Cass. com., 2 octobre 2012, n° 11-28.331
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Fuchs lubrifiant France (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Rapporteur :
Mme Levon-Guérin
Avocat général :
Mme Bonhomme
Avocat :
SCP de Chaisemartin et Courjon
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 25 janvier 2010), que Mme X... (la caution) s'est rendue caution solidaire, le 27 décembre 2002, envers la société Fuchs labo auto, aux droits de laquelle vient la société Fuchs lubrifiant France (le créancier), de l'avance sur remises consentie à M. Y..., dans le cadre d'un contrat de fourniture de lubrifiants ; que ce dernier étant défaillant, le 20 mars 2006, le créancier a assigné en paiement la caution, laquelle a recherché sa responsabilité ;
Attendu que le créancier fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'il avait manqué à son obligation de mise en garde à l'égard de la caution, de l'avoir dit responsable d'une perte de chance évaluée à 20 %, pour cette dernière, de ne pas s'engager en qualité de caution, de l'avoir, en conséquence, condamné à payer à la caution la somme de 3 615,92 euros à titre de dommages-intérêts, outre les intérêts à compter de sa décision, et dit que cette somme se compenserait avec sa créance, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge doit trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'en l'espèce, en fondant la condamnation du créancier sur les règles de la responsabilité quasidélictuelle, seules invoquées par la caution au soutien de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts, bien que l'action en responsabilité engagée par la caution en raison du caractère disproportionné de son engagement au regard de ses patrimoine et revenus ait été de nature contractuelle, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile, ensemble, par fausse application, l'article 1382 du code civil ;
2°/ qu'est une caution avertie, la caution intéressée à l'opération que permet de financer le prêt consenti ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt que la caution avait un intérêt certain à soutenir l'entreprise de son compagnon, M. Y..., débiteur principal, entreprise dont les fruits permettaient notamment à la caution de financer le remboursement du prêt immobilier relatif à sa maison et d'entretenir sa famille ; qu'en qualifiant dès lors la caution de caution non avertie, bien qu'elle eût constaté sa qualité de caution intéressée, donc nécessairement avertie, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi l'article 1147 du code civil ;
3°/ que seul le créancier professionnel est débiteur d'un devoir de mise en garde envers la caution profane ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt que le créancier était un fournisseur de lubrifiant ayant consenti au débiteur principal, garagiste, une simple avance sur remises ; que dès lors, en s'abstenant de rechercher, comme elle y était tenue, si le créancier avait la qualité de créancier professionnel, à défaut de quoi sa responsabilité ne pouvait être engagée pour avoir fait souscrire à la caution un engagement prétendument disproportionné à ses revenus et à son patrimoine, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
4°/ que dans ses conclusions d'appel, le créancier soutenait que, lors de la souscription de son engagement, la caution, sans emploi et mère de quatre enfants, percevait de la caisse d'allocations familiales des allocations de logement lui permettant de faire face au prêt immobilier qu'elle avait souscrit pour acquérir sa maison d'habitation et bénéficiait des revenus générés par l'entreprise de son concubin, revenus dont il convenait de tenir compte, de sorte que le cautionnement litigieux n'était pas disproportionné à ses capacités financières ; qu'en ne répondant pas à ce moyen essentiel, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, que le créancier, qui n'a pas critiqué, dans ses conclusions d'appel, le fondement quasidélictuel retenu par la caution, n'est pas recevable à venir le contester devant la Cour de cassation ;
Attendu, en deuxième lieu, qu'ayant relevé que la caution n'était pas imposable entre 1999 et 2004, qu'elle percevait une allocation de solidarité de 84,07 francs par jour en 2000, ne percevait aucun revenu en 2002 et que, mère de quatre enfants, des allocations familiales lui étaient versées à ce titre, qu'elle justifiait avoir souscrit un prêt de 475 000 francs consenti par le Crédit lyonnais, remboursable en 240 mensualités, pour acquérir une parcelle de terre sur laquelle la maison familiale avait été construite et qu'aux termes du tableau d'amortissement afférent à ce prêt, la caution remboursait 4 809,43 francs par mois en juillet 2000 et 4 997,65 francs par mois en décembre 2002, le remboursement se terminant le 10 février 2011, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre aux simples allégations du créancier, a pu en déduire que l'engagement de la caution n'était pas adapté à ses capacités financières car disproportionné ;
Attendu, enfin, qu'après avoir relevé que la caution ne contestait plus que l'article L. 341-4 du code de la consommation n'était pas applicable compte tenu de la date des cautionnements et énoncé, qu'indépendamment de cette disposition, l'établissement prêteur doit, même dans le cas de prêt professionnel, s'assurer de la proportionnalité de l'engagement de la caution, sauf à engager sa responsabilité, l'arrêt retient que la caution n'a jamais eu la qualité d'associé ou de conjoint collaborateur ; qu'ayant ainsi fait ressortir que la société Fuchs lubrifiant France était un créancier professionnel, sa créance étant née dans l'exercice de sa profession, et que la caution, fût-elle intéressée par les fruits de l'entreprise, ne pouvait être considérée comme avertie, dès lors qu'elle n'était pas impliquée dans la vie de l'entreprise, la cour d'appel a pu en déduire que le créancier avait commis une faute en faisant souscrire à la caution un engagement disproportionné, abstraction faite de la référence erronée mais surabondante au devoir de mise en garde ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Fuchs lubrifiant France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;