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Décisions

CA Bordeaux, 3e ch. famille, 14 octobre 2025, n° 19/01194

BORDEAUX

Arrêt

Autre

CA Bordeaux n° 19/01194

14 octobre 2025

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

3ème CHAMBRE FAMILLE

--------------------------

ARRÊT DU : 14 OCTOBRE 2025

N° RG 19/01194 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K4YO

SCP [E] [O] [1]

c/

[J] [T] veuve [O]

[I] [O]

[K] [O]

[R] [O]

Nature de la décision : AU FOND

28A

Grosse délivrée le :

aux avocats

copie au service des expertises du TJ de [Localité 16]

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 février 2019 par le Tribunal de Grande Instance de PERIGUEUX (RG n° 17/01309) suivant déclaration d'appel du 04 mars 2019

APPELANTE :

SCP [E] [O] - [B] [G] - [M] [A]

dont le siège social est [Adresse 6]

Représentée par Me François DEAT de la SELEURL FRANCOIS DEAT AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

[J] [T] veuve [O]

née le [Date naissance 2] 1953 à [Localité 13]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 15]

[I] [O]

né le [Date naissance 9] 1985 à [Localité 17]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 15]

[K] [O]

né le [Date naissance 4] 1981 à [Localité 17]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 8]

[R] [O]

né le [Date naissance 7] 1989 à [Localité 17]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 5]

Représentés par Me Jean GONTHIER, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 juin 2025 en audience publique, devant la Cour composée de :

Présidente : Hélène MORNET

Conseillère : Danièle PUYDEBAT

Conseillère : Isabelle DELAQUYS

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Véronique DUPHIL

Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE

1- M. [E] [O], en son vivant notaire associé au sein de la S.C.P [E] [O] - [B] [W] - [M] [A] (la S.C.P), est décédé le [Date décès 10] 2016 à [Localité 19] (24).

Il a laissé pour lui succéder :

- son épouse, Mme [J] [T], veuve [O].

- les trois enfants issus de leur union, [K], [I] et [R] [O].

M. [E] [O] détenait 515 parts des 1.545 parts composant la S.C.P professionnelle, numérotées 1 à 391 et 793 à 916.

Aucun d'eux ne remplissant les conditions requises pour exercer la profession de notaire, les héritiers de M. [E] [O] se sont rapprochés des anciens associés de M. [E] [O] en vue de faire acquérir par la société les parts de leur auteur et procéder à l'arrêté des comptes conformément à l'article 37 des statuts. Aucun accord n'a pu être trouvé entre les parties.

2- Par acte du 10 août 2017, Mme [J] [O], M. [K] [O], M. [I] [O] et M. [R] [O] (les consorts [O]) ont assigné la S.C.P devant le tribunal de grande instance de Périgueux sur le fondement de l'article 1134 ancien du code civil et de l'article 37 des statuts de la société afin de l'entendre condamner :

- à acquérir les parts de M. [E] [O] dans la société,

- à régler le montant du compte courant d'associé de M. [E] [O] et

- à payer la quote-part des bénéfices revenant à ses ayants-droits jusqu'à la cession des parts sociales.

3- Par jugement du 5 février 2019, le tribunal de grande instance de Périgueux a :

- dit que la S.C.P [E] [O] - [B] [W] - [M] [A] est tenue d'acquérir les parts sociales détenues par feu Maître [O] et faisant aujourd'hui partie de sa succession ;

- dit la part de bénéfices revenant aux ayants droit de Maître [O] correspond à un tiers des 90 % du bénéfice distribuable ;

- ordonné une mesure d'expertise confiée à M. [C] [X], avec mission, les parties régulièrement convoquées, après avoir pris connaissance du dossier, s'être fait remettre tous documents utiles et avoir entendu les parties ainsi que tout sachant, de :

* donner son avis sur la valorisation des parts détenues par feu Maître [O] dans la S.C.P.,

* donner son avis sur le montant de la quote-part de bénéfices de la S.C.P, revenant aux ayants-droits de feu Maître [O] jusqu'à la cession des parts sociales détenues par Maître [O],

* donner son avis sur le montant du compte courant de Maître [O],

- dit que l'expert pourra, s'il l'estime nécessaire, recourir à un sapiteur de son choix dans un domaine ne relevant pas de sa spécialité,

- dit que l'expert déposera son rapport avant le 30 juin 2019 sauf prorogation de ce délai dûment sollicitée auprès du juge du contrôle des expertises,

- désigné Mme Christine Roy, vice-présidente, pour suivre la mesure d'instruction et statuer sur les incidents,

- fixé à la somme de 4.000 euros le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, qui devra être consignée par moitié entre les demandeurs et la défenderesse entre les mains du régisseur d'avances et de recettes de ce tribunal avant le 15 mars 2019 sans autre avis,

- sursis à statuer sur l'ensemble des autres demandes dans cette attente,

- réservé les dépens,

- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire du jugement.

4- En parallèle, par actes d'huissier des 15 et 21 juillet 2020, la S.C.P, Maître [S] [W] et Maître [M] [A] ont assigné l'indivision [O] devant le tribunal judiciaire de Périgueux aux fins de voir juger que la modification de l'article 23 des statuts de la S.C.P intervenue à l'occasion de l'entrée au capital de Maître [S] [W] est irrégulière en l'absence de délibération et de consultation écrite des associés, de procès-verbal le constatant et dûment déposé au greffe du tribunal de commerce de Périgueux et de voir juger qu'il y a lieu au rétablissement de l'article 23 dans sa version d'origine.

5- Procédure d'appel :

Par déclaration du 4 mars 2019, la S.C.P. a formé appel du jugement rendu le 5 février 2019 en toutes ses dispositions.

Par ordonnance du 10 juin 2021, le conseiller de la mise en état a ordonné qu'il soit sursis à statuer sur l'appel interjeté par la S.C.P, dans l'attente d'une décision définitive sur l'action engagée par cette dernière devant le tribunal judiciaire de Périgueux par voie d'assignations en date des 15 et 21 juillet 2020 et dit que l'instance sera reprise à l'initiative de l'une ou l'autre des parties ou à la diligence du juge à l'expiration du sursis.

Par ordonnance du 5 avril 2022, le président de la chambre de la famille de la cour d'appel a enjoint aux parties de rencontrer un médiateur et désigné pour y procéder l'Espace Médiation Aquitaine à Sarlat La Caneda.

Le 27 octobre 2023, l'injonction a été prorogée pour une durée de trois mois.

Il n'a pas été donné suite à l'injonction.

L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 12 novembre 2024, puis, après rabat de l'ordonnance de clôture du 29 octobre 2024, refixée à l'audience du 10 juin 2025, avec nouvelle clôture au 27 mai 2025.

6- Prétentions de l'appelante :

Par conclusions avant clôture notifiées le 7 novembre 2024, la S.C.P demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que la part de bénéfices revenant aux ayants droits de Maître [O] correspond à un tiers des 90 % du bénéfice distribuable,

- juger que seul l'acte du 4 février 2009 dans son contenu a vocation à régir les conditions d'exercice des trois associés et de leurs ayants-droit, ce dernier valant jugement et que celui-ci n'ai jamais intégré dans son corps la modification de l'article 23,

- juger par conséquent qu'en l'absence d'interdiction d'exercer sur la période allant de juillet au 20 août 2015, les héritiers [O] conservaient leurs droits à bénéfices à hauteur de dix (10) pour cent dont le calcul sera opéré en vertu de l'Assemblée générale du 19 décembre 2013 signée par l'ensemble des associés y compris Me [O],

- juger que l'assemblée générale du 19 décembre 2013 signée par les trois associés et enregistrée a seule vocation à s'appliquer pour le calcul de la répartition du bénéfice pour la période allant de 2013 au 20 août 2015 en ce qu'elle intègre pour le calcul de la répartition du résultat l'indemnité d'assurance perçue directement par Maître [O] majorée de l'impact fiscale,

- juger que la version des statuts utilisée par les ayants-droits de feu Me [O] devant le tribunal judiciaire de Périgueux ayant donné lieu au jugement du 5 février 2019 constitue un faux car non conforme à l'acte du 4 février 2009 qu'il est censé mettre à jour et par ailleurs non signé par deux des trois associés dont Me [A],

- juger que Mme [T] et les consorts [O] n'ont aucun droit aux bénéfices à compter du 20 août 2015,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a fixé comme mission à l'expert désigné, de :

* donner son avis sur le montant de la quote-part des bénéfices de la S.C.P revenant aux ayants-droits-droits de feu Maître [O] jusqu'à la cession des parts sociales détenues par Maître [O],

- juger que l'interdiction d'exercer entraîne la perte de tous droits aux bénéfices des héritiers [O] depuis le prononcé de ladite interdiction, soit le 20 août 2015, Me [O] n'ayant pas fait appel de ladite décision,

- juger que la dissimulation de l'interdiction d'exercer par Maître [O] lui-même puis par ses ayants droits depuis 2016 est constitutif d'un manquement au devoir de loyauté (outre un grave manquement professionnel) qui s'impose à tout notaire exerçant dans une S.C.P. vis-à-vis de ses associés, dont ils ne sauraient se prévaloir pour en tirer un profit,

- désigner tel expert avec mission de retraiter les comptes de la S.C.P antérieurement au 13 mai 2010 jusqu'à ce jour et notamment les comptes courants associés de Me [O] ainsi que celui de Me [W]. L'expert qui sera désigné aura également la mission de régulariser le compte capital,

- ordonner à l'expert de déterminer la trésorerie manquante dans la S.C.P et l'imputer à Maître [O] et à Maître [W] dans les proportions qu'il jugera conforme aux distributions intervenues antérieurement au 1er juin 2010,

- déclarer que le coût desdites régularisations incombera au(x) notaires ayant bénéficié de l'irrégularité desdites écritures antérieures pour certaines au 4 février 2009 ainsi que celles comprises entre le 4 février 2009 et le 1er juin 2010,

- confirmer le jugement pour le surplus,

- débouter Mme [T] et les consorts [O] de l'intégralité de leurs demandes et appel incident et notamment du règlement par anticipation du compte courant associé de feu Me [O], contesté en son montant,

- condamner in solidum Mme [T] et les consorts [O] à indemniser la S.C.P. au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à hauteur de 7.000 euros,

- condamner in solidum Mme [T] et les consorts [O] aux entiers dépens.

7- Prétentions des intimés :

Par conclusions du 23 mai 2025, les consorts [O] demandent à la cour de :

- juger mal fondé l'appel interjeté par la S.C.P. et confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la part de bénéfices revenant aux ayants droit de Maître [O] correspond à un tiers des quatre-vingt-dix pour cent du bénéfice distribuable,

A titre infiniment subsidiaire,

- juger que feu Maître [O] avait droit, à compter du 25 août 2015, à la moitié du tiers des bénéfices distribuables et qu'en conséquence, la part de bénéfices revenant aux consorts [O] correspond à la moitié du tiers des bénéfices distribuables,

- débouter la S.C.P. de toutes ses demandes plus amples ou contraires,

- confirmer le jugement dont appel en ce que la S.C.P. est tenue d'acquérir les parts sociales détenues par feu Maître [O] et faisant aujourd'hui partie de sa succession,

- accueillir les consorts [O] en leur appel incident.

En conséquence, infirmer pour le surplus le jugement entrepris et, statuant à nouveau :

- désigner tel expert avec mission de retraiter les comptes de la S.C.P. depuis 2013 au regard de la règle selon laquelle Maître [O] de son vivant, puis ses héritiers, ont conservé droit à un tiers des quatre-vingt-dix-pour cent du bénéfice distribuable, afin de déterminer les droits de Maître [O], puis de ses héritiers sur les résultats, tout comme le montant du compte courant de Maître [O] puis de l'indivision [O], grossi des bénéfices dont ils ont été indûment privés,

- à titre infiniment subsidiaire, désigner tel expert avec mission de retraiter les comptes de la S.C.P. depuis 2013 au regard de la règle selon laquelle Maître [O] de son vivant, a conservé droit à un tiers des quatre-vingt-dix-pour cent du bénéfice distribuable jusqu'au 25 août 2015, puis à compter du 25 août 2015, Maître [O] et ses héritiers ont conservé droit à un tiers de la moitié des bénéfices distribuables, afin de déterminer les droits de Maître [O], puis de ses héritiers sur les résultats, tout comme le montant du compte courant de Maître [O] puis de l'indivision [O], grossi des bénéfices dont ils ont été indûment privés,

- condamner à titre provisionnel la S.C.P. à payer aux consorts [O] la somme de 63.559,84 euros à valoir sur le solde du compte courant de Maître [O] puis de l'indivision [O], tel que reconstitué par l'expert,

- débouter la S.C.P. de toutes ses demandes plus amples ou contraires,

- renvoyer l'affaire devant le tribunal judiciaire de Périgueux,

- condamner la S.C.P. au paiement d'une indemnité de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

8- Conclusions post clôture :

Selon les dernières conclusions du 6 juin 2025, la S.C.P demande à la cour de :

- révoquer l'ordonnance du 27 mai 2025,

- infirmer le jugement déféré dans la limite de l'appel,

Et statuant à nouveau,

- juger que seul l'acte du 4 février 2009 dans son contenu a vocation à régir les conditions d'exercice des trois associés et de leurs ayants-droits, ce dernier valant jugement et que celui-ci n'ai jamais intégré dans son corps la modification de l'article 23,

- juger que les demandes suivantes ne sont pas nouvelles en ce qu'elles sont en lien avec l'appel et ont pour finalité de faire juger que les consorts [O]/[T] n'ont pas droit au bénéfice distribuable à hauteur de 90% en leur qualité d'ayants-droits :

Et en conséquence :

- juger que Me [M] [A] n'a jamais consenti postérieurement au 4 février 2009 à une quelconque aggravation de ses engagements en sa qualité d'associé, ledit consentement étant individuel et que par conséquent les consorts [O] sont totalement défaillants en ne rapportant pas même la preuve de statuts signés par l'ensemble des associés et notamment par Me [A] avec consentement individuel de cette dernière,

- juger que Maître [O] a été défaillant en violant notamment l'article 35 des statuts de la S.C.P. ainsi que notamment les articles 32 et 33 du décret du 2 octobre 1967,

- juger que Maître [O] avait l'obligation de céder ses parts sociales au plus tard le 20 février 2016 et que les conséquences du défaut de respect de ladite obligation incombent à ses ayants droits,

- juger qu'en s'abstenant de céder ses parts à un tiers dans les six mois de son interdiction d'exercer définitive, ni lui-même ni ses associés sont fondés à exiger un quelconque rachat des parts de la S.C.P.,

- débouter les consorts [O] de leurs demande d'acquisition des parts sociales détenues par feu Maître [O] n'ayant pas lui-même céder ses parts comme la loi lui imposait dans les six mois de son interdiction d'exercer,

- débouter les consorts [O] de leur demande de règlement prévisionnel de la somme de 63.559,84 euros attendu que non seulement le compte courant associé s'élève en comptabilité à la somme de 35.051 euros et que par ailleurs le montant du compte courant associé est contesté, ce qui le rend non exigible de par la loi,

- juger que le non-respect de la cession de parts dans les six mois par Me [O] a porté un préjudice tant à la S.C.P. qu'à Me [A] qu'il convient de réparer, la perte de la valeur de l'office depuis le 20 février 2016 incombant à Maitre [O] et à ses ayants droits en totalité,

- juger par conséquent qu'en l'absence d'interdiction d'exercer sur la période allant de juillet 2013 au 20 août 2015, les héritiers [O] conservaient leurs droits à bénéfices à hauteur de SOIXANTE DIX POUR CENT réparti par tête et par parts égales entre les associés et que le surplus du bénéfice distribué est réparti entre les associés et éventuellement entre leurs ayants droits au prorata des parts sociales possédées par chacun d'eux,

- juger que le bénéfice réparti à chaque exercice doit contenir pour son calcul la réintégration des sommes appréhendées directement par Me [O] par la compagnie d'assurance conformément aux termes de l'Assemblée générale du 19 décembre 2013 signée par l'ensemble des associés y compris Me [O],

- juger que l'assemblée générale du 19 décembre 2013 signée par les trois associés et enregistrée a seule vocation à s'appliquer pour le calcul de la répartition du bénéfice pour la période allant de juillet 2013 au 20 août 2015 en ce qu'elle intègre pour le calcul de la répartition du résultat l'indemnité d'assurance perçue directement par Maître [O] majorée de l'impact fiscale, la répartition du résultat n'ayant jamais été contestée par Me [O] et surtout proposée par ce dernier,

- juger que la version des statuts utilisée par les ayants-droits de feu Me [O] devant le tribunal judiciaire de Périgueux ayant donné lieu au jugement du 5 février 2019 constitue un faux car non conforme à l'acte du 4 février 2009 qu'il est censé mettre à jour et par ailleurs non signé par deux des trois associés, Me [A] n'ayant jamais signé quoi que ce soit et à défaut, doit être juger nul et non avenu,

- juger que Mme [T] et Messieurs [O] n'ont aucun droit aux bénéfices à compter du 20 Août 2015,

- juger que l'interdiction d'exercer entraîne la perte de tous droits aux bénéfices des héritiers [O] depuis le prononcé de ladite interdiction, soit le 20 août 2015, Me [O] n'ayant pas fait appel de ladite décision,

- juger que la dissimulation de l'interdiction d'exercer par Maître [O] lui-même puis par ses ayants droits depuis 2016 est constitutif d'un manquement au devoir de loyauté (outre un grave manquement professionnel) qui s'impose à tout notaire exerçant dans une S.C.P. vis-à-vis de ses associés, dont ils ne sauraient se prévaloir pour en tirer un profit,

- juger que Me [O] aurait été atteint par la limite d'âge et que toute revendication au titre des rémunérations était sans objet depuis déjà trois ans,

- désigner tel expert avec mission de retraiter les comptes de la S.C.P antérieurement au 13 mai 2010 jusqu'à ce jour et notamment les comptes courants associés de Me [O] ainsi que celui de Me [W]. L'expert qui sera désigné aura également la mission de régulariser le compte capital outre d'évaluer les parts sociales à ce jour, ce qui permettra de calculer le préjudice subi par la S.C.P. et par Me [A] en raison des manquements de Me [O],

- désigner tel expert avec mission de retraiter les comptes de la S.C.P. au regard de la règle suivant laquelle SOIXANTE DIX POUR CENT est réparti par tête et par parts égales entre les associés et que le surplus du bénéfice distribué est réparti entre les associés et éventuellement entre leurs ayants droits au prorata des parts sociales possédées par chacun d'eux avec les précisions stipulées aux statuts en fonction de l'âge des associés,

- ordonner à l'expert de déterminer la trésorerie manquante dans la S.C.P. et l'imputer à Maître [O] et à Maître [W] dans les proportions qu'il jugera conforme aux distributions intervenues antérieurement au 1 er juin 2010,

- juger que le cout desdites régularisations incombera au(x) notaires ayant bénéficié de l'irrégularité desdites écritures antérieures pour certaines au 4 février 2009 ainsi que celles comprises entre le 4 février 2009 et le 1er juin 2010,

- débouter Mme [T] et Messieurs [O] de l'intégralité de leurs demandes et appel incident et notamment du règlement par anticipation du compte courant associé de feu Me [O], contesté en son montant,

- condamner in solidum Mme [T] et messieurs [O] à indemniser la S.C.P. au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, à hauteur de 10.000 euros,

- condamner in solidum Mme [T] et messieurs [O] aux entiers dépens.

Selon dernières conclusions du 3 juin 2025, les consorts [O] demandent à la cour de :

- statuer ce que de droit sur la demande de rabat de la clôture au jour des plaidoiries formée par la S.C.P,et, dans l'hypothèse où il serait fait droit à cette demande, déclarer recevables les présentes conclusions :

- statuer sur ses prétentions telles que figurant dans ses dernières conclusions du 23 mai 2025,

et

- déclarer irrecevables les demandes de la S.C.P. tendant à voir :

* juger que Maître [O] a été défaillant en violant notamment l'article 35 des statuts de la S.C.P. ainsi que notamment les articles 32 et 33 du décret du 2 octobre 1967,

* juger que Maître [O] avait l'obligation de céder ses parts sociales au plus tard le 20 février 2016 et que les conséquences du défaut de respect de ladite obligations incombent à ses ayants droits,

* juger qu'en s'abstenant de céder ses parts à un tiers dans les six mois de son interdiction d'exercer définitive, ni lui-même ni ses associés sont fondés à exiger un quelconque rachat des parts de la SCP,

* débouter les consorts [O] de leurs demandes d'acquisition des parts sociales détenues par feu Maître [O] n'ayant pas lui-même céder ses parts comme la loi lui imposant dans les six mois de son interdiction d'exercer,

Faute pour elle d'avoir fait appel du chef de jugement dont elle sollicite implicitement la réformation.

- à tout le moins, la débouter de ces demandes,

- déclarer irrecevable la demande de la S.C.P. tendant à voir :

* juger que le non-respect de la cession de parts dans les six mois par Me [O] a porté un préjudice tant à la S.C.P. qu'à Maître [A] qu'il convient de réparer, la perte de la valeur de l'office depuis le 20 février 2016 incombant à Maître [O] et à ses ayants droits en totalité,

comme nouvelle et sans lien avec l'objet du litige.

- à tout le moins, l'en débouter,

- accueillir les consorts [O] en leur appel incident,

- débouter la S.C.P. de toutes ses demandes plus amples ou contraires.

- renvoyer l'affaire devant le tribunal judiciaire de Périgueux,

- condamner [18] au paiement d'une indemnité de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Pour un plus ample exposé des moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.

9- L'affaire, fixée à l'audience collégiale du 10 juin 2025 a été mise en délibéré au 16 septembre 2025, prorogé au 14 octobre 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le rabat de l'ordonnance de clôture :

10- La SCP sollicite la rabat de l'ordonnance de clôture du 27 mai 2025, invoquant le dépôt tardif des dernières conclusions des intimés, notifiées par RPVA le 23 mai 2025, soit deux jours ouvrables avant la clôture, en produisant des demandes complémentaires nécessitant une réponse technique et juridique argumentée, dans un dossier au contexte procédural dense et techniquement complexe. En atendant plus de 6 mois depuis leurs dernières écritures pour conclure, ils ont ainsi porté atteinte au respect du contradictoire.

11- Les consorts [O] concluent à ce qu'il soit statué ce que de droit sur cette demande, et de déclarer, s'il y est fait droit, leurs conclusions, notifiées le 3 juin 2025, recevables.

Sur ce,

12- Aux termes de l'article 802 du code de procédure civile, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.

L'article 803 ajoute que l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue; la constitution d'avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation.

Si une demande en intervention volontaire est formée après la clôture de l'instruction, l'ordonnance de clôture n'est révoquée que si le tribunal ne peut immédiatement statuer sur le tout.
L'ordonnance de clôture peut être révoquée, d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l'ouverture des débats, par décision du tribunal.

13- En l'espèce, l'appel est en cours depuis le 4 mars 2019, la procédure a donné lieu à plusieurs incidents et notamment a fait l'objet d'un sursis à statuer accordé en considération d'une procédure parallèle. L'affaire a également fait l'objet, sans succès, d'une tentative de médiation. L'audience de plaidoirie a été à plusieurs reprises reportée, en dernier lieu le 12 novembre 2024, à la demande de l'appelante qui venait de changer de conseil et de conclure postérieurement à la clôture en modifiant ses demandes.

L'affaire ayant été renvoyée contradictoirement à l'audience du 10 juin 2025, il est constant que les intimés ont déposé des conclusions tardivement le 23 mai 2025.

La cour constate toutefois que les prétentions des intimés, telles que figurant au dispositif de leurs écritures, sont identiques à celles qui figuraient dans leurs précédentes conclusions du 23 octobre 2024.

Ces dernières écritures, qui se contentaient de préciser leur argumentation au regard des nouvelles demandes contenues dans les conclusions de l'appelante du 7 novembre 2024, n'appelaient donc pas de réplique, laquelle, par conclusions post clôture du 6 juin 2025, a pourtant ajouté de nouvelles prétentions.

14- En conséquence, c'est dans le respect du contradictoire et à l'issue d'une mise en état très longue et très cahotique, que la cour rejette la demande de révocation de l'ordonnance de clôture du 27 mai 2025 et, en conséquence, déclare irrecevables les conclusions postérieures notifiées par l'appelante le 6 juin 2025 et le 3 juin 2025 par les intimés.

Sur la saisine de la cour :

15- Au vu des dernières conclusions recevables, soit celles du 7 novembre 2024 pour l'appelante et celle du 23 mai 2025 pour les intimés, la cour demeure saisie, pour l'essentiel et à titre principal :

- par l'appelante, de l'infirmation du jugement en ce qu'il a reconnu aux ayants droits de Maître [O] un droit aux bénéfices à compter du 20 août 2015, et désigné un expert pour donner son avis sur le montant de la quote-part des bénéfices de la SCP leur revenant, de l'élargissement de la mission de l'expert au traitement des comptes de la SCP antérieurement au 13 mai 2010 et jusqu'à ce jour ;

- par les intimés, de la confirmation de la décision, sauf en ce qui concerne l'étendue de la mission de l'expert désigné et leur demande à voir condamner la SCP, à titre provisionnel, à leur payer la somme de 63 559,84 euros à valoir sur le solde du compte courant de Maître [O] puis de l'indivision [O].

16- La disposition du jugement déféré au terme de laquelle la SCP est tenue d'acquérir les parts sociales détenues par feu Maître [E] [O], qui font désormais partie de sa succession, non contestée en cause d'appel, est donc confirmée par la cour.

Sur l'appel principal de la SCP :

Sur le droit aux bénéfices des ayants droit de Maître [O] :

17- L'article 37 paragraphe IV des statuts, dans leur version applicable au litige (cf infra) dispose que les ayants droits de l'associé décédé conservent le droit aux bénéfices revenant à leur auteur dans les conditions prévues à l'article 23 jusqu'à la prestation de serment du cessionnaire si celui-ci est un tiers étranger à la société ou jusqu'à la date de la cession dans le cas contraire.

18- Le droit aux bénéfices de la SCP des associés ou de leurs ayants droit est prévu à l'article 23 des statuts, lequel, dans sa version déposée au greffe le 5 octobre 2015 et déclarée applicable par le jugement déféré, énonce :

'I- L'assemblée peut décider, sur le bénéfice distribuable, la mise en réserve générale ou spéciale de toute somme qu'elle juge utile mais qui ne saurait excéder dix pour cent des bénéfices de l'exercice. Le surplus constitue le bénéfice distribué.

II- Dix pour cent de ce bénéfice sont répartis par tête et par parts égales entre les associés.

Toutefois un abattement de dix pour cent est pratiqué sur la part revenant à ce titre à chaque associé âgé de plus de soixante ans. Cet abattement est réparti par tête entre les associés qui n'ont pas atteint cet âge. Le surplus du bénéfice distribué est réparti entre les associés ou leurs ayants droit au prorata des parts sociales possédées par chacun d'eux.

III- Sous réserve des dispositions réglementaires applicables à la rémunération du suppléant chargé, le cas échéant, de la gestion de l'office dont la société est titulaire (article 9 du décret 56-221 du 29 février 1956), l'associé empêché d'exercer ses fonctions pour une raison autre que pénale ou disciplinaire, conserve son droit aux bénéfices ; toutefois, sa part dans les bénéfices visées au premier alinéa du paragraphe II du présent article est réduite de moitié au-delà de six mois, et des deux tiers au-delà du neuvième mois. Au-delà d'un an ledit associé ne participera plus à la répartition visée audit alinéa premier, sauf si son empêchement résulte d'obligations militaires.

Le droit prévu à l'alinéa précédent bénéficie aux ayants droits de l'associé décédé.

IV- L'associé suspendu provisoirement, dans le cas prévu à l'article 32 de l'ordonnance du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires, perçoit pendant sa suspension la moitié des bénéfices visés au paragraphe II du présent article, l'autre moitié étant attribuée à ceux des autres associés qui n'ont pas fait l'objet d'une suspension provisoire de l'exercice de leurs fonctions, suivant les dispositions de l'article 59, deuxième alinéa du décret du 2 octobre 1967.

L'associé interdit temporairement par une condamnation disciplinaire définitive, quelle que soit la durée de l'interdiction, perd vocation aux bénéfices professionnels conformément aux dispositions de l'article 57 du décret du 2 octobre 1967.'

19- Pour contester aux consorts [O] tous droits aux bénéfices, la S.C.P fait valoir :

- comme préalable que la modification de l'article 23 des statuts, dans sa version déposée au greffe du registre du commerce et des sociétés le 1er juillet 2015, n'était pas opposable aux associés, dès lors que l'acte du 4 février 2009 qui 'vaut jugement' et intègre l'apport de l'office Me [A] dans la SCP, ne fait pas apparaître cette modification ;

- d'une part, que depuis la cessation d'activité de Me [O] en juillet 2013 pour raison de maladie, les associés avaient convenu, au termes d'une délibération du 19 décembre 2013 donnant lieu à procès-verbal signé des trois associés et enregistré, de la répartition entre eux du bénéfice de l'exercice clos au 31 décembre 2013, correspondant à 25 % pour Me [O] ; que cette même répartition a été respectée jusqu'au décès de Me [O] en 2016, pour les années 2014, 2015 et 2016 ; que cette clé de répartition et le procès-verbal qui la constate s'impose aux héritiers de Me [O] et doit être entérinée par la cour ;

- Maître [O] a perdu tout droit aux bénéfices à compter du 20 août 2015 pour avoir été frappé par une sanction pénale, en application des dispositions de l'article 23 des statuts, dans sa rédaction initiale qu'il convient d'appliquer, dès lors qu'il a fait l'objet d'une interdiction pénale d'exercer, résultant des obligations du contrôle judiciaire auquel il a été soumis par ordonnance du 20 août 2015, les associés de Me [O] n'ayant jamais été informés, avant cette date, des poursuites pénales exercées à son encontre; l'appelante demande en conséquence d'infirmer le jugement, pour la période antérieure au 20 août 2015, quant aux droits aux bénéfices à hauteur du tiers de ceux-ci ;

20- En réplique, les consorts [O] concluent à la confirmation du jugement de ce chef, et notamment :

- au rejet de la demande de la SCP de voir appliquer 'l'acte authentique du 4 février 2009" aux fins de voir rétablir l'article 23 des statuts dans sa version initiale ; en conséquence, au bien-fondé et à la confirmation de l'interprétation de l'article 23 telle que retenue par le tribunal, quant à la répartition des bénéfices ;

- à l'absence d'incidence du placement de Maître [O] sous contrôle judiciaire sur son droit aux bénéfices et celui de ses ayants droits, dès lors que ce placement sous contrôle judiciaire n'est pas décisif et cause de son empêchement, celui-ci trouvant sa cause première, en juillet 2013, dans l'incapacité physique insurmontable d'exercer sa profession, Maître [O] étant atteint d'une maladie dégénérative ; ils précisent que ne sont visés par les statuts comme cause de diminution ou de privation des droits aux bénéfices que les décisions de suspension provisoire visées à l'article 32 de l'ordonnance de 1945 ou les peines d'interdiction définitives visées à l'article 57 du décret de 1967, la décision de placement sous contrôle judiciaire comportant l'interdiction d'exercer la profession n'étant pas, en conséquence et au regard des statuts, une cause de privation du droit aux bénéfices ; qu'en l'espèce, l'ordonnance de placement sous contrôle judiciaire a été frappée de caducité, le décès de Me [O] ayant éteint l'action publique ;

A titre subsidiaire, à supposer que le contrôle judiciaire entre dans les prévisions des statuts, seule une interdiction temporaire d'exercer résultant d'une décision disciplinaire définitive emporte privation totale de droit aux bénéfices, et non en conséquence d'une suspension temporaire à titre de mesure de sûreté, du fait de la nature provisoire et révisable de cette mesure ; dans cette hypothèse, conformément à l'article 32 de l'ordonnance du 28 juin 1945, Me [O] aurait conservé, à compter du 25 août 2015, son droit sur la moitié des bénéfices distribués ;

A titre infiniment subsidiaire, juger que Me [O] avait droit à la moitié du tiers des bénéfices distribuables ;

- sur l'incidence de la délibération du 19 décembre 2013, les consorts [O] en limitent la portée aux résultats de l'exercice 2013 cette délibération demeurant sans incidence sur les droits de Me [O] sur les exercices suivants 2014, 2015 et 2016.

Sur ce,

Sur la version applicable de l'article 23 des statuts :

21- Il est acquis aux débats que, en cours d'appel et par assignations des 9, 11 et 21 juillet 2020, la SCP et Maîtres [G] et [A] ont assigné les consorts [O] devant le tribunal judiciaire de Périgueux, en contestation de la modification de l'article 23 des statuts de la SCP et en rétablissement de l'article 23 dans sa version d'origine, prévoyant notamment une répartition du bénéfice distribué à hauteur de 70 % (et non de 10 %)par tête et par parts égales entre les associés.

L'action formée par la SCP et les deux notaires à l'encontre des consorts [O] a été déclarée irrecevable comme étant prescrite par ordonnance du juge de la mise en état rendue le 14 février 2022.

L'ordonnance a été confirmée en toutes ses dispositions par arrêt de la 4ème chambre de la cour d'appel du 7 novembre 2022.

Par décision du 15 mai 2024, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par la SCP et Mme [M] [A] contre l'arrêt du 7 novembre 2022.

22- Il en résulte que la demande de rétablissement de l'article 23 des statuts dans sa version d'origine a été définitivement déclarée irrecevable.

23- Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement déféré, quant à la version applicable de l'article 23 desdits statuts de la SCP, sans que les développements ultérieurs ne soient en mesure de remettre en cause l'autorité de la chose jugée définitivement.

Sur l'incidence du contrôle judiciaire comportant interdiction d'exercer sur le droit aux bénéfices :

24- Le III de l'article 23 énonce que 'L'associé empêché d'exercer ses fonctions pour une raison autre que pénale ou disciplinaire conserve son droit aux bénéfices'.

25- Il s'en déduit que l'associé empêché d'exercer ses fonctions pour une raison pénale ou disciplinaire perd son droit aux bénéfices.

Faute pour cet alinéa de davantage préciser en quoi consiste la 'raison pénale', il convient de faire une interprétation littérale de cette mention, sans pouvoir distinguer les causes d'empêchement quant à la nature de la 'raison pénale' ou quant à son caractère ou non définitif.

Ainsi, sans ajouter au texte des statuts, il ne peut être prétendu que le contrôle judiciaire portant interdiction d'exercer les fonctions de notaire n'entre pas dans les prévisions de l'article 23, ni qu'il doit être exclu car n'ayant pas été en l'espèce'décisif', le véritable empêchement à exercer ses fonctions étant d'ordre médical, et préexistant, depuis 2013, au contrôle judiciaire.

26- Par ailleurs, les dispositions du IV de l'article 23 des statuts, dans sa version applicable, prévoient que 'L'associé suspendu provisoirement, dans le cas prévu par l'article 32 de l'ordonnance du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires, perçoit pendant sa suspension la moitié des bénéfices visés au paragraphe II du présent article, l'autre moitié étant attribuée à ceux des autres associés qui n'ont pas fait l'objet d'une suspension provisoire de l'exercice de leurs fonctions, suivant les dispositions de l'article 59, deuxième alinéa du décret du 2 octobre 1967.

L'associé interdit temporairement par une condamnation disciplinaire définitive, quelle que soit la durée de l'interdiction, perd vocation aux bénéfices professionnels conformément aux dispositions de l'article 57 du décret du 2 octobre 1967".

27- L'article 32 de l'ordonnance du 28 juin 1945 disposait, dans sa version applicable à la date du contrôle judiciaire que 'Tout officier public ou ministériel qui fait l'objet d'une poursuite pénale ou disciplinaire peut se voir suspendre provisoirement de l'exercice de ses fonctions'.

28- L'article 57 du décret du 2 octobre 1967, dans sa version applicable au 25 août 2015, disposait par ailleurs que 'L'associé interdit de ses fonctions ne peut exercer aucune activité professionnelle pendant la durée de sa peine, mais conserve dans le même temps sa qualité d'associé avec tous les droits et obligations qui en découlent, à l'exclusion de sa vocation aux bénéfices professionnels'.

29- Ces dernières dispositions concernent toutefois les seules sanctions relatives à la discipline des notaires et visent exclusivement les hypothèses de suspensions, interdictions temporaires ou définitives d'exercice prononcées par l'organe disciplinaire de la profession, fussent-elles prononcées à la suite de poursuites pénales.

Or en l'espèce, il est acquis que Maître [O] n'a fait l'objet d'aucune sanction, provisoire ou temporaire, sur le plan disciplinaire, de la part de la [12].

30- Le paragraphe IV de l'article 23 des statuts n'est dès lors pas applicable à la situation de Maître [O], lequel a bien été, à compter du 25 août 2015, interdit d'exercer la profession de notaire dans le cadre d'un contrôle judiciaire, soit de fait pour une 'raison pénale'.

31- Il convient, dans ces conditions, d'infirmer partiellement le jugement déféré en ce qu'il a dit que les ayants-droit de Me [O] bénéficient du tiers du bénéfice distribuable et, statuant à nouveau, de juger que les consorts [O], en application de l'article 23 des statuts, dans leur version applicable au litige :

- ne conservent aucun droit au bénéfice distribuable, soit un tiers de celui-ci, ce à compter du 25 août 2015 ;

- ont hérité des droits réduits aux bénéfices distribués (10 % retranchés en application de l'alinéa 1er du paragraphe II) auxquels a pu prétendre leur auteur, en application du paragraphe III de l'article 23, en raison de son arrêt maladie, dont il n'est pas contesté qu'il ait débuté en juillet 2013 et qu'il ait duré plus d'une année à compter de cette date ; il s'en suit qu'à compter de juillet 2013, Me [O] pouvait prétendre à percevoir un tiers du bénéficié distribué diminué de 10 %.

Sur l'incidence de la délibération du 19 décembre 2013 :

32- L'assemblée générale extraordinaire du 19 décembre 2013 s'est tenue en présence des trois associés, lesquels ont tous les trois signé le procès-verbal.

Cette assemblée générale avait principalement comme ordre du jour 'l'affectation du résultat 2013 suite à l'arrêt de travail pour cause de maladie de Me [E] [O] depuis début juillet 2013", afin d'assurer une égalité financière entre les trois associés, Me [O] percevant, depuis août 2013, une somme mensuelle de 10 000 euros hors impôts, soit une somme brute, après fiscalité, de 60 000 euros au 31 décembre 2013.

Les associés ont, par 2ème résolution, décidé d'affecter le bénéfice de l'exercice clos au 31 décembre 2013, selon la clé de répartition suivante :

- pour la période allant du 1er janvier 2013 au 30 juin 2013 :

Me [E] [O] 37,50 %

Me [B] [W] 25 %

Me [A] 37,50 %

- pour la période allant du 1er juillet 2013 au 31 décembre 2013 :

Me [E] [O] 25 %

Me [B] [W] 37,50 %

Me [A] 37,50 %

33- Cette clé de répartition, en ce qu'elle a été adoptée par les trois associés, est opposable aux ayants droit de Me [O], pour la répartition des seuls bénéfices de l'exercice 2013, dans la mesure où les droits de Me [O] ont été au moins équivalents ou supérieurs à ceux résultant des statuts.

Elle ne peut toutefois, contrairement aux affirmations de la SCP, être déclarée applicable aux exercices suivants, aucune délibération n'étant produite pour l'exercice 2014 et, s'agissant de l'exercice 2015, pour lequel Me [O] pouvait prétendre, jusqu'au 25 août 2015, à un tiers du bénéfice distribué, diminué de 10 %, le procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 8 mars 2016, réalisée hors la présence de Me [O], n'accorde aucune part dans les bénéfices distribués à Me [O].

34- Il reviendra, en conséquence, à l'expert désigné de donner son avis sur le montant de la quote part de bénéfices de la SCP revenant aux ayants droit de feu Me [E] [O] pour les exercices 2013, 2014 et 2015, pour ce dernier au prorata des bénéfices distribuables jusqu'au 25 août 2015.

Sur l'appel incident des consorts [O] :

Sur la mission d'expertise :

35- Les consorts [O], sans contester la nécessité d'une expertise, demande l'infirmation partielle du jugement quant à l'étendue de la mission de l'expert, en ce qu'elle porte :

Sur la valeur des parts de Me [O] :

36- En application des dispositions de l'article 1843-4 du code civil, la détermination de la valeur des droits sociaux, en cas de désaccord, est réalisée par un expert désigné par le président du tribunal judiciaire, statuant en la forme des référés.

37- Les intimés concluent en conséquence à l'incompétence ratione materiae du tribunal pour commettre un expert à ce titre, d'autant que la SCP ainsi que M. [G] et Mme [L] ont effectivement saisi, suivant assignation du 11 janvier 2021, le président du tribunal judiciaire de Périgueux, statuant selon la procédure accélérée au fond, sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil, pour désigner un expert à l'effet de déterminer la valeur des droits sociaux de l'indivision [O] dans le capital de la SCP ; cette procédure est toujours pendante, le président du tribunal judiciaire ayant, par jugement du 22 juillet 2021, sursit à statuer sur cette demande, dans l'attente de la présente décision de la cour d'appel.

38- L'appelante n'a pas conclu à ce titre, mais est demanderesse à l'instance pendante devant le président du tribunal judiciaire de Périgueux.

Sur ce,

39- Les article 37 et 34 des statuts renvoient, en cas de cession des droits sociaux d'un associé décédé, aux dispositions de l'article 1843-4 du code civil, lequel dispose que :

'I- Dans le cas où la loi renvoie au présent article pour fixer les conditions de prix d'une cession de droits sociaux d'un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par jugement du président du tribunal judiciaire ou du tribunal de commerce compétent, statuant selon la procédure accélérée au fond et sans recours possible'.

40- Cette disposition spécifique est d'ordre public. Il en résulte que la compétence exclusive du président du tribunal judiciaire de Périgueux s'impose à la cour qui ne peut qu'infirmer le jugement déféré de ce chef, en excluant de la mission de l'expert désigné la valorisation des parts sociales détenues par Maître [O] dans la SCP.

Sur les bénéfices et le compte courant :

41- Les intimés demandent à voir préciser la mission de l'expert, en fonction de la décision prise par la cour quant au droits des intimés aux bénéfices distribuables.

42- Au regard des éléments qui précèdent, qui permettre de reconnaître à Me [O], par représentation à ses ayants droit, des droits aux bénéfices distribuables à compter de l'exercice 2013 et jusqu'au 25 août 2015, il convient de faire droit partiellement à la demande de modification de la mission de l'expert, lequel aura pour mission de :

- examiner les comptes de la SCP depuis 2013 et jusqu'au 25 août 2025, et de déterminer, au cours de cette période, les bénéfices distribuables, les bénéfices effectivement distribués, ainsi que les charges imputables sur le compte courant de Me [O],

- réviser lesdits comptes en y appliquant la règle de répartition fixée par la cour, afin de reconstituer le compte courant de Me [O], tel qu'il aurait dû se présenter au jour de son décès.

Sur les demandes supplémentaires de la SCP :

43- Dans ses dernières écritures, la SCP fait état d'écritures comptables passées en mai 2010, soit à l'époque de la nomination de Me [A], destinées à créer fictivement un résultat d'exploitation excédentaire et dénonce des malversations et manipulations comptables ; elle demande, en conséquence de ces affirmations, d'élargir la mission de l'expert pour 'retraiter les comptes de la SCP antérieurement au 13 mai 2010 jusqu'à ce jour et notamment les comptes courants associés de Me [O] et de Me [W]', ainsi que de 'régulariser le compte capital outre d'évaluer les parts sociales à ce jour, ce qui permettra de calculer le préjudice subi par la SCP et par Me [A] en raison des manquements de Me [O]'.

44- Toutefois, faute pour la SCP d'apporter des éléments probants au soutien de ces allégations, lesquelles dépassent amplement la saisine de la cour et n'apparaissent pas nécessaires à la solution du litige, il convient de débouter l'appelante de ces demandes supplémentaires, comprenant en outre celle de 'déterminer la trésorerie manquante dans la SCP et l'imputer à Me [O] et à Me [W] dans les proportions qu'il jugera conforme aux distributions intervenues antérieurement au 1er juin 2010" et de mettre le coût des régularisations à la charge des 'notaires ayant bénéficié de l'irrégularité des dites écritures antérieures pour certaines au 4 février 2009 ainsi que celles comprises entre le 4 février 2009 et le 1er juin 2010".

Sur la demande provisionnelle des consorts [O] au paiement du compte courant de Me [O] :

45- Les intimés sollicitent la condamnation de la SCP à leur verser, à titre de provision, la somme de 63 559, 84 euros, correspondant au montant du solde positif du compte courant de Me [O] au titre de l'exercice 2016.

46- Ils demandaient, en première instance, le paiement à ce titre de la somme de 50 452 euros, correspondant à la déclaration de succession.

47- Ils estiment que leur demande ne souffre d'aucune contestation, en témoigne l'historique du compte courant de feu Me [O] qui confirme que, pour l'exercice 2015, le bilan faisait état d'un compte courant d'un montant de 74 500,84 euros.

48- L'appelante s'y oppose, dénonçant notamment, au titre des retraits indûment pratiqués par Me [O], celui d'une somme de 50 000 euros en mai 2015 sur son compte courant.

Sur ce,

49- En l'état de la mission confiée à l'expert, qui devra reconstituer les comptes de la SCP entre l'exercice 2013 et l'exercice 2015, jusqu'au 25 août 2015, afin de déterminer la part de bénéfices distribuables à Me [O] et y imputer ses charges, le montant de son compte courant au jour du décès revenant à ses ayants droit, demeure contesté en son montant.

50- Il convient, dans ces conditions, de rejeter la demande de provision.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

51- Les parties succombant pour l'essentiel en leurs demandes respectives d'appel seront condamnées chacune par moitié aux dépens de l'appel.

52- L'issue du litige et l'équité commandent en outre de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles et de les débouter de leur demande respective au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

REJETTE la demande de révocation de l'ordonnance de clôture en date du 27 mai 2025 ;

En conséquence,

DECLARE irrecevables comme tardives les dernières conclusions notifiées par les intimés en date du 3 juin 2025, par l'appelante en date du 6 juin 2025 ;

Au fond,

CONFIRME le jugement déféré, en ce qu'il a dit que la S.C.P [E] [O] - [B] [W] - [M] [A] est tenue d'acquérir les parts sociales détenues par feu [E] [O] et faisant partie de sa succession ;

L'INFIRME en ce qu'il a dit que la part de bénéfices revenant aux ayants droit de Maître [E] [O] correspond à un tiers des 90 % du bénéfice distribuable ;

Statuant à nouveau de ce chef,

DIT que les consorts [O] ne conservent aucun droit aux bénéfices distribuables à compter du 25 août 2015 ;

DIT qu'à compter de juillet 2013, conformément à l'article 23 des statuts de la SCP, la part de bénéfices à laquelle Maître [O] pouvait prétendre était d'un tiers du bénéfice distribué, diminué de 10 % ;

DIT que les consorts [O] peuvent prétendre aux mêmes bénéfices par représentation de leur auteur ;

L'INFIRME sur le contenu de la mission de l'expertise confiée à Maître [C] [X], [Adresse 11] tél [XXXXXXXX03], mail : [Courriel 14] ;

Statuant à nouveau de ce chef,

DIT que la mission de l'expert sera limitée, selon les modalités habituelles telles que définies par le jugement déféré :

- à l'examen des comptes de la SCP, depuis 2013 et jusqu'au 25 août 2025, et à la détermination, au cours de cette période, des bénéfices distribuables, des bénéfices effectivement distribués, ainsi que des charges imputables, sur le compte courant de Me [E] [O],

- réviser lesdits comptes en y appliquant la règle de répartition fixée par la cour, afin de reconstituer le compte courant de Me [E] [O], tel qu'il aurait dû se présenter au jour de son décès ;

DIT que l'expert déposera son rapport en un exemplaire original sous format papier et en copie sur un CD-ROM au greffe du tribunal de Périgueux, service du contrôle des expertises, avant 15 avril 2026 sauf prorogation de ce délai dûment sollicitée auprès du juge du contrôle des expertises ;

DESIGNE Mme la présidente du tribunal judiciaire de Périgueux, ou tout magistrat délégué par elle, pour suivre la mesure d'instruction et statuer sur les incidents ;

FIXE à 3 000 euros le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, qui devra être consignée par moitié entre l'appelante et les intimés entre les mains du régisseur d'avances et de recettes de ce tribunal avant le 1er décembre 2025, sans autre avis ;

RENVOIE l'affaire devant le tribunal judiciaire de Périgueux pour qu'il soit statué après expertise ;

Y ajoutant,

DIT que d'une part l'appelante, soit la S.C.P [E] [O] - [B] [W] - [M] [A], et d'autre part les intimés, soit M. [K] [O], M. [I] [O], M. [R] [O], et Mme [J] [T], ces derniers pris ensemble, seront condamnés chacun à la moitié des dépens de l'appel ;

Les DEBOUTE de toute autre demande, plus ample ou contraire.

Le présent arrêt a été signé par Hélène MORNET, présidente, et par Véronique DUPHIL, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

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