Cass. 1re civ., 5 janvier 2022, n° 19-17.200
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Défendeur :
Crédit logement (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauvin
Avocats :
SCP Célice, Texidor, Périer, SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre
M. [W] [U], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 19-17.200 contre l'arrêt rendu le 4 avril 2019 par la cour d'appel de Versailles (16e chambre), dans le litige l'opposant à la société Crédit logement, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [U], de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Crédit logement, après débats en l'audience publique du 9 novembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 4 avril 2019), suivant offre acceptée le 18 juin 2007, la société HSBC France (la banque) a consenti à M. [U] (l'emprunteur) un prêt destiné à l'acquisition d'un bien immobilier d'un montant de 850 000 euros, garanti par la société Crédit logement (la caution) à hauteur de ce montant. Le contrat de cautionnement, conclu le 22 mai 2007, subordonnait l'engagement de la caution à un apport personnel de l'emprunteur à hauteur de 98 000 euros, qui s'est finalement élevé à 42 000 euros.
2. A la suite d'impayés, la banque a prononcé la déchéance du terme, puis a appelé la caution en garantie. Après avoir payé la somme de 767 100,63 euros à la banque au titre du solde du prêt, la caution a assigné l'emprunteur en remboursement sur le fondement de l'article 2305 du code civil.
3. L'emprunteur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la caution la somme de 767 100,63 euros en principal, outre intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2015, de dire que les intérêts échus depuis une année entière depuis l'assignation, soit le 16 décembre 2016, produiront eux-mêmes intérêts à compter du 16 décembre 2016, de rejeter la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir et l'ensemble de ses demandes, alors :
« 1°/ que l'action personnelle dont dispose la caution à l'encontre du débiteur principal suppose pour prospérer que soit rapportée préalablement la preuve d'un cautionnement valable en vertu duquel le demandeur a payé le créancier principal ; que l'emprunteur contestait le fait que la caution ait payé la banque en exécution d'un cautionnement valablement souscrit, l'engagement de caution pris par la caution le 22 mai 2007 prévoyant que la garantie était fournie « sous réserve d'un apport personnel en fonds propres de 98 000 EUR », lequel n'avait pu être réalisé de sorte que le cautionnement était devenu caduc ; que pour écarter ce moyen et accueillir l'action personnelle engagée par la caution la cour d'appel a retenu que la condition suspensive ne figurait que dans l'accord de cautionnement donné par la caution à la banque ; qu'en statuant de la sorte, quand l'emprunteur était fondé à se prévaloir de l'absence de réalisation de la condition stipulée dans le contrat de cautionnement conclu entre la banque et la caution comme constituant un fait juridique, opposable erga omnes, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1165 (respectivement devenus les articles 1103 et 1199) du code civil, ensemble l'article 2305 du même code ;
2°/ que seul le débiteur qui s'est engagé sous une condition dont la défaillance lui est imputable ne peut se prévaloir de l'absence de réalisation de la condition pour s'opposer à l'exécution du contrat ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la condition suspensive tenant à la fourniture d'un apport personnel de 98 000 euros de l'emprunter n'était stipulée que dans l'acte de cautionnement donné par la caution à la banque ; qu'en jugeant néanmoins que l'emprunteur ne pouvait se prévaloir de la défaillance de cette condition, dans la mesure où il était « le seul à pouvoir la faire survenir ou empêcher », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, desquelles il résultait que l'emprunteur n'avait pris aucun engagement à l'égard de la caution de réaliser un apport personnel de 98 000 euros, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1165 (respectivement devenus les articles 1103 et 1199) du code civil, ensemble l'article 2305 du même code ;
3°/ que la condition tenant à la fourniture d'un apport personnel de 98 000 euros de l'emprunteur, à laquelle était subordonné l'engagement de caution de la caution, était stipulée tant dans l'intérêt de cette société que dans celui du débiteur M. [U], dans la mesure où cet apport était de nature à influer sur le montant et les modalités de remboursement de sa dette d'emprunt ; qu'en jugeant que seule la caution pouvait se prévaloir de la défaillance de cette condition suspensive, la cour d'appel a violé les articles 1121 et 1134 (devenus 1205 et 1103) et 2305 du code civil, ensemble l'article 1178 (devenu 1304-3) du même code ;
4°/ que n'est pas purement potestative la condition dont la réalisation dépend, non seulement de la volonté du débiteur, mais également de celle d'un tiers, ou de circonstances objectives susceptibles d'un contrôle par le juge ; qu'en énonçant que le fait que la condition suspensive résidant dans un apport personnel en fonds propres par l'emprunteur n'avait été que partiellement remplie n'était pas opposable à la caution par le débiteur de cette somme qui était le seul à pouvoir la faire survenir ou empêcher, quand la réalisation de cette condition ne dépendait pas uniquement de la volonté de l'emprunteur, mais également de celle de la banque prêteuse, ainsi que des facultés contributives de l'emprunteur, la cour d'appel a violé l'article 1174 (devenu 1304-2) du code civil, ensemble les articles 1134 (devenu 1103) et 2305 du même code. »
4. Après avoir énoncé, à bon droit, que seule la caution pouvait invoquer la non-réalisation de la condition, qui avait été stipulée dans son intérêt exclusif dans l'acte de cautionnement, et constaté qu'elle avait désintéressé la banque sans s'en prévaloir, la cour d'appel en a exactement déduit qu'elle pouvait agir contre l'emprunteur sur le fondement de l'article 2305 du code civil.
5. Le moyen, inopérant en sa deuxième branche, qui s'attaque à des motifs surabondants relatifs au fait que seul l'emprunteur pouvait faire survenir ou empêcher la réalisation de la condition, et en sa quatrième branche, qui invoque le caractère purement potestatif de cette condition, n'est donc pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [U] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;