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CA Lyon, 1re ch. civ. b, 14 octobre 2025, n° 24/07497

LYON

Arrêt

Autre

CA Lyon n° 24/07497

14 octobre 2025

N° RG 24/07497 - N° Portalis DBVX-V-B7I-P5J4

Décision du

Tribunal Judiciaire de SAINT ETIENNE

Au fond

du 11 juillet 2023

RG : 22/00644

ch n°1

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 14 Octobre 2025

APPELANTS :

Mme [H] [B]

née le 30 Juin 1962 à [Localité 7] (TURQUIE)

[Adresse 5]

[Localité 4]

M. [L] [Y]

né le 10 Octobre 1958 à [Localité 10] (TURQUIE)

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentés par Me Vincent DE FOURCROY de la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1102

ayant pour avocat plaidant Me François PAQUET-CAUET, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMES :

M. [F] [C]

né le 29 Mars 1964 à [Localité 9] (42)

[Adresse 2]

[Localité 3]

Mme [X] [A] épouse [C]

née le 12 Février 1970 à [Localité 9] (42)

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentés par Me Charlotte FARIZON, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE, toque : 2457

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 15 Mai 2025

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 24 Juin 2025

Date de mise à disposition : 14 Octobre 2025

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, président

- Stéphanie LEMOINE, conseiller

- Bénédicte LECHARNY, conseiller

assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [L] [Y] et Mme [H] [B] sont propriétaires à [Localité 9] ([Localité 8]) d'une parcelle de terrain nu cadastrée section CE n° [Cadastre 1].

M. [F] [C] et Mme [X] [A] épouse [C] sont propriétaires de la parcelle attenante, cadastrée section CE n° [Cadastre 6], depuis le 19 janvier 2001.

Soutenant qu'une construction rattachée au tènement immobilier de M. et Mme [C] empiète sur leur parcelle, M. [Y] et Mme [B] ont assigné M. [C] devant le tribunal judiciaire de Saint Etienne afin d'en obtenir la démolition.

Mme [C] est intervenue volontairement à l'instance.

Par jugement du 11 juillet 2023, le tribunal a :

- dit que l'assiette de l'empiétement allégué a été acquise par prescription acquisitive,

- débouté M. [Y] et Mme [B] de leurs demandes,

- condamné solidairement M. [Y] et Mme [B] à payer à M. et Mme [C] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné solidairement M. [Y] et Mme [B] aux entiers dépens de l'instance,

- déclaré n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision.

Par déclaration du 18 août 2023, Mme [B] et M. [Y] ont relevé appel du jugement.

Par une ordonnance du 21 mars 2024, le conseiller de la mise en état a ordonné la radiation de l'affaire et dit qu'elle pourra être réinscrite au rôle de la cour sur justification de l'exécution de la décision attaquée.

Le conseil de Mme [B] et M. [Y] ayant sollicité le rétablissement de l'affaire par un message RPVA du 10 septembre 2024, l'affaire a été réinscrite au rôle de la cour.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 15 novembre 2024, M. [Y] et Mme [B] demandent à la cour de :

- les déclarer recevables et bien fondés en leur appel,

- infirmer le jugement,

Et statuant à nouveau,

- condamner M. et Mme [C] à démolir sous astreinte de 500 euros par jour de retard la construction empiétant sur leur parcelle,

- débouter M. et Mme [C] de l'ensemble de leurs demandes,

- condamner M. et Mme [C] à la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance qui seront distraits au profit de Me de Fourcroy, avocat sur son affirmation de droit.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 12 février 2024, M. et Mme [C] demandent à la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement en ce qu'il déboute M. [Y] et Mme [B] de leurs demandes,

- infirmer le jugement en ce qu'il constate l'existence d'un empiètement,

Y ajoutant,

- dire que la dépendance contestée n'empiète pas sur le terrain de M. [Y] et Mme [B],

A titre subsidiaire,

- confirmer le jugement en ce qu'il :

- dit que l'assiette de l'empiètement a été acquise par prescription acquisitive,

- déboute M. [Y] et Mme [B] de leurs demandes,

- condamne solidairement M. [Y] et Mme [B] à leur payer la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne solidairement M. [Y] et Mme [B] aux entiers dépens de l'instance,

Y ajoutant,

- dire qu'ils ont acquis la dépendance contestée par prescription acquisitive abrégée,

A titre infiniment subsidiaire,

- confirmer le jugement en ce qu'il :

- dit que l'assiette de l'empiètement a été acquise par prescription acquisitive,

- déboute M. [Y] et Mme [B] de leurs demandes,

- condamne solidairement M. [Y] et Mme [B] à leur payer la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne solidairement M. [Y] et Mme [B] aux entiers dépens de l'instance,

Y ajoutant,

- dire qu'ils ont acquis la dépendance contestée par prescription acquisitive trentenaire,

A titre infiniment infiniment subsidiaire,

- confirmer le jugement en ce qu'il déboute M. [Y] et Mme [B] de leurs demandes,

Y ajoutant,

- dire qu'une servitude a minima de surplomb a été acquise par prescription acquisitive,

En tout état de cause,

- débouter M. [Y] et Mme [B] de leurs demandes,

- condamner solidairement M. [Y] et Mme [B] à leur payer la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement M. [Y] et Mme [B] aux entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 mai 2025.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur la demande de démolition sous astreinte et la prescription acquisitive

M. [Y] et Mme [B] font valoir que :

- aucune servitude n'est mentionnée dans leur acte d'acquisition ;

- cet acte ne mentionne pas non plus l'existence de la construction en cause ;

- il n'y a pas de prescription acquisitive trentenaire en l'absence de jouissance paisible depuis la sommation de justifier de la propriété ou de démolir qu'ils ont délivrée à M. et Mme [C] le 10 décembre 2018 ;

- seule une possession paisible s'étendant de l'acquisition du bien immobilier, en janvier 2001, à la sommation de décembre 2018 pourrait être potentiellement identifiée, soit une possession totale de 18 ans et non de 30 ans ;

- M. et Mme [C] ne rapportent pas la preuve d'une transmission de la possession ;

- le rapport d'expertise n'est pas contradictoire ;

- le délai abrégé de 10 ans doit être écarté car M. et Mme [C] n'ont pas de titre translatif de propriété s'agissant de l'édicule et ne paraissent pas de bonne foi.

M. et Mme [C] répliquent essentiellement :

à titre principal, que :

- il n'y a pas d'empiétement car il résulte de leur acte d'acquisition que l'immeuble est construit sur un terrain propre et qu'il contient « toutes ses aisances, appartenances et dépendances, sans aucune exception ni réserve » ;

subsidiairement, que :

- la dépendance a été acquise par prescription abrégée ;

- lors de l'acquisition de l'ensemble immobilier, la structure immobilière litigieuse était déjà présente et constitue une dépendance du bien immobilier ;

- ils ont acquis cette dépendance par juste titre et en toute bonne foi ;

- les témoins attestent que la structure immobilière existait au début des années 80 ;

- la possession est continue, publique et non équivoque ;

- la possession est paisible jusqu'à la sommation du 10 décembre 2018, en l'absence de contestation antérieure et d'actes de violence matérielle ou morale ;

à titre infiniment subsidiaire, que :

- l'assiette de l'empiétement a été acquise par prescription acquisitive trentenaire ;

- les attestations des anciens occupants du fonds de commerce, les photographies satellites et l'expert amiable confirment que la dépendance existait déjà au début des années 80, soit depuis plus de 30 ans ;

à titre infiniment infiniment subsidiaire, que :

- la structure immobilière a été rattachée et construite en même temps que leur immeuble ;

- elle est occupée de manière continue et visible de tous depuis plus de 30 ans ;

- ils ont donc acquis une servitude de surplomb par prescription, en application de l'article 690 du code civil et de la jurisprudence.

Réponse de la cour

Conformément à l'article 552 du code civil, la propriété du sol emporte la propriété du dessus et cette présomption ne peut être combattue que par la preuve contraire résultant d'un titre ou de la prescription acquisitive.

Et selon l'article 2272 du même code, le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de 30 ans.

Toutefois, celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans.

Enfin, il résulte de l'article 16 du code de procédure civile que le juge ne peut pas refuser d'examiner un rapport d'expertise établi à la demande d'une partie, dès lors que, régulièrement versé aux débats, il est soumis à la discussion contradictoire et qu'il est corroboré par d'autres éléments de preuve.

En l'espèce, l'existence d'une construction rattachée au tènement de M. et Mme [C], en surplomb de la parcelle appartenant à M. [Y] et Mme [B], est suffisamment démontrée par :

- le procès-verbal de constat établi le 20 novembre 2018 par Maître [P] [K], huissier de justice associé à [Localité 9], qui « constate la présence d'une structure immobilière dans le sud-ouest de la parcelle [de M. [Y] et Mme [B] ...] accolée au bâtiment à l'ouest de la parcelle »,

- le rapport d'expertise rédigé à l'initiative de l'assureur de protection juridique de M. et Mme [C], qui confirme que « sur la parcelle de [M. [Y] et Mme [B]] est présente une structure immobilière posée sur un mur de parpaings non enduit [qui...] n'apparaît pas sur les plans cadastraux »,

- les photographies versées aux débats par les parties qui permettent de constater qu'une construction accolée au mur de la parcelle des intimées est en surplomb au-dessus de la parcelle appartenant aux appelants.

Contrairement à ce que soutiennent M. et Mme [C], la propriété de la construction contestée ne résulte pas de leur acte d'acquisition qui ne fait pas expressément référence à cette construction.

Pour la même raison, M. et Mme [C] ne peuvent se prévaloir de la prescription abrégée dans la mesure où leur titre ne vise pas expressément cette structure, de sorte que les conditions de l'alinéa 2 de l'article 2272 ne sont pas réunies.

En revanche, il ressort du rapport d'expertise amiable qu'ils versent aux débats, corroboré par des photographies satellites et les attestations de M. [N] [S] et Mmes [E] [O] et [V] [G], anciens employés et gérante d'un fonds de commerce situé à l'emplacement de la parcelle des intimées, que la construction litigieuse existe à son emplacement actuel, en surplomb de la parcelle voisine, depuis au moins 1982.

Il est encore établi que la possession de cette extension a été transmise à M. et Mme [C] lors de l'acquisition, le 19 janvier 2001, de leur tènement immobilier, l'acte de vente mentionnant que l'immeuble vendu comporte « toutes ses aisances, appartenances et dépendances, sans aucune exception ni réserve ».

Il résulte de ces éléments que M. et Mme [C] justifie d'une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire à compter de 1982, c'est-à-dire pendant plus de 30 ans, la première contestation élevée par M. [Y] et Mme [B] remontant au 10 décembre 2018, date de la sommation de démolir.

Par conséquent, c'est à juste titre que le premier juge a considéré que les conditions de l'usucapion étaient réunies et, en conséquence, a débouté M. [Y] et Mme [B] de leur demande de démolition sous astreinte.

Ajoutant au jugement du tribunal qui n'était pas saisi de cette demande, la cour dit que M. et Mme [C] ont acquis la dépendance contestée par prescription acquisitive trentenaire.

2. Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance.

M. [Y] et Mme [B], partie perdante, sont condamnés solidairement aux dépens d'appel et à payer à M. et Mme [C] la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Dit que M. [F] [C] et Mme [X] [A] épouse [C] ont acquis par prescription acquisitive trentenaire la construction rattachée à leur tènement immobilier et située en surplomb de la parcelle de terrain appartenant à M. [L] [Y] et Mme [H] [B],

Condamne solidairement M. [L] [Y] et Mme [H] [B] à payer à M. [F] [C] et Mme [X] [A] épouse [C] la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne solidairement M. [L] [Y] et Mme [H] [B] aux dépens d'appel.

La greffière, La Présidente,

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