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CA Papeete, A, 9 octobre 2025, n° 25/00005

PAPEETE

Arrêt

Autre

CA Papeete n° 25/00005

9 octobre 2025

N°314

IM -------------

Copie exécutoire délivrée à :

- Me Varrod

l e 09.10.2025

Copie authentique délivrée à :

- Me Peytavit

le 09.10.2025

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE

Chambre Civile

Audience du 09 octobre 2025

N° RG 25/00005 ;

Décision déférée à la cour : jugement n°24/536, rg n°23/00089 du Tribunal civil de première instance de Papeete du 11 octobre 2024 ;

Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la cour d'appel le 2 janvier 2025 ;

Appelante :

L'eurl [G], société à responsabilité limitée, unipersonnelle à l'enseigne CITY D'OR, n° TAHITI 677906, sise à [Adresse 2], représentée par son gérant en exercice M. [E] [K] [G] ;

Représentée par Me Loris PEYTAVIT, avocat au barreau de Papeete ;

Intimé :

Mme [Y] [U], née le 12 Avril 1960 à Papeete, de nationalité française, demeurant [Adresse 3]

[Adresse 1] ;

Ayant pour avocat la Selarl MVA représentée par Me Edouard Varrod, avocat au barreau de Papeete ;

Ordonnance de clôture du 20 juin 2025 ;

Composition de la cour :

La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 14 août 2025, devant Mme Martinez, conseillère désignée par l'ordonnance n° 35/ORDF/PP.CA/25 de la première présidente de la Cour d'appel de Papeete en date du 21 mai 2025 pour faire fonction de présidente dans le présent dossier, Mme Brengard, présidente de chambre et Mme Boudry, vice présidente placée auprès de la première présidente, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffière lors des débats : Mme Oputu-Teraimateata;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signé par Mme Martinez, présidente et par Mme Oputu-Teraimateata greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A R R E T,

EXPOSE DU LITIGE

L'Eurl [G] est propriétaire du restaurant City d'Or qui a ses locaux dans le centre de Papeete, locaux qui lui sont loués par Mme [Y] [U].

Mme [U] et l'Eurl [G] ont passé plusieurs baux successifs d'une durée de 23 mois pour la location d'un terrain à titre de parking moyennant un loyer mensuel s'élevant en dernier lieu à la somme de 100 000 F CFP.

Le dernier bail prenait fin au 31 octobre 2019.

Par courrier du 22 juillet 2022 signifié le 19 décembre 2022, Mme [U] a mis en demeure l'Eurl [G] de quitter les lieux et de détruire le cabanon servant de rôtissoire dans un délai de un mois.

Par assignation du 2 mars 2023 et requête du même jour, Mme [U] a saisi le tribunal civil de première instance afin de voir constater la résiliation du bail et ordonner l'expulsion de l'Eurl [G].

Par jugement du 11 octobre 2024 le tribunal civil de première instance de Papeete a :

- déclaré recevable la demande en requalification de bail présentée par l'Eurl [G],

- débouté l'Eurl [G] de sa demande de requalification de bail en bail commercial,

- ordonné à l'Eurl [G] de quitter les lieux,

- ordonné en tant que de besoin l'expulsion de l'Eurl [G] avec au besoin l'assistance de la force publique et sous astreinte de 10 000 F CFP par jour de retard pour une durée de six mois,

- ordonné à l'Eurl [G] de remettre en état les lieux et notamment de retirer le cabanon construit par ses soins sous astreinte de 10 000 F CFP pour une durée de six mois,

- condamné l'Eurl [G] à payer à Mme [U] la somme de 200 000 F CFP au titre de ses frais irrépétibles.

Par requête du 2 janvier 2025,l'Eurl [G] interjetait appel de la décision.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions du 7 mai 2024, l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement querellé et statuant à nouveau de débouter Mme [U] de toutes ses demandes, de requalifier les baux successifs qui unissent l'Eurl [G] à Mme [U] en bail commercial et de condamner Mme [U] à lui payer la somme de 300 000 F CFP au titre de ses frais de procédure.

Elle fait valoir en substance que à la succession de bails dérogatoires ne peut être supérieure à 2 fois, qu'à l'expiration de deux renouvellements, le bail devient de plein droit commercial, qu'en outre, une fois passé le terme du bail et au plus tard à l'issue d'un délai d'un mois, il s'opère un nouveau bail qui est obligatoirement un bail commercial. Elle ajoute qu'elle a construit sur ce parking une rôtisserie et qu'il y a bien construction à usage commercial. Elle affirme que Mme [U], cliente habituelle du restaurant jusqu'au procès était avisée de cette construction et a donné son accord tacite. Elle expose que le parking est indispensable à l'activité du restaurant.

Par conclusions régulièrement notifiées le 27 mars 2025, Mme [U] demande la confirmation du jugement querellé sauf en ce qu'il a rejeté l'argument tiré de la prescription de l'action de l'Eurl [G] et statuant à nouveau de ce chef, débouter l'Eurl [G] de l'intégralité de ses prétentions du fait de la prescription de sa demande de requalification en bail commercial et de la condamner à lui payer la somme de 300 000 F CFP au titre de ses frais irrépétibles.

Elle soutient essentiellement que le contrat excluait toute tacite reconduction et que l'Eurl [G] est occupante sans droit ni titre, que de surcroît, en violation avec les clause du bail, elle a sous loué les places de parking. Elle fait valoir qu'il ne peut y avoir application du statut des baux commerciaux un parking n'étant pas une construction au sens de l'article L 145-1 du code de commerce. Elle ajoute que la construction de la rôtissoire, construite de manière illicite sans son accord e peut conférer au bail un caractère commercial et que le parking n'est pas l'accessoire de l'activité de l'Eurl [G] et que sa dépossession ne compromettait pas l'activité du restaurant.

Elle ajoute que le bail précaire et dérogatoire conclu entre les parties fait expressément mention de la non applicabilité du statut des baux commerciaux.

Elle expose qu'en toute hypothèse, la revendication d'un statut de bail commercial est prescrite par application de l'article L 145-60 du code de commerce et que le bail a cessé de plein droit le 31 octobre 2019 sans qu'il soit besoin de délivrer congé conformément aux dispositions du bail.

A titre subsidiaire, elle fait valoir que le bail a cessé du fait des manquements de l'Eurl [G] qui a édifié une rôtisserie sur le parking sans l'accord de la propriétaire et qui a sous loué les places de parking.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère aux conclusions régulièrement notifiées par les parties

L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 juin 2025

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la prescription

Selon l'article L 145-5 du code de commerce, les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur déroger aux dispositions générales à la condition que le bail soit conclu pour une durée au plus égale à deux ans. Si à l'expiration de cette durée, le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail conforme au droit commun.

Selon les dispositions de l'article L 145-60 du code de commerce dans sa version applicable en Polynésie française toutes les actions exercées en vertu du présent chapitre se prescrivent par deux ans.

Il est constant que la prescription est exclue lorsque le locataire demande le bénéfice d'un bail commercial à la suite d'un bail dérogatoire en invoquant son maintien dans les lieux.

L'action en requalification du bail n'est donc pas prescrite.

Sur la qualification du bail liant les parties

En application de l'article L 145-1 du code de commerce dans sa version applicable en Polynésie française, les dispositions u présent cahpitre s'appliquent aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité que ce fonds appartienne soit à un commerçant ou à un industriel immatriculé au registre du commerce et des sociétés soit à un chef d'une entreprise immatriculée au répertoire des métiers accomplissant ou non des actes de commerce et en outre 1° aux baux de locaux ou d'immeubles accessoires à l'exploitation d'un fonds de commerce quand leur privation est de nature à compromettre l'exploitation du fonds et qu'ils appartiennent au propriétaire du local ou de l'immeuble où est situé l'établissement principal 2° aux baux des terrains nus sur lesquels ont été édifiés soit avant soit après le bail des constructions à usage commercial industriel ou artisanal à condition que ces constructions aient été élevées ou exploitées avec le consentement exprès du propriétaire.

En l'espèce, les parties ont, dans les contrats de baux signés successivement, entendu expressément déroger aux dispositions relatives au statut des baux commerciaux par la signature d'un bail précaire et dérogatoire d'uen durée de 23 mois.

Ce parking n'est pas indispensable à l'activité du restaurant City d'Or situé en centre ville ou nombre de parkings sont accessibles au public et ce nonobstant le constat d'huissier de Me [V] qui n'explique pas comment il a pu constater que le parking était occupé à 80% par la clientèle du restaurant.

Par ailleurs, le statut des baux commerciaux n'est pas applicable à un terrain nu affecté à l'usage exclusif de parking ;

Le fait que L'Eurl [G] ait construit une rôtisserie sur ledit parking ne saurait permettre de revendiquer le statut des baux commerciaux. La rôtisserie n'est en effet pas indispensable à l'activité du restaurant City d'Or qui dispose déjà d'une cuisine et l'Eurl [G] ne démontre pas qu'elle a recueilli l'accord exprès ou tacite de Mme [U] pour la construction de cette rôtisserie.

En conséquence, la demande de requalification en bail commercial doit être rejetée.

Sur la demande d'expulsion

Selon le contrat de bail signé le 4 décembre 2017, les parties ont convenu que le bail était conclu pour une durée de vingt trois mois et qu'il prendrait fin au terme stipulé sans qu'il soit nécessaire de délivre congé.

Selon les dispositions de l'article 1737 du code civil dans sa version applicable en Polynésie française, le bail cesse de plein droit à l'expiration du terme fixé lorsqu'il a été fait par écrit sans qu'il soit nécessaire de donner congé.

Le contrat de bail signé le 4 décembre 2017 est arrivé à expiration le 31 octobre 2019. L'Eurl [G] s'est maintenue dans les lieux poursuivant le paiement du loyer.

Il ne peut s'en déduire que le contrat de bail s'est poursuivi compte tenu des dispositions formelles dudit contrat et du fait que les parties étaient en pourparlers sur un nouveau contrat mais ne s'accordaient pas sur le prix du bail.

C'est donc à juste titre que le premier juge a ordonné l'expulsion sous astreinte du preneur et la démolition de la rôtisserie

Sur les dépens et l'article 407 du code de procédure civile

L'appelante qui succombe doit être condamnée aux dépens.

L'équité commande d'allouer à Mme [U] la somme de 200 000 F CFP en application de l'article 407 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;

Confirme le jugement du tribunal civil de première instance de Papeete en date du 11 octobre 2024 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant ;

Condamne l'Eurl [G] à payer à Mme [Y] [U] la somme de 200 000 F CFP en application de l'article 407 du code de procédure civile;

Condamne l'Eurl [G] aux dépens d'appel.

Prononcé à Papeete, le 09 octobre 2025.

La greffière, La présidente,

signé : M. Oputu-Teraimateata signé : I. Martinez

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