CA Pau, 2e ch - sect. 1, 14 octobre 2025, n° 24/03599
PAU
Arrêt
Autre
JP/PM
Numéro 25/2793
COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH - Section 1
ARRET DU 14 OCTOBRE 2025
Dossier : N° RG 24/03599 - N° Portalis DBVV-V-B7I-JBPN
Nature affaire :
Demande en nullité et/ou en mainlevée, en suspension ou en exécution d'une saisie mobilière
Affaire :
S.C.I. SCI AITATE
C/
S.A.R.L. LOHITZUN RESTO
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 14 OCTOBRE 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 17 Juin 2025, devant :
Jeanne PELLEFIGUES, magistrat chargé du rapport,
assisté de M. MAGESTE, Greffier présent à l'appel des causes,
Jeanne PELLEFIGUES, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Laurence BAYLAUCQ et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente
Madame Laurence BAYLAUCQ, Conseillère
Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
S.C.I. SCI AITATE immatriculée au RCS de BAYONNE sous le n°402 594 733
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Vincent TORTIGUE de la SELARL TORTIGUE PETIT SORNIQUE RIBETON, avocat au barreau de BAYONNE
INTIMEE :
S.A.R.L. LOHITZUN RESTO
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Hélène MORNET - Vincent GUADAGNINO de la SELARL THEMIS - V GUADAGNINO & ASSOCIÉS, avocat au barreau de BAYONNE
sur appel de la décision
en date du 19 DECEMBRE 2024
rendue par le JUGE DE L'EXECUTION DE [Localité 7]
Par jugement contradictoire du 19 décembre 2024, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bayonne a :
DEBOUTE la SCI AITATE de ses demandes,
LA CONDAMNE au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Par déclaration faite au greffe de la cour le 23 décembre 2022, la Sci AITATE a relevé appel de ce jugement.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 14 mai 2025.
Dans ses dernières conclusions en date du 09 mai 2025, la SCI AITATE demande à la cour de :
Infirmer le jugement du Juge de l'Exécution près le tribunal judiciaire de BAYONNE en ce qu'il :
- déboute la SCI AITATE de ses demandes,
- condamne la SCI AITATE à payer la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC et les dépens.
Statuant à nouveau,
Rejeter toutes prétentions, fins et conclusions adverses,
Vu l'article L.111-2 du Code des Procédures Civiles d'Exécution,
Annuler le commandement aux fins de saisie-vente délivré le 19 mars 2024 à la SCI AITATE,
Annuler la saisie-attribution pratiquée le 22 mars 2024 entre les mains du CREDIT LYONNAIS et dénoncée par exploit de Maître [T] [B] du 26 mars 2024,
En conséquence, ordonner la mainlevée du commandement aux fins de saisie-vente et de la saisie-attribution visée sur le compte CREDIT LYONNAIS de la SCI AITATE,
Condamner la SARL LOHITZUN RESTO à payer à la SCI AITATE :
- au titre de l'article 700 du CPC en 1ère instance et en appel : une indemnité globale de 6.000,00 €
- les entiers dépens de 1ère instance et d'appel.
Dans ses dernières conclusions en date du 07 mai 2025, la SARL LOHITZUN RESTO demande à la cour de :
Vu l'article L213-6 du code de procédure civile, l'article 1302 et 1302-1 du Code civil, l'article L111-6 du code des procédures civiles d'exécution,
Vu la jurisprudence et les pièces produites,
Confirmer le jugement rendu par le Juge de l'Exécution le 19 décembre 2024 en ce qu'il a :
Débouté la SCI AITATE de ses demandes
Condamné la SCI AITATE au paiement à la SARL LOHITZUN RESTO d'une somme au titre de l'article 700 du Code de procédure civile laquelle sera portée à 6.000 euros en cause d'appel
Condamné la SCI AITATE aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 mai 2025.
SUR CE
Par acte sous seing privé en date du 11 juin 2002, la SCI AITATE a consenti à la Sarl Saint Jean un bail commercial portant sur divers locaux sis à [Adresse 2] et [Adresse 1] à [Adresse 8] ([Adresse 4]), moyennant un loyer annuel de 45 000 euros hors taxes.
Par la suite, suivant acte sous seing privé en date du 9 juillet 2009, la Sarl Saint Jean a cédé son fonds de commerce à la Sarl LOHITZUN RESTO pour un prix de 430'000 euros.
Invoquant des travaux réalisés à ses frais ainsi qu'un différend relatif à la fixation du loyer du bail renouvelé, la société LOHITZUN RESTO a, par acte d'huissier en date du 25 mai 2016, fait assigner la société AITATE devant le tribunal de grande instance de Bayonne aux fins de voir cette dernière condamnée au remboursement du coût desdits travaux et de voir le loyer du bail renouvelé fixé à la somme annuelle de 23'451 €hors taxes, à compter du 5 juin 2014.
Par jugement rendu le 10 février 2020, le tribunal judiciaire de Bayonne a débouté la société LOHITZUN RESTO de sa demande tendant au remboursement des travaux et a, avant dire droit sur la fixation du loyer, ordonné une mesure d'expertise, désignant à cette fin Monsieur [J] [U] en qualité d'expert. Ce jugement a fait l'objet d'un appel formé par chacune des parties.
Par arrêt du 14 décembre 2021, la cour d'appel de Pau a confirmé en toutes ses dispositions le jugement entrepris.
Entre-temps, le 22 décembre 2020 le rapport d'expertise a été déposé.
Statuant à nouveau, le tribunal judiciaire de Bayonne a, par jugement du 17 juillet 2023, fixé à la somme annuelle de 37'105,69 euros hors charges et hors taxes le montant du loyer du bail commercial renouvelé, avec effet au 5 juin 2014.
La société AITATE a régulièrement relevé appel de cette décision par déclaration en date du 4 août 2023.
Se fondant sur ledit jugement, la société LOHITZUN RESTO a fait délivrer, par acte d'huissier du 19 mars 2024, un commandement aux fins de saisie-vente à l'encontre de la société AITATE pour un montant de 321'721,62 en vue d'obtenir la restitution du trop-perçu de loyers.
Elle a, en outre, procédé le 22 mars 2024 à une saisie-attribution sur le compte bancaire de la société AITATE détenu dans les livres du Crédit Lyonnais pour un montant de 323 802, 08 euros, mesure qu'elle a dénoncée le 26 mars 2024.
Par actes de commissaire de justice en date des 25 et 28 mars 2024, la Société AITATE a saisi le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bayonne afin de contester les mesures d'exécution précitées, d'en solliciter l'annulation et la mainlevée.
Les deux procédures ont été jointes.
* La Sci AITATE demande l'annulation des mesures d'exécution forcée faisant valoir que le titre exécutoire invoqué par la société LOHITZUN RESTO ne constate pas une créance liquide et exigible. Elle expose que le jugement du 17 juillet 2023 rendu par le tribunal judiciaire de Bayonne ne la condamne pas dans son dispositif à rembourser le trop-perçu de loyer à son locataire. Elle considère cette décision logique précisant que le tribunal judicaire statuant sur la fixation du prix d'un bail renouvelé dans le cadre de sa compétence accessoire tirée de l'article R. 145-23 du code de commerce n'a pas pouvoir pour prononcer une condamnation. Elle ajoute que ce jugement est parfaitement clair et qu'il n'y a dès lors pas lieu de l'interpréter.
Elle soutient en outre la créance n'est pas liquide arguant que le décompte sur lequel se base les actes d'exécution est erroné en ce qu'il n'a pas été tenu compte de la clause d'indexation du bail et que le montant est exprimé TTC. Elle affirme ne pas avoir renoncé au bénéfice de l'application de la clause d'indexation et que celle-ci a vocation à s'appliquer au bail renouvelé. Elle prétend enfin que l'indexation n'est pas prescrite, le point de départ du délai de prescription étant le jour où le bailleur a connaissance du loyer définitivement fixé par le juge. Sur le montant exprimé TTC, elle soutient n'être débitrice d'aucune somme au titre de la TVA à l'égard de sa locataire, seule l'administration fiscale étant bénéficiaire de cette taxe.
En réponse, la société LOHITZUN RESTO soutient que le jugement du 17 juillet 2023, assorti de l'exécution provisoire, portait sur l'intégralité de la période couverte par la décision, soit depuis la date d'exigibilité du nouveau loyer, fixée au 05 juin 2014 et non pas sur la seule période courant depuis le prononcé du jugement. Elle en déduit que le trop-versé de loyers est exigible provisoirement.
Elle argue que le caractère liquide de la créance ne fait aucun doute et être en droit de demander le remboursement de la TVA à la société AITATE sur la base d'une action en répétition de l'indu.Ainsi la société Aitate est réputé avoir renoncé au bénéfice de l'indexation ne l'ayant pas réclamé pendant 11 ans, qu'il n'est pas démontré que cette indexation devrait jouer et que cette demande se heurte en tout état de cause à la prescription.
En outre, elle fait valoir que le tribunal judiciaire est parfaitement compétent pour prononcer une condamnation.
Sur la demande d'annulation des mesures d'exécution forcée :
La SCI AITATE ne soulève aucun moyen de nullité au soutien de sa demande d'annulation des mesures d'exécution forcée litigieuses. Elle invoque au soutien de ses contestations des moyens tenant au défaut d'exigibilité des sommes faisant l'objet des mesures d'exécution forcée mais pas la nullité des actes litigieux , délivrés par un commissaire de justice . La nullité de ces actes est régie par les dispositions relatives aux nullités des actes de procédure.
Aux termes de l'article 114 du code de procédure civile aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l' irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public. Or Il n'est pas relevé de manquement aux dispositions des articles 648 du code de procédure civile précisant les mentions obligatoires que doit comporter tout acte de commissaire de justice à peine de nullité.
La demande d'annulation des mesures d'exécution forcée sera donc rejetée en confirmation du jugement déféré.
Sur demande de mainlevée des mesures d'exécution forcée :
En droit, l'article L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécution dispose que le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d'exécution.
L'article L 111-6 du même code précise que la créance est liquide lorsqu'elle est évaluée en argent ou lorsque le titre contient tous les éléments permettant son évaluation.
L'article L. 111-10 organise l'exécution d'un titre exécutoire à titre provisoire. Selon ce texte, l'exécution est poursuivie aux risques et périls du créancier qui, si le titre est ultérieurement modifié, devra restituer le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent.
La cour de cassation admet qu'une décision judiciaire puisse être exécutée à l'encontre d'une personne dès lors que la décision constate, à la charge de cette personne, une obligation à exécuter même si cette obligation ne prend pas la forme d'une condamnation formelle à payer. Ainsi constitue un titre exécutoire la décision qui fixe le montant du loyer du bail renouvelé, celle-ci pouvant entraîner la condamnation de l'une ou l'autre des parties à payer la différence entre le loyer fixé et celui qui a été payé.
En l'espèce, par jugement du 17 juillet 2023, le tribunal judiciaire de Bayonne a fixé à la somme annuelle de 37 105, 69 euros, hors charges et hors taxes, le loyer du bail commercial renouvelé liant la Sci AITATE bailleresse, et la Sarl LOHITZUN RESTO preneur, portant sur le local commercial sis [Adresse 2] et [Adresse 1] à Saint-Jean-de-Luz et dit que ce loyer est exigible depuis le 05 juin 2014. Ce jugement a été assorti de l'exécution provisoire.
Le montant du bail renouvelé, tel que fixé par le juge, s'est avéré inférieur à celui qui a été payé par la société LOHITZUN RESTO de sorte qu'il en est résulté, depuis le 05 juin 2014, un trop-perçu au bénéfice de la SCI AITATE.
L'absence, dans les motifs de la décision, de condamnation expresse de la société AITATE à restituer le trop-perçu de loyers à sa locataire n'interdit pas à cette dernière d'agir, à ses risques et périls, en exécution forcée en vue d'en obtenir le remboursement, dès lors que la fixation judiciaire du loyer du bail renouvelé peut emporter les effets d'une condamnation.
En conséquence, la décision du 17 juillet 2023, constitue un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, permettant à la société LOHITZUN RESTO d'agir en exécution forcée pour recouvrer le trop-perçu des loyers réglés depuis le 05 juin 2014.
Par ailleurs, le commandement aux fins de saisie vente et le procès -verbal de saisie attribution comportent un détail précis des sommes réclamées.
Le trop-perçu a été calculé de manière logique et pertinente par la différence entre le montant des loyers versés par la locataire et le montant dû par celle-ci en vertu du jugement du 17 juillet 2023.
En outre, les loyers constituant l'assiette de la TVA il en résulte qu'une augmentation de cette assiette entraîne mécaniquement une augmentation de la taxe due et inversement. Le tribunal a fixé le montant du loyer du bail renouvelé à une somme inférieure à celle convenue par les parties. Dès lors, la locataire a versé une TVA calculée sur une base trop élevée et s'est donc acquittée d'une somme supérieure à celle dont elle était effectivement redevable. Conformément au principe de la répétition de l'indu elle est fondée à solliciter le remboursement du trop-perçu, loyers et TVA comprise. La bailleresse ne saurait s'y opposer en soutenant que la TVA profite exclusivement à l'administration fiscale.
S'agissant de la clause d'indexation, il convient de relever que la décision ayant fondé le titre exécutoire n'en fait aucune mention. Partant, il ne saurait être reproché au locataire de ne pas l'avoir prise en compte dans le calcul du trop-perçu. En outre, la bailleresse ne justifie pas que cette clause à vocation à s'appliquer.
Dans ces conditions, la société AITATE sera déboutée de sa demande de main levée des mesures d'exécution diligentées par la société LOHITZUN RESTO.
La somme de 3000 € sera allouée à la société LOHITZUN RESTO sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Déboute la SCI AITATE de l'ensemble de ses demandes
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions
Condamne la SCI AITATE à payer à la société LOHITZUN RESTO la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile correspondant aux frais irrépétibles engagés en cause d'appel.
Dit la SCI AITATE tenue aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Madame PELLEFIGUES, Président, et par Mme SAYOUS, greffier suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Numéro 25/2793
COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH - Section 1
ARRET DU 14 OCTOBRE 2025
Dossier : N° RG 24/03599 - N° Portalis DBVV-V-B7I-JBPN
Nature affaire :
Demande en nullité et/ou en mainlevée, en suspension ou en exécution d'une saisie mobilière
Affaire :
S.C.I. SCI AITATE
C/
S.A.R.L. LOHITZUN RESTO
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 14 OCTOBRE 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 17 Juin 2025, devant :
Jeanne PELLEFIGUES, magistrat chargé du rapport,
assisté de M. MAGESTE, Greffier présent à l'appel des causes,
Jeanne PELLEFIGUES, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Laurence BAYLAUCQ et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente
Madame Laurence BAYLAUCQ, Conseillère
Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
S.C.I. SCI AITATE immatriculée au RCS de BAYONNE sous le n°402 594 733
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Vincent TORTIGUE de la SELARL TORTIGUE PETIT SORNIQUE RIBETON, avocat au barreau de BAYONNE
INTIMEE :
S.A.R.L. LOHITZUN RESTO
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Hélène MORNET - Vincent GUADAGNINO de la SELARL THEMIS - V GUADAGNINO & ASSOCIÉS, avocat au barreau de BAYONNE
sur appel de la décision
en date du 19 DECEMBRE 2024
rendue par le JUGE DE L'EXECUTION DE [Localité 7]
Par jugement contradictoire du 19 décembre 2024, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bayonne a :
DEBOUTE la SCI AITATE de ses demandes,
LA CONDAMNE au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Par déclaration faite au greffe de la cour le 23 décembre 2022, la Sci AITATE a relevé appel de ce jugement.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 14 mai 2025.
Dans ses dernières conclusions en date du 09 mai 2025, la SCI AITATE demande à la cour de :
Infirmer le jugement du Juge de l'Exécution près le tribunal judiciaire de BAYONNE en ce qu'il :
- déboute la SCI AITATE de ses demandes,
- condamne la SCI AITATE à payer la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC et les dépens.
Statuant à nouveau,
Rejeter toutes prétentions, fins et conclusions adverses,
Vu l'article L.111-2 du Code des Procédures Civiles d'Exécution,
Annuler le commandement aux fins de saisie-vente délivré le 19 mars 2024 à la SCI AITATE,
Annuler la saisie-attribution pratiquée le 22 mars 2024 entre les mains du CREDIT LYONNAIS et dénoncée par exploit de Maître [T] [B] du 26 mars 2024,
En conséquence, ordonner la mainlevée du commandement aux fins de saisie-vente et de la saisie-attribution visée sur le compte CREDIT LYONNAIS de la SCI AITATE,
Condamner la SARL LOHITZUN RESTO à payer à la SCI AITATE :
- au titre de l'article 700 du CPC en 1ère instance et en appel : une indemnité globale de 6.000,00 €
- les entiers dépens de 1ère instance et d'appel.
Dans ses dernières conclusions en date du 07 mai 2025, la SARL LOHITZUN RESTO demande à la cour de :
Vu l'article L213-6 du code de procédure civile, l'article 1302 et 1302-1 du Code civil, l'article L111-6 du code des procédures civiles d'exécution,
Vu la jurisprudence et les pièces produites,
Confirmer le jugement rendu par le Juge de l'Exécution le 19 décembre 2024 en ce qu'il a :
Débouté la SCI AITATE de ses demandes
Condamné la SCI AITATE au paiement à la SARL LOHITZUN RESTO d'une somme au titre de l'article 700 du Code de procédure civile laquelle sera portée à 6.000 euros en cause d'appel
Condamné la SCI AITATE aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 mai 2025.
SUR CE
Par acte sous seing privé en date du 11 juin 2002, la SCI AITATE a consenti à la Sarl Saint Jean un bail commercial portant sur divers locaux sis à [Adresse 2] et [Adresse 1] à [Adresse 8] ([Adresse 4]), moyennant un loyer annuel de 45 000 euros hors taxes.
Par la suite, suivant acte sous seing privé en date du 9 juillet 2009, la Sarl Saint Jean a cédé son fonds de commerce à la Sarl LOHITZUN RESTO pour un prix de 430'000 euros.
Invoquant des travaux réalisés à ses frais ainsi qu'un différend relatif à la fixation du loyer du bail renouvelé, la société LOHITZUN RESTO a, par acte d'huissier en date du 25 mai 2016, fait assigner la société AITATE devant le tribunal de grande instance de Bayonne aux fins de voir cette dernière condamnée au remboursement du coût desdits travaux et de voir le loyer du bail renouvelé fixé à la somme annuelle de 23'451 €hors taxes, à compter du 5 juin 2014.
Par jugement rendu le 10 février 2020, le tribunal judiciaire de Bayonne a débouté la société LOHITZUN RESTO de sa demande tendant au remboursement des travaux et a, avant dire droit sur la fixation du loyer, ordonné une mesure d'expertise, désignant à cette fin Monsieur [J] [U] en qualité d'expert. Ce jugement a fait l'objet d'un appel formé par chacune des parties.
Par arrêt du 14 décembre 2021, la cour d'appel de Pau a confirmé en toutes ses dispositions le jugement entrepris.
Entre-temps, le 22 décembre 2020 le rapport d'expertise a été déposé.
Statuant à nouveau, le tribunal judiciaire de Bayonne a, par jugement du 17 juillet 2023, fixé à la somme annuelle de 37'105,69 euros hors charges et hors taxes le montant du loyer du bail commercial renouvelé, avec effet au 5 juin 2014.
La société AITATE a régulièrement relevé appel de cette décision par déclaration en date du 4 août 2023.
Se fondant sur ledit jugement, la société LOHITZUN RESTO a fait délivrer, par acte d'huissier du 19 mars 2024, un commandement aux fins de saisie-vente à l'encontre de la société AITATE pour un montant de 321'721,62 en vue d'obtenir la restitution du trop-perçu de loyers.
Elle a, en outre, procédé le 22 mars 2024 à une saisie-attribution sur le compte bancaire de la société AITATE détenu dans les livres du Crédit Lyonnais pour un montant de 323 802, 08 euros, mesure qu'elle a dénoncée le 26 mars 2024.
Par actes de commissaire de justice en date des 25 et 28 mars 2024, la Société AITATE a saisi le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bayonne afin de contester les mesures d'exécution précitées, d'en solliciter l'annulation et la mainlevée.
Les deux procédures ont été jointes.
* La Sci AITATE demande l'annulation des mesures d'exécution forcée faisant valoir que le titre exécutoire invoqué par la société LOHITZUN RESTO ne constate pas une créance liquide et exigible. Elle expose que le jugement du 17 juillet 2023 rendu par le tribunal judiciaire de Bayonne ne la condamne pas dans son dispositif à rembourser le trop-perçu de loyer à son locataire. Elle considère cette décision logique précisant que le tribunal judicaire statuant sur la fixation du prix d'un bail renouvelé dans le cadre de sa compétence accessoire tirée de l'article R. 145-23 du code de commerce n'a pas pouvoir pour prononcer une condamnation. Elle ajoute que ce jugement est parfaitement clair et qu'il n'y a dès lors pas lieu de l'interpréter.
Elle soutient en outre la créance n'est pas liquide arguant que le décompte sur lequel se base les actes d'exécution est erroné en ce qu'il n'a pas été tenu compte de la clause d'indexation du bail et que le montant est exprimé TTC. Elle affirme ne pas avoir renoncé au bénéfice de l'application de la clause d'indexation et que celle-ci a vocation à s'appliquer au bail renouvelé. Elle prétend enfin que l'indexation n'est pas prescrite, le point de départ du délai de prescription étant le jour où le bailleur a connaissance du loyer définitivement fixé par le juge. Sur le montant exprimé TTC, elle soutient n'être débitrice d'aucune somme au titre de la TVA à l'égard de sa locataire, seule l'administration fiscale étant bénéficiaire de cette taxe.
En réponse, la société LOHITZUN RESTO soutient que le jugement du 17 juillet 2023, assorti de l'exécution provisoire, portait sur l'intégralité de la période couverte par la décision, soit depuis la date d'exigibilité du nouveau loyer, fixée au 05 juin 2014 et non pas sur la seule période courant depuis le prononcé du jugement. Elle en déduit que le trop-versé de loyers est exigible provisoirement.
Elle argue que le caractère liquide de la créance ne fait aucun doute et être en droit de demander le remboursement de la TVA à la société AITATE sur la base d'une action en répétition de l'indu.Ainsi la société Aitate est réputé avoir renoncé au bénéfice de l'indexation ne l'ayant pas réclamé pendant 11 ans, qu'il n'est pas démontré que cette indexation devrait jouer et que cette demande se heurte en tout état de cause à la prescription.
En outre, elle fait valoir que le tribunal judiciaire est parfaitement compétent pour prononcer une condamnation.
Sur la demande d'annulation des mesures d'exécution forcée :
La SCI AITATE ne soulève aucun moyen de nullité au soutien de sa demande d'annulation des mesures d'exécution forcée litigieuses. Elle invoque au soutien de ses contestations des moyens tenant au défaut d'exigibilité des sommes faisant l'objet des mesures d'exécution forcée mais pas la nullité des actes litigieux , délivrés par un commissaire de justice . La nullité de ces actes est régie par les dispositions relatives aux nullités des actes de procédure.
Aux termes de l'article 114 du code de procédure civile aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l' irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public. Or Il n'est pas relevé de manquement aux dispositions des articles 648 du code de procédure civile précisant les mentions obligatoires que doit comporter tout acte de commissaire de justice à peine de nullité.
La demande d'annulation des mesures d'exécution forcée sera donc rejetée en confirmation du jugement déféré.
Sur demande de mainlevée des mesures d'exécution forcée :
En droit, l'article L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécution dispose que le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d'exécution.
L'article L 111-6 du même code précise que la créance est liquide lorsqu'elle est évaluée en argent ou lorsque le titre contient tous les éléments permettant son évaluation.
L'article L. 111-10 organise l'exécution d'un titre exécutoire à titre provisoire. Selon ce texte, l'exécution est poursuivie aux risques et périls du créancier qui, si le titre est ultérieurement modifié, devra restituer le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent.
La cour de cassation admet qu'une décision judiciaire puisse être exécutée à l'encontre d'une personne dès lors que la décision constate, à la charge de cette personne, une obligation à exécuter même si cette obligation ne prend pas la forme d'une condamnation formelle à payer. Ainsi constitue un titre exécutoire la décision qui fixe le montant du loyer du bail renouvelé, celle-ci pouvant entraîner la condamnation de l'une ou l'autre des parties à payer la différence entre le loyer fixé et celui qui a été payé.
En l'espèce, par jugement du 17 juillet 2023, le tribunal judiciaire de Bayonne a fixé à la somme annuelle de 37 105, 69 euros, hors charges et hors taxes, le loyer du bail commercial renouvelé liant la Sci AITATE bailleresse, et la Sarl LOHITZUN RESTO preneur, portant sur le local commercial sis [Adresse 2] et [Adresse 1] à Saint-Jean-de-Luz et dit que ce loyer est exigible depuis le 05 juin 2014. Ce jugement a été assorti de l'exécution provisoire.
Le montant du bail renouvelé, tel que fixé par le juge, s'est avéré inférieur à celui qui a été payé par la société LOHITZUN RESTO de sorte qu'il en est résulté, depuis le 05 juin 2014, un trop-perçu au bénéfice de la SCI AITATE.
L'absence, dans les motifs de la décision, de condamnation expresse de la société AITATE à restituer le trop-perçu de loyers à sa locataire n'interdit pas à cette dernière d'agir, à ses risques et périls, en exécution forcée en vue d'en obtenir le remboursement, dès lors que la fixation judiciaire du loyer du bail renouvelé peut emporter les effets d'une condamnation.
En conséquence, la décision du 17 juillet 2023, constitue un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, permettant à la société LOHITZUN RESTO d'agir en exécution forcée pour recouvrer le trop-perçu des loyers réglés depuis le 05 juin 2014.
Par ailleurs, le commandement aux fins de saisie vente et le procès -verbal de saisie attribution comportent un détail précis des sommes réclamées.
Le trop-perçu a été calculé de manière logique et pertinente par la différence entre le montant des loyers versés par la locataire et le montant dû par celle-ci en vertu du jugement du 17 juillet 2023.
En outre, les loyers constituant l'assiette de la TVA il en résulte qu'une augmentation de cette assiette entraîne mécaniquement une augmentation de la taxe due et inversement. Le tribunal a fixé le montant du loyer du bail renouvelé à une somme inférieure à celle convenue par les parties. Dès lors, la locataire a versé une TVA calculée sur une base trop élevée et s'est donc acquittée d'une somme supérieure à celle dont elle était effectivement redevable. Conformément au principe de la répétition de l'indu elle est fondée à solliciter le remboursement du trop-perçu, loyers et TVA comprise. La bailleresse ne saurait s'y opposer en soutenant que la TVA profite exclusivement à l'administration fiscale.
S'agissant de la clause d'indexation, il convient de relever que la décision ayant fondé le titre exécutoire n'en fait aucune mention. Partant, il ne saurait être reproché au locataire de ne pas l'avoir prise en compte dans le calcul du trop-perçu. En outre, la bailleresse ne justifie pas que cette clause à vocation à s'appliquer.
Dans ces conditions, la société AITATE sera déboutée de sa demande de main levée des mesures d'exécution diligentées par la société LOHITZUN RESTO.
La somme de 3000 € sera allouée à la société LOHITZUN RESTO sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Déboute la SCI AITATE de l'ensemble de ses demandes
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions
Condamne la SCI AITATE à payer à la société LOHITZUN RESTO la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile correspondant aux frais irrépétibles engagés en cause d'appel.
Dit la SCI AITATE tenue aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Madame PELLEFIGUES, Président, et par Mme SAYOUS, greffier suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,