration des contrats et des relations avec les clients», de sorte qu'elle «peut être considérée comme avertie en matière de gestion» ; qu'en affirmant cependant, pour la considérer en définitive comme caution non avertie, qu' «elle n'est qu'associée de la société et n'a donc pas à ce titre participé aux demandes de prêt et n'a pas été signataire des actes contestés», sans rechercher, comme l'y invitait la caisse dans ses écritures d'appel, si Mme Y..., titulaire de 50 % des parts, n'avait pas participé à la création et à la gestion de la société et ne devait pas être tenue comme co-animatrice de la société bien qu'elle n'ait pas la qualité de gérant statutaire, dès lors qu'elle avait pratiqué le management et la direction, la gestion et les finances, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'après avoir relevé que le prêt sollicité, en avril 2002, avant toute activité de la société, pour en permettre le démarrage, avait été accordé par la caisse sans que lui fussent présentés des éléments comptables prévisionnels, l'arrêt retient que la caisse n'était pas en mesure d'apprécier l'adaptation de ce crédit aux capacités financières de la société; qu'en l'état de ces appréciations faisant ressortir le comportement fautif de la caisse, la cour d'appel, sans inverser la charge de la preuve, a pu décider que la responsabilité de cette dernière était engagée ;

Attendu, d'autre part, qu'après avoir relevé que Mme X... était titulaire d'une maîtrise de lettres et d'un dess de l'information et de la documentation et avait exercé des activités de documentaliste, l'arrêt retient qu'elle ne peut pas être considérée, en sa qualité de signataire des actes de prêt concernés, comme gérante avertie de la gestion d'une société commerciale ; qu'ayant ainsi fait ressortir qu'à la date de la mise en place du concours financier, Mme X... ne pouvait être regardée comme une caution avertie, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Attendu, enfin, que sous le couvert d'un grief infondé de manque de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en cause le pouvoir souverain des juges du fond qui ont relevé que Mme Y..., si elle avait des connaissances en matière de gestion, n'était qu'associée de la société, n'avait pas participé aux demandes de prêt et n'avait pas été signataire des actes contestés, faisant ainsi ressortir qu'elle ne pouvait être considérée, à l'occasion de ce concours, comme une caution avertie ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Caisse de crédit mutuel Ile-de-France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

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