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CA Papeete, A, 9 octobre 2025, n° 23/00297

PAPEETE

Arrêt

Autre

CA Papeete n° 23/00297

9 octobre 2025

N°305

IM

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Copie exécutoire délivrée à :

- Me Da Silveira

le 09.10.2025

Copie authentique délivrée à :

- Me Bouyssié

le 09.10.2025

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE

Chambre Commerciale

Audience du 09 octobre 2025

N° RG 23/00297 ;

Décision déférée à la cour : jugement n° CG 2023/59, rg n° 2022- 000121 du Tribunal Mixte de Commerce de Papeete du 26 mai 2023 ;

Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la cour d'appel le 13 octobre 2023 ;

Appelante :

Mme [N] [Z] [R], née le 08 septembre 1983 à [Localité 1], de nationalité française, demeurant à [Adresse 2] ;

Représentée par Me Benoît BOUYSSIÉ, avocat au barreau de Papeete ;

Intimé :

M. [X] [E], né le 18 juillet 1982 à [Localité 3], de nationalité française, demeurant à [Adresse 4] ;

Représenté par Me Sarah Da Silveira, avocat au barreau de Papeete ;

Ordonnance de clôture du 28 février 2025 ;

Composition de la cour :

La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 14 août 2025, devant Mme Martinez, conseillère désignée par l'ordonnance n° 35/ORDF/PP.CA/25 de la première présidente de la Cour d'appel de Papeete en date du 21 mai 2025 pour faire fonction de présidente dans le présent dossier, Mme Brengard, présidente de chambre et Mme Boudry, vice présidente placée auprès de la première présidente, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffière lors des débats : Mme Oputu-Teraimateata ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé par mise à disposition, publiquement de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signé par Mme Martinez, présidente et par Mme Oputu-Teraimateata, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

A R R E T,

EXPOSE DU LITIGE

Selon une convention de bail dérogatoire du 17 juillet 2018, Mme [N] [C] a loué à M. [X] [E] un local commercial (crêperie) adjacent à une habitation familiale située coté montagne à [Localité 5] d'une superficie de 80 m2 avec usage d'un parking commun de 160 m2.

Le bail dérogatoire d'une durée de deux ans commençait à courir le 1er août 2018 pour se terminer le 31 juillet 2020, le loyer étant payable d'avance par virement avant le 5 de chaque mois.

Le bail arrivait à expiration en pleine pandémie de Covid 19 et Mme [C] notifiait à son locataire le 2 novembre 2020 que le bail était échu et qu'il devait quitter les lieux.

Par requête du 15 avril 2021, Mme [C] a saisi le juge des référés afin de voir dire que le bail était arrivé à échéance le 31 juillet 2020 et ordonner l'expulsion du locataire.

Par ordonnance du 6 septembre 2021, le juge des référés a constaté l'existence d'une contestation sérieuse et dit n'y avoir lieu à référé.

Par assignation du 22 janvier 2022 et requête du 26 janvier 2022, Mme [C] a saisi le tribunal mixte de commerce afin de voir constater la résiliation du bail au 31 juillet 2020 et ordonner l'expulsion de M. [E].

Par jugement du 26 mai 2023 le tribunal mixte de commerce de Papeete a :

- débouté Mme [C] de l'ensemble de ses demandes,

- constaté que M. [E] bénéficie d'un bail commercial depuis le 1er août 2020,

- débouté M. [E] de sa demande de dommages et intérêts,

- condamné Mme [C] à payer à M. [E] la somme de 300 000 F CFP au titre de ses frais irrépétibles.

Par requête du 13 octobre 2023, Mme [C] interjetait appel de la décision.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions du 21 novembre 2024, l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement querellé et statuant à nouveau de prononcer l'expulsion de M [E] sous astreinte de 10 000 F CFP par jour de retard , de condamner M. [E] à lui payer les sommes de 210 000 F CFP mensuelle à titre d'indemnité d'occupation et de 350 000 F CFP au titre de ses frais de procédure.

Elle fait valoir en substance que le bail est arrivé à échéance en pleine pandémie ,qu'elle était confinée à [Localité 1], qu'elle a laissé des délais de paiement au locataire pour ses arriérés de loyer mais n'a jamais entendu poursuivre le bail, que le locataire à la faveur de la pandémie s'est réinstallé dans les locaux et a tenté de vendre le droit au bail. Elle ajoute qu'elle a demandé à sa banque dès novembre 2020 de rejeter le paiement des loyers mais qu'il aurait fallu qu'elle clôture son compte.

Elle affirme qu'elle n'a jamais laissé le locataire se maintenir dans les lieux et que sa famille présente sur place lui avait dit que les locaux étaient fermés, qu'elle n'a pu venir sur place en raison de la pandémie.

Elle conteste l'application de l'article L 145-5 du code de commerce en exposant qu'elle n'a jamais laissé le bailleur en possession mais qu'il s'est maintenu dans les lieux de mauvaise foi en profitant du contexte sanitaire.

Par conclusions régulièrement notifiées le 26 avril 2024, M. [E] demande la confirmation du jugement querellé sauf en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages et intérêts qu'il entend voir fixer à la somme de 450 000 F CFP outre l'octroi d'une somme de 300 000 F CFP au titre de ses frais de procédure.

Il soutient essentiellement que la bailleresse n'a pas manifesté sa volonté de délivrer congé avant l'expiration du bail alors que la poste était restée ouverte en période de pandémie et qu'elle a continué à percevoir les loyers au delà du terme, que ce n'est que par courrier recommandé du 2 novembre 2020 qu'il apprenait le refus de renouvellement du bail. Il affirme que l'article L 145-5 du code de commerce a vocation à s'appliquer dans la mesure où il est resté en possession après l'expiration du bail et où la bailleresse a continué à percevoir les loyers. Il affirme qu'il appartenait à la bailleresse si elle ne voulait pas voir s'appliquer la reconduction du bail de lui notifier son congé.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère aux conclusions régulièrement notifiées par l'appelante.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 avril 2025

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande principale

Selon l'article L 145-5 du code de commerce, les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur déroger aux dispositions générales à la condition que le bail soit conclu pour une durée au plus égale à deux ans. Si à l'expiration de cette durée, le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail conforme au droit commun.

Il n'est pas contesté par les parties que le bail a été consenti pour une durée de deux ans et que la bailleresse n'avait pas à délivrer congé. Toutefois, elle devait manifester sa volonté de ne pas voir le bail renouvelé automatiquement par le maintien dans les lieux du preneur. Pour ce faire, elle pouvait lui signifier sa volonté de le voir quitter les lieux par courrier recommandé ( la poste fonctionnant toujours en période de pandémie) ou par un membre de sa famille restée sur place à [Localité 5]. En effet, il appartenait à la bailleresse souhaitant échapper au mécanisme de l'article L 145-5 du code du commerce de manifester, avant la date d'expiration du bail, sa volonté de ne pas poursuivre la relation contractuelle, la charge de la preuve de cette manifestation de volonté lui incombant, aucune clause du bail ne pouvant avoir pour effet de dispenser le bailleur de faire connaître au preneur son opposition à son maintien dans les lieux.

C'est au bailleur qu'incombe la preuve qu'il n'a pas toléré le maintien dans les lieux du preneur.

Or Mme [C] ne rapporte pas cette preuve. Elle se contente d'affirmer que le preneur lui a faussement laissé croire qu'il avait fermé son entreprise sans verser la moindre pièce à l'appui de ses allégations et alors qu'elle a continué à percevoir le loyer sans manifester la moindre opposition avant le mois de novembre 2020 soit plusieurs mois après le maintien en possession du preneur.

En l'absence de manifestation par la bailleresse d'un refus de voir le preneur se maintenir dans les lieux et compte tenu du paiement des loyers sans opposition de la bailleresse jusqu'au mois de novembre 2020, le bail s'est tacitement poursuivi.

En conséquence, c'est à bon droit que les premiers juges ont fait application de l'article L 145-5 du code du commerce et constaté que M. [E] bénéficiait d'un bail commercial depuis le 1er août 2020.

Sur la demande de dommages et intérêts

Le preneur indique qu'il a été troublé dans sa jouissance paisible des lieux mais n'en rapporte pas la preuve.

C'est à juste titre qu'il a été débouté de sa demande de dommages et intérêts par les premiers juges.

Sur les dépens et l'article 407 du code de procédure civile

L'appelante qui succombe doit être condamnée aux dépens.

L'équité commande d'allouer à M. [E] la somme de 200 000 F CFP en application de l'article 407 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort ;

Confirme le jugement du tribunal mixte de commerce en date du 26 mai 2023 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant ;

Condamne Mme [N] [C] à payer à M. [X] [E] la somme de 200 000 F CFP en application de l'article 407 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [N] [C] aux dépens d'appel.

Prononcé à [Localité 6], le 09 octobre 2025.

La greffière, La présidente,

signé : M. Oputu-Teraimateata signé : I. Martinez

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