CA Rennes, 3e ch. com., 14 octobre 2025, n° 23/05099
RENNES
Arrêt
Autre
3ème Chambre Commerciale
ARRÊT N°293
N° RG 23/05099 - N° Portalis DBVL-V-B7H-UB5W
(Réf 1ère instance : 2022000178)
S.A.R.L. ALSIM LEASING
C/
S.E.L.A.R.L. APEX AJ
S.E.L.A.R.L. APEX AJ ( INTERVENANT FORCEE)
S.E.L.A.R.L. LMJ (INTERVENANT FORCEE)
S.A.S. [Localité 15] FLIGHT TRAINING
S.E.L.A.R.L. LMJ
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me CHAUDET
Me FERRE-GUITTENY
Me LHERMITTE
Copie certifiée conforme délivrée
le :
à : TC de [Localité 14]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 14 OCTOBRE 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Sophie RAMIN, Conseiller, Rapporteur
Assesseur : Madame Gwenola VELMANS, Conseillère, désignée par ordonnance de Monsieur le premier président de la cour d'appel de Rennes du 26 juin 2025
GREFFIER :
Madame Frédérique HABARE, lors des débats et Madame Julie ROUET lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 1er juillet 2025, devant M. Alexis CONTAMINE, Président de chambre, et Madame Sophie RAMIN, Conseillère, magistrats tenant seuls l'audience en la formation double rapporteurs, sans opposition des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Réputé contradictoire prononcé publiquement le 14 Octobre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
S.A.R.L. ALSIM LEASING
immatriculée au RCS de [Localité 14], sous le numéro 752 775 999, prise en la personne de son Gérant, domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 7]
[Localité 5]
Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP Jean-David CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Cyrille LEPINE, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉES :
S.A.S. [Localité 15] FLIGHT TRAINING
immatriculée au RCS d'[Localité 13] sous le numéro 885 268 664, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
(société en liquidation au cours de la procédure)
[Adresse 1]
[Localité 10]
Représentée par Me Séverine FERRE-GUITTENY de la SELARL AXLO, Postulant, avocat au barreau de NANTES
Représentée par Me Tatiana RICHAUD de la SELARL SELARL INTER BARREAU CABINET SGTR, Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES
S.E.L.A.R.L. APEX AJ
prise en la personne de Me [W],en qualité d'administrateur judiciaire de la SAS [Localité 15] FLIGHT TRAINING, désignée à ces fonctions aux termes du jugement du Tribunal de commerce d'AGEN en date du 26 juillet 2023
[Adresse 4]
[Localité 2]
INTIMEE non constituée
SELARL LMJ
prise en la personne de Me [P] [V] - en qualité de mandataire judiciaire de la SAS [Localité 15] FLIGHT TRAINING nommé à cette fonction par jugement du Tribunal de Commerce d'Agen du 26 juillet 2023
[Adresse 9]
[Localité 6]
INTIMEE non constituée
PARTIES ASSIGNEES EN INTERVENTION FORCEE :
S.E.L.A.R.L. LMJ
prise en la personne de Maître [P] [V], en qualité de liquidateur judiciaire de la société [Localité 15] FLIGHT TRAINING nommée à cette fonction par jugement du Tribunal de Commerce d'AGEN en date du 11 octobre 2023 qui a converti le redressement judiciaire en liquidation judiciaire,
[Adresse 8]
[Localité 6]
assignée en intervention forcée par acte de commissaire de justice du 09 novembre 2023 remis à personne morale
Représentée par Me Séverine FERRE-GUITTENY de la SELARL AXLO, Postulant, avocat au barreau de NANTES
Représentée par Me Tatiana RICHAUD de la SELARL SELARL INTER BARREAU CABINET SGTR, Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES
S.E.L.A.R.L. APEX AJ
prise en la personne de Me [W], son gérant
[Adresse 3]
[Localité 2]
assignée es nom en intervention forcée par acte de commissaire de justice en date du 08.11.2023 remis à Etude
et
assignée en qualité d'administrateur judiciaire de la SAS [Localité 15] FLIGHT TRAINING nommée à cette fonction par jugement du Tribunal de Commerce d'AGEN du 11.10.2023 qui a prononcé la liquidation judiciaire de la SAS [Localité 15] FLIGHT TRAINING
assignée en intervention forcée par acte de commissaire de Justice en date du 06.09.2024 remis à Etude
Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Chloé TARBOURIECH substituant Me Karim CHEBBANI de la SELARL CABINET CHEBBANI, Plaidant, avocat au barreau de TOULOUSE
Trois avions Diamond aircraft DA42 appartenant à la société Airways college ont été cédés à la société Bail actea laquelle les a donnés à bail à la société Alsim leasing selon contrats de crédit-bail du 6 mars 2015 au prix de 447 000 €.
Par un même contrat du 1er avril 2015, la société Alsim leasing a sous-loué à la société Airways college les trois avions [12] ainsi qu'un avion Socata TB10. La mise à disposition des avions s'entendait de « la location coque nue des trois avions DA42 + potentiel moteur restant à la date de la cession : 6 000 € HT/mois + TVA (...) » et de la « location coque nue du TB10 + potentiel moteur restant à la date de cession : 583,33 € HT/mois + TVA ».
Par jugement du 2 avril 2021, la société Airways college a été placée en liquidation judiciaire.
La société PFT aero a présenté une offre de reprise du fonds de commerce et des actifs de la société Airways college avec possibilité de substitution par la société [Localité 15] flight training.
Par jugement du 2 juillet 2021, le tribunal de commerce d'Agen a arrêté le plan de cession au profit de la société [Localité 15] flight training, avec possibilité de substitution au profit de l'une de ses filiales majoritaire. Il est d'ores et déjà relevé que le tribunal a indiqué dans sa décision que l'offre comportait la reprise de « trois contrats de location d'avions Alsim » et il était prévu la cession de l'avion TB10.
Par lettre du 7 juillet 2021, la société Alsim leasing a proposé à la société [Localité 15] flight training une priorité d'achat des quatre avions.
Aux termes d'une requête en omission de statuer, la société [Localité 15] flight training a demandé au tribunal de commerce d'Agen de rectifier ce qui était présenté comme une omission du dispositif à savoir la non-intégration aux contrats transférés de la sous-location par la société Alsim à la société [Localité 15] flight training des trois aéronefs DA42.
La société [Localité 15] flight training s'est désistée de cette requête.
S'en est suivi un contentieux relatif à la revendication de la propriété des trois avions DA42 et des moteurs par la société Bail actea devant le juge commissaire d'[Localité 11]. La société [Localité 15] flight training a fait valoir qu'elle était cessionnaire des actifs corporels de la société Airways college, que les moteurs lui appartenaient en ce que la sous-location des avions ne portait que sur les coques, à l'exclusion des moteurs dont la société Alsim leasing avait transféré la charge d'acquisition à la société Airways college.
En parallèle de ce contentieux relatif à la revendication, selon ordonnance du 8 octobre 2021 du tribunal de commerce d'Evry, la société [Localité 15] flight training a été enjointe à payer à la société Alsim, requérante, la somme de :
- 13 506,46 € en principal correspondant au montant de loyers impayés, courant du 9 juillet au 31 août 2021
- 2 025,90 € au titre de la clause pénale,
- 233,12 € au titre des intérêts contractuels.
La société [Localité 15] flight training a formé opposition et le dossier a été renvoyé devant le tribunal de commerce de Nantes.
L'avion Socata TB10 a été vendu par la société Alsim leasing à la [Localité 15] flight training.
Le 20 avril 2022, au cours des instances pendantes tant devant le tribunal de commerce de Nantes que devant le juge commissaire d'Agen, un protocole d'accord a été signé entre, d'un côté, les sociétés [Localité 15] flight training, PRT aero et Pack assets et leasing et, d'un autre côté, les sociétés Alsim leasing et Bail actea, pour régler les contentieux de revendication concernant les trois avions DA42.
Il était notamment prévu le rachat des aéronefs, moteurs et équipements par la société [Localité 15] flight training (ou toute société s'y substituant) à la société Alsim leasing, sous réserve de désistement des procédures pendantes devant le juge commissaire et la reconnaissance de la propriété des avions, moteurs et équipements à la société Bail actea. La société Alsim leasing s'engageait à la levée des options d'achat auprès de la société Bail actea et à régulariser les actes de vente. Les parties convenaient de renoncer à toute instance ou action relative à la propriété et l'état des aéronefs, moteurs et équipement et relative à l'exécution des contrats de sous-location et à se désister des procédures en cours dans les quinze jours de la signature. Les avions étaient laissés à la garde de la société [Localité 15] flight training.
En conséquence de ce protocole, la société Bail actea s'est désistée de son action devant le juge commissaire. Le juge commissaire a omis de prendre en compte les désistements corrélatifs des sociétés Alsim leasing et [Localité 15] flight training.
Par jugement aujourd'hui définitif du 2 août 2022, sur opposition contre la décision du juge commissaire, le tribunal de commerce d'Agen a dit la société Bail actea bien fondée en sa demande de restitution du matériel lui appartenant, a reconnu la propriété de la société Bail actea sur 3 des avions et a ordonné la restitution à celle-ci des avions « ainsi que de leurs moteurs et de l'ensemble du matériel et accessoires y afférents ». Le tribunal de commerce a constaté pour le surplus l'accord des parties et leur désistement.
A la suite de ce jugement et conformément au protocole, la société Alsim leasing a levé les options d'achat des crédits-bail pour les trois avions auprès de la société Bail actea.
Par lettre recommandée du 16 novembre 2022, la société Alsim leasing, considérant que la société [Localité 15] flight leasing n'avait pas obtenu le financement pour le rachat des avions dans le délai convenu au protocole a fait savoir qu'elle « constat(ait) la caducité du protocole ». La société [Localité 15] flight training a répliqué que les conditions suspensives avaient été levées et qu'il convenait de régulariser les cessions.
Les sociétés Paris flight training, PFT Aero et Pack assets et leasing ont saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Paris aux fins d'enjoindre à la société Alsim leasing de régulariser les cessions. Le juge des référés a renvoyé l'affaire devant le tribunal de commerce de Paris statuant au fond.
Par jugement le 6 juin 2023, le tribunal de commerce de Paris a débouté les sociétés Paris flight training, PFT Aero et Pack assets et leasing de leurs demandes de condamnation en exécution forcée du protocole et les a condamnées à restituer à la société Alsim leasing les avions, moteurs, équipements et documentations sous astreinte. Le tribunal de commerce a toutefois condamné la société Alsim leasing à indemniser les sociétés du groupe PFT pour sa mauvaise foi dans l'exécution du protocole en ce qu'elle ne s'est pas désistée des instances en cours contrairement aux sociétés du groupe PTF.
Selon procès-verbal de constat du 29 juin 2023, les avions ont été restitués.
Le 24 août 2023, appel a été porté contre ce jugement du tribunal de commerce de Paris,
La procédure d'opposition en injonction de payer, évoquée supra, a suivi son cours, la société Alsim leasing ne s'étant pas désistée dans les quinze jours du protocole ; les demandes de la société Alsim leasing ont été élargies aux fins d'obtenir le remboursement du coût d'immobilisation à compter de l'ordonnance en injonction de payer, soit une somme complémentaire réclamée de 155 543,85 € euros, outre la clause pénale et des frais divers.
Par jugement du 3 juillet 2023 du tribunal de commerce de Nantes :
- s'est déclaré compétent pour juger l'affaire,
- a débouté la société [Localité 15] flight training de sa demande de sursis à statuer,
- a débouté la société Alsim leasing de toutes ses demandes,
- a condamné la société Alsim leasing à payer à la société [Localité 15] flight training la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- a rappelé que l'exécution provisoire est de droit et que rien ne justifie qu'il y soit dérogé en application de l'article 514 du code de procédure civile,
- a condamné la société Alsim leasing aux entiers dépens dont frais de greffe liquidés à 88,72 euros toutes taxes comprises.
Par jugement du tribunal de commerce d'Agen du 26 juillet 2023, la société [Localité 15] flight training a été placée en redressement judiciaire, la société Apex AJ prise en la personne de M. [W] étant nommée en qualité d'administrateur judiciaire et la société LMJ prise en la personne de M. [V] étant nommée en qualité de mandataire judiciaire.
Par déclaration du 28 août 2023, la société Alsim leasing a formé appel du jugement du 3 juillet 2023 en désignant comme intimées :
- la société [Localité 15] flight training,
- la société Apex AJ prise en la personne de M. [W], en qualité d'administrateur judiciaire de la société [Localité 15] flight training (comme nommé par le tribunal de commerce d'Agen le 26 juillet 2023 dans le cadre du redressement judiciaire),
- la société LMJ prise en la personne de M. [V] en qualité de mandataire judiciaire de la société [Localité 15] Flight training.
La société Alsim leasing a déclaré sa créance.
Par jugement du 11 octobre 2023, le tribunal de commerce d'Agen a prononcé la liquidation judiciaire de la société [Localité 15] flight training. La société LMJ a été nommée liquidateur judiciaire et la société Apex AJ a été maintenue comme administrateur judiciaire.
Le 8 novembre 2023, la société Alsim leasing a assigné en intervention forcée la société Apex AJ prise en la personne de M. [W], en sa qualité propre.
Le 9 novembre 2023, la société Alsim leasing a assigné en intervention forcée la société LMJ prise en la personne de Mme [V], en qualité de liquidateur judiciaire.
Le 6 septembre 2024, la société Alsim leasing a assigné en intervention forcée la société Apex AJ prise en la personne de M. [W], en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société [Localité 15] flight training dans le cadre de la liquidation judiciaire.
Par ordonnance du 13 février 2025 le conseiller de la mise en état a :
- constaté que la société Apex AJ n'a pas constitué avocat en tant qu'intimée
- déclaré irrecevables les conclusions d'incident de la société Apex AJ déposée en qualité d'intimée,
- constaté la reprise de l'instance interrompue au 13 février 2025,
- dit n'y avoir lieu à déclarer irrecevables les autres conclusions d'incident des parties,
- dit n'y avoir lieu à caducité de l'appel,
- constaté la recevabilité des conclusions au fond jusqu'à cette date,
- déclaré irrecevable la demande d'irrecevabilité de l'intervention forcée formalisée à l'encontre de la société Apex AJ en sa qualité propre,
- rejeté la demande d'injonction à la société Apex AJ prise en la personne de M. [J] [W] d'avoir à justifier de la durée de son mandat en sa qualité d'administrateur nommé par le jugement du tribunal de commerce d'Agen du 11 octobre 2023,
- dit que les dépens de l'incident suivront le sort de ceux de l'instance au fond,
- rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté toutes autres demandes des parties.
Les dernières conclusions de la société Alsim leasing ont été déposées le 19 juin 2025.
Les dernières conclusions de la société Apex AJ en sa qualité propre ont été déposées le 18 juin 2025.
Les dernières conclusions de la société Apex AJ comme administrateur dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société [Localité 15] flight training ont été déposées le 6 décembre 2024.
Les dernières conclusions de la société LMJ en qualité de liquidateur judiciaire de la société [Localité 15] flight training ont été déposées le 18 juin 2025.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 juin 2025.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
La société Alsim leasing demande à la cour de :
- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Nantes,
- juger que la créance d'Alsim leasing sur [Localité 15] flight training est établie et de fixer celle-ci au montant de 319 177,32 € TTC,
- juger la fixation de la créance d'Alsim d'un montant de 319 177,32 € au passif de la société [Localité 15] flight training,
- débouter la société [Localité 15] flight training de l'intégralité de ses demandes,
- juger que le jugement du tribunal de commerce d'Agen a statué infra petita et qu'il convient de constater la décision de transfert judiciaire du contrat de sous-location des 3 avions DA 42,
- condamner la société [Localité 15] flight training solidairement avec, à titre reconventionnel, la société Apex AJ au paiement de la somme de 319 177,32 € TTC au profit d'Alsim leasing,
- condamner al société [Localité 15] flight training solidairement avec la société Apex au paiement de la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
La société LMJ prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société [Localité 15] flight training demande à la cour de :
- débouter la société Alsim leasing de son appel, de toutes demandes, fins et conclusions,
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
- juger que la société Alsim leasing aurait dû se désister et / ou renoncer à toutes ses demandes, instance et action devant le tribunal de commerce de Nantes et devant le JEX du tribunal Judiciaire d'Agen et à renoncer à toute décision relative à ces instances et actions, en application des articles III et VIII du protocole d'accord du 20 avril 2022,
- juger en conséquence abusifs et non fondés l'instance et l'appel régularisé par la société Alsim leasing,
- déclarer irrecevable la demande tenant à voir juger que le jugement du tribunal de commerce d'Agen (du 2 juillet 2021) a statué ultra petita et qu'il convient de constater la décision du transfert judiciaire du contrat de sous location des 3 avions DA42,
- déclarer irrecevables et parfaitement infondées les demandes de condamnations à paiement formulées contre [Localité 15] flight training solidairement avec la société Apex,
- condamner la société Alsim leasing au paiement de la somme de 15.000 euros à [Localité 15] flight training, représentée par son liquidateur judiciaire pour appel abusif,
- condamner la société Alsim leasing à verser 10.000 euros à la liquidation judiciaire de [Localité 15] flight training à titre de dommages-intérêts pour avoir concouru, par sa procédure intempestive à leur cessation des paiements et à l'ouverture de leur procédure collective,
- condamner la société Alsim leasing au paiement de la somme de 15.000 euros à [Localité 15] flight training, représentée par son liquidateur judiciaire, en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d'appel,
- assortir ces condamnations d'une astreinte de 500,00 euros par jour de retard à compter d'un délai de 8 jours suivant la date de signification de la décision à intervenir, et ce jusqu'à pleine et entière exécution et mettre à sa charge tous frais d'exécution.,
- se réserver de liquider l'astreinte.
La société Apex AJ en sa qualité propre demande à la cour de :
- rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et en tout cas mal fondées,
- juger irrecevable l'intervention forcée de la société Apex AJ en sa qualité propre pour la première fois en cause d'appel par la société Alsim leasing,
- juger irrecevables les demandes de la société Alsim leasing à ce titre,
- débouter la société Alsim leasing de ses demandes,
- confirmer le jugement dont appel,
en toute hypothèse,
- condamner la société Alsim leasing à payer à la société Apex AJ la somme de 8.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Alsim leasing aux entiers dépens.
La société Apex prise en sa qualité d'administrateur judiciaire dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société [Localité 15] flight training demande à la cour de :
- débouter la société Alsim leasing de l'intégralité de ses demandes,
- confirmer le jugement,
- condamner la société Alsim leasing à payer à la société Apex AJ prise en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société [Localité 15] flight training désigné aux termes du jugement de liquidation judiciaire, la somme de 8.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Alsim leasing aux entiers dépens.
Il est renvoyé aux dernières écritures des parties visées supra pour l'exposé complet de leurs moyens et prétentions.
DISCUSSION
Il est relevé que bien que la société LMJ ès qualités fasse valoir dans sa motivation l'incompétence du tribunal de commerce de Nantes pour statuer sur l'opposition en injonction de payer, elle demande, dans son dispositif la confirmation du jugement dont appel par lequel le tribunal de commerce de Nantes s'est déclaré compétent.
Sur la demande au titre des loyers échus
La société Alsim leasing fait valoir, en substance, que :
- soit le tribunal de commerce d'Agen par son jugement arrêtant le plan de cession a implicitement ordonné le transfert des contrats de sous-location des trois avions DA 42, ce dont il convient de tenir compte,
- soit le tribunal de commerce d'Agen par son jugement arrêtant le plan de cession a statué infra petita et commis une erreur en ce qu'il n'a pas mentionné en son dispositif que les contrats de sous-location des avions passés entre la société Alsim leasing et la société Airways college étaient repris, et qu'il conviendrait que la cour d'appel de Rennes statue sur le transfert des contrats de sous-location « en raison de l'effet dévolutif ».
Elle ajoute qu'il doit être considéré que les contrats ont été transférés en ce que l'administrateur judiciaire et la société [Localité 15] flight training ont, par leur requête en rectification matérielle, reconnu la volonté de la société [Localité 15] flight training de reprendre lesdits contrats.
Il n'est pas contesté que le jugement du tribunal de commerce d'Agen arrêtant le plan de cession est définitif.
L'article L.642-7 du code de commerce dispose :
« Le tribunal détermine les contrats de crédit-bail, de location ou de fourniture de biens ou services nécessaires au maintien de l'activité au vu des observations des cocontractants du débiteur transmises au liquidateur ou à l'administrateur lorsqu'il en a été désigné (...) »
L'offre de reprise par la société [Localité 15] flight training, versée aux débats, a expressément exclu les contrats de sous-location conclus avec la société Alsim leasing en ces termes :
« 7. Reprise des contrats
(...) C- cas particulier des contrats de leasing (aeronefs et simulateurs)
L'ensemble des contrats de location d'avions (24 aeronefs) et de simulateurs (3 unités) sont exclus du périmètre de reprise en raison de leur totale décorrélation d'avec les besoins réels (...) et d'avec les contraintes réelles de l'école de formation (...).
Nous demandons expressément au tribunal que ces contrats ne soient pas considérés comme nécessaires à la poursuite de l'activité, au titre du L.642-7 du code de commerce.
Au cas particulier des contrats de location d'avions Alsim (3 avions), nous ne souhaitons pas reprendre en l'état des leasings négociés à l'avantage de l'ancienne direction. [sic] Une volonté de renégociation de ces contrats constitue le fondement de notre décision ».
Aucune démonstration d'une renégociation de ces contrats avec la société Alsim leasing n'est établie avant l'audience devant le tribunal de commerce.
La note d'audience n'est pas versée aux débats par les parties permettant de vérifier que l'offre présentée à l'audience aurait été différente de l'offre de reprise exposée ci-dessus.
Si, dans la présentation des offres de reprise, le tribunal d'Agen indique que, pour la société [Localité 15] flight training, « trois contrats de location d'avions Alsim sont repris », il n'est pourtant pas précisé qu'il s'agirait d'une offre améliorée à l'audience.
Surtout, dans les motifs du jugement, il n'est pas évoqué de modification de l'offre initiale et la reprise de ces contrats n'est pas abordée.
Dans le dispositif du jugement, le tribunal n'a ordonné, en application des dispositions de l'article L.647-2 du code de commerce, que le transfert de contrats qu'il a expressément listés, dont ne font pas partie les contrats de sous-location des avions.
La seule référence à ces contrats dans la présentation des offres est insuffisante pour constater leur cession judiciaire.
L'administrateur judiciaire et la société [Localité 15] flight training ont certes déposé une requête en rectification d'une « omission matérielle » en soutenant que si la formulation de l'offre, telle que rappelée supra, « eût pu être différente », il convenait de transférer les contrats de sous-location conclus avec la société Alsim leasing. Toutefois, ils s'en sont désistés par la suite. Aucune volonté non équivoque de poursuivre les contrats de sous-location ne peut dès lors être déduit de leur première démarche.
Par ailleurs, la cour d'appel de Rennes qui n'est pas saisie d'un appel du jugement du tribunal de commerce d'Agen arrêtant le plan, n'a aucune compétence pour statuer sur une éventuelle omission dans un jugement ayant autorité de chose jugée. La demande telle que présentée à cet égard est irrecevable.
En conséquence, il ne peut qu'être considéré que les contrats n'ont pas été transférés par le jugement définitif du tribunal de commerce d'Agen de sorte que la société [Localité 15] flight training n'est redevable d'aucun loyer ni de la clause pénale visée aux dits contrats.
Sur les indemnités au titre de l'immobilisation des avions
La société Alsim leasing fait valoir qu'en l'absence de transfert des contrats de sous-location, la société [Localité 15] flight training doit être tenue à des dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle pour avoir immobilisé des avions sur une période courant du 9 juillet 2021 au 29 juin 2023 (page 18 de ses conclusions). Elle soutient que l'immobilisation des avions n'avaient aucun fondement sérieux et ne pouvait se réaliser sans contrepartie financière et ajoute que le protocole d'accord signé le 20 avril 2022 est caduc et n'exonère pas la société [Localité 15] flight training du paiement des indemnités d'immobilisation.
La société Alsim leasing demande une indemnité au titre du coût d'immobilisation des avions correspondant au loyer initialement prévu dans les contrats de sous-location par avion, les intérêts, une somme de 2000 € par avion qui correspondrait à des frais administratifs, les frais d'assurance et le prix des avoirs qu'elle aurait consentis sur le montant de la cession.
Selon l'article 1240 du code civil,
« tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer. »
Il appartient à la société Alsim leasing de justifier d'une faute de la société [Localité 15] flight training de nature délictuelle en lien avec un préjudice déterminé.
Il convient de rappeler qu'aucune faute ne peut être reprochée à la société [Localité 15] flight training du fait de la non reprise des contrats de sous-location dans le cadre du plan de redressement de la société Airways college.
La société Aslim leasing, qui n'était pas la propriétaire des avions avant le transfert de propriété de ceux-ci, le 16 décembre 2022, selon les documents administratifs produits, et ce, consécutivement à la levée des options d'achat auprès de Bail actea, n'explicite pas, aux termes de ses écritures, quel serait le préjudice effectivement subi en sa qualité de locataire des avions avant cette date. Elle n'allègue ni le paiement de loyers à perte auprès de la société Bail actea sur la période considérée ni une perte de chance d'avoir pu relouer les avions.
Elle ne justifie pas que le montant de l'assurance multirisques aviation auprès de la société Axa soit en rapport avec les avions objet du litige (pièce 19).
En outre, aucun lien n'est démontré entre une éventuelle dégradation des avions et la « credit note » établie en faveur de la société Icare leasing (pièce 52). Il est d'ailleurs relevé que seules les pages 1, 2 et 13 de l'expertise amiable réalisée avant la restitution des avions à sa demande sont produites, lesquelles ne comportent aucun constat de l'état des avions.
Surtout, aux termes du protocole signé entre les parties, des discussions avaient cours pour le rachat des avions par la société [Localité 15] flight training ce qui justifiait l'immobilisation des avions le temps que la société Bail actea soit reconnue propriétaire des biens, que la société Aslim leasing puisse lever les options d'achat et que la société [Localité 15] flight training obtienne les financements.
Les parties avaient convenu que « pendant toute la durée du protocole les 3 aéronefs seront sous la garde exclusive de [Localité 15] flight training qui en assurera, l'entretien, la maintenance, la gestion de la navigabilité et les assurance (...) ». Aucun loyer ou indemnisation n'était envisagé et la société Aslim s'était engagée à se désister de son action dans le cadre de la présente procédure en injonction de payer.
Comme l'a rappelé le tribunal de commerce de Paris, dont la décision a force de chose jugée, le protocole d'accord a prévu qu'en cas de non obtention des financements, la sanction posée par le protocole n'était pas sa caducité mais l'acquisition au profit de la société Alsim de l'avance de 30 000 € payée par la société Paris flight training pour l'achat des avions.
En tout état de cause, il est rappelé qu'en application de l'article 1187 du code civil, lorsque la caducité est constatée, elle n'a d'effet que pour l'avenir. Si des restitutions peuvent être décidées, le contrat n'est pas rétroactivement anéanti. L'absence de contrepartie à la garde des avions n'est pas remise en cause.
La société Alsim n'a été mise en mesure de vendre les avions à la société [Localité 15] flight training, comme prévu au protocole, qu'à compter de la date à laquelle elle en est devenue la propriétaire soit le 16 décembre 2022 au titre des seuls documents administratifs datés versés aux débats.
Toutefois, en raison du contentieux existant entre la société Paris flight training et la société Alsim leasing sur l'exécution forcée du protocole, ce n'est que par le jugement exécutoire du tribunal de commerce de Paris que l'obligation de restitution des avions a été imposée à la société [Localité 15] flight training.
L'éventuel préjudice de la société Alsim n'a pu courir qu'entre la date de signification de ce jugement exécutoire par provision qui rendait, de fait, inapplicable la poursuite du protocole, et la date de restitution des avions.
Toutefois, il ressort du procès-verbal de constat du 29 juin 2023 que les avions ont été mis à disposition de la société Alsim depuis la signification du jugement le 26 juin 2023.
Il résulte de l'ensemble qu'en l'absence de démonstration d'une faute et de préjudices en lien avec celle-ci, la responsabilité de la société [Localité 15] flight training ne peut être engagée.
Le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes formées par la société Alsim leasing à l'encontre de la société [Localité 15] flight training et y ajoutant, il convient de rejeter la demande de fixation de sa créance.
Sur le recours à l'encontre de l'administrateur judiciaire en sa qualité propre
La société Alsim fait valoir que l'administrateur judiciaire, tant en sa qualité d'administrateur de la société Aiways college que postérieurement à la fin de sa mission d'assistance, a engagé sa responsabilité en ce qu'il a commis plusieurs fautes graves et intentionnelles justifiant sa condamnation solidaire à réparer le préjudice sus évoqué.
La société Apex AJ fait valoir l'irrecevabilité de l'intervention forcée à l'encontre d'une personne non partie en première instance.
La société Apex AJ en sa qualité propre n'était pas partie en première instance.
En application des articles 555 du code de procédure civile, et en l'absence d'une justification d'une évolution du litige né du jugement ou modifiant les données de celui-ci, l'intervention forcée de l'administrateur aux fins de voir engager sa responsabilité personnelle s'agissant de faits qui étaient, au surplus, connus de la société Alsim dès avant la première instance, est irrecevable.
Il convient de déclarer irrecevable l'intervention forcée de la société Apex AJ en sa qualité propre.
Sur les demandes formées à l'encontre de la société Apex AJ en sa qualité d'administrateur de la société [Localité 15] flight training
La société Alsim fait valoir, qu'en cette qualité également, la société Apex AJ a commis des fautes justifiant sa condamnation solidaire à réparer le préjudice sus évoqué.
La société Apex AJ n'a été intimée qu'en qualité d'organe de la procédure de redressement puis, en intervention forcée, comme organe de la procédure de liquidation judiciaire.
En tout état de cause, la société Apex AJ n'a été désignée administrateur de la société [Localité 15] flight training que le 26 juillet 2023, soit postérieurement à la restitution des avions de sorte que sa responsabilité ne peut être engagée au titre d'un préjudice allégué dont la cause est antérieure.
Les demandes seront intégralement rejetées.
Sur les demandes reconventionnelles de la société LMJ ès qualités
La société LMJ ès qualités fait valoir que la société Alsim a agi de manière abusive en justice en maintenant sa procédure en injonction de payer alors qu'elle savait que les contrats de sous-location n'avaient pas été transmis à la société [Localité 15] flight training et qu'elle s'était engagée aux termes du protocole à se désister de cette procédure, puis en poursuivant la procédure en appel.
Si la société [Localité 15] flight training pouvait agir en justice pour faire valoir ses droits en estimant qu'elle était le bailleur des avions détenus par la société [Localité 15] flight training à l'issue de l'arrêt du plan de cession de la société Airways college, elle a cependant fait preuve d'une particulière déloyauté en ne respectant pas les termes du protocole qui lui imposait de se désister de cette instance alors que, dans le même temps, la société [Localité 15] flight training s'était désistée de ses demandes dans le cadre de la procédure en revendication de la propriété des avions et de ses équipements. Ce comportement a toutefois déjà été sanctionné par le tribunal de commerce de Paris dont la décision a force de chose jugée et la société [Localité 15] flight training a été indemnisée de son préjudice.
En revanche, en persistant par son appel à ne pas respecter le protocole qui prévoyait qu'elle devait se désister de la présente procédure, elle a, au minimum, causé un nouveau préjudice moral à la société [Localité 15] flight training qui sera justement réparé par une somme de 3 000 €.
En conséquence, il convient de condamner la société Alsim à payer une somme de 3 000 € au liquidateur judiciaire ès qualités.
La société LJM ès qualités fait valoir que le comportement de la société Alsim a en outre participé à la cessation des paiements de la société [Localité 15] flight training et à l'ouverture de la procédure collective.
Le jugement d'ouverture de la procédure collective de la société [Localité 15] flight training prend en compte un passif déclaré de 2 885 410 €. Il est évoqué des difficultés liées à un litige de sa filiale et l'augmentation du coût des matières premières sans autre explication.
Il n'est pas versé aux débats d'éléments permettant d'apprécier un éventuel impact de la présente procédure dans la survenance de la cessation des paiements de la société [Localité 15] flight training.
Le jugement du tribunal de commerce de Paris, lequel a force de chose jugée, ne peut être remis en cause par la cour d'appel de Rennes, de sorte que si la restitution des avions et l'échec de leur vente a pu précipiter la cessation des paiements, ce qui n'est pas établi, ce n'est pas du fait de la société Alsim.
La demande à ce titre est rejetée.
Dépens et frais irrépétibles
Le jugement de première instance est confirmé.
Succombant principalement à l'instance, la société Alsim sera condamnée aux dépens de l'appel et à payer :
- à la société LMJ ès qualités la somme de 5 000 € au titre des frais irrépétibles,
- à la société Apex AJ en sa qualité propre la somme de 5 000 € au titre des frais irrépétibles,
- à la société Apex AJ en sa qualité d'administrateur de la société [Localité 15] flight training, la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Déclare irrecevable l'intervention forcée de la société Apex AJ en sa qualité propre,
Déclare irrecevable la demande tenant à voir « juger que le jugement du tribunal de commerce d'Agen a statué infra petita et qu'il convient de constater la décision de transfert judiciaire du contrat de sous location des trois avions DA 42 »,
Confirme le jugement,
y ajoutant,
Rejette la demande de fixation des créances,
Rejette les demandes formées par la société Alsim à l'encontre de la société Apex AJ, prise en la personne de M. [W], en sa qualité d'administrateur de la société [Localité 15] flight training,
Condamne la société Alsim à payer à la société LMJ, prise en la personne de Mme [P] [V], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société [Localité 15] flight training la somme de 3 000 € au titre du préjudice lié à la procédure abusive,
Rejette les autres demandes indemnitaires de la société LMJ, prise en la personne de Mme [V], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société [Localité 15] flight training,
Condamne la société Alsim à payer à la société LMJ, prise en la personne de Mme [P] [V], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société [Localité 15] flight training la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Alsim à payer à la société Apex AJ, prise en la personne de M. [W], en sa qualité propre la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Alsim à payer à la société Apex AJ, prise en la personne de M. [W], en sa qualité d'administrateur de la société [Localité 15] flight training la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Alsim aux dépens d'appel,
Rejette toute autre demande des parties,
LE GREFFIER LE PRESIDENT
ARRÊT N°293
N° RG 23/05099 - N° Portalis DBVL-V-B7H-UB5W
(Réf 1ère instance : 2022000178)
S.A.R.L. ALSIM LEASING
C/
S.E.L.A.R.L. APEX AJ
S.E.L.A.R.L. APEX AJ ( INTERVENANT FORCEE)
S.E.L.A.R.L. LMJ (INTERVENANT FORCEE)
S.A.S. [Localité 15] FLIGHT TRAINING
S.E.L.A.R.L. LMJ
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me CHAUDET
Me FERRE-GUITTENY
Me LHERMITTE
Copie certifiée conforme délivrée
le :
à : TC de [Localité 14]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 14 OCTOBRE 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Sophie RAMIN, Conseiller, Rapporteur
Assesseur : Madame Gwenola VELMANS, Conseillère, désignée par ordonnance de Monsieur le premier président de la cour d'appel de Rennes du 26 juin 2025
GREFFIER :
Madame Frédérique HABARE, lors des débats et Madame Julie ROUET lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 1er juillet 2025, devant M. Alexis CONTAMINE, Président de chambre, et Madame Sophie RAMIN, Conseillère, magistrats tenant seuls l'audience en la formation double rapporteurs, sans opposition des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Réputé contradictoire prononcé publiquement le 14 Octobre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
S.A.R.L. ALSIM LEASING
immatriculée au RCS de [Localité 14], sous le numéro 752 775 999, prise en la personne de son Gérant, domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 7]
[Localité 5]
Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP Jean-David CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Cyrille LEPINE, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉES :
S.A.S. [Localité 15] FLIGHT TRAINING
immatriculée au RCS d'[Localité 13] sous le numéro 885 268 664, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
(société en liquidation au cours de la procédure)
[Adresse 1]
[Localité 10]
Représentée par Me Séverine FERRE-GUITTENY de la SELARL AXLO, Postulant, avocat au barreau de NANTES
Représentée par Me Tatiana RICHAUD de la SELARL SELARL INTER BARREAU CABINET SGTR, Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES
S.E.L.A.R.L. APEX AJ
prise en la personne de Me [W],en qualité d'administrateur judiciaire de la SAS [Localité 15] FLIGHT TRAINING, désignée à ces fonctions aux termes du jugement du Tribunal de commerce d'AGEN en date du 26 juillet 2023
[Adresse 4]
[Localité 2]
INTIMEE non constituée
SELARL LMJ
prise en la personne de Me [P] [V] - en qualité de mandataire judiciaire de la SAS [Localité 15] FLIGHT TRAINING nommé à cette fonction par jugement du Tribunal de Commerce d'Agen du 26 juillet 2023
[Adresse 9]
[Localité 6]
INTIMEE non constituée
PARTIES ASSIGNEES EN INTERVENTION FORCEE :
S.E.L.A.R.L. LMJ
prise en la personne de Maître [P] [V], en qualité de liquidateur judiciaire de la société [Localité 15] FLIGHT TRAINING nommée à cette fonction par jugement du Tribunal de Commerce d'AGEN en date du 11 octobre 2023 qui a converti le redressement judiciaire en liquidation judiciaire,
[Adresse 8]
[Localité 6]
assignée en intervention forcée par acte de commissaire de justice du 09 novembre 2023 remis à personne morale
Représentée par Me Séverine FERRE-GUITTENY de la SELARL AXLO, Postulant, avocat au barreau de NANTES
Représentée par Me Tatiana RICHAUD de la SELARL SELARL INTER BARREAU CABINET SGTR, Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES
S.E.L.A.R.L. APEX AJ
prise en la personne de Me [W], son gérant
[Adresse 3]
[Localité 2]
assignée es nom en intervention forcée par acte de commissaire de justice en date du 08.11.2023 remis à Etude
et
assignée en qualité d'administrateur judiciaire de la SAS [Localité 15] FLIGHT TRAINING nommée à cette fonction par jugement du Tribunal de Commerce d'AGEN du 11.10.2023 qui a prononcé la liquidation judiciaire de la SAS [Localité 15] FLIGHT TRAINING
assignée en intervention forcée par acte de commissaire de Justice en date du 06.09.2024 remis à Etude
Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Chloé TARBOURIECH substituant Me Karim CHEBBANI de la SELARL CABINET CHEBBANI, Plaidant, avocat au barreau de TOULOUSE
Trois avions Diamond aircraft DA42 appartenant à la société Airways college ont été cédés à la société Bail actea laquelle les a donnés à bail à la société Alsim leasing selon contrats de crédit-bail du 6 mars 2015 au prix de 447 000 €.
Par un même contrat du 1er avril 2015, la société Alsim leasing a sous-loué à la société Airways college les trois avions [12] ainsi qu'un avion Socata TB10. La mise à disposition des avions s'entendait de « la location coque nue des trois avions DA42 + potentiel moteur restant à la date de la cession : 6 000 € HT/mois + TVA (...) » et de la « location coque nue du TB10 + potentiel moteur restant à la date de cession : 583,33 € HT/mois + TVA ».
Par jugement du 2 avril 2021, la société Airways college a été placée en liquidation judiciaire.
La société PFT aero a présenté une offre de reprise du fonds de commerce et des actifs de la société Airways college avec possibilité de substitution par la société [Localité 15] flight training.
Par jugement du 2 juillet 2021, le tribunal de commerce d'Agen a arrêté le plan de cession au profit de la société [Localité 15] flight training, avec possibilité de substitution au profit de l'une de ses filiales majoritaire. Il est d'ores et déjà relevé que le tribunal a indiqué dans sa décision que l'offre comportait la reprise de « trois contrats de location d'avions Alsim » et il était prévu la cession de l'avion TB10.
Par lettre du 7 juillet 2021, la société Alsim leasing a proposé à la société [Localité 15] flight training une priorité d'achat des quatre avions.
Aux termes d'une requête en omission de statuer, la société [Localité 15] flight training a demandé au tribunal de commerce d'Agen de rectifier ce qui était présenté comme une omission du dispositif à savoir la non-intégration aux contrats transférés de la sous-location par la société Alsim à la société [Localité 15] flight training des trois aéronefs DA42.
La société [Localité 15] flight training s'est désistée de cette requête.
S'en est suivi un contentieux relatif à la revendication de la propriété des trois avions DA42 et des moteurs par la société Bail actea devant le juge commissaire d'[Localité 11]. La société [Localité 15] flight training a fait valoir qu'elle était cessionnaire des actifs corporels de la société Airways college, que les moteurs lui appartenaient en ce que la sous-location des avions ne portait que sur les coques, à l'exclusion des moteurs dont la société Alsim leasing avait transféré la charge d'acquisition à la société Airways college.
En parallèle de ce contentieux relatif à la revendication, selon ordonnance du 8 octobre 2021 du tribunal de commerce d'Evry, la société [Localité 15] flight training a été enjointe à payer à la société Alsim, requérante, la somme de :
- 13 506,46 € en principal correspondant au montant de loyers impayés, courant du 9 juillet au 31 août 2021
- 2 025,90 € au titre de la clause pénale,
- 233,12 € au titre des intérêts contractuels.
La société [Localité 15] flight training a formé opposition et le dossier a été renvoyé devant le tribunal de commerce de Nantes.
L'avion Socata TB10 a été vendu par la société Alsim leasing à la [Localité 15] flight training.
Le 20 avril 2022, au cours des instances pendantes tant devant le tribunal de commerce de Nantes que devant le juge commissaire d'Agen, un protocole d'accord a été signé entre, d'un côté, les sociétés [Localité 15] flight training, PRT aero et Pack assets et leasing et, d'un autre côté, les sociétés Alsim leasing et Bail actea, pour régler les contentieux de revendication concernant les trois avions DA42.
Il était notamment prévu le rachat des aéronefs, moteurs et équipements par la société [Localité 15] flight training (ou toute société s'y substituant) à la société Alsim leasing, sous réserve de désistement des procédures pendantes devant le juge commissaire et la reconnaissance de la propriété des avions, moteurs et équipements à la société Bail actea. La société Alsim leasing s'engageait à la levée des options d'achat auprès de la société Bail actea et à régulariser les actes de vente. Les parties convenaient de renoncer à toute instance ou action relative à la propriété et l'état des aéronefs, moteurs et équipement et relative à l'exécution des contrats de sous-location et à se désister des procédures en cours dans les quinze jours de la signature. Les avions étaient laissés à la garde de la société [Localité 15] flight training.
En conséquence de ce protocole, la société Bail actea s'est désistée de son action devant le juge commissaire. Le juge commissaire a omis de prendre en compte les désistements corrélatifs des sociétés Alsim leasing et [Localité 15] flight training.
Par jugement aujourd'hui définitif du 2 août 2022, sur opposition contre la décision du juge commissaire, le tribunal de commerce d'Agen a dit la société Bail actea bien fondée en sa demande de restitution du matériel lui appartenant, a reconnu la propriété de la société Bail actea sur 3 des avions et a ordonné la restitution à celle-ci des avions « ainsi que de leurs moteurs et de l'ensemble du matériel et accessoires y afférents ». Le tribunal de commerce a constaté pour le surplus l'accord des parties et leur désistement.
A la suite de ce jugement et conformément au protocole, la société Alsim leasing a levé les options d'achat des crédits-bail pour les trois avions auprès de la société Bail actea.
Par lettre recommandée du 16 novembre 2022, la société Alsim leasing, considérant que la société [Localité 15] flight leasing n'avait pas obtenu le financement pour le rachat des avions dans le délai convenu au protocole a fait savoir qu'elle « constat(ait) la caducité du protocole ». La société [Localité 15] flight training a répliqué que les conditions suspensives avaient été levées et qu'il convenait de régulariser les cessions.
Les sociétés Paris flight training, PFT Aero et Pack assets et leasing ont saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Paris aux fins d'enjoindre à la société Alsim leasing de régulariser les cessions. Le juge des référés a renvoyé l'affaire devant le tribunal de commerce de Paris statuant au fond.
Par jugement le 6 juin 2023, le tribunal de commerce de Paris a débouté les sociétés Paris flight training, PFT Aero et Pack assets et leasing de leurs demandes de condamnation en exécution forcée du protocole et les a condamnées à restituer à la société Alsim leasing les avions, moteurs, équipements et documentations sous astreinte. Le tribunal de commerce a toutefois condamné la société Alsim leasing à indemniser les sociétés du groupe PFT pour sa mauvaise foi dans l'exécution du protocole en ce qu'elle ne s'est pas désistée des instances en cours contrairement aux sociétés du groupe PTF.
Selon procès-verbal de constat du 29 juin 2023, les avions ont été restitués.
Le 24 août 2023, appel a été porté contre ce jugement du tribunal de commerce de Paris,
La procédure d'opposition en injonction de payer, évoquée supra, a suivi son cours, la société Alsim leasing ne s'étant pas désistée dans les quinze jours du protocole ; les demandes de la société Alsim leasing ont été élargies aux fins d'obtenir le remboursement du coût d'immobilisation à compter de l'ordonnance en injonction de payer, soit une somme complémentaire réclamée de 155 543,85 € euros, outre la clause pénale et des frais divers.
Par jugement du 3 juillet 2023 du tribunal de commerce de Nantes :
- s'est déclaré compétent pour juger l'affaire,
- a débouté la société [Localité 15] flight training de sa demande de sursis à statuer,
- a débouté la société Alsim leasing de toutes ses demandes,
- a condamné la société Alsim leasing à payer à la société [Localité 15] flight training la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- a rappelé que l'exécution provisoire est de droit et que rien ne justifie qu'il y soit dérogé en application de l'article 514 du code de procédure civile,
- a condamné la société Alsim leasing aux entiers dépens dont frais de greffe liquidés à 88,72 euros toutes taxes comprises.
Par jugement du tribunal de commerce d'Agen du 26 juillet 2023, la société [Localité 15] flight training a été placée en redressement judiciaire, la société Apex AJ prise en la personne de M. [W] étant nommée en qualité d'administrateur judiciaire et la société LMJ prise en la personne de M. [V] étant nommée en qualité de mandataire judiciaire.
Par déclaration du 28 août 2023, la société Alsim leasing a formé appel du jugement du 3 juillet 2023 en désignant comme intimées :
- la société [Localité 15] flight training,
- la société Apex AJ prise en la personne de M. [W], en qualité d'administrateur judiciaire de la société [Localité 15] flight training (comme nommé par le tribunal de commerce d'Agen le 26 juillet 2023 dans le cadre du redressement judiciaire),
- la société LMJ prise en la personne de M. [V] en qualité de mandataire judiciaire de la société [Localité 15] Flight training.
La société Alsim leasing a déclaré sa créance.
Par jugement du 11 octobre 2023, le tribunal de commerce d'Agen a prononcé la liquidation judiciaire de la société [Localité 15] flight training. La société LMJ a été nommée liquidateur judiciaire et la société Apex AJ a été maintenue comme administrateur judiciaire.
Le 8 novembre 2023, la société Alsim leasing a assigné en intervention forcée la société Apex AJ prise en la personne de M. [W], en sa qualité propre.
Le 9 novembre 2023, la société Alsim leasing a assigné en intervention forcée la société LMJ prise en la personne de Mme [V], en qualité de liquidateur judiciaire.
Le 6 septembre 2024, la société Alsim leasing a assigné en intervention forcée la société Apex AJ prise en la personne de M. [W], en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société [Localité 15] flight training dans le cadre de la liquidation judiciaire.
Par ordonnance du 13 février 2025 le conseiller de la mise en état a :
- constaté que la société Apex AJ n'a pas constitué avocat en tant qu'intimée
- déclaré irrecevables les conclusions d'incident de la société Apex AJ déposée en qualité d'intimée,
- constaté la reprise de l'instance interrompue au 13 février 2025,
- dit n'y avoir lieu à déclarer irrecevables les autres conclusions d'incident des parties,
- dit n'y avoir lieu à caducité de l'appel,
- constaté la recevabilité des conclusions au fond jusqu'à cette date,
- déclaré irrecevable la demande d'irrecevabilité de l'intervention forcée formalisée à l'encontre de la société Apex AJ en sa qualité propre,
- rejeté la demande d'injonction à la société Apex AJ prise en la personne de M. [J] [W] d'avoir à justifier de la durée de son mandat en sa qualité d'administrateur nommé par le jugement du tribunal de commerce d'Agen du 11 octobre 2023,
- dit que les dépens de l'incident suivront le sort de ceux de l'instance au fond,
- rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté toutes autres demandes des parties.
Les dernières conclusions de la société Alsim leasing ont été déposées le 19 juin 2025.
Les dernières conclusions de la société Apex AJ en sa qualité propre ont été déposées le 18 juin 2025.
Les dernières conclusions de la société Apex AJ comme administrateur dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société [Localité 15] flight training ont été déposées le 6 décembre 2024.
Les dernières conclusions de la société LMJ en qualité de liquidateur judiciaire de la société [Localité 15] flight training ont été déposées le 18 juin 2025.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 juin 2025.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
La société Alsim leasing demande à la cour de :
- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Nantes,
- juger que la créance d'Alsim leasing sur [Localité 15] flight training est établie et de fixer celle-ci au montant de 319 177,32 € TTC,
- juger la fixation de la créance d'Alsim d'un montant de 319 177,32 € au passif de la société [Localité 15] flight training,
- débouter la société [Localité 15] flight training de l'intégralité de ses demandes,
- juger que le jugement du tribunal de commerce d'Agen a statué infra petita et qu'il convient de constater la décision de transfert judiciaire du contrat de sous-location des 3 avions DA 42,
- condamner la société [Localité 15] flight training solidairement avec, à titre reconventionnel, la société Apex AJ au paiement de la somme de 319 177,32 € TTC au profit d'Alsim leasing,
- condamner al société [Localité 15] flight training solidairement avec la société Apex au paiement de la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
La société LMJ prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société [Localité 15] flight training demande à la cour de :
- débouter la société Alsim leasing de son appel, de toutes demandes, fins et conclusions,
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
- juger que la société Alsim leasing aurait dû se désister et / ou renoncer à toutes ses demandes, instance et action devant le tribunal de commerce de Nantes et devant le JEX du tribunal Judiciaire d'Agen et à renoncer à toute décision relative à ces instances et actions, en application des articles III et VIII du protocole d'accord du 20 avril 2022,
- juger en conséquence abusifs et non fondés l'instance et l'appel régularisé par la société Alsim leasing,
- déclarer irrecevable la demande tenant à voir juger que le jugement du tribunal de commerce d'Agen (du 2 juillet 2021) a statué ultra petita et qu'il convient de constater la décision du transfert judiciaire du contrat de sous location des 3 avions DA42,
- déclarer irrecevables et parfaitement infondées les demandes de condamnations à paiement formulées contre [Localité 15] flight training solidairement avec la société Apex,
- condamner la société Alsim leasing au paiement de la somme de 15.000 euros à [Localité 15] flight training, représentée par son liquidateur judiciaire pour appel abusif,
- condamner la société Alsim leasing à verser 10.000 euros à la liquidation judiciaire de [Localité 15] flight training à titre de dommages-intérêts pour avoir concouru, par sa procédure intempestive à leur cessation des paiements et à l'ouverture de leur procédure collective,
- condamner la société Alsim leasing au paiement de la somme de 15.000 euros à [Localité 15] flight training, représentée par son liquidateur judiciaire, en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d'appel,
- assortir ces condamnations d'une astreinte de 500,00 euros par jour de retard à compter d'un délai de 8 jours suivant la date de signification de la décision à intervenir, et ce jusqu'à pleine et entière exécution et mettre à sa charge tous frais d'exécution.,
- se réserver de liquider l'astreinte.
La société Apex AJ en sa qualité propre demande à la cour de :
- rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et en tout cas mal fondées,
- juger irrecevable l'intervention forcée de la société Apex AJ en sa qualité propre pour la première fois en cause d'appel par la société Alsim leasing,
- juger irrecevables les demandes de la société Alsim leasing à ce titre,
- débouter la société Alsim leasing de ses demandes,
- confirmer le jugement dont appel,
en toute hypothèse,
- condamner la société Alsim leasing à payer à la société Apex AJ la somme de 8.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Alsim leasing aux entiers dépens.
La société Apex prise en sa qualité d'administrateur judiciaire dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société [Localité 15] flight training demande à la cour de :
- débouter la société Alsim leasing de l'intégralité de ses demandes,
- confirmer le jugement,
- condamner la société Alsim leasing à payer à la société Apex AJ prise en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société [Localité 15] flight training désigné aux termes du jugement de liquidation judiciaire, la somme de 8.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Alsim leasing aux entiers dépens.
Il est renvoyé aux dernières écritures des parties visées supra pour l'exposé complet de leurs moyens et prétentions.
DISCUSSION
Il est relevé que bien que la société LMJ ès qualités fasse valoir dans sa motivation l'incompétence du tribunal de commerce de Nantes pour statuer sur l'opposition en injonction de payer, elle demande, dans son dispositif la confirmation du jugement dont appel par lequel le tribunal de commerce de Nantes s'est déclaré compétent.
Sur la demande au titre des loyers échus
La société Alsim leasing fait valoir, en substance, que :
- soit le tribunal de commerce d'Agen par son jugement arrêtant le plan de cession a implicitement ordonné le transfert des contrats de sous-location des trois avions DA 42, ce dont il convient de tenir compte,
- soit le tribunal de commerce d'Agen par son jugement arrêtant le plan de cession a statué infra petita et commis une erreur en ce qu'il n'a pas mentionné en son dispositif que les contrats de sous-location des avions passés entre la société Alsim leasing et la société Airways college étaient repris, et qu'il conviendrait que la cour d'appel de Rennes statue sur le transfert des contrats de sous-location « en raison de l'effet dévolutif ».
Elle ajoute qu'il doit être considéré que les contrats ont été transférés en ce que l'administrateur judiciaire et la société [Localité 15] flight training ont, par leur requête en rectification matérielle, reconnu la volonté de la société [Localité 15] flight training de reprendre lesdits contrats.
Il n'est pas contesté que le jugement du tribunal de commerce d'Agen arrêtant le plan de cession est définitif.
L'article L.642-7 du code de commerce dispose :
« Le tribunal détermine les contrats de crédit-bail, de location ou de fourniture de biens ou services nécessaires au maintien de l'activité au vu des observations des cocontractants du débiteur transmises au liquidateur ou à l'administrateur lorsqu'il en a été désigné (...) »
L'offre de reprise par la société [Localité 15] flight training, versée aux débats, a expressément exclu les contrats de sous-location conclus avec la société Alsim leasing en ces termes :
« 7. Reprise des contrats
(...) C- cas particulier des contrats de leasing (aeronefs et simulateurs)
L'ensemble des contrats de location d'avions (24 aeronefs) et de simulateurs (3 unités) sont exclus du périmètre de reprise en raison de leur totale décorrélation d'avec les besoins réels (...) et d'avec les contraintes réelles de l'école de formation (...).
Nous demandons expressément au tribunal que ces contrats ne soient pas considérés comme nécessaires à la poursuite de l'activité, au titre du L.642-7 du code de commerce.
Au cas particulier des contrats de location d'avions Alsim (3 avions), nous ne souhaitons pas reprendre en l'état des leasings négociés à l'avantage de l'ancienne direction. [sic] Une volonté de renégociation de ces contrats constitue le fondement de notre décision ».
Aucune démonstration d'une renégociation de ces contrats avec la société Alsim leasing n'est établie avant l'audience devant le tribunal de commerce.
La note d'audience n'est pas versée aux débats par les parties permettant de vérifier que l'offre présentée à l'audience aurait été différente de l'offre de reprise exposée ci-dessus.
Si, dans la présentation des offres de reprise, le tribunal d'Agen indique que, pour la société [Localité 15] flight training, « trois contrats de location d'avions Alsim sont repris », il n'est pourtant pas précisé qu'il s'agirait d'une offre améliorée à l'audience.
Surtout, dans les motifs du jugement, il n'est pas évoqué de modification de l'offre initiale et la reprise de ces contrats n'est pas abordée.
Dans le dispositif du jugement, le tribunal n'a ordonné, en application des dispositions de l'article L.647-2 du code de commerce, que le transfert de contrats qu'il a expressément listés, dont ne font pas partie les contrats de sous-location des avions.
La seule référence à ces contrats dans la présentation des offres est insuffisante pour constater leur cession judiciaire.
L'administrateur judiciaire et la société [Localité 15] flight training ont certes déposé une requête en rectification d'une « omission matérielle » en soutenant que si la formulation de l'offre, telle que rappelée supra, « eût pu être différente », il convenait de transférer les contrats de sous-location conclus avec la société Alsim leasing. Toutefois, ils s'en sont désistés par la suite. Aucune volonté non équivoque de poursuivre les contrats de sous-location ne peut dès lors être déduit de leur première démarche.
Par ailleurs, la cour d'appel de Rennes qui n'est pas saisie d'un appel du jugement du tribunal de commerce d'Agen arrêtant le plan, n'a aucune compétence pour statuer sur une éventuelle omission dans un jugement ayant autorité de chose jugée. La demande telle que présentée à cet égard est irrecevable.
En conséquence, il ne peut qu'être considéré que les contrats n'ont pas été transférés par le jugement définitif du tribunal de commerce d'Agen de sorte que la société [Localité 15] flight training n'est redevable d'aucun loyer ni de la clause pénale visée aux dits contrats.
Sur les indemnités au titre de l'immobilisation des avions
La société Alsim leasing fait valoir qu'en l'absence de transfert des contrats de sous-location, la société [Localité 15] flight training doit être tenue à des dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle pour avoir immobilisé des avions sur une période courant du 9 juillet 2021 au 29 juin 2023 (page 18 de ses conclusions). Elle soutient que l'immobilisation des avions n'avaient aucun fondement sérieux et ne pouvait se réaliser sans contrepartie financière et ajoute que le protocole d'accord signé le 20 avril 2022 est caduc et n'exonère pas la société [Localité 15] flight training du paiement des indemnités d'immobilisation.
La société Alsim leasing demande une indemnité au titre du coût d'immobilisation des avions correspondant au loyer initialement prévu dans les contrats de sous-location par avion, les intérêts, une somme de 2000 € par avion qui correspondrait à des frais administratifs, les frais d'assurance et le prix des avoirs qu'elle aurait consentis sur le montant de la cession.
Selon l'article 1240 du code civil,
« tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer. »
Il appartient à la société Alsim leasing de justifier d'une faute de la société [Localité 15] flight training de nature délictuelle en lien avec un préjudice déterminé.
Il convient de rappeler qu'aucune faute ne peut être reprochée à la société [Localité 15] flight training du fait de la non reprise des contrats de sous-location dans le cadre du plan de redressement de la société Airways college.
La société Aslim leasing, qui n'était pas la propriétaire des avions avant le transfert de propriété de ceux-ci, le 16 décembre 2022, selon les documents administratifs produits, et ce, consécutivement à la levée des options d'achat auprès de Bail actea, n'explicite pas, aux termes de ses écritures, quel serait le préjudice effectivement subi en sa qualité de locataire des avions avant cette date. Elle n'allègue ni le paiement de loyers à perte auprès de la société Bail actea sur la période considérée ni une perte de chance d'avoir pu relouer les avions.
Elle ne justifie pas que le montant de l'assurance multirisques aviation auprès de la société Axa soit en rapport avec les avions objet du litige (pièce 19).
En outre, aucun lien n'est démontré entre une éventuelle dégradation des avions et la « credit note » établie en faveur de la société Icare leasing (pièce 52). Il est d'ailleurs relevé que seules les pages 1, 2 et 13 de l'expertise amiable réalisée avant la restitution des avions à sa demande sont produites, lesquelles ne comportent aucun constat de l'état des avions.
Surtout, aux termes du protocole signé entre les parties, des discussions avaient cours pour le rachat des avions par la société [Localité 15] flight training ce qui justifiait l'immobilisation des avions le temps que la société Bail actea soit reconnue propriétaire des biens, que la société Aslim leasing puisse lever les options d'achat et que la société [Localité 15] flight training obtienne les financements.
Les parties avaient convenu que « pendant toute la durée du protocole les 3 aéronefs seront sous la garde exclusive de [Localité 15] flight training qui en assurera, l'entretien, la maintenance, la gestion de la navigabilité et les assurance (...) ». Aucun loyer ou indemnisation n'était envisagé et la société Aslim s'était engagée à se désister de son action dans le cadre de la présente procédure en injonction de payer.
Comme l'a rappelé le tribunal de commerce de Paris, dont la décision a force de chose jugée, le protocole d'accord a prévu qu'en cas de non obtention des financements, la sanction posée par le protocole n'était pas sa caducité mais l'acquisition au profit de la société Alsim de l'avance de 30 000 € payée par la société Paris flight training pour l'achat des avions.
En tout état de cause, il est rappelé qu'en application de l'article 1187 du code civil, lorsque la caducité est constatée, elle n'a d'effet que pour l'avenir. Si des restitutions peuvent être décidées, le contrat n'est pas rétroactivement anéanti. L'absence de contrepartie à la garde des avions n'est pas remise en cause.
La société Alsim n'a été mise en mesure de vendre les avions à la société [Localité 15] flight training, comme prévu au protocole, qu'à compter de la date à laquelle elle en est devenue la propriétaire soit le 16 décembre 2022 au titre des seuls documents administratifs datés versés aux débats.
Toutefois, en raison du contentieux existant entre la société Paris flight training et la société Alsim leasing sur l'exécution forcée du protocole, ce n'est que par le jugement exécutoire du tribunal de commerce de Paris que l'obligation de restitution des avions a été imposée à la société [Localité 15] flight training.
L'éventuel préjudice de la société Alsim n'a pu courir qu'entre la date de signification de ce jugement exécutoire par provision qui rendait, de fait, inapplicable la poursuite du protocole, et la date de restitution des avions.
Toutefois, il ressort du procès-verbal de constat du 29 juin 2023 que les avions ont été mis à disposition de la société Alsim depuis la signification du jugement le 26 juin 2023.
Il résulte de l'ensemble qu'en l'absence de démonstration d'une faute et de préjudices en lien avec celle-ci, la responsabilité de la société [Localité 15] flight training ne peut être engagée.
Le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes formées par la société Alsim leasing à l'encontre de la société [Localité 15] flight training et y ajoutant, il convient de rejeter la demande de fixation de sa créance.
Sur le recours à l'encontre de l'administrateur judiciaire en sa qualité propre
La société Alsim fait valoir que l'administrateur judiciaire, tant en sa qualité d'administrateur de la société Aiways college que postérieurement à la fin de sa mission d'assistance, a engagé sa responsabilité en ce qu'il a commis plusieurs fautes graves et intentionnelles justifiant sa condamnation solidaire à réparer le préjudice sus évoqué.
La société Apex AJ fait valoir l'irrecevabilité de l'intervention forcée à l'encontre d'une personne non partie en première instance.
La société Apex AJ en sa qualité propre n'était pas partie en première instance.
En application des articles 555 du code de procédure civile, et en l'absence d'une justification d'une évolution du litige né du jugement ou modifiant les données de celui-ci, l'intervention forcée de l'administrateur aux fins de voir engager sa responsabilité personnelle s'agissant de faits qui étaient, au surplus, connus de la société Alsim dès avant la première instance, est irrecevable.
Il convient de déclarer irrecevable l'intervention forcée de la société Apex AJ en sa qualité propre.
Sur les demandes formées à l'encontre de la société Apex AJ en sa qualité d'administrateur de la société [Localité 15] flight training
La société Alsim fait valoir, qu'en cette qualité également, la société Apex AJ a commis des fautes justifiant sa condamnation solidaire à réparer le préjudice sus évoqué.
La société Apex AJ n'a été intimée qu'en qualité d'organe de la procédure de redressement puis, en intervention forcée, comme organe de la procédure de liquidation judiciaire.
En tout état de cause, la société Apex AJ n'a été désignée administrateur de la société [Localité 15] flight training que le 26 juillet 2023, soit postérieurement à la restitution des avions de sorte que sa responsabilité ne peut être engagée au titre d'un préjudice allégué dont la cause est antérieure.
Les demandes seront intégralement rejetées.
Sur les demandes reconventionnelles de la société LMJ ès qualités
La société LMJ ès qualités fait valoir que la société Alsim a agi de manière abusive en justice en maintenant sa procédure en injonction de payer alors qu'elle savait que les contrats de sous-location n'avaient pas été transmis à la société [Localité 15] flight training et qu'elle s'était engagée aux termes du protocole à se désister de cette procédure, puis en poursuivant la procédure en appel.
Si la société [Localité 15] flight training pouvait agir en justice pour faire valoir ses droits en estimant qu'elle était le bailleur des avions détenus par la société [Localité 15] flight training à l'issue de l'arrêt du plan de cession de la société Airways college, elle a cependant fait preuve d'une particulière déloyauté en ne respectant pas les termes du protocole qui lui imposait de se désister de cette instance alors que, dans le même temps, la société [Localité 15] flight training s'était désistée de ses demandes dans le cadre de la procédure en revendication de la propriété des avions et de ses équipements. Ce comportement a toutefois déjà été sanctionné par le tribunal de commerce de Paris dont la décision a force de chose jugée et la société [Localité 15] flight training a été indemnisée de son préjudice.
En revanche, en persistant par son appel à ne pas respecter le protocole qui prévoyait qu'elle devait se désister de la présente procédure, elle a, au minimum, causé un nouveau préjudice moral à la société [Localité 15] flight training qui sera justement réparé par une somme de 3 000 €.
En conséquence, il convient de condamner la société Alsim à payer une somme de 3 000 € au liquidateur judiciaire ès qualités.
La société LJM ès qualités fait valoir que le comportement de la société Alsim a en outre participé à la cessation des paiements de la société [Localité 15] flight training et à l'ouverture de la procédure collective.
Le jugement d'ouverture de la procédure collective de la société [Localité 15] flight training prend en compte un passif déclaré de 2 885 410 €. Il est évoqué des difficultés liées à un litige de sa filiale et l'augmentation du coût des matières premières sans autre explication.
Il n'est pas versé aux débats d'éléments permettant d'apprécier un éventuel impact de la présente procédure dans la survenance de la cessation des paiements de la société [Localité 15] flight training.
Le jugement du tribunal de commerce de Paris, lequel a force de chose jugée, ne peut être remis en cause par la cour d'appel de Rennes, de sorte que si la restitution des avions et l'échec de leur vente a pu précipiter la cessation des paiements, ce qui n'est pas établi, ce n'est pas du fait de la société Alsim.
La demande à ce titre est rejetée.
Dépens et frais irrépétibles
Le jugement de première instance est confirmé.
Succombant principalement à l'instance, la société Alsim sera condamnée aux dépens de l'appel et à payer :
- à la société LMJ ès qualités la somme de 5 000 € au titre des frais irrépétibles,
- à la société Apex AJ en sa qualité propre la somme de 5 000 € au titre des frais irrépétibles,
- à la société Apex AJ en sa qualité d'administrateur de la société [Localité 15] flight training, la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Déclare irrecevable l'intervention forcée de la société Apex AJ en sa qualité propre,
Déclare irrecevable la demande tenant à voir « juger que le jugement du tribunal de commerce d'Agen a statué infra petita et qu'il convient de constater la décision de transfert judiciaire du contrat de sous location des trois avions DA 42 »,
Confirme le jugement,
y ajoutant,
Rejette la demande de fixation des créances,
Rejette les demandes formées par la société Alsim à l'encontre de la société Apex AJ, prise en la personne de M. [W], en sa qualité d'administrateur de la société [Localité 15] flight training,
Condamne la société Alsim à payer à la société LMJ, prise en la personne de Mme [P] [V], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société [Localité 15] flight training la somme de 3 000 € au titre du préjudice lié à la procédure abusive,
Rejette les autres demandes indemnitaires de la société LMJ, prise en la personne de Mme [V], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société [Localité 15] flight training,
Condamne la société Alsim à payer à la société LMJ, prise en la personne de Mme [P] [V], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société [Localité 15] flight training la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Alsim à payer à la société Apex AJ, prise en la personne de M. [W], en sa qualité propre la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Alsim à payer à la société Apex AJ, prise en la personne de M. [W], en sa qualité d'administrateur de la société [Localité 15] flight training la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Alsim aux dépens d'appel,
Rejette toute autre demande des parties,
LE GREFFIER LE PRESIDENT