CA Montpellier, ch. com., 14 octobre 2025, n° 24/01269
MONTPELLIER
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Cl Conseils (SARL)
Défendeur :
CL Conseils (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Demont
Conseillers :
M. Graffin, M. Vetu
Avocats :
Me Regam, Me Di Frenna, SCP Sanguinede Di Frenna & Associes, Me Arslan Arikan, SELARL VAA Avocats
FAITS ET PROCEDURE :
Le 7 avril 2021, M. [D] [F] a signé un contrat de conseiller commercial avec la SARL CL Conseils, mandant, ayant pour objet de réaliser à titre de profession indépendante des opérations relatives à l'activité de conseiller en défiscalisation immobilière sur le secteur Lozère, Cantal et Aveyron.
Par lettre du 22 avril 2022, la société CL Conseils a résilié ledit contrat d'agent commercial aux torts exclusifs de M. [D] [F] pour action déloyale et anti-concurrentielle et sollicité le versement de dommages et intérêts.
Par deux ordonnances portant injonction de payer en date du 8 novembre 2022, le président du tribunal de commerce de Béziers a enjoint à la société CL Conseils de payer à M. [D] [F] les sommes de 3 466,67 euros et 6 000 euros, correspondant à des honoraires au titre de la réalisation de deux ventes immobilières.
La société CL Conseils a formé opposition et par exploit du 11 janvier 2023, elle a assigné M. [D] [F] aux fins de voir constater ses manquements graves à son mandat d'agent commercial et le voir condamner au paiement de la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral.
Par jugement contradictoire du 29 janvier 2024, le tribunal de commerce de Béziers a :
s'est déclaré compétent pour connaître de l'affaire ;
constaté que par jugement du 29 janvier 2024, le tribunal de commerce de Béziers a prononcé la jonction des affaires portant le n° RG 2023 000644 et n° RG 2023 000642 avec la présente affaire, celles-ci étant connexes et tendant aux mêmes fins ;
constaté les manquements graves de M. [D] [F] à son mandat d'agent commercial ;
jugé qu'est justifiée la rupture par la société CL Conseils du contrat la liant à M. [D] [F] aux seuls torts de celui-ci ;
débouté M. [D] [F] de sa demande de versement de la somme de 10 000 euros au titre d'une indemnité de rupture de contrat et de l'ensemble de ses demandes ;
condamné M. [D] [F] à payer à la société CL Conseils les sommes de :
10 000 euros en réparation du préjudice moral et du préjudice lié à l'atteinte à l'image, au nom et à sa notoriété ;
1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
reçu la société CL Conseils en ses oppositions formées aux ordonnances portant injonction de payer du 8 novembre 2022 ;
mis à néant lesdites ordonnances ;
Statuant à nouveau,
- jugé que les sommes de 3 466,67 euros et 6 000 euros dont M. [D] [F] réclame le paiement sont indues ;
- condamné M. [D] [F] à payer à la société CL Conseils la somme de 93,33 euros correspondant au trop-perçu sur ses commissions ;
rappelé que l'exécution provisoire est de droit ;
et rejeté toutes autres demandes.
Par déclaration du 7 mars 2024, M. [D] [F] a relevé appel de ce jugement.
Par conclusions du 5 juin 2024, il demande à la cour, au visa de l'article 1104 du code civil, des articles 9, 1405 et suivants du code de procédure civile et des articles L. 134-3, L. 134-4 et L. 134-12 du code de commerce de :
infirmer le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau,
juger qu'il n'a commis aucune violation en sa qualité de commercial indépendant dans le cadre de l'exercice de son mandat le liant à la société CL Conseils ;
la débouter de l'ensemble de ses demandes formées à son encontre ;
À titre reconventionnel,
Concernant les ordonnances portant injonction de payer,
confirmer les ordonnances portant injonction de payer du 8 novembre 2022 rendues par le tribunal de commerce de Béziers à l'encontre de la société CL Conseils à son bénéfice pour les montants de 6 000 euros et de 3 466,67 euros ;
la condamner à lui payer ces montants de 6 000 euros et de 3 466,67 euros au titre de ses prestations ayant permis la vente de biens immobiliers ;
rejeter l'ensemble de ses demandes à son encontre ;
En tout état de cause,
et la condamner à payer la somme de 3 000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions du 22 juillet 2024, la SARL CL Conseils demande à la cour, au visa des articles 1103 et suivants, 1217 et suivants, 1219, 1347, 1348 du code civil, des articles 48, 367 du code de procédure civile et des articles L. 134-3, L. 134-4 et L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce, de :
donner acte à M. [D] [F] de ce qu'il se désiste de sa demande tendant à solliciter sa condamnation à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour la rupture de son contrat d'agent commercial indépendant ;
confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné M. [D] [F] à payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau,
et le condamner à payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est datée du 12 août 2025.
MOTIFS :
Sur la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral
1. M. [D] [F] insiste sur la liberté qu'était la sienne de contracter avec une autre entreprise durant son mandat, faute de clause d'exclusivité.
2. Par ailleurs, l'appelant fait valoir :
qu'il n'existerait pas d'activité concurrente entre la SARL CL Conseils et la société Valority Investissement ;
qu'aucune preuve du risque de confusion n'existait dans l'esprit des prospects ;
qu'aucun détournement de clientèle n'est rapportée ou même envisageable dès lors que la SARL CL Conseils ne peut se prévaloir d'aucun droit privatif sur ses clients et que la même ne bénéficiait absolument pas de droit d'entrée au sein des casernes ;
qu'il n'existerait aucune preuve d'un préjudice moral.
3. Rappelant les évènements et les contrats ayant permis la collaboration avec l'appelant, la SARL CL Conseils objecte :
que celui-ci, malgré les clauses claires de son contrat n'a jamais sollicité son accord pour la représentation d'un concurrent ;
que M. [D] [F] à utilisé son nom et sa notoriété pour organiser des réunions d'information et tenté de vendre des biens à des fins personnelles ou pour les intérêts d'un tiers concurrent.
4. Aux termes des articles L. 134-3 et L. 134-4 du code de commerce, l'agent commercial peut accepter sans autorisation la représentation de nouveaux mandants. Toutefois, il ne peut accepter la représentation d'une entreprise concurrente de celle de l'un de ses mandants sans accord de ce dernier. Les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l'intérêt commun des parties.
5. Les rapports entre l'agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information. Ainsi, l'agent commercial doit exécuter son mandat en bon professionnel tandis que le mandant doit mettre l'agent commercial en mesure d'exécuter son mandat.
6. Le mandat confié le 7 avril 2021 concerne selon l'article 2 (objet et conditions d'exercice du mandat) du contrat de conseiller commercial signé par les parties, à l'origine, « un certain nombre d'opérations relatives à l'activité de conseiller en défiscalisation immobilière » dès lors que le « mandant commercialis[ait] en effet depuis de nombreuses années des biens immobiliers dédiés à des opérations de défiscalisation ».
7. Cet objet, et le mandat qui en découle, sont encore établis par la fiche SIREN de la SARL CL Conseils qui exerce l'activité principale d'agence immobilière (pièce n°1 de l'intimée) et de la fiche de présentation de la CGPM présenté comme un « spécialiste de l'investissement locatif pour les militaires », permettant « la constitution d'un patrimoine immobilier et d'un capital financier important » (pièce n°2 de l'intimée).
8. L'objet de ce mandat a été précisé le même jour par plusieurs avenants en ce qu'il a été octroyé à l'appelant « un secteur d'activité privilégié contre rémunération supplémentaire » qui concernait les départements de la Lozère, du Cantal et de l'aveyron » et une obligation de recourir à la société Hagefi pour financer les biens proposés (avenant du 7 avril 2021, pièce n°7 de l'intimée) qu'ils soient neufs (défiscalisation) ou anciens.
9. Ainsi, il est inopérant de soutenir, comme le fait l'appelant, que la SARL CL Conseils ne se serait ne pas spécialisée dans l'investissement immobilier au profit des personnels de la gendarmerie.
10. Il est d'ailleurs à noter que les militaires eux-mêmes reconnaissent ladite spécificité puisqu'à la suite d'une réunion tenue par M. [D] [F] le 1er avril 2022, dans les locaux de l'escadron d'[Localité 5], sous couvert de la société CL Conseils, celui-ci a déposé la carte d'un conseiller commercial de la société Valority pour laquelle il travaillait par ailleurs et dont il est rapporté la preuve qu'il s'agit d'une agence immobilière et, ainsi, d'un concurrent.
11. A la suite, un des membres de cet escadron, suspectant une usurpation d'identité, a fait parvenir le 15 avril 2022 (pièce n°16 de l'intimée) un mail à la SARL CL Conseils afin de savoir qui, parmi ses commerciaux, couvrait les départements du Cantal, de la Corrèze et de la Lozère.
12. Ainsi, il ressort des productions que M. [D] [F] a représenté les intérêts d'une entreprise concurrente à l'occasion de son mandant, sans accord de ce dernier.
13. Il s'infère nécessairement de ces agissements déloyaux un préjudice moral qui sera entièrement réparé par l'octroi de la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Sur la demande en paiement des commissions
14. Sur ce point, les parties se bornent à reprendre devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance.
15. En l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties en condamnant M. [D] [F] à payer à son ancien mandant la somme de 93,33 euros correspondant à un trop-perçu sur commission.
16. Il convient en conséquence de confirmer la décision déférée de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement déféré sauf le montant alloué au titre du préjudice moral,
Statuant à nouveau et ajoutant,
Condamne M. [D] [F] à payer à la SARL CL Conseils la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral,
Déboute M. [D] [F] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et le condamne à payer à la SARL CL Conseils la somme de 3 000 euros, ainsi qu'aux entiers dépens.