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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 8, 14 octobre 2025, n° 25/08310

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 25/08310

14 octobre 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 14 OCTOBRE 2025

(n° / 2025 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 25/08310 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CLKKF

Décision déférée à la Cour : Jugement du 6 mai 2025 -Tribunal de commerce de BOBIGNY - RG n° 2024P02778

APPELANTE

S.A.S. NOLYB, représentée par Me [L] [P] de la SELAS MJS PARTNERS, en qualité de mandataire liquidateur,

Immatriculée au registre du commerce et dessociétés de BOBIGNY sous le numéro 822 901 054,

Dont le siège social est situé [Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Karim AZGHAY, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 220,

INTIMÉE

S.A.S. KRONENBOURG, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Immatriculée au registre du commerce et dessociétés de SAVERNE sous le numéro 775 614 308,

Dont le siège social est situé [Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP CAROLINE REGNIER AUBERT - BRUNO REGNIER, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050,

Assistée de Me Valérie MENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E1354,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 906 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 septembre 2025, en audience publique, devant la cour, composée de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,

Monsieur François VARICHON, conseiller, chargé du rapport,

Madame Isabelle ROHART, conseillère,

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

FAITS ET PROCÉDURE

La société par actions simplifiée Nolyb a été constituée en 2016. Elle exerce une activité d'exploitation de tous fonds de commerce de café, bar, brasserie, restaurant, vente à emporter.

Par jugement réputé contradictoire du 6 mai 2025, le tribunal de commerce de Bobigny, statuant sur assignation de la société Kronenbourg qui se prévalait d'une créance impayée de 14.700 euros résultant d'un jugement du 16 janvier 2024, a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Nolyb, nommé la société MJS Partners prise en la personne de Maître [P] en qualité de liquidateur judiciaire, fixé provisoirement au 3 avril 2024 la date de cessation des paiements et dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

Le 12 mai 2025, la société Nolyb a relevé appel de ce jugement. Cette instance a été enrôlée sous le numéro de RG 25/08310. Le 15 mai 2025, M. [G], agissant en qualité d'associé et de président de la société Nolyb, a également relevé appel de ce jugement. Cette instance a été enrôlée sous le numéro de RG 25/08982. Par ordonnance du 2 septembre 2025, la présidente de la chambre a joint la seconde instance à la première.

Par ordonnance du 12 juin 2025, le premier président a arrêté l'exécution provisoire du jugement dont appel.

Aux termes de ses conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 23 juin 2025, M. [G] ès qualités demande à la cour de:

- à titre principal, infirmer la décision dont appel en son intégralité, constater qu'elle n'est pas en état de cessation des paiements et dire n'y avoir lieu à liquidation judiciaire;

- condamner l'Etat à payer à la société Nolyb la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- à titre subsidiaire, ouvrir une procédure de redressement judiciaire.

Aux termes de ses conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 2 juillet 2025, la société Kronenbourg demande à la cour de:

- constater qu'elle s'en rapporte à justice sur la demande d'infirmation du jugement;

- condamner la société Nolyb à lui payer 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- réserver les dépens qui seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

Aux termes de ses conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 9 septembre 2025, la société MJS Partners ès qualités demande à la cour de:

- infirmer le jugement dont appel;

- statuer ce que de droit quant aux dépens.

L'instruction de l'affaire a été clôturée par ordonnance du 16 septembre 2025.

A l'issue des débats, la cour a demandé au conseil de la société Nolyb de lui faire parvenir un relevé de compte actualisé du compte CARPA ouvert au nom de cette dernière. Cette pièce lui a été communiquée par message RPVA du 17 septembre 2025, dont ont également été rendus destinataires les conseils de toutes les parties.

SUR CE,

Sur la demande d'infirmation du jugement ouvrant une procédure de liquidation judiciaire

A l'appui de sa demande, M. [G] ès qualités fait valoir que la société Nolyb a réglé la créance de la société Kronenbourg le 2 mai 2025; qu'à ce jour, la société Nolyb n'est pas en état de cessation des paiements puisqu'elle a payé toutes ses autres dettes et dispose d'une somme de 130.731 euros sur le compte CARPA de son conseil, outre une créance de 170.000 euros au titre du prêt vendeur qu'elle a consenti lors de la cession de son fonds de commerce intervenue le 17 décembre 2024.

La société Kronenbourg confirme l'existence du paiement invoqué par la société Nolyb et précise qu'elle n'en a eu connaissance que le 6 mai 2025, soit le jour du prononcé du jugement dont appel.

La société MJS Partners ès qualités explique que le montant du passif de la société Nolyb déclaré entre ses mains le 15 juillet 2025, date d'expiration du délai de déclaration de créance, s'élève à 115.267 euros; que sous réserve d'une actualisation de l'extrait du compte CARPA de son conseil, l'appelante n'est pas en état de cessation des paiements.

Aux termes de l'article L. 640-1 du code de commerce, il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.

L'article L. 631-1 du code de commerce définit la cessation des paiements comme l'impossibilité pour le débiteur de faire face au passif exigible avec son actif disponible. Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements.

La preuve de l'état de cessation des paiements doit être rapportée par celui qui demande l'ouverture de la procédure alors que la preuve de l'existence de réserves de crédit ou de moratoires lui permettant de faire face à son passif exigible incombe au débiteur.

En cas d'appel, l'état de cessation des paiements s'apprécie au jour où la cour statue.

a) Sur l'état de cessation des paiements

Il est constant que la créance de la société Kronenbourg à l'origine de la présente procédure a été finalement acquittée par la société Nolyb. Elle n'a d'ailleurs pas été déclarée au passif de cette dernière.

La liste des créances déclarées produite par la société MJS Partners ès qualités fait ressortir un montant total de passif de 115.267,08 euros décomposé comme suit:

- 27.138,30 euros et 24.528,20 euros de créances échues de la société BNP Paribas;

- 2.894,76 euros de créance échue de la société Café Richard;

- 6.809,11 euros de créance échue de la société EDF;

- 4.157,37 euros de créance échue de l'organisme Klesia;

- 9.328,66 euros de créance échue de la SACEM;

- 30.410,68 euros de créance échue de l'URSSAF, dont 30.000 euros déclarés à titre provisionnel.

La société Nolyb ne démontre pas qu'elle s'est acquittée de l'ensemble de ses dettes au vu des pièces auxquelles renvoient à cet égard ses conclusions.

Le passif exigible de la société Nolyb s'élève par conséquent à la somme de 85.267,08 euros, déduction faite de la créance déclarée à titre provisionnel par l'URSSAF, qui ne constitue pas un élément de passif exigible au sens des dispositions précitées.

S'agissant de l'actif disponible, l'extrait du compte CARPA du conseil de la société Nolyb, actualisé au 15 septembre 2025, révèle un solde créditeur de 45.731 euros, et non plus de 130.731 euros comme mentionné sur le relevé du 7 mai 2025.

En ce qui concerne la créance de 170.000 euros dont se prévaut la société Nolyb au titre du crédit vendeur consenti à l'acquéreur de son fonds de commerce, l'acte de cession du 17 décembre 2024 stipule que cette somme sera acquittée par l'acquéreur du fonds en 37 mensualités de 4.500 euros chacune suivies d'une dernière mensualité de 3.500 euros payables à compter du 1er avril 2025. Il s'ensuit que cette créance de 170.000 euros ne peut être considérée comme un élément d'actif réalisable immédiatement et avec certitude et ne constitue donc pas un élément de l'actif disponible de la société Nolyb.

Le passif exigible (85.267,08 euros) étant supérieur à l'actif disponible (45.731 euros), la société Nolyb est en cessation des paiements et relève d'une procédure collective.

b) Sur les possibilités de redressement de la débitrice

Il résulte des stipulations précitées du contrat de cession de fonds de commerce que la société Nolyb, sous réserve du respect de ses engagements par l'acquéreur, pourra disposer d'un revenu au moins égal au montant de l'échéance de paiement du solde du prix de cession, soit 4.500 euros par mois à compter du 1er avril 2025. Parallèlement, la cession de son fonds a nécessairement conduit à une réduction de ses charges d'exploitation.

Au vu de ces éléments, la société Nolyb apparaît en mesure de s'acquitter de son passif dans le cadre d'un plan.

Le redressement de la société Nolyb n'étant pas manifestement impossible, il convient d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, d'ouvrir un redressement judiciaire.

Le chiffre d'affaires et le nombre de salariés de la débitrice sont inférieurs aux seuils prévus aux articles L. 621-4 et R. 621-11 du code de commerce et il n'y a pas lieu d'user de la faculté offerte par le premier texte de désigner néanmoins un administrateur judiciaire.

c) sur la date de cessation des paiements

Le tribunal a fixé la date de cessation des paiements au 3 avril 2024, date de signification du jugement du tribunal de commerce ayant condamné la société Nolyb à payer la somme de 14.700 euros à la société Kronenbourg. Dans la mesure où il est apparu que cette dette avait été acquittée par la débitrice avant le prononcé du jugement d'ouverture, la date du 3 avril 2024 visée par le tribunal ne peut être pertinemment retenue pour fixer la date de cessation des paiements de la société Nolyb.

A défaut d'éléments versés aux débats permettant de déterminer précisément la date de cessation des paiements, celle-ci sera fixée à la date du présent arrêt conformément à l'article L. 631-8 du code de commerce.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. M. [G] ès qualités et la société Kronenbourg seront donc déboutées de leurs demandes de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Et, statuant à nouveau et y ajoutant,

Ouvre une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Nolyb, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Bobigny sous le numéro 822 901 054, dont le siège social est [Adresse 7],

Fixe la date de cessation des paiements au 14 octobre 2025,

Ouvre une période d'observation de six mois à compter du présent arrêt,

Désigne la société MJS Partners en la personne de Maître [L] [P], [Adresse 2] en qualité de mandataire judiciaire,

Désigne Maître [Y] [J], [Adresse 1], en qualité de commissaire-priseur afin de réaliser, s'il y a lieu, l'inventaire prévu par l'article L. 622-6 du code de commerce et la prisée de l'actif du débiteur,

Invite les délégués du personnel ou les salariés s'il en existe à désigner un représentant dans les conditions prévues par les articles L. 621-4 et L. 621-6 du code de commerce et à en communiquer le nom et l'adresse au greffe du tribunal de commerce de Paris,

Fixe à huit mois à compter du présent arrêt le délai de dépôt, par le mandataire judiciaire, de la liste des créances mentionnée à l'article L. 624-1 du code de commerce,

Renvoie l'affaire devant le tribunal de commerce de Bobigny pour la poursuite de la procédure et la désignation du juge-commissaire,

Rappelle que le greffe du tribunal de commerce de Paris devra procéder aux mentions et publicités prévues par la loi,

Déboute M. [G] ès qualités et la société Kronenbourg de leurs demandes au titre des frais irrépétibles,

Ordonne l'emploi des dépens de première instance et d'appel en frais privilégiés de procédure collective.

Liselotte FENOUIL

Greffière

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT

Présidente

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