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Décisions

Cass. com., 15 octobre 2025, n° 24-11.063

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

Cass. com. n° 24-11.063

14 octobre 2025

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 28 novembre 2023), la société Sofim et la société Morice constructeur (la société Morice), son sous-traitant, sont entrées en discussions en vue de la cession par la première de sa branche d'activité de fabrication et de commercialisation de véhicules utilitaires au profit de la seconde.

2. La société Sofim a assigné la société Morice aux fins de dire parfaite la vente de sa branche d'activité de négoce de véhicules spéciaux et condamner la société Morice à lui payer la somme de 400 000 euros. Elle a également formé une demande en concurrence déloyale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa septième branche, et le second moyen

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

4. La société Sofim fait grief à l'arrêt de constater l'absence d'accord des parties sur la chose et sur le prix, de dire n'y avoir lieu entre elles à une vente parfaite et, en conséquence, de rejeter toutes ses demandes en ce compris celles formées en matière de concurrence déloyale et en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, alors :

« 1° / qu'une offre permettant de conclure une vente peut émaner du vendeur comme de l'acquéreur ; que, dès lors, en retenant, pour considérer qu'il ne pouvait avoir eu un accord des parties sur la chose et le prix, que la rencontre des volontés exige au préalable une offre du vendeur qui s'exprime en une proposition suffisamment ferme et qui donne ainsi lieu à acceptation, qu'en l'occurrence, la société Sofim, venderesse, n'avait à aucun moment effectué en premier lieu et préalablement une offre précise et ferme, et qu'il ne peut être retenu de la part de la société Morice au 15 mars 2013 une proposition valant engagement car celle-ci s'était prévalue d'une intention d'acquérir, soit d'un projet, d'un souhait et non pas de l'acceptation ferme de l'offre faite puisqu'il n'y en a pas eu de la part de la société Sofim", la cour d'appel qui a subordonné la conclusion d'une vente à l'émission d'une offre par le seul vendeur, a violé, ensemble, les articles 1101, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, et 1583 du code civil. »

2°/ que, par courriel du 15 mars 2013, la société Morice faisait part à la société Sofim de son intention d'acquisition du Fonds Sofim Carrosserie comprenant la distribution des véhicules utilitaires légers de type Maxicub 30 m3 et 25 m3 pour la somme proposée de 400 000 euros ", qu'elle souhaitait une cession effective avant la fin du mois d'avril, soit à peine plus d'un mois plus tard, et ajoutait qu' il nous reste à mettre au point un contrat de cession-acquisition entre nous par l'intermédiaire de nos conseils respectifs notamment sur la contenance du fond, comme convenu entre nous, dans un souci de se doter des meilleurs critères de distribution du produit conçu et distribué par vous jusqu'alors : Fichiers clients, base de travail prospect, accompagnement de [B], Site web, marques déposées... " et qu'elle se rapprochait de sa banque afin d'élaborer un plan de financement dans les plus brefs délais", sans toutefois subordonner la validité de l'offre à un accord sur ces points ; que, dès lors, en énonçant, pour considérer que l'intention de la société Morice d'acquérir le Fonds Sofim Carrosserie comprenant la distribution des véhicules utilitaires légers de type Maxicub 30 m3 et 25 m3 pour la somme proposée de 400 000 €" ne pouvait l'engager, qu'elle ne constituait qu'une proposition de négociation, soumise à la régularisation d'un compromis, à la définition du fonds à vendre et des éléments accessoires et à l'obtention d'un concours bancaire, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du courriel du 15 mars 2013 qui ne faisait état d'aucune condition mais seulement de modalités annexes de la vente restant à préciser, en violation du principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents versés aux débats. »

Réponse de la Cour

5. L'arrêt énonce que le préalable à la formation d'un contrat de vente est la rencontre des volontés des parties sur les conditions essentielles, soit l'objet et le prix, et qu'il faut en outre la manifestation de la volonté des parties de s'engager, à défaut de quoi les parties sont seulement en pourparlers.

6. L'arrêt retient, d'une part, que la société Sofim n'a émis aucune offre exposant les éléments essentiels de la vente, d'autre part, par une interprétation du courriel du 15 mars 2013 émanant de la société Morice, que l'ambiguïté de ses termes rendait nécessaire, exclusive de dénaturation, que l'intention de la société Morice d'acquérir y a été exprimée sous la condition que soit délimitée la contenance du fonds à vendre. Il en déduit qu'aucun accord sur la chose et sur le prix ne s'est matérialisé, car il restait en discussion, notamment, le contenu du fond d'activité cédé, sur lesquels les parties ne s'étaient pas entendues.

7. Inopérant en sa première branche, qui critique des motifs erronés mais surabondants, le moyen n'est pas fondé pour le surplus.

Sur le premier moyen, pris en ses troisième, quatrième, cinquième et sixième branches

Enoncé du moyen

8. La société Sofim fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 3° / que lorsqu'une juridiction décide de relever d'office un moyen, elle est tenue, en toutes circonstances, de respecter le principe de la contradiction en invitant au préalable les parties à s'expliquer sur celui-ci ; que, dès lors, en soulevant d'office le moyen tiré de ce que la société Sofim aurait fait de la clause de non-concurrence une condition de validité du contrat, circonstance qui n'était invoquée par aucune des parties, la cour d'appel a violé, ensemble, les articles 7 et 16 du code de procédure civile ;

4° / que le fait que le projet d'acte de cession d'un fonds de commerce comporte une clause de non-concurrence n'est pas une circonstance suffisante à faire de cette clause un élément essentiel à la validité de la vente excluant que celle-ci ait pu être conclue dès l'accord des parties sur la chose et le prix ; que, dès lors, en déduisant le caractère essentiel de la clause de non-concurrence, qui n'avait pas été évoquée dans les courriels des 15 et 18 mars 2013, du fait qu'elle figurait dans le contrat de cession versé aux débats, la cour d'appel, qui s'est fondée sur une circonstance inopérante à caractériser la volonté non équivoque des parties de l'ériger en élément essentiel à leur consentement, la cour d'appel a violé l'article 1583 du code civil ;

5°/ que ni le paiement du prix ni les modalités de son paiement ne sont des éléments essentiels du contrat de vente en l'absence de précision expresse des parties à cet égard ; que, dès lors, en retenant, pour considérer que l'accord de la société Morice sur la vente « du Fonds Sofim Carrosserie comprenant la distribution des véhicules utilitaires légers de type Maxicub 30 m3 et 25 m3 pour la somme proposée de 400 000 € » ne pouvait l'engager, qu'elle faisait état d'un financement à obtenir et non d'une somme détenue pouvant être versée de manière certaine, et que les parties ne s'étaient pas entendues sur les modalités de paiement du prix, circonstances qui étaient pourtant inopérantes en l'absence de toute manifestation non équivoque d'une volonté de faire des modalités de paiement du prix un élément essentiel du contrat, la cour d'appel a violé l'article 1583 du code civil ;

6° / que dans ses conclusions d'appel, la société Sofim faisait valoir, pour considérer qu'elle avait accepté l'offre de la société Morice dans son courriel du 18 mars 2013, qu' il va de soi que la société Morice n'aurait pas sollicité le 15 mars 2013 une cession à intervenir ‘courant avril', soit le mois suivant, si les négociations et le cadre exact de la cession n'avaient pas été strictement arrêtés. Une telle demande, d'une telle proximité temporelle, ne peut en toutes hypothèses que porter validation définitive d'un engagement ferme et complet ! Le mail du 15 mars 2013 de la société Morice, après des mois de négociation, ne correspondait pas à une ‘simple proposition de négociation, soumise à la régularisation d'un compromis, la définition de l'objet de la vente et à l'obtention d'un concours bancaire' mais bien à une offre ferme et définitive d'acquisition de cette branche d'activité pour un prix de 400 000 euros qui fut purement et simplement accepté par la société Sofim ainsi qu'il s'en déduit non seulement de sa réponse du 18 mars 2013 mais aussi des dispositions qui furent immédiatement prises par l'une et l'autre des parties et ce, à la demande de la société Morice qui écrivait ‘une cession effective courant avril nous saurait gré. Dans l'attente de votre projet de contrat de cession,' ce à quoi s'employa immédiatement la société Sofim, leur accord était donc bien définitif" ; que, dès lors, en se bornant à énoncer, pour exclure tout accord des parties, que la société Sofim s'était limitée à dire qu'elle avait reçu la proposition faite par la société Morice sans écrire qu'elle l'acceptait, et en s'abstenant de répondre au moyen précité pourtant de nature à établir l'existence d'une volonté ferme et précise de la société Sofim d'accepter l'offre de la société Morice, la cour d'appel a privé sa décision de motivation, en violation de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

9. Ayant retenu, par une interprétation exclusive de dénaturation, que, par son courriel du 15 mars 2013, la société Morice n'avait pas formulé une offre comportant tous les éléments essentiels, telle la contenance du fonds à vendre, c'est à juste titre que la cour d'appel en a déduit que, par son courriel du 18 mars 2013, la société Sofim n'avait pu accepter une offre qui ne lui avait pas été faite.

10. Inopérant en ses troisième, quatrième et cinquième branches, qui critiquent des motifs surabondants, le moyen n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Sofim aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Sofim et la condamne à payer à la société Morice constructeur la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le quinze octobre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et

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