CA Montpellier, ch. com., 14 octobre 2025, n° 22/04831
MONTPELLIER
Arrêt
Autre
ARRÊT n°
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 14 OCTOBRE 2025
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 22/04831 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PRWW
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 06 SEPTEMBRE 2022
TRIBUNAL DE COMMERCE DE PERPIGNAN
N° RG 2021J142
APPELANTE :
S.A.R.L. SOCIETE POUR L'ACHAT ET LA LOCATION D'IMMEUBLES COMMERCIAUX - SALIC
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Hervé POQUILLON de la SELARL HP AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
Représentée par Me Perrine CARRERE, avocate au barreau de CASTRES substituant Me Loïc ALRAN, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant
INTIMES :
Madame [H] [V]
née le 21 Mars 1958 à [Localité 12]
de nationalité Française
[9] HOTEL - [Adresse 8]
[Localité 4]
Représentée par Me Céline PIRET de la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE- KNOEPFFLER-HUOT-PIRET-JOUBES, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
Monsieur [P] [V]
né le 10 Mars 1942 à [Localité 12]
de nationalité Française
[9] HOTEL - [Adresse 8]
[Localité 4]
Représenté par Me Céline PIRET de la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE- KNOEPFFLER-HUOT-PIRET-JOUBES, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
S.A.R.L. [9] dont le siège sociale est [9] HOTEL - [Adresse 6] et pour elle son gérant en exercice domicilié es qualité au siège social,
[Adresse 10]
[Localité 3]
Représentée par Me Céline PIRET de la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE- KNOEPFFLER-HUOT-PIRET-JOUBES, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
S.C.I. LE LION D'OR et pour elle son gérant en exercice domicilié es qualité au siège social,
[9] HOTEL - [Adresse 8]
[Localité 4]
Représentée par Me Céline PIRET de la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE- KNOEPFFLER-HUOT-PIRET-JOUBES, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
S.A.S EYES WIDE SHUT prise en la personne de son représentant légal en exercice
[Adresse 14]
[Adresse 14]
[Localité 2]
Représentée par Me Iris RICHAUD substituant Me Yann GARRIGUE de la SELARL LX MONTPELLIER, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocat postulants
Représentée par Me Rémy SAGARD, avocat au barreau des Pyrénées-Orientales, avocat plaidant
INTERVENANTE :
Madame [H] [I] épouse [V], ès qualités de mandataire ad hoc de la SCI LE LION D'OR
de nationalité Française
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 3]
Représentée par Me Céline PIRET de la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE- KNOEPFFLER-HUOT-PIRET-JOUBES, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
Ordonnance de clôture du 12 Août 2025
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 SEPTEMBRE 2025, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre
M. Thibault GRAFFIN, conseiller
M. Fabrice VETU, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Elodie CATOIRE
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Elodie CATOIRE, greffière.
FAITS ET PROCEDURE
Par acte sous-seing-privé, rédigé avec l'assistance de Me [G], notaire à [Localité 13] (Pyrénées-Orientales) avec la participation de Maître [B] [J], notaire à [Localité 11], en date du 29 juillet 2020, la SAS [9] a signé une promesse synallagmatique de cession d'un fonds de commerce de restauration et d'hôtellerie, sis [Adresse 7] à [Localité 4], au profit de la SAS Société pour l'Achat et la Location d'Immeubles Commerciaux (ci-après SALIC), au prix de 300 000 euros, sous condition de l'acquisition concomitante des murs du fonds de commerce, et sous condition suspensive liée à l'obtention d'un prêt.
Il était par ailleurs stipulé une clause pénale d'un montant de 30 000 euros et des honoraires d'entremise d'un montant de 12 000 euros au profit de la SAS Eyes Wide Shut, exerçant l'activité d'agent commercial sous l'enseigne "Guy Hoquet".
Par acte sous-seing-privé, rédigé avec l'assistance de Me [G], notaire à [Localité 13] (Pyrénées-Orientales), avec la participation de Maître [B] [J], notaire à [Localité 11], en date du 31 juillet 2020, la SCI Le Lion d'Or a signé une promesse synallagmatique de vente de l' immeuble au profit de la société SALIC au prix de 900 000 euros, la vente étant assortie du versement d'un dépôt de garantie de 45 000 euros, de la condition suspensive d'acquisition du fonds de commerce, d'une condition suspensive liée à l'obtention d'un prêt, d'une clause pénale de 10 % et d'honoraires d'entremise de 36 000 euros au profit de la société Eyes Wide Shut.
La condition suspensive d'octroi d'un prêt d'un montant de 1 500 000 € au taux de 1,50 % l'an devait être réalisée au plus tard le 15 octobre 2020.
Les parties ont signé deux avenants par actes sous-seing-privés, rédigés avec l'assistance des deux notaires supra, prolongeant les effets des promesses de vente jusqu'au 31 janvier 2021, l'acquéreur ayant fait état de difficultés à trouver un financement.
Par courriel du 4 février 2021, la SAS SALIC a informé Mme [H] [D] épouse [V], gérante de la société [9], qu'elle ne souhaitait plus acquérir les murs et le fonds de commerce.
Par lettre du 19 février 2021 Mme [H] [D] épouse [V], M. [P] [V], les sociétés [9], Le Lion d'Or et Eyes Wide Shut ont mis en demeure la société SALIC de signer les actes authentiques de vente.
Par lettre du 24 février 2021 la société Eyes Wide Shut a mis en demeure la société SALIC de régler les honoraires d'entremise de l'agence.
Par lettre du 26 février 2021, deux sommations de venir signer les actes de vente du fonds de commerce et de l'immeuble ont été adressées à la société SALIC par Me [G].
Par exploit du 4 mai 2021, les époux [V], les sociétés [9] et Le Lion d'Or ont assigné la société SALIC en versement de divers dommages et intérêts.
Le 4 septembre 2021, la société Eyes Wide Shut est intervenue volontairement à la procédure.
Par jugement contradictoire en date du 6 septembre 2022, le tribunal de commerce de Perpignan a :
reçu l'intervention volontaire, à titre principal, de la société Eyes Wide Shut ;
dit que la société SALIC porte la pleine et entière responsabilité de la non réalisation des deux ventes ;
l'a condamnée à payer les sommes de 30 000 euros à la société [9] Hôtel et 90 000 euros à la société Le Lion d'Or au titre des clauses pénales ;
l'a condamnée à payer à la société Eyes Wide Shut les sommes de :
36 000 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 24 février 2021, à titre de dommages et intérêts pour la perte de sa commission relative à la vente de l'immeuble ;
12 000 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte de sa commission relative à la vente du fonds de commerce ;
dit bien fondée la demande de la société SALIC de restitution du dépôt de garantie versé à la société Le Lion d'Or assortie des intérêts au taux légal sur la somme de 45 000 euros à compter du 1er août 2020 jusqu'à la date du jugement ;
dit que le montant de 45 000 euros actuellement entre les mains de Me [O] [G], notaire à [Localité 13], viendra en déduction de la somme de 90 000 euros due par la société SALIC à la société Le Lion d'Or et sera versée dès la signification du jugement à la société Le Lion d'Or ;
dit que les intérêts ci-dessus viendront en déduction des sommes dues par la société SALIC à la société Le Lion d'Or ;
débouté la société SALIC de ses autres demandes ;
débouté la société [9] Hôtel, la société Le Lion d'Or et les époux [V] des demandes de remboursement des frais de diagnostics, de taxes foncières et de frais de déménagement ;
débouté la société Eyes Wide Shut de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
débouté les époux [V] de leur demande de dommages et intérêts pour préjudices moraux et financiers ;
condamné la société SALIC à verser aux époux [V], à la société Le Lion d'Or, à la société [9] Hôtel et à la société Eyes Wide Shut la somme de 1 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
et rejeté les demandes des parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 21 septembre 2022, la SAS SALIC a relevé appel de ce jugement.
Par ordonnance de référé du 4 janvier 2023, le délégataire du premier président de la cour de céans a déclaré irrecevable l'intervention volontaire des époux [V], et rejeté la demande de consignation formée par la société SALIC.
Par ordonnance du 14 mai 2024, le président du tribunal judiciaire de Perpignan a nommé Mme [H] [D] épouse [V] en qualité de mandataire ad hoc de la société Le Lion d'Or.
Par ordonnance avant dire droit du 2 octobre 2024, statuant sur un incident élevé par la société SALIC d'irrecevabilité des demandes au fond de la SCI Le Lion d'Or faute de qualité à agir, cette SCI étant dissoute, le magistrat chargé de la mise en état a sursis à statuer sur la recevabilité de l'appel formé par la société SALIC en ce qu'il est dirigé contre la SCI Le Lion d'Or, et sur la recevabilité des conclusions prises au nom de la SCI le Lion d'or, et invité la société SALIC à régulariser son appel en intimant le mandataire ad hoc de cette société, Mme [H] [D] épouse [V] ès qualités.
Par ordonnance en date de du 15 janvier 2025, le magistrat chargé de la mise en état, vu l'assignation en intervention forcée délivrée par la société SALIC le 25 novembre 2024 au mandataire ad hoc de la SCI Le lion d'or régularisant sa procédure d'appel à l'égard de celle-ci, a déclaré irrecevables les conclusions prises et les demandes formées au nom de la société Le Lion d'Or ("par sa gérante en exercice").
Par conclusions du 8 août 2025, la SARL SALIC demande à la cour, au visa des articles 1103, 1231-5, 1240, 1304 et suivants et 1844-8 du code civil, de :
réformer le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau,
À titre principal,
constater que les demandes de la société Le Lion d'Or ont été déclarées irrecevables par le conseiller de la mise en état dans son ordonnance du 15 janvier 2025 ;
la débouter, par conséquent, de toutes ses demandes ;
constater que la condition suspensive d'obtention d'un financement prévue par les actes des 29 et 31 juillet 2020, complétés par avenants des 24 et 28 novembre 2020 est défaillie à la date du 22 mars 2021 pour la réitération par acte authentique ;
juger en conséquence que l'obligation est réputée n'avoir jamais existé ; et que la condition a défailli du fait des sociétés Le Lion d'Or et [9] ;
les condamner en conséquence solidairement à lui payer la somme de 21 532,48 euros ;
À titre subsidiaire,
juger que les clauses pénales insérées dans les actes de vente sont manifestement excessives ;
réduire la clause pénale de l'acte de vente de fonds de commerce à la somme de 2 244 euros au profit de la société [9];
réduire la clause pénale de l'acte de vente d'immeuble à la somme de 5 000 euros au profit de la société Le Lion d'Or ;
débouter la société Eyes Wide Shut de toutes ses demandes, à défaut pour elle de justifier avoir accompli toutes les diligences nécessaires au succès de l'opération ;
subsidiairement, juger que la perte de chance de percevoir sa commission subie par la société Eyes Wide Shut doit être limitée à 5 % du montant de la commission au regard de la très forte probabilité que la vente ne soit jamais conclue du fait de l'incapacité des venderesses de produire les documents réclamés par la banque ;
confirmer les autres dispositions du jugement ;
Sur les appels incidents,
rejeter l'ensemble des demandes présentées par les sociétés Le Lion d'Or, [9], Eyes Wide Shut et des époux [V] ;
Et en tout état de cause,
les condamner solidairement à payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
* Par conclusions du 17 janvier 2025, formant appel incident, la SARL [9], la SCI Le Lion d'Or, « prise en la personne de son mandataire ad hoc, Mme [H] [D] épouse [V], nommée suivant ordonnance en date du 14 mai 2024 », Mme [H] [D] épouse [V] , agissant à titre personnel, et M. [P] [V] demandent à la cour, au visa des articles 1231 et suivants du code civil :
de confirmer le jugement attaqué sauf en ce qu'il les a déboutés de leur demande de remboursement des frais de diagnostic, de taxes foncières et de frais de déménagement ainsi que de leur demande de dommages et intérêts pour préjudices moraux et financiers ;
Statuant à nouveau,
de condamner la société SALIC à leur rembourser :
les frais de diagnostic qu'ils ont dû supporter inutilement pour un montant de 3 074 euros ;
les taxes foncières et assurances pour un montant de 10 000 euros ;
les frais de déménagement pour un montant de 10 000 euros ;
de la condamner à payer la somme de 200 000 euros aux époux [V] à titre de dommages et intérêts ;
À titre subsidiaire,
condamner la société SALIC à payer la somme de 30 000 euros à la société [9] et la somme de 90 000 euros à la société Le Lion d'Or à titre de dommages et intérêts ;
la condamner en outre à payer à titre de dommages et intérêts complémentaires les sommes de :
3 074 euros au titre des frais de diagnostic ;
10 000 euros au titre des remboursements des taxes foncières ;
10 000 euros au titre de remboursement des frais de déménagement ;
200 000 euros en indemnisation des préjudices moraux et financiers ;
Et en tout état de cause,
- la condamner à leur payer la somme de 5 000 euros ainsi qu'à leur rembourser toutes sommes qui pourraient être mises à leur charge au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction.
* Par conclusions du 9 février 2023, la SA Eyes wide shut demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et au visa des articles 1304 et 1103 et suivants, de juger que les conditions suspensives des deux ventes n'ont pas été levées par la faute de la société SALIC et doivent être réputées accomplies, au visa de 1240 du code civil, de juger que la société SALIC a engagé sa responsabilité à son égard du fait de son refus illégitime de réitérer les deux ventes par acte authentique, de condamner cette société à lui verser la somme de 36 000 € au titre de la perte de sa commission relative à la vente de l'immeuble et celle de 12 000 € au titre de la perte de sa commission relative à la vente du fonds de commerce, y ajoutant de condamner la société SALIC à lui payer la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est datée du 12 août 2025.
MOTIFS
Sur la procédure d'appel
La SCI Le Lion d'or avait initialement conclu, représentée « par son gérant en exercice ».
Suite à l'assignation en intervention forcée qui a été délivrée au mandataire ad hoc de la SCI Le Lion d'or par la société SALIC le 25 novembre 2024, afin de régulariser sa procédure d'appel à son égard, et après l'ordonnance d'incident du 15 janvier 2025 ayant prononcé l'irrecevabilité des conclusions et demandes prises au nom de la SCI Le Lion d'or, irrégulièrement représentée, celle-ci a conclu à nouveau le 17 janvier 2025, par des conclusions cette fois régulièrement prises « en la personne de son mandataire ad hoc, Mme [H] [D] épouse [V], nommée suivant ordonnance en date du 14 mai 2024 », d'où il suit le rejet de la demande d'irrecevabilité de ces dernières écritures.
Sur l'imputabilité de la non réitération de la vente
Le tribunal retient les motifs suivants :
«' les parties ont signé les 29 et 31 juillet 2020 deux actes sous seing privé visant à acquérir, pour l'un, un fonds de commerce d'hôtellerie et pour l'autre, un immeuble correspondant au fonds de commerce vendu, avec chacun une condition suspensive d'obtention de crédit stipulée au profit de l'acquéreur prévoyant explicitement les modalités de financement et notamment, la dénomination du prêteur, le montant, la durée et le taux de l'emprunt ;
' la date de réitération par acte authentique était prévue au 31 octobre 2020, mais face aux difficultés de la SAS SALIC pour obtenir un retour favorable à ses demandes de financement, ce délai a été prorogé par la signature de deux avenants prolongeant le délai au 31 janvier 2021, sans modifier les modalités de financement ;
' l'acquéreur ne produit aucun refus de prêt au sens de la clause suspensive, mais au contraire, un accord de prêt permettant de financer les opérations sous forme de crédit-bail ; en effet la SAS SALIC a obtenu, pour le financement de ses acquisitions, un accord de prêt sous la forme d'un crédit-bail immobilier auprès de la BPCE ;
' cependant ce mode de financement diffère des conditions prévues aux promesses de ventes et à ses avenants qui prévoyaient dans leurs conditions suspensives, le recours à un prêt, et non à un crédit-bail ;
' cet accord sur crédit-bail immobilier, datant du 5 novembre 2020, a été ensuite confirmé le 3 décembre 2020 par l'organisme de financement qui a mis en relation son notaire, Me [S], avec Me [O] [G] notaire chargé d'instrumenter la vente ;
' les vendeurs n'ayant donné aucun accord tacite ou exprès, à ce changement de mode de financement, les dispositions contractuelles de la BPCE (organisme financeur) ne sauraient engager la responsabilité du vendeur ;
' en application de l'article 1304-5 du code civil : « Avant que la condition suspensive ne soit accomplie, le débiteur doit s'abstenir de tout acte qui empêcherait la bonne exécution de l'obligation » , la SAS SALIC aurait dû s'abstenir de modifier unilatéralement les termes du financement sans accord préalable des vendeurs ou faire son affaire de l'obtention du crédit quel qu'en soit sa nature, le vendeur n'ayant pas à produire des documents complémentaires à ceux prévus aux avants-contrats, de sorte que la SAS SALIC ne peut se prévaloir d'une offre non conforme aux conditions initialement prévues aux avants-contrats, pour prétendre au bénéfice de la condition suspensive » ;
* L'appelant fait valoir en cause d'appel que c'est la SCI Le Lion d'or qui n'a pas fourni les pièces exigées par la BPCE lease laquelle avait donné son accord de principe le 3 décembre 2020 ; que la condition suspensive ayant donc défailli sans faute de sa part ; que les compromis de vente de l'immeuble et du fonds de commerce sont devenus caducs ; que les vendeurs étaient informés de la lettre de la BPCE lease du 5 novembre 2020 ; que le projet d'acte suite à l'instruction entre les notaires, mentionnait bien une vente au profit de la banque ; et que la sommation de signer l'acte de vente, à laquelle était jointe la lettre du 5 novembre 2020, mentionne bien "l'accord de crédit".
Mais ces échanges émanant des seuls notaires n'ont pas été repris dans les avenants signés, lesquels ont continué à indiquer en qualité d'acquéreur du bien immobilier et cessionnaire du fonds de commerce, sans davantage faire mention d'une faculté de substitution, la société SALIC et encore sa demande "d'emprunt". Les écrits des notaires ne sauraient dès lors avoir engagé contractuellement les vendeurs à l'égard d'éléments qui ne sont pas entrés dans le champ contractuel.
L'acquéreur fait valoir également que les vendeurs avaient soutenu, et qu'ils soutiennent à nouveau, que la BPCE Lease lui avait accordé le financement sollicité avant le 31 janvier 2021 et que les ventes seraient parfaites, de sorte qu'il en résulterait la preuve de leur accord tacite sur le changement du mode de financement serait démontré.
Mais dans leurs conclusions saisissant la cour, les intimés plaident en page 3 qu'" au mois de novembre 2020 les acquéreurs transmettaient au notaire un accord de crédit permettant la concrétisation de ses ventes", tout en concluant page 6 que "la cour ne pourra que constater que l'appelante n'a pas satisfait à ses obligations de justifier de ses démarches auprès de plusieurs établissements bancaires après la signature des avants-contrats", et en page 9 : " que la société SALIC n'a pas satisfait aux conditions du contrat qui exigeaient qu'elle présente trois demandes de financement auprès des banques et qu'elle en justifie, ce qui constitue une faute qui lui interdit de se prévaloir de la condition suspensive », et enfin page 10 "qu'en tout état de cause l'avenant au compromis de vente ne visait pas une modification des modalités de financement, de sorte que l'on pouvait pas exiger des sociétés venderesses que celles-ci produisent des documents qui n'étaient pas visés au compromis de vente", de sorte qu'il ne résulte pas de leurs conclusions d'appel une acceptation explicite par les vendeurs du changement de mode de financement stipulé, contrairement à ce qui est soutenu, d'où il suit le rejet de ce moyen.
Le tribunal a donc exactement retenu que la condition suspensive d'octroi du prêt a défailli par le manquement de la société SALIC à ses obligations contractuelles, et que celle-ci ne peut dès lors invoquer cette clause pour prétendre justifier sa renonciation à ses projets d'acquisition, et débouté la SAS SALIC de toutes ses prétentions subséquentes présentées sur ce fondement.
Sur les clauses pénales prévues aux contrats
Le tribunal retient à bon droit que :
' l'acte de cession du fonds de commerce par la SARL [9] stipule en page16 : « Dans l'hypothèse où le cessionnaire, après avoir été mis en demeure par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ne régulariserait pas l'acte authentique, il sera alors dans l'obligation de verser au profit du cédant une somme d'un montant de TRENTE MILLE EUROS (30.000,00 euros) à titre de clause pénale. » ;
' dans l'acte de cession du bien immobilier, il était convenu en page 18, au paragraphe « Clause pénale » : « Au cas où l'une quelconque des parties, après avoir été mise en demeure, ne régulariserait pas l'acte authentique et ne satisferait pas aux obligations alors exigibles, alors elle devra verser à l'autre partie une somme égale à DIX POURCENT (10%) du prix de vente. » ;
' en dépit d'une mise en demeure par lettre recommandée pour la vente du fonds et pour la vente des murs, la SAS SALIC n'a pas satisfait à ses obligations, obligeant le notaire instrumentant la vente, Me [O] [G], à dresser deux procès-verbaux de carence à réitérer les ventes le 22 mars 2021 ; »
Le jugement a justement condamné la SAS SALIC à verser au vendeur, la SARL [9] la somme de 30 000 euros en exécution de cette clause pénale stipulée au contrat de cession du fonds, ainsi que la somme de 90 000 euros à la SCI Le Lion d'or au titre de la clause pénale prévue au contrat de cession de l'immeuble.
Les vendeurs sont fondés à se prévaloir de ce que la condition suspensive relative à l'obtention d'un prêt, dont la défaillance est, comme il est dit supra, imputable à l'acquéreur au bénéfice duquel elle a été stipulée, doit être réputée accomplie pour l'application des clauses pénales en application de l'article 1304-3 du code civil aux termes duquel « La condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement.
La condition résolutoire est réputée défaillie si son accomplissement a été provoqué par la partie qui y avait intérêt. ».
A l'opposé, l'acquéreur ne peut invoquer les dispositions de l'article 1304-6 alinéa 3 du code civil selon lesquelles « En cas de défaillance de la condition suspensive, l'obligation est réputée n'avoir jamais existé » pour invoquer une supposée caducité de plein droit des promesses de vente.
Les vendeurs, qui n'agissent pas en réitération de la vente, n'ont pas par ailleurs à faire la démonstration de ce que les autres conditions suspensives seraient réalisées.
L'acquéreur ne plaide pas davantage utilement, à titre subsidiaire, que le fonds de commerce de la société [9] a été revendu finalement par la suite au même prix que celui auquel devait l'acheter la société SALIC 300 000 €, le prix de vente de l'immeuble étant pour sa part ignoré, moyens inopérants à l'égard des clauses pénales stipulées qui réparent de manière forfaitaire son inexécution contractuelle, de sorte qu'il n'est pas nécessaire pour son application de faire la preuve de l'existence d'un préjudice.
Sur le préjudice moral et financier des époux [V]
Le montant des clauses pénales octroyées supra a été stipulé de voir réparer de manière forfaitaire l'inexécution contractuelle imputable à l'une des parties, de sorte que les divers préjudices invoqués par les époux sont ainsi déjà réparés par la condamnation de l'acquéreur au paiement du montant de chacune de ces clauses, lesquelles ne sont pas manifestement excessives eu égard à la valeur des biens et à la durée de leur vaine immobilisation.
Il s'ensuit encore cour d'appel le rejet de leur demande en versement d'indemnités complémentaires, et le jugement sera approuvé sur ce point par substitution de motifs.
Sur les dommages et intérêts sollicités par l'agent immobilier
En cause d'appel, l'agent immobilier plaide utilement que l'acquéreur a renoncé à l'opération le 4 février 2021, alors que le délai de validité de l'"Accord de financement" (expressément intitulé comme tel dans les lettres de la banque du 5 novembre 2020 et du 3 décembre 2020, sans aucune réserve) expirait que le 3 mars 2021, sans constituer pour autant une date-butoir puisque la banque indiquait elle-même dans le même courriel « si les actes n'étaient pas régularisés à cette date, il conviendra de renouveler ledit accord » ; que la société SALIC a renoncé à l'opération le 4 février 2021 alors que la BPCE ainsi n'avait absolument pas refusé son financement ; que par ailleurs, dans sa lettre de renoncement à l'opération datée du 4 février 2021, la société SALIC indiquait renoncer à l'acquisition, ce qu'elle a réitéré dans sa lettre du 6 février 2021 en invoquant la caducité des contrats en cours, de sorte que c'est bien la société SALIC qui a décidé, de son propre chef, de renoncer à l'opération , sans jamais évoquer la circonstance soulevée à présent que cette renonciation serait la conséquence d'un refus de financement de sa banque ; qu'un tel refus, au demeurant, ne ressort d'aucun document produit, puisqu'au contraire l'offre de financement était toujours d'actualité pour expirer le 3 mars 2021, et encore cette date pouvant faire l'objet d'un report si nécessaire (« sauf prolongation ») ; que de surcroît le seul document de la PBCE daté du 5 février 2021, donc postérieurement au désistement de la société SALIC, indique que « sa cliente l'informe de ce que le dossier de crédit-bail est classé sans suite », ce qui démontre de plus fort que la banque a classé le dossier parce que l'acquéreur lui avait indiqué avoir renoncé à l'opération, et non en raison de quelque refus de sa part.
La faute contractuelle de l'acquéreur envers son cocontractant étant, de plus fort, établie, elle constitue également une faute délictuelle ayant causé un préjudice à un tiers aux contrats, l'agent immobilier.
Le jugement déféré a condamné la SAS SALIC au versement à la société Eyes wide shut des sommes qui auraient dû lui être versées en honoraires d'intermédiation pour la vente des murs, (36 000 euros) et pour la vente du fonds de commerce (12 000 euros), puisqu'en raison de la faute contractuelle de l'acquéreur, l'agent immobilier ne percevra pas les honoraires d'entremise prévus dans les deux promesses de vente, et que l'agent immobilier est donc fondé à demander à la société SALIC, sur un fondement délictuel, l'indemnisation de son préjudice, dont le montant s'élève au montant de la commission perdue.
Mais l'appelante fait valoir que le préjudice de l'agent immobilier ne peut consister que dans la perte d'une chance de percevoir sa commission, chance infime selon elle au regard des documents qui faisaient défaut, ce qui rendait la réalisation de la vente, en toute hypothèse, improbable. Elle invoque en ce sens un arrêt de la Cour de cassation 1ère chambre civile en date du 14 novembre 2019 (n° 18 ' 23.915)
La cour estime qu'en effet, compte tenu des difficultés de l'acquéreur pour trouver un financement autrement que par le crédit-bail pour lequel la banque sollicitait des documents avant de se porter elle-même acquéreur, l'obtention par la société SALIC du financement par la souscription d'un crédit-bail était encore affectée d'un aléa, de sorte que la réitération de chacune des ventes par acte authentique n'était pas certaine.
Dans ces conditions, l'agent immobilier, qui n'a droit en principe au montant de ses honoraires d'entremise qu'en cas de vente, n'a perdu en l'espèce, à raison de la faute contractuelle de la société SALIC envers les vendeurs qu'une chance de percevoir des honoraires d'entremise dans le cadre des ventes litigieuses.
La réparation de la perte d'une chance ne pouvant équivaloir à la chance perdue, cette perte certaine d'une chance moyenne, sera entièrement réparée par l'octroi de la somme de 18 000 € pour la vente de l'immeuble et 6 000 € pour la cession du fonds, soit un préjudice total de 24 000 € que la société SALIC sera condamnée à lui verser à titre de dommages-intérêts, étant observé qu'une condamnation indemnitaire ne porte intérêts au taux légal qu'à compter de la décision qui en fixe le montant, soit le présent arrêt.
Il convient de relever que le moyen de l'appelante relatif à la prétendue absence de diligences de la part de l'agent immobilier est sans emport, dans la mesure où le montant des honoraires d'entremise a été fixé de manière forfaitaire, comme l'acquéreur l'a expressément accepté. Ce dernier ne peut par conséquent opposer à l'agent immobilier qu'il n'aurait pas déployé tous les efforts nécessaires au succès de l'opération et qu'il ne pourrait prétendre à aucune rémunération.
Sur le moyen tiré de ce que les ventes de l'immeuble et du fonds de commerce ont eu lieu par la suite, au profit d'autres acquéreurs, de sorte que l'agent immobilier aurait perçu des honoraires et n'aurait subi en définitive aucun préjudice, la société Eyes wide shut répond sans être contredite que les ventes, réalisées postérieurement au dédit de la société SALIC, l'ont été sans son intervention.
En revanche la demande indemnitaire de l'agent immobilier au titre d'un préjudice moral rejetée en première instance sera encore écartée en cause d'appel, celui-ci ne rapportant pas la preuve de l'existence d'un dommage de ce chef pouvant justifier le versement de dommages et intérêts en sus de la perte des honoraires contractuellement prévus.
Sur les demandes de dommages et intérêts au titre des diagnostics, de la taxe foncière, et des frais de déménagement des époux [V], le tribunal de commerce a déjà exactement répondu par des motifs développés pertinents que les époux [V], la SARL [9] et la SCI Le Lion d'or demandent le remboursement du coût associé à l'établissement de diagnostics pour 3 074 euros, le remboursement de la taxe foncière pour 10 000 euros et le remboursement des frais de déménagement pour 10 000 euros, alors que d'une part que l'établissement de diagnostics dans le cadre d'une vente est soit obligatoire, soit souhaité par les acquéreurs ; et que d'autre part, concernant la taxe foncière, l'obligation de réparation se limite à replacer la victime dans la situation qui eût été la sienne si le dommage n'était pas survenu, alors qu'en toute hypothèse, la taxe foncière est supportée par celui qui demeure propriétaire ; et qu'enfin les demandeurs, à leurs risques et périls, ont déménagé sans attendre la signature de l'acte définitif, de sorte qu'ils devront donc garder ces frais à leur charge et seront déboutés de ces demandes.
De surcroît la plupart de ces dépenses furent utiles aux ventes qui sont intervenues finalement au profit du nouvel acquéreur.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur le dépôt de garantie
Le tribunal a retenu en ses motifs sur ce point que la SAS SALIC a versé entre les mains du notaire instrumentaire, Me [G], un dépôt de garantie d'une montant total de 45 000 euros, à valoir sur la cession immobilière des murs ; que les vendeurs ne poursuivent pas la vente forcée mais l'indemnisation des préjudices que leur a causé le refus illégitime de la SAS SALIC, en demandant l'application des clauses pénales ; et que ce faisant, la signature des actes authentiques définitifs n'interviendra pas, de sorte que le dépôt de garantie ne viendra pas en déduction de la vente, et qu'il doit donc être remboursé à la SAS SALIC ; que toutefois la somme de 90 000 euros due par la SAS SALIC à la SCI Le Lion d'or au titre de la clause pénale est supérieure au montant du dépôt de garantie ; dans ces conditions, ce montant de 45 000 euros, actuellement entre les mains du notaire, ne sera pas restitué à la SAS SALIC, mais sera versé par Me [O] [G] à la SCI Le Lion d'or dès la signification du jugement et viendra en déduction de la somme de 90 000 euros due par la SAS SALIC à la SCI SCI Le Lion d'or et le montant des intérêts calculés au taux légal à compter du 1er août 2020 jusqu'à la date du jugement viendront en déduction des sommes dues par la SARL SALIC à la SCI Le Lion d'or.
Le jugement aux termes d'un tel raisonnement, en son dispositif, dit à la fois :
" bien fondée la demande de la société SALIC de restitution du dépôt de garantie versé à la société Le Lion d'Or assortie des intérêts au taux légal sur la somme de 45 000 euros à compter du 1er août 2020 jusqu'à la date du jugement ; et que les intérêts ci-dessus viendront en déduction des sommes dues par la société SALIC à la société Le Lion d'Or" ;
Puis :
"dire que le montant de 45 000 euros actuellement entre les mains de Me [O] [G], notaire à [Localité 13], viendra en déduction de la somme de 90 000 euros due par la société SALIC à la société Le Lion d'Or et sera versée dès la signification du jugement à la société Le Lion d'Or."
Or l'avant contrat prévoit expressément que lorsque le montant de la clause pénale est alloué au vendeur, le montant du dépôt de garantie déjà versé par l'acquéreur lui soit acquis pour se déduire du montant de ladite clause (dès lors ne pouvant porter aucun intérêt au profit de l'acquéreur), de sorte qu'il n'y a pas lieu à quelque restitution, et encore moins avec intérêt, au profit de l'acquéreur défaillant.
Le jugement déféré sera partiellement infirmé en ce sens.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare recevables les conclusions de SCI Le Lion d'or notifiées le 17 janvier 2025 ;
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a dit bien fondée la demande de la société SALIC de restitution du dépôt de garantie versé à la société Le Lion d'Or assortie des intérêts au taux légal sur la somme de 45 000 euros à compter du 1er août 2020 jusqu'à la date du jugement, et en ce qu'il a dit que les intérêts ci-dessus viendront en déduction des sommes dues par la société SALIC à la société Le Lion d'Or ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés
Déboute la société SALIC de sa demande tendant à la restitution à son profit du dépôt de garantie ;
Confirme le jugement déféré pour le surplus ;
Y ajoutant
Condamne la SARL Société pour l'achat et la location d'immeubles commerciaux (SALIC) aux dépens d'appel,
Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier La présidente
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 14 OCTOBRE 2025
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 22/04831 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PRWW
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 06 SEPTEMBRE 2022
TRIBUNAL DE COMMERCE DE PERPIGNAN
N° RG 2021J142
APPELANTE :
S.A.R.L. SOCIETE POUR L'ACHAT ET LA LOCATION D'IMMEUBLES COMMERCIAUX - SALIC
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Hervé POQUILLON de la SELARL HP AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
Représentée par Me Perrine CARRERE, avocate au barreau de CASTRES substituant Me Loïc ALRAN, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant
INTIMES :
Madame [H] [V]
née le 21 Mars 1958 à [Localité 12]
de nationalité Française
[9] HOTEL - [Adresse 8]
[Localité 4]
Représentée par Me Céline PIRET de la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE- KNOEPFFLER-HUOT-PIRET-JOUBES, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
Monsieur [P] [V]
né le 10 Mars 1942 à [Localité 12]
de nationalité Française
[9] HOTEL - [Adresse 8]
[Localité 4]
Représenté par Me Céline PIRET de la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE- KNOEPFFLER-HUOT-PIRET-JOUBES, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
S.A.R.L. [9] dont le siège sociale est [9] HOTEL - [Adresse 6] et pour elle son gérant en exercice domicilié es qualité au siège social,
[Adresse 10]
[Localité 3]
Représentée par Me Céline PIRET de la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE- KNOEPFFLER-HUOT-PIRET-JOUBES, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
S.C.I. LE LION D'OR et pour elle son gérant en exercice domicilié es qualité au siège social,
[9] HOTEL - [Adresse 8]
[Localité 4]
Représentée par Me Céline PIRET de la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE- KNOEPFFLER-HUOT-PIRET-JOUBES, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
S.A.S EYES WIDE SHUT prise en la personne de son représentant légal en exercice
[Adresse 14]
[Adresse 14]
[Localité 2]
Représentée par Me Iris RICHAUD substituant Me Yann GARRIGUE de la SELARL LX MONTPELLIER, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocat postulants
Représentée par Me Rémy SAGARD, avocat au barreau des Pyrénées-Orientales, avocat plaidant
INTERVENANTE :
Madame [H] [I] épouse [V], ès qualités de mandataire ad hoc de la SCI LE LION D'OR
de nationalité Française
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 3]
Représentée par Me Céline PIRET de la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE- KNOEPFFLER-HUOT-PIRET-JOUBES, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
Ordonnance de clôture du 12 Août 2025
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 SEPTEMBRE 2025, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre
M. Thibault GRAFFIN, conseiller
M. Fabrice VETU, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Elodie CATOIRE
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Elodie CATOIRE, greffière.
FAITS ET PROCEDURE
Par acte sous-seing-privé, rédigé avec l'assistance de Me [G], notaire à [Localité 13] (Pyrénées-Orientales) avec la participation de Maître [B] [J], notaire à [Localité 11], en date du 29 juillet 2020, la SAS [9] a signé une promesse synallagmatique de cession d'un fonds de commerce de restauration et d'hôtellerie, sis [Adresse 7] à [Localité 4], au profit de la SAS Société pour l'Achat et la Location d'Immeubles Commerciaux (ci-après SALIC), au prix de 300 000 euros, sous condition de l'acquisition concomitante des murs du fonds de commerce, et sous condition suspensive liée à l'obtention d'un prêt.
Il était par ailleurs stipulé une clause pénale d'un montant de 30 000 euros et des honoraires d'entremise d'un montant de 12 000 euros au profit de la SAS Eyes Wide Shut, exerçant l'activité d'agent commercial sous l'enseigne "Guy Hoquet".
Par acte sous-seing-privé, rédigé avec l'assistance de Me [G], notaire à [Localité 13] (Pyrénées-Orientales), avec la participation de Maître [B] [J], notaire à [Localité 11], en date du 31 juillet 2020, la SCI Le Lion d'Or a signé une promesse synallagmatique de vente de l' immeuble au profit de la société SALIC au prix de 900 000 euros, la vente étant assortie du versement d'un dépôt de garantie de 45 000 euros, de la condition suspensive d'acquisition du fonds de commerce, d'une condition suspensive liée à l'obtention d'un prêt, d'une clause pénale de 10 % et d'honoraires d'entremise de 36 000 euros au profit de la société Eyes Wide Shut.
La condition suspensive d'octroi d'un prêt d'un montant de 1 500 000 € au taux de 1,50 % l'an devait être réalisée au plus tard le 15 octobre 2020.
Les parties ont signé deux avenants par actes sous-seing-privés, rédigés avec l'assistance des deux notaires supra, prolongeant les effets des promesses de vente jusqu'au 31 janvier 2021, l'acquéreur ayant fait état de difficultés à trouver un financement.
Par courriel du 4 février 2021, la SAS SALIC a informé Mme [H] [D] épouse [V], gérante de la société [9], qu'elle ne souhaitait plus acquérir les murs et le fonds de commerce.
Par lettre du 19 février 2021 Mme [H] [D] épouse [V], M. [P] [V], les sociétés [9], Le Lion d'Or et Eyes Wide Shut ont mis en demeure la société SALIC de signer les actes authentiques de vente.
Par lettre du 24 février 2021 la société Eyes Wide Shut a mis en demeure la société SALIC de régler les honoraires d'entremise de l'agence.
Par lettre du 26 février 2021, deux sommations de venir signer les actes de vente du fonds de commerce et de l'immeuble ont été adressées à la société SALIC par Me [G].
Par exploit du 4 mai 2021, les époux [V], les sociétés [9] et Le Lion d'Or ont assigné la société SALIC en versement de divers dommages et intérêts.
Le 4 septembre 2021, la société Eyes Wide Shut est intervenue volontairement à la procédure.
Par jugement contradictoire en date du 6 septembre 2022, le tribunal de commerce de Perpignan a :
reçu l'intervention volontaire, à titre principal, de la société Eyes Wide Shut ;
dit que la société SALIC porte la pleine et entière responsabilité de la non réalisation des deux ventes ;
l'a condamnée à payer les sommes de 30 000 euros à la société [9] Hôtel et 90 000 euros à la société Le Lion d'Or au titre des clauses pénales ;
l'a condamnée à payer à la société Eyes Wide Shut les sommes de :
36 000 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 24 février 2021, à titre de dommages et intérêts pour la perte de sa commission relative à la vente de l'immeuble ;
12 000 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte de sa commission relative à la vente du fonds de commerce ;
dit bien fondée la demande de la société SALIC de restitution du dépôt de garantie versé à la société Le Lion d'Or assortie des intérêts au taux légal sur la somme de 45 000 euros à compter du 1er août 2020 jusqu'à la date du jugement ;
dit que le montant de 45 000 euros actuellement entre les mains de Me [O] [G], notaire à [Localité 13], viendra en déduction de la somme de 90 000 euros due par la société SALIC à la société Le Lion d'Or et sera versée dès la signification du jugement à la société Le Lion d'Or ;
dit que les intérêts ci-dessus viendront en déduction des sommes dues par la société SALIC à la société Le Lion d'Or ;
débouté la société SALIC de ses autres demandes ;
débouté la société [9] Hôtel, la société Le Lion d'Or et les époux [V] des demandes de remboursement des frais de diagnostics, de taxes foncières et de frais de déménagement ;
débouté la société Eyes Wide Shut de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
débouté les époux [V] de leur demande de dommages et intérêts pour préjudices moraux et financiers ;
condamné la société SALIC à verser aux époux [V], à la société Le Lion d'Or, à la société [9] Hôtel et à la société Eyes Wide Shut la somme de 1 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
et rejeté les demandes des parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 21 septembre 2022, la SAS SALIC a relevé appel de ce jugement.
Par ordonnance de référé du 4 janvier 2023, le délégataire du premier président de la cour de céans a déclaré irrecevable l'intervention volontaire des époux [V], et rejeté la demande de consignation formée par la société SALIC.
Par ordonnance du 14 mai 2024, le président du tribunal judiciaire de Perpignan a nommé Mme [H] [D] épouse [V] en qualité de mandataire ad hoc de la société Le Lion d'Or.
Par ordonnance avant dire droit du 2 octobre 2024, statuant sur un incident élevé par la société SALIC d'irrecevabilité des demandes au fond de la SCI Le Lion d'Or faute de qualité à agir, cette SCI étant dissoute, le magistrat chargé de la mise en état a sursis à statuer sur la recevabilité de l'appel formé par la société SALIC en ce qu'il est dirigé contre la SCI Le Lion d'Or, et sur la recevabilité des conclusions prises au nom de la SCI le Lion d'or, et invité la société SALIC à régulariser son appel en intimant le mandataire ad hoc de cette société, Mme [H] [D] épouse [V] ès qualités.
Par ordonnance en date de du 15 janvier 2025, le magistrat chargé de la mise en état, vu l'assignation en intervention forcée délivrée par la société SALIC le 25 novembre 2024 au mandataire ad hoc de la SCI Le lion d'or régularisant sa procédure d'appel à l'égard de celle-ci, a déclaré irrecevables les conclusions prises et les demandes formées au nom de la société Le Lion d'Or ("par sa gérante en exercice").
Par conclusions du 8 août 2025, la SARL SALIC demande à la cour, au visa des articles 1103, 1231-5, 1240, 1304 et suivants et 1844-8 du code civil, de :
réformer le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau,
À titre principal,
constater que les demandes de la société Le Lion d'Or ont été déclarées irrecevables par le conseiller de la mise en état dans son ordonnance du 15 janvier 2025 ;
la débouter, par conséquent, de toutes ses demandes ;
constater que la condition suspensive d'obtention d'un financement prévue par les actes des 29 et 31 juillet 2020, complétés par avenants des 24 et 28 novembre 2020 est défaillie à la date du 22 mars 2021 pour la réitération par acte authentique ;
juger en conséquence que l'obligation est réputée n'avoir jamais existé ; et que la condition a défailli du fait des sociétés Le Lion d'Or et [9] ;
les condamner en conséquence solidairement à lui payer la somme de 21 532,48 euros ;
À titre subsidiaire,
juger que les clauses pénales insérées dans les actes de vente sont manifestement excessives ;
réduire la clause pénale de l'acte de vente de fonds de commerce à la somme de 2 244 euros au profit de la société [9];
réduire la clause pénale de l'acte de vente d'immeuble à la somme de 5 000 euros au profit de la société Le Lion d'Or ;
débouter la société Eyes Wide Shut de toutes ses demandes, à défaut pour elle de justifier avoir accompli toutes les diligences nécessaires au succès de l'opération ;
subsidiairement, juger que la perte de chance de percevoir sa commission subie par la société Eyes Wide Shut doit être limitée à 5 % du montant de la commission au regard de la très forte probabilité que la vente ne soit jamais conclue du fait de l'incapacité des venderesses de produire les documents réclamés par la banque ;
confirmer les autres dispositions du jugement ;
Sur les appels incidents,
rejeter l'ensemble des demandes présentées par les sociétés Le Lion d'Or, [9], Eyes Wide Shut et des époux [V] ;
Et en tout état de cause,
les condamner solidairement à payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
* Par conclusions du 17 janvier 2025, formant appel incident, la SARL [9], la SCI Le Lion d'Or, « prise en la personne de son mandataire ad hoc, Mme [H] [D] épouse [V], nommée suivant ordonnance en date du 14 mai 2024 », Mme [H] [D] épouse [V] , agissant à titre personnel, et M. [P] [V] demandent à la cour, au visa des articles 1231 et suivants du code civil :
de confirmer le jugement attaqué sauf en ce qu'il les a déboutés de leur demande de remboursement des frais de diagnostic, de taxes foncières et de frais de déménagement ainsi que de leur demande de dommages et intérêts pour préjudices moraux et financiers ;
Statuant à nouveau,
de condamner la société SALIC à leur rembourser :
les frais de diagnostic qu'ils ont dû supporter inutilement pour un montant de 3 074 euros ;
les taxes foncières et assurances pour un montant de 10 000 euros ;
les frais de déménagement pour un montant de 10 000 euros ;
de la condamner à payer la somme de 200 000 euros aux époux [V] à titre de dommages et intérêts ;
À titre subsidiaire,
condamner la société SALIC à payer la somme de 30 000 euros à la société [9] et la somme de 90 000 euros à la société Le Lion d'Or à titre de dommages et intérêts ;
la condamner en outre à payer à titre de dommages et intérêts complémentaires les sommes de :
3 074 euros au titre des frais de diagnostic ;
10 000 euros au titre des remboursements des taxes foncières ;
10 000 euros au titre de remboursement des frais de déménagement ;
200 000 euros en indemnisation des préjudices moraux et financiers ;
Et en tout état de cause,
- la condamner à leur payer la somme de 5 000 euros ainsi qu'à leur rembourser toutes sommes qui pourraient être mises à leur charge au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction.
* Par conclusions du 9 février 2023, la SA Eyes wide shut demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et au visa des articles 1304 et 1103 et suivants, de juger que les conditions suspensives des deux ventes n'ont pas été levées par la faute de la société SALIC et doivent être réputées accomplies, au visa de 1240 du code civil, de juger que la société SALIC a engagé sa responsabilité à son égard du fait de son refus illégitime de réitérer les deux ventes par acte authentique, de condamner cette société à lui verser la somme de 36 000 € au titre de la perte de sa commission relative à la vente de l'immeuble et celle de 12 000 € au titre de la perte de sa commission relative à la vente du fonds de commerce, y ajoutant de condamner la société SALIC à lui payer la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est datée du 12 août 2025.
MOTIFS
Sur la procédure d'appel
La SCI Le Lion d'or avait initialement conclu, représentée « par son gérant en exercice ».
Suite à l'assignation en intervention forcée qui a été délivrée au mandataire ad hoc de la SCI Le Lion d'or par la société SALIC le 25 novembre 2024, afin de régulariser sa procédure d'appel à son égard, et après l'ordonnance d'incident du 15 janvier 2025 ayant prononcé l'irrecevabilité des conclusions et demandes prises au nom de la SCI Le Lion d'or, irrégulièrement représentée, celle-ci a conclu à nouveau le 17 janvier 2025, par des conclusions cette fois régulièrement prises « en la personne de son mandataire ad hoc, Mme [H] [D] épouse [V], nommée suivant ordonnance en date du 14 mai 2024 », d'où il suit le rejet de la demande d'irrecevabilité de ces dernières écritures.
Sur l'imputabilité de la non réitération de la vente
Le tribunal retient les motifs suivants :
«' les parties ont signé les 29 et 31 juillet 2020 deux actes sous seing privé visant à acquérir, pour l'un, un fonds de commerce d'hôtellerie et pour l'autre, un immeuble correspondant au fonds de commerce vendu, avec chacun une condition suspensive d'obtention de crédit stipulée au profit de l'acquéreur prévoyant explicitement les modalités de financement et notamment, la dénomination du prêteur, le montant, la durée et le taux de l'emprunt ;
' la date de réitération par acte authentique était prévue au 31 octobre 2020, mais face aux difficultés de la SAS SALIC pour obtenir un retour favorable à ses demandes de financement, ce délai a été prorogé par la signature de deux avenants prolongeant le délai au 31 janvier 2021, sans modifier les modalités de financement ;
' l'acquéreur ne produit aucun refus de prêt au sens de la clause suspensive, mais au contraire, un accord de prêt permettant de financer les opérations sous forme de crédit-bail ; en effet la SAS SALIC a obtenu, pour le financement de ses acquisitions, un accord de prêt sous la forme d'un crédit-bail immobilier auprès de la BPCE ;
' cependant ce mode de financement diffère des conditions prévues aux promesses de ventes et à ses avenants qui prévoyaient dans leurs conditions suspensives, le recours à un prêt, et non à un crédit-bail ;
' cet accord sur crédit-bail immobilier, datant du 5 novembre 2020, a été ensuite confirmé le 3 décembre 2020 par l'organisme de financement qui a mis en relation son notaire, Me [S], avec Me [O] [G] notaire chargé d'instrumenter la vente ;
' les vendeurs n'ayant donné aucun accord tacite ou exprès, à ce changement de mode de financement, les dispositions contractuelles de la BPCE (organisme financeur) ne sauraient engager la responsabilité du vendeur ;
' en application de l'article 1304-5 du code civil : « Avant que la condition suspensive ne soit accomplie, le débiteur doit s'abstenir de tout acte qui empêcherait la bonne exécution de l'obligation » , la SAS SALIC aurait dû s'abstenir de modifier unilatéralement les termes du financement sans accord préalable des vendeurs ou faire son affaire de l'obtention du crédit quel qu'en soit sa nature, le vendeur n'ayant pas à produire des documents complémentaires à ceux prévus aux avants-contrats, de sorte que la SAS SALIC ne peut se prévaloir d'une offre non conforme aux conditions initialement prévues aux avants-contrats, pour prétendre au bénéfice de la condition suspensive » ;
* L'appelant fait valoir en cause d'appel que c'est la SCI Le Lion d'or qui n'a pas fourni les pièces exigées par la BPCE lease laquelle avait donné son accord de principe le 3 décembre 2020 ; que la condition suspensive ayant donc défailli sans faute de sa part ; que les compromis de vente de l'immeuble et du fonds de commerce sont devenus caducs ; que les vendeurs étaient informés de la lettre de la BPCE lease du 5 novembre 2020 ; que le projet d'acte suite à l'instruction entre les notaires, mentionnait bien une vente au profit de la banque ; et que la sommation de signer l'acte de vente, à laquelle était jointe la lettre du 5 novembre 2020, mentionne bien "l'accord de crédit".
Mais ces échanges émanant des seuls notaires n'ont pas été repris dans les avenants signés, lesquels ont continué à indiquer en qualité d'acquéreur du bien immobilier et cessionnaire du fonds de commerce, sans davantage faire mention d'une faculté de substitution, la société SALIC et encore sa demande "d'emprunt". Les écrits des notaires ne sauraient dès lors avoir engagé contractuellement les vendeurs à l'égard d'éléments qui ne sont pas entrés dans le champ contractuel.
L'acquéreur fait valoir également que les vendeurs avaient soutenu, et qu'ils soutiennent à nouveau, que la BPCE Lease lui avait accordé le financement sollicité avant le 31 janvier 2021 et que les ventes seraient parfaites, de sorte qu'il en résulterait la preuve de leur accord tacite sur le changement du mode de financement serait démontré.
Mais dans leurs conclusions saisissant la cour, les intimés plaident en page 3 qu'" au mois de novembre 2020 les acquéreurs transmettaient au notaire un accord de crédit permettant la concrétisation de ses ventes", tout en concluant page 6 que "la cour ne pourra que constater que l'appelante n'a pas satisfait à ses obligations de justifier de ses démarches auprès de plusieurs établissements bancaires après la signature des avants-contrats", et en page 9 : " que la société SALIC n'a pas satisfait aux conditions du contrat qui exigeaient qu'elle présente trois demandes de financement auprès des banques et qu'elle en justifie, ce qui constitue une faute qui lui interdit de se prévaloir de la condition suspensive », et enfin page 10 "qu'en tout état de cause l'avenant au compromis de vente ne visait pas une modification des modalités de financement, de sorte que l'on pouvait pas exiger des sociétés venderesses que celles-ci produisent des documents qui n'étaient pas visés au compromis de vente", de sorte qu'il ne résulte pas de leurs conclusions d'appel une acceptation explicite par les vendeurs du changement de mode de financement stipulé, contrairement à ce qui est soutenu, d'où il suit le rejet de ce moyen.
Le tribunal a donc exactement retenu que la condition suspensive d'octroi du prêt a défailli par le manquement de la société SALIC à ses obligations contractuelles, et que celle-ci ne peut dès lors invoquer cette clause pour prétendre justifier sa renonciation à ses projets d'acquisition, et débouté la SAS SALIC de toutes ses prétentions subséquentes présentées sur ce fondement.
Sur les clauses pénales prévues aux contrats
Le tribunal retient à bon droit que :
' l'acte de cession du fonds de commerce par la SARL [9] stipule en page16 : « Dans l'hypothèse où le cessionnaire, après avoir été mis en demeure par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ne régulariserait pas l'acte authentique, il sera alors dans l'obligation de verser au profit du cédant une somme d'un montant de TRENTE MILLE EUROS (30.000,00 euros) à titre de clause pénale. » ;
' dans l'acte de cession du bien immobilier, il était convenu en page 18, au paragraphe « Clause pénale » : « Au cas où l'une quelconque des parties, après avoir été mise en demeure, ne régulariserait pas l'acte authentique et ne satisferait pas aux obligations alors exigibles, alors elle devra verser à l'autre partie une somme égale à DIX POURCENT (10%) du prix de vente. » ;
' en dépit d'une mise en demeure par lettre recommandée pour la vente du fonds et pour la vente des murs, la SAS SALIC n'a pas satisfait à ses obligations, obligeant le notaire instrumentant la vente, Me [O] [G], à dresser deux procès-verbaux de carence à réitérer les ventes le 22 mars 2021 ; »
Le jugement a justement condamné la SAS SALIC à verser au vendeur, la SARL [9] la somme de 30 000 euros en exécution de cette clause pénale stipulée au contrat de cession du fonds, ainsi que la somme de 90 000 euros à la SCI Le Lion d'or au titre de la clause pénale prévue au contrat de cession de l'immeuble.
Les vendeurs sont fondés à se prévaloir de ce que la condition suspensive relative à l'obtention d'un prêt, dont la défaillance est, comme il est dit supra, imputable à l'acquéreur au bénéfice duquel elle a été stipulée, doit être réputée accomplie pour l'application des clauses pénales en application de l'article 1304-3 du code civil aux termes duquel « La condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement.
La condition résolutoire est réputée défaillie si son accomplissement a été provoqué par la partie qui y avait intérêt. ».
A l'opposé, l'acquéreur ne peut invoquer les dispositions de l'article 1304-6 alinéa 3 du code civil selon lesquelles « En cas de défaillance de la condition suspensive, l'obligation est réputée n'avoir jamais existé » pour invoquer une supposée caducité de plein droit des promesses de vente.
Les vendeurs, qui n'agissent pas en réitération de la vente, n'ont pas par ailleurs à faire la démonstration de ce que les autres conditions suspensives seraient réalisées.
L'acquéreur ne plaide pas davantage utilement, à titre subsidiaire, que le fonds de commerce de la société [9] a été revendu finalement par la suite au même prix que celui auquel devait l'acheter la société SALIC 300 000 €, le prix de vente de l'immeuble étant pour sa part ignoré, moyens inopérants à l'égard des clauses pénales stipulées qui réparent de manière forfaitaire son inexécution contractuelle, de sorte qu'il n'est pas nécessaire pour son application de faire la preuve de l'existence d'un préjudice.
Sur le préjudice moral et financier des époux [V]
Le montant des clauses pénales octroyées supra a été stipulé de voir réparer de manière forfaitaire l'inexécution contractuelle imputable à l'une des parties, de sorte que les divers préjudices invoqués par les époux sont ainsi déjà réparés par la condamnation de l'acquéreur au paiement du montant de chacune de ces clauses, lesquelles ne sont pas manifestement excessives eu égard à la valeur des biens et à la durée de leur vaine immobilisation.
Il s'ensuit encore cour d'appel le rejet de leur demande en versement d'indemnités complémentaires, et le jugement sera approuvé sur ce point par substitution de motifs.
Sur les dommages et intérêts sollicités par l'agent immobilier
En cause d'appel, l'agent immobilier plaide utilement que l'acquéreur a renoncé à l'opération le 4 février 2021, alors que le délai de validité de l'"Accord de financement" (expressément intitulé comme tel dans les lettres de la banque du 5 novembre 2020 et du 3 décembre 2020, sans aucune réserve) expirait que le 3 mars 2021, sans constituer pour autant une date-butoir puisque la banque indiquait elle-même dans le même courriel « si les actes n'étaient pas régularisés à cette date, il conviendra de renouveler ledit accord » ; que la société SALIC a renoncé à l'opération le 4 février 2021 alors que la BPCE ainsi n'avait absolument pas refusé son financement ; que par ailleurs, dans sa lettre de renoncement à l'opération datée du 4 février 2021, la société SALIC indiquait renoncer à l'acquisition, ce qu'elle a réitéré dans sa lettre du 6 février 2021 en invoquant la caducité des contrats en cours, de sorte que c'est bien la société SALIC qui a décidé, de son propre chef, de renoncer à l'opération , sans jamais évoquer la circonstance soulevée à présent que cette renonciation serait la conséquence d'un refus de financement de sa banque ; qu'un tel refus, au demeurant, ne ressort d'aucun document produit, puisqu'au contraire l'offre de financement était toujours d'actualité pour expirer le 3 mars 2021, et encore cette date pouvant faire l'objet d'un report si nécessaire (« sauf prolongation ») ; que de surcroît le seul document de la PBCE daté du 5 février 2021, donc postérieurement au désistement de la société SALIC, indique que « sa cliente l'informe de ce que le dossier de crédit-bail est classé sans suite », ce qui démontre de plus fort que la banque a classé le dossier parce que l'acquéreur lui avait indiqué avoir renoncé à l'opération, et non en raison de quelque refus de sa part.
La faute contractuelle de l'acquéreur envers son cocontractant étant, de plus fort, établie, elle constitue également une faute délictuelle ayant causé un préjudice à un tiers aux contrats, l'agent immobilier.
Le jugement déféré a condamné la SAS SALIC au versement à la société Eyes wide shut des sommes qui auraient dû lui être versées en honoraires d'intermédiation pour la vente des murs, (36 000 euros) et pour la vente du fonds de commerce (12 000 euros), puisqu'en raison de la faute contractuelle de l'acquéreur, l'agent immobilier ne percevra pas les honoraires d'entremise prévus dans les deux promesses de vente, et que l'agent immobilier est donc fondé à demander à la société SALIC, sur un fondement délictuel, l'indemnisation de son préjudice, dont le montant s'élève au montant de la commission perdue.
Mais l'appelante fait valoir que le préjudice de l'agent immobilier ne peut consister que dans la perte d'une chance de percevoir sa commission, chance infime selon elle au regard des documents qui faisaient défaut, ce qui rendait la réalisation de la vente, en toute hypothèse, improbable. Elle invoque en ce sens un arrêt de la Cour de cassation 1ère chambre civile en date du 14 novembre 2019 (n° 18 ' 23.915)
La cour estime qu'en effet, compte tenu des difficultés de l'acquéreur pour trouver un financement autrement que par le crédit-bail pour lequel la banque sollicitait des documents avant de se porter elle-même acquéreur, l'obtention par la société SALIC du financement par la souscription d'un crédit-bail était encore affectée d'un aléa, de sorte que la réitération de chacune des ventes par acte authentique n'était pas certaine.
Dans ces conditions, l'agent immobilier, qui n'a droit en principe au montant de ses honoraires d'entremise qu'en cas de vente, n'a perdu en l'espèce, à raison de la faute contractuelle de la société SALIC envers les vendeurs qu'une chance de percevoir des honoraires d'entremise dans le cadre des ventes litigieuses.
La réparation de la perte d'une chance ne pouvant équivaloir à la chance perdue, cette perte certaine d'une chance moyenne, sera entièrement réparée par l'octroi de la somme de 18 000 € pour la vente de l'immeuble et 6 000 € pour la cession du fonds, soit un préjudice total de 24 000 € que la société SALIC sera condamnée à lui verser à titre de dommages-intérêts, étant observé qu'une condamnation indemnitaire ne porte intérêts au taux légal qu'à compter de la décision qui en fixe le montant, soit le présent arrêt.
Il convient de relever que le moyen de l'appelante relatif à la prétendue absence de diligences de la part de l'agent immobilier est sans emport, dans la mesure où le montant des honoraires d'entremise a été fixé de manière forfaitaire, comme l'acquéreur l'a expressément accepté. Ce dernier ne peut par conséquent opposer à l'agent immobilier qu'il n'aurait pas déployé tous les efforts nécessaires au succès de l'opération et qu'il ne pourrait prétendre à aucune rémunération.
Sur le moyen tiré de ce que les ventes de l'immeuble et du fonds de commerce ont eu lieu par la suite, au profit d'autres acquéreurs, de sorte que l'agent immobilier aurait perçu des honoraires et n'aurait subi en définitive aucun préjudice, la société Eyes wide shut répond sans être contredite que les ventes, réalisées postérieurement au dédit de la société SALIC, l'ont été sans son intervention.
En revanche la demande indemnitaire de l'agent immobilier au titre d'un préjudice moral rejetée en première instance sera encore écartée en cause d'appel, celui-ci ne rapportant pas la preuve de l'existence d'un dommage de ce chef pouvant justifier le versement de dommages et intérêts en sus de la perte des honoraires contractuellement prévus.
Sur les demandes de dommages et intérêts au titre des diagnostics, de la taxe foncière, et des frais de déménagement des époux [V], le tribunal de commerce a déjà exactement répondu par des motifs développés pertinents que les époux [V], la SARL [9] et la SCI Le Lion d'or demandent le remboursement du coût associé à l'établissement de diagnostics pour 3 074 euros, le remboursement de la taxe foncière pour 10 000 euros et le remboursement des frais de déménagement pour 10 000 euros, alors que d'une part que l'établissement de diagnostics dans le cadre d'une vente est soit obligatoire, soit souhaité par les acquéreurs ; et que d'autre part, concernant la taxe foncière, l'obligation de réparation se limite à replacer la victime dans la situation qui eût été la sienne si le dommage n'était pas survenu, alors qu'en toute hypothèse, la taxe foncière est supportée par celui qui demeure propriétaire ; et qu'enfin les demandeurs, à leurs risques et périls, ont déménagé sans attendre la signature de l'acte définitif, de sorte qu'ils devront donc garder ces frais à leur charge et seront déboutés de ces demandes.
De surcroît la plupart de ces dépenses furent utiles aux ventes qui sont intervenues finalement au profit du nouvel acquéreur.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur le dépôt de garantie
Le tribunal a retenu en ses motifs sur ce point que la SAS SALIC a versé entre les mains du notaire instrumentaire, Me [G], un dépôt de garantie d'une montant total de 45 000 euros, à valoir sur la cession immobilière des murs ; que les vendeurs ne poursuivent pas la vente forcée mais l'indemnisation des préjudices que leur a causé le refus illégitime de la SAS SALIC, en demandant l'application des clauses pénales ; et que ce faisant, la signature des actes authentiques définitifs n'interviendra pas, de sorte que le dépôt de garantie ne viendra pas en déduction de la vente, et qu'il doit donc être remboursé à la SAS SALIC ; que toutefois la somme de 90 000 euros due par la SAS SALIC à la SCI Le Lion d'or au titre de la clause pénale est supérieure au montant du dépôt de garantie ; dans ces conditions, ce montant de 45 000 euros, actuellement entre les mains du notaire, ne sera pas restitué à la SAS SALIC, mais sera versé par Me [O] [G] à la SCI Le Lion d'or dès la signification du jugement et viendra en déduction de la somme de 90 000 euros due par la SAS SALIC à la SCI SCI Le Lion d'or et le montant des intérêts calculés au taux légal à compter du 1er août 2020 jusqu'à la date du jugement viendront en déduction des sommes dues par la SARL SALIC à la SCI Le Lion d'or.
Le jugement aux termes d'un tel raisonnement, en son dispositif, dit à la fois :
" bien fondée la demande de la société SALIC de restitution du dépôt de garantie versé à la société Le Lion d'Or assortie des intérêts au taux légal sur la somme de 45 000 euros à compter du 1er août 2020 jusqu'à la date du jugement ; et que les intérêts ci-dessus viendront en déduction des sommes dues par la société SALIC à la société Le Lion d'Or" ;
Puis :
"dire que le montant de 45 000 euros actuellement entre les mains de Me [O] [G], notaire à [Localité 13], viendra en déduction de la somme de 90 000 euros due par la société SALIC à la société Le Lion d'Or et sera versée dès la signification du jugement à la société Le Lion d'Or."
Or l'avant contrat prévoit expressément que lorsque le montant de la clause pénale est alloué au vendeur, le montant du dépôt de garantie déjà versé par l'acquéreur lui soit acquis pour se déduire du montant de ladite clause (dès lors ne pouvant porter aucun intérêt au profit de l'acquéreur), de sorte qu'il n'y a pas lieu à quelque restitution, et encore moins avec intérêt, au profit de l'acquéreur défaillant.
Le jugement déféré sera partiellement infirmé en ce sens.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare recevables les conclusions de SCI Le Lion d'or notifiées le 17 janvier 2025 ;
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a dit bien fondée la demande de la société SALIC de restitution du dépôt de garantie versé à la société Le Lion d'Or assortie des intérêts au taux légal sur la somme de 45 000 euros à compter du 1er août 2020 jusqu'à la date du jugement, et en ce qu'il a dit que les intérêts ci-dessus viendront en déduction des sommes dues par la société SALIC à la société Le Lion d'Or ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés
Déboute la société SALIC de sa demande tendant à la restitution à son profit du dépôt de garantie ;
Confirme le jugement déféré pour le surplus ;
Y ajoutant
Condamne la SARL Société pour l'achat et la location d'immeubles commerciaux (SALIC) aux dépens d'appel,
Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier La présidente