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Décisions

CA Grenoble, ch. soc. - A, 14 octobre 2025, n° 23/02186

GRENOBLE

Arrêt

Autre

CA Grenoble n° 23/02186

14 octobre 2025

C4

N° RG 23/02186

N° Portalis DBVM-V-B7H-L3K4

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL LX GRENOBLE-CHAMBERY

Me Alain GONDOUIN

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 14 OCTOBRE 2025

Appel d'une décision (N° RG 22/00328)

rendue par le conseil de prud'hommes - formation paritaire de Valence

en date du 12 mai 2023

suivant déclaration d'appel du 09 juin 2023

Ordonnance de jonction en date du 5 septembre 2023 du N° RG 23/02200 avec le N° RG 23/02186

APPELANTES :

Madame [T] [L]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LX GRENOBLE- CHAMBERY, avocat postulant au barreau de Grenoble

et par Me Romain DE PAULI de la SELARL A-LEXO, avocat plaidant au barreau de la Drôme

S.A.S. CDBA [Localité 5], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Alain GONDOUIN, avocat postulant au barreau de Grenoble

et par Me Jessica PRECLOUX, avocat plaidant au barreau de Lyon

appelante dans le N° RG 23/02200

INTIMEES :

S.A.S. CDBA [Localité 5], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Alain GONDOUIN, avocat postulant au barreau de Grenoble

et par Me Jessica PRECLOUX, avocat plaidant au barreau de Lyon

Madame [T] [L]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LX GRENOBLE- CHAMBERY, avocat postulant au barreau de Grenoble

et par Me Romain DE PAULI de la SELARL A-LEXO, avocat plaidant au barreau de la Drôme

intimée dans le N° RG 23/02200

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, conseillère faisant fonction de présidente,

Mme Gwenaelle TERRIEUX, conseillère,

M. Frédéric BLANC, conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 23 juin 2025,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, conseillère faisant fonction de présidente en charge du rapport et Mme Gwenaelle TERRIEUX, conseillère, ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistées de Mme Fanny MICHON, greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées.

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 14 octobre 2025, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 14 octobre 2025.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [T] [L], née le 11 février 1980, a été embauchée le 1er juillet 2002 par la société anonyme (SA) [H], devenue la société par actions simplifiée (SAS) CDBA [Localité 5], suivant contrat de travail à durée indéterminée, à temps partiel du 1er juillet au 31 août 2002, puis à temps plein à compter du 1er septembre 2002, en qualité de comptable.

Le contrat est soumis à la convention collective des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes.

Par lettre remise en main propre le 11 juin 2021, Mme [L] a remis sa démission, le terme du préavis étant fixé au 13 août 2021.

Par lettre remise en main propre en date du 22 juillet 2021, la société CDBA [Localité 5] a convoqué Mme [L] à un entretien préalable fixé au 29 juillet 2021 en vue d'une éventuelle rupture anticipée de son préavis pour faute lourde.

L'entretien s'est tenu en présence de la salariée, assistée de M. [W] [U], conseiller du salarié.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 2 août 2021, la société CDBA [Localité 5] lui a notifié la rupture anticipée de son préavis pour faute lourde.

Par requête en date du 29 septembre 2021, Mme [L] a saisi le conseil de prud'hommes aux fins de contester la rupture anticipée de son préavis et obtenir paiement de différentes créances salariales et indemnitaires.

Par jugement en date du 12 mai 2023, le conseil de prud'hommes de Valence a :

Requalifié le licenciement pour faute lourde de Mme [L] [T] en licenciement pour cause réelle et sérieuse ;

Condamné la société CDBA [Localité 5] à verser à Mme [L] [T] les sommes suivantes :

- 1 000,88 euros en règlement de la mise à pied conservatoire ;

- 100,08 euros au titre des congés payés afférents,

Ordonné la remise des bulletins de salaire rectifiés pour les mois de juillet et août 2021 et l'attestation Pôle Emploi dans le mois suivant la notification du présent jugement sans astreinte ;

Débouté Mme [T] [L] de ses autres demandes ;

Débouté la société CDBA [Localité 5] de ses demandes reconventionnelles ;

Rappelé l'exécution provisoire de droit ;

Condamné la société CDBA [Localité 5] aux éventuels dépens de la présente instance.

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés le 13 mai 2023 pour Mme [L] et le 15 mai 2023 pour la société CDBA [Localité 5].

Par déclaration en date du 9 juin 2023, Mme [T] [L] a interjeté appel à l'encontre dudit jugement.

La société CDBA [Localité 5] en a également interjeté appel par acte en date du 12 juin 2023.

Par ordonnance juridictionnelle en date du 5 septembre 2023, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des deux instances.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 9 octobre 2024, Mme [T] [L] sollicite de la cour de :

" Réformer le jugement en ce qu'il a :

- Requalifié le licenciement pour faute lourde de Mme [L] [T] en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

- Débouté Mme [T] [L] de ses autres demandes à savoir rappel d'heures supplémentaires, et congés payés afférents ainsi que d'une indemnité pour travail dissimulé de 6 mois de salaires outre une prime de bilan, et enfin une indemnité pour préjudice moral,

Statuant à nouveau,

Sur la rupture du contrat

À titre principal

- Requalifier la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

- Condamner la société CDBA à payer à Mme [L] la somme de 60 720 € en réparation du préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

À titre subsidiaire

- Dire la rupture du préavis sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

- Condamner la société CDBA à payer à Mme [L] la somme de 60 000 € en réparation du préjudice subi du fait de la rupture vexatoire du préavis,

En tout état de cause,

- Condamner la société CDBA à verser à Mme [L] :

- la somme de 2699,21 € brut au titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire du 23 juillet au 3 août 2021,

- la somme de 269,92 € brut au titre des congés payés afférents,

Condamner la société CDBA à remettre à Mme [L] les documents de rupture des bulletins de salaire rectifié conforme à la décision dans les 15 jours de la notification du jugement et passé ce délai sous astreinte de 150 € par jour de retard,

Sur l'exécution du contrat :

- Fixer le salaire mensuel de Mme [L] à 4 048,84€ en incluant le rappel d'heures supplémentaires et la prime de bilan de juin 2021,

- Condamner la société CDBA à payer à Mme [L] les sommes suivantes :

- 18 225,00 € brut au titre des heures supplémentaires sur les trois dernières années,

- 1 822,50 € brut au titre des congés payés afférents,

- 22 957,95 € au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,

- 500,00 € brut au titre de la prime de bilan,

- 1 712,00 € brut au titre de la prime de facturation ponctuelle.

Sur les demandes reconventionnelles :

- Débouter la société CDBA de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles

- Condamner la société CDBA lui payer la somme de 6 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en ce compris les frais de première instance

- Ordonner l'exécution provisoire de la décision, sans caution ni restriction, sur les dispositions du jugement n'en étant pas assorties de plein droit,

- Condamner la société CBDA aux entiers dépens. "

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 30 avril 2024, la société CDBA [Localité 5] sollicite de la cour de :

" Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Valence du 12 mai 2023 en ce qu'il a :

- Requalifié la rupture anticipée du préavis de Mme [L] pour faute lourde en rupture anticipée pour cause réelle et sérieuse ;

- Condamné la société CDBA [Localité 5] à verser à Mme [L] les sommes suivantes :

- 1.000,88 € en règlement de la mise à pied conservatoire ;

- 100,08 € au titre des congés payés afférents ;

- Ordonné la remise des bulletins de salaire rectifiés pour les mois de juillet et août 2021 et de l'attestation Pole emploi dans le mois suivant la notification du jugement sans astreinte ;

- Débouté la société CDBA [Localité 5] de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts d'un montant de 78.000 €, en réparation de ses préjudice s;

- Débouté la Société CDBA [Localité 5] de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, d'un montant de 3.000 € ;

- Condamné la Société CDBA [Localité 5] aux éventuels dépens de la présente instance.

Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Valence du 12 mai 2023 en ce qu'il a :

- Débouté Mme [L] de ses autres demandes.

Et statuant à nouveau :

- Dire et juger que Mme [L] n'a réalisé aucune heure supplémentaire non rémunérée ;

- Dire et juger qu'aucune prime de bilan, ni de facturation ponctuelle n'est due à Mme [L] ;

- Dire et juger que la rupture anticipée du préavis pour faute lourde, notifiée à Mme [L] est totalement justifiée ;

- Dire et juger que les fautes commises par Mme [L] ont causé des préjudices financiers, moraux et d'image importants à la société CDBA [Localité 5] ;

En conséquence,

- Débouter Mme [L] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamner Mme [L] au paiement de 78 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices financiers, moraux et d'image subis par la société CDBA [Localité 5] ; En tout état de cause,

- Condamner Mme [L] au paiement d'une indemnité de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner Mme [L] aux entiers dépens d'instance et d'appel. "

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient, au visa de l'article 455 du code de procédure civile, de se reporter aux conclusions des parties susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 27 mai 2025.

L'affaire, fixée pour être plaidée à l'audience du 23 juin 2025, a été mise en délibéré au 14 octobre 2025.

MOTIFS DE L'ARRÊT

1 - Sur les heures supplémentaires

L'article L. 3121-27 du code du travail dispose que la durée légale de travail effective des salariés à temps complet est fixée à trente-cinq heures par semaine.

Selon l'article L. 3121-28 du même code, toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.

Aux termes combinés des articles L. 3121-29 et L. 3121-35 du code du travail, les heures supplémentaires se décomptent par semaine, celle-ci débutant le lundi à 0 heure et se terminant le dimanche à 24 heures.

L'article L. 3171-1 du code du travail prévoit que :

L'employeur affiche les heures auxquelles commence et finit le travail ainsi que les heures et la durée des repos.

Lorsque la durée du travail est organisée dans les conditions fixées par l'article L. 3121-44, l'affichage comprend la répartition de la durée du travail dans le cadre de cette organisation.

La programmation individuelle des périodes d'astreinte est portée à la connaissance de chaque salarié dans des conditions déterminées par voie réglementaire.

L'article L. 3171-4 du code du travail dispose qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Il appartient à la juridiction de vérifier si les heures supplémentaires revendiquées ont été rendues nécessaires par le travail confié au salarié, l'opposition à l'exécution de celle-ci de l'employeur se trouvant alors indifférente.

Le salarié peut revendiquer le paiement d'heures supplémentaires à raison de l'accord tacite de l'employeur. Cet accord tacite peut résulter de la connaissance par l'employeur de la réalisation d'heures supplémentaires par le biais de fiche de pointage et l'absence d'opposition de l'employeur à la réalisation de ces heures.

En l'espèce, Mme [L], dont le contrat de travail définit une base horaire de 151,67 heures par mois ou 35 heures par semaine, soutient avoir réalisé mensuellement 19,625 heures supplémentaires non rémunérées pour revendiquer une créance de 18 225 euros au titre des trois années précédant la rupture.

A ce titre, elle affirme que l'employeur avait mis en place un horaire collectif de travail correspondant à 37,50 heures par semaine, ce que confirme la société CDBA [Localité 5].

Aussi, la salariée fait valoir, d'une part, que sa charge de travail, comprenant le suivi d'un portefeuille de 90 clients, sans aide extérieure, lui imposait de travailler au-delà de 35 heures par semaine, d'autre part, que sa charge de travail avait augmenté avec le départ successif de plusieurs collaborateurs, et enfin, que les heures supplémentaires rémunérées sur les bulletins de salaire de décembre 2019 et 2020 correspondent en réalité à la monétisation de jours de congés non pris.

La salariée produit :

- ses bulletins de paie de décembre 2019, puis de juin 2020 à août 2021 ne faisant pas apparaître de rémunération au titre d'heures supplémentaires, exceptés ceux de décembre 2019 (84 heures) et décembre 2020 (75 heures),

- le bulletin de salaire de juin 2019 mentionnant un solde de 54 jours de congés payés acquis,

- des extraits des temps de travail déclaré par collaborateur et par semaine, correspondant aux temps de travail enregistrés dans le logiciel de l'entreprise en vue du calcul de la facturation des clients, pour les semaines du 29 mars 2021 au 6 juin 2021,

- la reproduction d'un courriel du 17 juillet 2020 émanant de Mme [R], chargée de clientèle, qui lui indique " Je suis en train de vérifier la saisie des temps des collaborateurs de [Localité 5]. Je vois que tu as beaucoup plus d'heures que ce qui est prévu à la semaine (37,5h normalement). Normalement pas de saisi des heures sup' Ne reviens peut-être pas sur tes temps de 1er semestre mais à partir de juillet essaye de partir sur le bon nombre d'heures ",

- l'attestation de Mme [A] [O], comptable cadre, qui indique avoir reçu des consignes de la direction " nous demandant de noter 37,50 heures sur nos fiches de temps, temps de travail hebdomadaire du cabinet " et qui déclare que " les heures supplémentaires notées sur les bulletins de salaire de décembre 2019 et décembre 2020 sont en réalité une compensation des jours de congés non pris. En effet M. [M] nous a proposé de nous payer les jours de congés que nous n'avions pas pu prendre suite à notre surcharge de travail depuis le départ de M. [H] et 4 collaborateurs. ",

- l'attestation de Mme [V] [C], comptable, qui indique avoir quitté l'entreprise en raison de pressions psychologiques et de " méthodes douteuses sur la gestion du personnel ['] l'obligation de saisir un temps de travail hebdomadaire de 37,50 heures alors que les heures effectivement réalisées étaient bien au-dessus ['] ",

- l'attestation de M. [D] [B], comptable, qui affirme s'être vu demander de saisir uniquement 37,50 heures par semaine alors que selon lui, les responsables de dossiers réalisaient " au minimum 50 heures par semaine " pendant la période fiscale.

Ces éléments sont suffisamment précis pour engager le débat et permettre à l'employeur, chargé de contrôler les horaires de travail de ses salariés, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

D'une première part, la cour constate que l'employeur ne produit aucun élément relatif au suivi du temps de travail de la salariée, alors que cette charge lui incombe.

Dès lors, l'employeur est malvenu de reprocher à Mme [L] de se limiter à produire les feuilles de déclaration de temps d'avril et mai 2021.

Ainsi, la société CDBA [Localité 5] confirme que les heures enregistrées par la salariée en avril et mai 2021 révèlent qu'elle a réalisé 25,50 heures supplémentaires au mois d'avril 2021 et 13,75 heures supplémentaires en mai 2021, lesquelles ont été réglées sur la feuille de paie d'août 2021, mais elle s'abstient de produire les feuilles de temps enregistrées par la salariée sur l'ensemble de la période litigieuse.

De même, la société CDBA [Localité 5] affirme avoir réglé l'intégralité des heures supplémentaires déclarées par la salariée sur ses feuilles de temps, mais manque de justifier du décompte des heures supplémentaires mentionnées sur les bulletins de salaire de décembre 2019 et décembre 2020, en se limitant à affirmer qu'il s'agit d'une régularisation faite pour l'ensemble de l'année écoulée, et à contester qu'il puisse s'agir d'une compensation des congés payés acquis tel que le soutient la salariée.

Enfin, la société CDBA [Localité 5] affirme que le solde des congés payés non pris a été régularisé avec le versement d'une indemnité compensatrice de congés payés de 5 222,50 euros en août 2021, mais elle s'abstient d'expliciter le calcul de cette indemnité.

Elle produit certes un récapitulatif des congés pris par la salariée pour les années 2019 et 2020 dont il ressort que Mme [L] a respectivement pris 42 jours et 32 jours de congés payés en 2019 et 2020.

Pour autant, la société n'apporte pas d'explication utile au fait que les bulletins de salaire de Mme [L] mentionnaient un solde constant de congés payés non pris de 34,50 jours d'août 2020 à mai 2021.

D'une deuxième part, la société CDBA [Localité 5] n'apporte aucune explication utile quant à la rémunération versée sur la base d'un temps complet de 151,67 heures par mois alors qu'elle confirme que l'horaire collectif de travail était fixé à 37,50 heures hebdomadaires.

D'une troisième part, c'est par un moyen inopérant que l'employeur allègue du caractère fantaisiste des heures revendiquées en objectant que la salariée n'a présenté aucune réclamation au cours de la relation contractuelle.

D'une quatrième part, la société CDBA [Localité 5] conteste les attestations de témoins produites par Mme [L] en faisant état de contentieux qui l'opposent à Mme [O], M. [B] et Mme [C].

Si ces attestations restent à prendre en compte avec la plus grande prudence au regard de ce contexte, la société CDBA [Localité 5] manque de s'expliquer sur le message adressé par Mme [R] demandant expressément à la salariée de déclarer des temps respectant la durée hebdomadaire de 37,50 heures sans faire état d'heures supplémentaires.

D'une cinquième part, la société CDBA [Localité 5] conteste l'ampleur de la charge de travail alléguée par la salariée sans toutefois s'expliquer ni sur l'importance du portefeuille client de la salariée, ni sur l'étendue de ses missions, alors que la lourdeur de sa charge de travail ressort expressément du compte rendu d'entretien professionnel du 8 janvier 2020 mentionnant qu'elle a " réussi à sortir l'ensemble de ses dossiers malgré la désorganisation subie, voir plus parce qu'il était nécessaire de faire face à l'absence des réalisations des tâches de certains " et qu'elle a subi " une surcharge de travail " du fait d'un dossier particulier.

En revanche, d'une septième part, la société CDBA [Localité 5] objecte à juste titre qu'il ne peut se déduire du décompte des seuls mois d'avril et mai 2021 que la salariée a réalisé une moyenne de 19,625 heures supplémentaires par mois sur l'ensemble des trois années précédant la rupture.

En effet, la salariée chiffre les heures supplémentaires revendiquées en appliquant forfaitairement cette moyenne à l'ensemble de la période sans opérer aucune distinction selon les périodes de plus forte activité comptable.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, la cour a la conviction que Mme [L] a bien accompli des heures supplémentaires, mais dans des proportions moindres que celles énoncées, et que la cour, sans être tenue de préciser le détail de son calcul, évalue à la somme de 10 500 euros brut.

Par infirmation du jugement entrepris, la société CDBA [Localité 5] est donc condamnée à verser à Mme [L] la somme de 10 500 euros brut à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires effectuées, outre 1 050 euros brut au titre des congés payés afférents.

2 - Sur le travail dissimulé

Aux termes de l'article L. 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits relatifs au travail dissimulé prévus à l'article L.8221-5 du même code a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

L'article L. 8221-5 du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

La charge de la preuve du travail dissimulé repose sur le salarié, qui doit démontrer l'existence, d'une part, d'un élément matériel constitué par le défaut d'accomplissement d'une formalité obligatoire et, d'autre part, d'un élément intentionnel, constitué par la volonté de se soustraire à cette formalité.

En l'espèce, l'élément matériel du travail dissimulé ayant consisté à ne pas indiquer sur les bulletins de paie le nombre d'heures supplémentaires effectivement réalisées est établi.

Par ailleurs, et quoique la société CDBA [Localité 5] ait mentionné le paiement d'heures supplémentaires sur les bulletins de salaire de décembre 2019, décembre 2020 et août 2021, il a été constaté qu'elle a expressément demandé à la salariée, par un message du 17 juillet 2020, de déclarer un temps de travail limité à 37,50 heures hebdomadaires et de ne pas enregistrer d'heures supplémentaires.

En outre, il s'évince de ce qui précède que l'employeur ne pouvait ignorer que les fonctions de la salariée nécessitaient l'accomplissement d'heures supplémentaires en raison de l'ampleur de son portefeuille client, de l'étendue de ses missions, de la surchargé générée par certains dossiers complexes et d'une désorganisation du service, tels que mentionnés dans le compte rendu d'entretien professionnel du 8 janvier 2020.

Par ces éléments, Mme [L] démontre donc suffisamment que la société CDBA [Localité 5] a omis, en toute conscience, de rémunérer l'intégralité des heures supplémentaires effectuées par la salariée, de sorte que l'élément intentionnel du travail dissimulé est établi.

Compte tenu du salaire versé à la salariée au cours des douze derniers mois précédents la rupture, y ajoutant la créance résultant des heures supplémentaires retenues sur un an, soit 3 500 euros brut, le salaire de référence de Mme [L] s'établit à 3 632,73 euros brut.

En conséquence, par infirmation du jugement déféré, la société CDBA [Localité 5] est condamnée à lui verser une somme de 21 796,39 euros net à titre d'indemnité pour travail dissimulé.

3 - Sur les demandes au titre de prime de bilan et de prime de facturation ponctuelle

Pour être qualifiée d'usage, présenter un caractère obligatoire pour l'employeur et constituer un élément normal et permanent du salaire, la gratification doit réunir trois critères cumulatifs : être constante dans son attribution, c'est-à-dire versée un certain nombre de fois ; fixe, c'est-à-dire calculée toujours selon les mêmes modalités même si son montant est variable ; et générale, c'est-à-dire attribuée à l'ensemble du personnel ou à une catégorie de salariés.

Il appartient au salarié qui invoque un usage, de rapporter la preuve de son existence et de son étendue et à l'employeur d'établir que l'avantage ne présente pas les caractéristiques d'un usage. Contrairement à l'usage, la tolérance n'oblige pas l'employeur qui peut à tout moment revenir sur celle-ci.

La dénonciation d'un usage ou d'un engagement unilatéral doit, pour être régulière, être précédée d'un préavis suffisant pour permettre des négociations et être notifiée, outre aux représentants du personnel, à tous les salariés individuellement s'il s'agit d'une disposition qui leur profite.

En l'espèce, Mme [L] fait valoir qu'elle percevait chaque année une prime de bilan versée en deux échéances, en mai/juin puis en décembre, ainsi qu'une prime de facturation ponctuelle de 10 % du chiffre d'affaires.

S'agissant de la prime de bilan, la lecture des bulletins de paie qu'elle verse aux débats démontre qu'elle a perçu en novembre 2020 une somme de 258,75 euros à titre de " solde prime ", mais qu'elle n'a reçu aucune prime en juin 2021, et ce alors que quatre de ses collègues l'ont perçue en juin 2021 pour des montants variants entre 450 euros et 1 000 euros.

Toutefois, ces seuls éléments ne suffisent pas à caractériser une constance dans l'attribution de cette prime, de sorte que l'usage n'est pas démontré.

S'agissant de la prime de facturation ponctuelle, la lecture des bulletins de paie démontre que Mme [L] a perçu cette prime en juillet 2020 ainsi qu'en novembre 2020, sans toutefois qu'il n'en ressorte une constance et une généralité dans l'attribution de cette prime de facturation, de sorte que l'usage n'est pas davantage démontré.

Faute de preuve de l'existence d'un usage et d'une obligation pour l'employeur de verser les primes revendiquées, Mme [L] est déboutée, par confirmation du jugement dont appel, de ses demandes en paiement de ces primes.

4 - Sur la rupture du contrat de travail

Premièrement, l'article L.1222-1 du code du travail dispose que le contrat de travail est exécuté de bonne foi. Le salarié est donc tenu d'une obligation de loyauté à l'égard de son employeur, durant l'exécution de son contrat.

Cette obligation impose un devoir de fidélité du salarié à l'égard de son employeur, lui interdisant, pendant l'exercice de son contrat de travail, le démarchage, le détournement de clientèle, les actes de concurrence déloyale, qui constituent autant de manquements à l'obligation de loyauté.

L'absence de préjudice subi par l'employeur ne permet pas d'écarter la faute.

Deuxièmement, pendant l'exécution du préavis, le salarié démissionnaire reste tenu des obligations découlant de son contrat de travail, dont l'obligation de loyauté.

La faute du salarié peut justifier l'interruption du préavis par l'employeur.

La faute grave commise pendant l'exécution du préavis a pour effet de priver le salarié du solde de l'indemnité de préavis, de même que la faute lourde.

La rupture du contrat étant déjà intervenue, l'employeur n'a pas à la réitérer par une nouvelle procédure de licenciement.

Troisièmement, la faute lourde est caractérisée par l'intention de nuire à l'employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise.

La preuve de la faute lourde incombe à l'employeur qui doit démontrer l'intention du salarié de lui nuire, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise.

En l'espèce, par courrier remis en mains propres le 11 juin 2021, Mme [L] a remis sa démission avec un départ effectif fixé au 13 août 2021 au terme d'un préavis de deux mois.

Pendant l'exécution de ce préavis, par courrier du 22 juillet 2021, la société CDBA [Localité 5] lui a notifié une mise à pied à titre conservatoire avec sa convocation à un entretien préalable fixé au 29 juillet 2021.

Par courrier recommandé en date du 2 août 2021, Mme [L] s'est vue notifier la rupture anticipée de son préavis pour faute lourde, la société CDBA [Localité 5] lui reprochant :

- d'avoir détourné la clientèle de son employeur,

- d'avoir supprimé la quasi-totalité des courriers électroniques de sa boîte professionnelle afin de dissimuler ses man'uvres,

- d'avoir fait rédiger par les clients de l'entreprise des lettres de résiliation qui se révèlent libellées en des termes parfaitement identiques,

- d'avoir rencontré ces mêmes clients en l'absence de l'employeur lors de l'arrêté des comptes annuels,

- de s'être opposée à la consultation de son ordinateur au moment de la notification de sa mise à pied à titre conservatoire.

Ces griefs sont énoncés dans les termes suivants :

" ['] nous avons découvert, dernièrement, que vous vous employiez consciencieusement à détourner notre clientèle au profit du cabinet qui vous emploiera aux termes de nos relations.

En ce sens et, à titre non exhaustif, avant même la cessation définitive de nos relations, votre futur employeur, le cabinet concurrent Altitude 26, nous a notamment adressé plusieurs courriers électroniques en date des 20 et 23 juillets derniers, aux termes desquelles celui-ci nous a informé que, suite à la résiliation de nos différentes missions, il était amené à nous succéder dans le cadre d'un nombre très substantiel de dossier dont vous étiez en charge pour notre compte.

Le cabinet Altitude 26 nous a communiqué, à cet effet, un extrait du tableau Excel interne du cabinet, que vous lui aviez vous-même préalablement transmis, comportant une liste de pas moins de 26 des dossiers qui vous avaient été confiés (soit environ un tiers de votre portefeuille), assortie notamment, du chiffre d'affaires précis générées par chacun d'eux est ventilé par nature de missions.

Parallèlement et, sans qu'au regard de l'imminence de votre départ du cabinet, une telle situation ne puisse en aucune de manière s'expliquer par les directives applicables au sein du cabinet en termes de libération de l'espace de stockage des boîtes de courriers électroniques, sans bien évidemment consulter quiconque préalablement, dans le dessein manifeste de dissimuler vos man'uvres, vous avez méthodiquement supprimé la quasi-totalité du contenu de la boîte professionnelle que nous mettons à votre disposition.

Tel est notamment le cas, des boîtes contenant les mails que vous avez envoyés et les éléments supprimés, y compris les plus récents, sachant que la boîte éléments envoyés est précisément destinée à éviter toute perte irrémédiable de données.

Par ailleurs, quand bien même elles émanent de clients différents, qui ne dispose pas, entre eux, du moindre lien, à l'exception de la comptable en charge leurs dossiers au cabinet, l'ensemble des lettres de résiliations qui nous sont parvenues sont rédigées en des termes strictement identiques, ce qui établit, de toute évidence, que vous en êtes l'auteur et que vous avez étroitement accompagné ses clients dans l'accomplissement de leur démarche.

À cet égard, d'ailleurs, certains d'entre eux ont laissé maladroitement subsister dimension qui leur était exclusivement destinée aux fins de faciliter ses démarches et qui n'est plus qu'à apposer leur nom, prénom et signature avant de nous faire parvenir leurs correspondances.

En tout état de cause, force est de constater que, lors de l'arrêté des comptes annuels, au mépris des consignes pourtant dépourvues de toute ambiguïté dont nous vous avions fait part et que vos collègues se sont, pour leur part, rigoureusement astreints à respecter, vous avez rencontré, en notre absence, ces mêmes clients qui, par la suite, ont résilié nos missions, ce qui établit, au demeurant, le caractère prémédité du détournement de clientèle auquel vous vous êtes livrée.

Enfin, lorsque, parallèlement à la remise de la correspondance vous notifiant votre convocation à un entretien préalable et votre mise à pied conservatoire, nous avons voulu consulter votre ordinateur professionnel :

- vous nous avez signifié en réaction, contre toute attente, qu'avant même la mise en 'uvre d'une quelconque procédure à votre encontre, vous aviez d'ores et déjà pris conseil auprès d'un avocat pour vous enquérir de vos droits dans ce cadre, ce qui établit, par là-même, que vous aviez pleinement conscience du caractère fautif de vos actes ;

- vous vous êtes fermement opposés à la consultation de votre ordinateur, allant même jusqu'à demander à l'informaticien de changer le mot de passe d'accès à vos données professionnelles.

Aussi, de telles circonstances établissent, de manière indiscutable, votre duplicité. ".

Il convient de rappeler que le détournement de clientèle ne peut résulter du seul fait que des clients se reportent sur un nouvel employeur en raison de la compétence du salarié, et que le démarchage de la clientèle de l'ancien employeur n'est pas constitutif de concurrence déloyale s'il n'est pas réalisé par des moyens critiquables car contraires aux usages loyaux du commerce ou s'il s'accompagne d'un acte déloyal.

Ainsi, il est admis que le départ d'un salarié puisse naturellement entraîner le départ d'une partie de la clientèle qui lui était fidèle. Il y a absence de présomption de responsabilité résultant d'un déplacement de clientèle.

En revanche, la concurrence déloyale résulte d'une man'uvre imputable au salarié tendant à détourner les clients de son ancien employeur.

D'une première part, la société CDBA [Localité 5] ne présente aucun élément probant concernant le fait reproché à la salariée d'avoir rencontré ces mêmes clients lors de l'arrêté des comptes annuels, hors la présence de son employeur.

D'une deuxième part, la société CDBA relève que les courriers de résiliation de plusieurs clients sont rédigés sous une forme strictement identique et reproduisent, pour onze d'entre eux, les mêmes erreurs de syntaxe.

Ces caractéristiques démontrent certes que ces clients se sont vus remettre un modèle de courrier, sans que cette circonstance ne permette à elle seule d'en déduire qu'ils ont été incités à résilier leur contrat avec la société CDBA par des moyens critiquables ou déloyaux.

Au demeurant, Mme [L] produit des attestations rédigées par ces mêmes clients, lesquels affirment avoir décidé, de leur propre chef, de mettre fin aux missions de comptabilité confiées à la société CDBA [Localité 5] et de suivre Mme [L] chez son nouvel employeur en raison du lien de confiance créé avec elle, et ce après avoir été informés de son départ à la fin du mois de juin 2021.

Par ailleurs, la société CDBA [Localité 5] affirme à tort que ces courriers ont été rédigés avant la remise de la démission de Mme [L] le 11 juin 2021, les courriers versés aux débats ayant été rédigés entre le 21 juin 2021 et le 4 août 2021.

Dès lors, la remise de modèles de courriers de résiliation aux clients intéressés ne caractérise pas en soi un acte déloyal commis par la salariée.

D'une troisième part, il est établi que la société Altitude 26, concurrente de la société CDBA [Localité 5] et nouvel employeur de Mme [L], a adressé à la société CDBA [Localité 5] le 20 juillet 2021 un courriel intitulé " Fichier dossiers [T] [L] ", comprenant une pièce jointe intitulée " fichiers clients [T] ", en précisant " Vous trouverez en pièce jointe le fichier transmis par [T] [L] concernant les clients ayant souhaité la suivre. 26 clients au total pour un montant d'honoraires de 61 100 € HT (missions comptable, sociale et juridique). Je vous laisse le soin de revenir vers nous pour décider du coefficient, sachant que nous sommes favorables à une indemnisation à hauteur de 70% ".

Il n'est pas discuté que le fichier joint, constitué d'un tableau informatique qui détaille, pour chacun des 26 clients, sa forme sociale, le régime fiscal applicable, ainsi que les montants des honoraires comptables, sociaux et juridiques appliqués à chacun, a été transmis par Mme [L], tel qu'indiqué par son nouvel employeur.

Mme [L], qui affirme que l'envoi de cette liste de clients était connu de la société CDBA [Localité 5], s'appuie sur l'article 164 du décrit du 30 mars 2012 organisant la profession d'expert-comptable qui prévoit que : " Les personnes mentionnées à l'article 141, autres que les salariés, peuvent s'engager vis-à-vis d'un successeur, moyennant le paiement d'une indemnité, à faciliter la reprise totale ou partielle de leur activité. Elles favorisent le report de la confiance des clients ou adhérents sur leur successeur. En toutes circonstances, ces personnes veillent à la sauvegarde de la liberté de choix des clients ou adhérents. ".

Au cas particulier, Mme [L] soutient qu'il avait été convenu qu'elle devait transmettre, en vue de permettre la formulation d'une offre d'indemnisation par son nouvel employeur, la liste des clients qui souhaitaient la suivre ainsi que le montant des honoraires facturés.

Et elle démontre, par la reproduction d'un SMS fixant une rencontre de M. [G] pour la société CDBA [Localité 5] et de Mme [Z] pour la société Altitude26 le 19 juillet 2021, soit la veille de l'envoi du courriel litigieux, que des négociations étaient effectivement engagées entre les deux sociétés.

La société CDBA [Localité 5] affirme, sans l'établir, que le document transmis était un document interne à l'entreprise alors que le document dressé sous forme d'un tableau informatique ne vise aucune mention interne à l'entreprise.

En revanche, la société CDBA [Localité 5] démontre que les informations communiquées étaient de nature à permettre à la société Altitude 26 de proposer des conditions financières plus avantageuses aux clients visés puisqu'elles comprennent le montant des différents honoraires appliqués à chacun des clients, ventilés par type de prestations comptables, sociales et juridiques.

En outre, il ressort des lettres de résiliation des clients que neuf d'entre elles ont été rédigées postérieurement à la transmission de ces informations confidentielles à la société Altitude 26 concurrente, confirmant que celle-ci a pu formuler des offres financières plus avantageuses sur la base des informations communiquées par Mme [L].

Il est donc établi que la société Altitude 26 a récupéré, par l'intermédiaire de Mme [L], des informations confidentielles détenues par la société CDBA [Localité 5] concurrente à propos de ses clients, et notamment les honoraires pratiqués, et ce avant même que plusieurs clients ne procèdent à la rupture de leur contrat par l'intermédiaire de Mme [L].

Ces agissements caractérisent un acte déloyal.

D'une quatrième part, il est également établi que la boîte mail professionnelle de Mme [L], mise à sa disposition par la société CDBA [Localité 5], ne comportait plus aucun des messages envoyés et reçus à la date du 22 juillet 2021, alors que la salariée avait remis sa démission depuis le 11 juin 2021 et qu'elle n'avait pas atteint le terme de son préavis.

Ainsi, suivant procès-verbal dressé par huissier de justice le 22 juillet 2021, l'huissier a constaté, après avoir accédé à la session de Mme [L] sur l'ordinateur portable dûment restitué, d'une part, que la corbeille de l'ordinateur était vide, et d'autre part, que dans la messagerie Outlook, la boîte de réception était vide, de même que les onglets " éléments envoyés " et " éléments supprimés ".

Pour sa part, la salariée ne présente aucune explication pertinente au fait que sa messagerie professionnelle était totalement vide, puisqu'en avaient été supprimés tout à la fois le contenu de la corbeille du bureau de son ordinateur, la boîte de réception de son logiciel de messagerie électronique, le contenu du répertoire des éléments envoyés, de même que celui des éléments supprimés, et ce alors que le terme de son préavis n'était atteint qu'un mois plus tard.

Elle se prévaut des bonnes pratiques transmises par le service informatique demandant aux salariés de supprimer au maximum les mails contenant des pièces jointes lourdes, sans que cette instruction ne permette d'expliquer la suppression totale de tous les messages susceptibles d'être enregistrés ou retrouvés.

Elle s'appuie encore sur l'attestation rédigée par M. [I] [J], informaticien de la société, selon lequel " une délégation a été donnée aux associés du cabinet [Localité 5] sur la boîte mail d'[T] peu après sa démission et sans qu'elle ait été avertie ", laissant supposer, sans l'affirmer, que l'effacement des traces de ses messages ne lui serait pas imputable. Toutefois, la cour constate que la salariée n'allègue ni ne justifie avoir signalé un dysfonctionnement informatique ou une disparition de ses messages pendant l'exécution de son préavis.

Et il est indifférent que les traces de ces messages auraient pu lui permettre d'établir des dépassements de la durée légale du travail tel qu'elle le fait valoir.

Enfin, la salariée affirme que l'employeur avait les moyens de reconstituer informatiquement les messages effacés, sans toutefois expliciter l'objectif poursuivi par l'effacement total de tous les messages reçus et envoyés, outre les messages effacés et la corbeille de l'ordinateur.

Il en résulte que l'employeur établit l'intention de la salariée d'effacer toute trace des messages qu'elle a échangés pendant l'exécution de son préavis.

Cette intention, conjuguée à la transmission d'informations confidentielles relatives aux montants des honoraire appliqués, témoigne du caractère gravement fautif du comportement de la salariée qui a utilisé des données commerciales importantes de son employeur au bénéfice de la société concurrente qui devait l'embaucher ensuite de sa démission.

D'une cinquième part, la commission de ces faits ne suffit pas à établir l'intention de la salariée de nuire à son employeur.

La société CDBA [Localité 5] invoque le caractère préjudiciable des agissements de Mme [L] sans établir l'intention particulière de la salariée de lui porter préjudice alors que la charge de cette preuve lui incombe.

En conséquence, la société CDBA [Localité 5] établit que les agissements fautifs commis par la salariée en cours de préavis constituent une faute grave l'autorisant à rompre le contrat sans attendre le terme du préavis, sans toutefois caractériser l'existence d'une faute lourde.

En conséquence, il convient de dire, par infirmation du jugement, que la rupture anticipée du préavis est justifiée pour faute grave.

Par ailleurs, le contrat de travail étant d'ores et déjà rompu par l'effet de la démission qui a entraîné une rupture définitive du contrat, la faute grave commise en cours de préavis a pour seul effet d'interrompre le préavis et de priver la salariée de la partie de l'indemnité compensatrice de préavis, correspondant à celle de la période restant à courir jusqu'au terme du préavis (Soc 4 juillet 2007, n°05-45221).

Dès lors, Mme [L] est déboutée de sa demande tendant à voir qualifier la rupture de son contrat en licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de ses demandes en paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse, en paiement de rappel de salaires au titre de la mise à pied conservatoire et du préavis ainsi que des congés payés y afférents.

Le jugement déféré est donc infirmé de ces chefs.

Mme [L] est également déboutée de sa demande tendant à obtenir la remise des documents de rupture et des bulletins de salaire rectifiés.

5 - Sur la demande en dommages et intérêts pour rupture vexatoire du préavis

La rupture du préavis, prononcée dans des conditions vexatoires peut causer un préjudice distinct de celui résultant de la perte de l'emploi, justifiant une réparation sur le fondement de l'article 1240 du code civil, dès lors que la faute de l'employeur est démontrée.

En l'espèce, la salariée n'apporte aucun élément quant aux conditions vexatoires de la rupture du préavis, se contentant d'invoquer " le préjudice moral induit par le caractère infondé et particulièrement vexatoire de ladite rupture ".

Par conséquent, par confirmation du jugement entrepris, il convient de débouter la salariée de sa demande de dommages et intérêts au titre des conditions vexatoires entourant la rupture du préavis.

6 - Sur la demande reconventionnelle

Aux termes de l'article L 1331-2 du code du travail, les amendes ou autres sanctions pécuniaires sont interdites.

Le salarié n'est pécuniairement responsable à l'égard de son employeur qu'en cas de faute lourde, qu'il s'agisse d'une pénalité ou de la réparation d'un préjudice (Soc., 21 octobre 2008, n° 07-40.809).

En l'espèce, en l'absence de faute lourde caractérisée, la société CDBA [Localité 5] est déboutée de ce chef de prétention, par confirmation du jugement déféré.

7 - Sur les demandes accessoires

La société CDBA [Localité 5], partie perdante à l'instance au sens des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, doit être tenue d'en supporter les dépens de première instance par confirmation du jugement déféré, y ajoutant les dépens d'appel.

Partant, ses prétentions au titre des frais irrépétibles sont rejetées, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ailleurs, il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme [L] l'intégralité des sommes qu'elle a été contrainte d'exposer en justice pour la défense de ses intérêts, de sorte qu'il convient de condamner la société CDBA [Localité 5] à lui verser la somme de 2 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance et en cause d'appel. Le jugement déféré est infirmé de ce chef.

Enfin, il convient de rappeler que la demande tendant à voir ordonner l'exécution provisoire est sans objet en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, dans les limites de l'appel et après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :

- Débouté Mme [T] [L] de ses demandes en paiement de prime de bilan et de prime de facturation ponctuelle ;

- Débouté Mme [T] [L] de sa demande en dommages intérêts pour rupture vexatoire ;

- Débouté la société CDBA [Localité 5] de ses demandes reconventionnelles ;

- Condamné la société CDBA [Localité 5] aux éventuels dépens de la présente instance ;

L'INFIRME pour le surplus ;

Statuant des chefs d'infirmation et y ajoutant :

CONDAMNE la société CDBA [Localité 5] à payer à Mme [T] [L] :

- 10 500 euros brut à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires effectuées,

- 1 050 euros brut au titre des congés payés afférents,

- 21 796,39 euros net à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en première instance et en cause d'appel ;

DIT que la rupture anticipée du préavis est fondée sur une faute grave ;

DEBOUTE Mme [T] [L] de ses demandes :

- tendant à voir requalifier la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de ses demandes,

- en paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- en paiement de rappel de salaires au titre de la mise à pied conservatoire et des congés payés y afférents,

- en paiement de rappel de salaire au titre du préavis et des congés payés y afférents,

- tendant à la remise des documents de rupture et des bulletins de salaire rectifiés ;

DEBOUTE la société CDBA [Localité 5] de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ;

CONDAMNE la société CDBA [Localité 5] aux entiers dépens.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

Signé par Mme Hélène Blondeau-Patissier, conseillère faisant fonction de présidente, et par Mme Fanny Michon, greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La greffière, La conseillère faisant fonction de présidente,

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