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CA Dijon, 1re ch. civ., 14 octobre 2025, n° 25/00154

DIJON

Arrêt

Autre

CA Dijon n° 25/00154

14 octobre 2025

TERTIAIRE [Localité 7]

C/

INEO INDUSTRIE & TERTIAIRE EST

AXIMA CONCEPT

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON

1re chambre civile

ARRÊT DU 14 OCTOBRE 2025

N° RG 25/00154 - N° Portalis DBVF-V-B7J-GTLC

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : jugement du 21 janvier 2025,

rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Dijon - RG : 23/01210

APPELANTE :

TERTIAIRE [Localité 7] société civile immobilière de construction vente immatriculée au registre du commerce et des sociétés de DIJON sous le numéro 793660465, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés de droit en cette qualité au siège :

[Adresse 5]

[Localité 1]

Assistée de Me Stéphanie de LAROULLIERE, avocat au barreau de PARIS, plaidant, et représentée par Me Marie CHAGUE-GERBAY, avocat au barreau de DIJON, postulant, vestiaire : 24

INTIMÉES :

S.A.S. INEO INDUSTRIE & TERTIAIRE EST immatriculée au RCS de DIJON, prise en la personne de ses représentants légaux au siège en cette qualité :

[Adresse 4]

[Localité 2]

S.A. AXIMA CONCEPT, immatriculée au RCS de NANTERRE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié au siège, es qualités de mandataire du Groupement d'entreprises conjointes AXIMA CONCEPT - INEO ITE :

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentées par Me Delphine HERITIER, membre de la SCP LDH AVOCATS, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 16

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 septembre 2025 en audience publique devant la cour composée de :

Olivier MANSION, Président de chambre,

Bénédicte KUENTZ, Conseiller,

Cédric SAUNIER, Conseiller,

Après rapport fait à l'audience par l'un des magistrats de la composition, la cour, comme ci-dessus composée a délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT, Greffier

DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 14 Octobre 2025,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

Exposé du litige :

Le 27 avril 2018, la caisse d'épargne et de prévoyance de Bourgogne Franche-Comté a acquis de la société tertiaire [Localité 7] ([Localité 7]) un immeuble en état futur d'achèvement.

Divers travaux ont été réalisés par une entreprise générale, la société Forestarius (Forestarius) laquelle a sous-traité les lots 3, 3bis, 4 et 5 aux sociétés Axima concept (Axima) en qualité de mandataire de groupement et Inéo industries et tertiaire est (Inéo).

La réception des travaux a eu lieu le 17 mai 2022 avec des réserves concernant les lots effectués par Axima et Inéo qui devaient les lever dans un délai de 15 jours.

Par acte du 13 mars 2023, le groupement d'entreprises composé d'Axima et d'Inéo a dénoncé à [Localité 7] la saisie conservatoire de créances autorisée par le juge de l'exécution le 7 mars 2023 à hauteur de 1 060 301 euros à faire pratiquer entre les mains de la Caisse d'épargne Bourgogne Franche-Comté.

Saisi d'une demande de rétractation et de mainlevée, le juge de l'exécution a, par jugement du 21 janvier 2025, rejeté toutes les demandes de [Localité 7].

[Localité 7] a interjeté appel le 3 février 2025.

Elle demande d'infirmer le jugement et de :

- d'ordonner la rétractation de l'ordonnance du 7 mars 2023 et la mainlevée de la saisie conservatoire ainsi autorisée,

- 10 000 € de dommages et intérêts pour saisie abusive,

- 10 000 € et 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les deux procédures.

Axima et Inéo concluent à la confirmation du jugement et sollicitent le paiement de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il sera renvoyé pour un plus ample exposé du litige aux conclusions des parties remises au greffe, par RPVA, les 16 mai et 31 juillet 2025.

MOTIFS :

Sur la saisie conservatoire :

L'article L; 511-1 du code de procédures d'exécution dispose que : 'Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement'.

L'article R. 512-1 du même code prévoit que si les conditions posées aux articles R. 511-1 à R. 511-8 ne sont pas réunies, le juge peut ordonner la mainlevée de la mesure à tout moment et qu'il incombe au créancier de prouver que les conditions requises sont réunies.

En l'espèce, [Localité 7] soutient que les créances ne sont pas fondées en leur principe et qu'il n'est pas démontré que le recouvrement des ces créances est menacé.

1°) Sur le premier point, elle rappelle qu'elle n'est redevable du paiement qu'après avoir reçu l'ordre préalable de l'effectuer de la part de l'entreprise générale, laquelle l'a refusé, alors que l'action directe du sous-traitant n'a pas vocation à s'appliquer.

Elle ajoute que le groupement Axima/Inéo a été défaillant et que les décomptes finaux font état de créances respectives de 252 629,51 euros et 12 327,46 euros, soit un total de 264 956,97 euros, montant ayant donné lieu, le 12 décembre 2024, à un acquiescement partiel à la saisie conservatoire.

Elle précise que le paiement des sommes réclamées par Axima et Inéo est irrecevable dans la mesure où elles font partie des discussions en cours sur l'établissement du décompte général et définitif (DGD) établi en mars 2024.

Enfin, elle indique que, par ordonnance du juge des référés du 13 septembre 2023, une expertise a été ordonnée sur les désordres survenus dans l'année du parfait achèvement.

Axima et Inéo répondent que [Localité 7] est considérée comme le maître de l'ouvrage, que cette société a été assignée au fond en paiement de leur créance et qu'elles peuvent réclamer les paiements dus par Forestarius à [Localité 7].

Elles ajoutent que les situations auraient dû donner lieu à des paiements mensuels et, à la date de réception des travaux, à la totalité du marché sauf la retenue contractuelle de 5 %.

Elles soulignent que le juge de l'exécution ne peut connaître du fond de l'affaire et qu'elles contestent le DGD.

La cour rappelle qu'il ne lui appartient pas de statuer sur le fond du litige mais d'apprécier si le créancier démontre l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe.

Par ailleurs, il est jugé que la stipulation d'une clause de paiement direct dans un contrat de sous-traitance, lorsque le maître de l'ouvrage n'appartient pas à l'une des catégories définies par l'article 4 de la loi du 31 décembre 1975, n'a pas pour effet de soumettre la convention au titre II de ce texte et, partant, de priver le sous-traitant de l'exercice de l'action directe prévue au titre III de la loi.

En l'espèce, le contrat de sous-traitance prévoit que le paiement des factures est effectué par le maître de l'ouvrage sous réserve de l'acceptation de la facture par l'entrepreneur principal lequel dispose d'un délai de 15 jours à compter de la réception des pièces justificatives pour donner son accord ou son refus motivé.

En l'espèce, cet accord n'a pas été donné par l'entreprise principale Forestarius mais l'action directe d'Axima et Inéo est possible comme le maître de l'ouvrage, [Localité 7], en application de l'article 12 de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975, peu important la délégation de paiement existant entre Forestarius et [Localité 7], et dès lors qu'une mise en demeure de payer a été adressée le 23 juin 2022 et qu'elle est restée sans effet pendant plus d'un mois.

De plus, [Localité 7] a acquiescé partiellement à la saisie conservatoire à hauteur de 264 956,97 euros, somme figurant au DGD, même si le surplus est contesté.

Enfin, des travaux ont été réalisés, peu important leur qualité, et les créances paraissent fondées en leur principe pour le montant autorisé le 7 mars 2023.

2°) Sur le second point, [Localité 7] soutient que la menace de recouvrement doit se comprendre comme le risque réel que, quand le juge du fond aura statué sur la demande en paiement, le débiteur ne soit plus en capacité d'honorer sa dette soit parce que sa situation financière aura périclité depuis la naissance du droit, soit parce qu'il aura organisé son insolvabilité pour échapper à sa responsabilité.

Elle indique qu'après délivrance de la conformité administrative le 14 septembre 2022, non contestée, l'acquéreur est tenu de lui verser la somme de 2 025 000 euros ce qui a été fait à la suite de la livraison de l'immeuble le 5 juin 2023, que les saisies conservatoires réalisées par d'autres créanciers ont été levées et que la nature juridique de [Localité 7], soit une société civile immobilière de construction vente créée pour cette opération, n'empêche pas le créancier d'agir directement contre les associés, après mise en demeure restée infructueuse.

Elle précise qu'il n'est pas justifié de l'existence de factures impayées à hauteur de 1 250 000 euros, qu'elle demeure solvable et que le mail du 2 septembre 2022 ne concerne que la construction d'un parking silo, soit une opération distincte de celle présentement concernée et portant sur la construction du siège social de la banque.

[Localité 7] conclut que l'absence de paiement de la somme vérifiée à hauteur de 264 956,97 euros n'est pas due à sa mauvaise foi ni à des difficultés financière et qu'elle a acquiescé à la saisie pour ce montant.

Axima et Inéo affirment n'avoir reçu aucun paiement, que la note n°1 produite par l'expert permet de lister tous les sous-traitants non payés et que [Localité 7] a pour associé la société LCDP qui est gérée par M. [D], également gérant de [Localité 7] et de Forestarius, et que cette société LCDP est présentée, sur le site Infolégale, comme une société à risque élevé.

La cour constate que le mail visé du 2 septembre 2022 ne concerne pas l'immeuble, objet de l'opération de construction à laquelle ont participé les parties.

Par ailleurs, le paiement du prix de l'immeuble par l'acquéreur ne vaut pas garantie de solvabilité de [Localité 7] dont seul un extrait de compte la concernant est produit.

La société, associée de [Localité 7], est signalée comme une société à risque élevé et le protocole visé par [Localité 7] n'est pas versé aux débats et ne permet pas de s'assurer du paiement des sommes dues ni de l'échéancier du paiement au regard d'un actif ignoré.

Axima et Inéo démontrent ainsi que les circonstances de l'espèce sont susceptibles de menacer le recouvrement de leurs créances de 602 419,99 euros et 457 880,64 euros, au moins sur le solde réclamé, après acquiescement partiel à la saisie conservatoire.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il rejette la demande de rétractation et donc de mainlevée de la saisie.

Sur les autres demandes :

1°) Dès lors que la demande de mainlevée de la saisie conservatoire est rejetée et qu'aucun abus n'est établi dans le recours à cette mesure d'exécution, la demande de dommages et intérêts de [Localité 7] sera rejetée et le jugement confirmé.

2°) Les demandes formées au visa de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

[Localité 7] supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, par décision contradictoire :

- Confirme le jugement du 21 janvier 2025 ;

Y ajoutant :

- Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

- Condamne la société Tertiaire [Localité 7] aux dépens d'appel ;

Le greffier Le président

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