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Décisions

CA Paris, Pôle 6 - ch. 5, 14 octobre 2025, n° 22/08628

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 22/08628

14 octobre 2025

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 14 OCTOBRE 2025

(n° 2025/ , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/08628 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGPUT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Septembre 2022 - Conseil de Prud'hommes de BOBIGNY - RG n° F 21/00057

APPELANTE

S.A. GROUPE IMESTIA prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

INTIMEE

Madame [V] [D]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Frédéric INGOLD, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 juin 2025, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Stéphanie BOUZIGE, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Stéphanie BOUZIGE, présidente de chambre, présidente de formation,

Madame Catherine BRUNET, présidente de chambre,

Madame Séverine MOUSSY, conseillère

Greffier : Madame Anjelika PLAHOTNIK, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, prorogée à ce jour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Stéphanie BOUZIGE, présidente et par Madame Anjelika PLAHOTNIK, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [V] [D] a été engagée par la société Groupe Imestia suivant contrat de travail à durée indéterminée du 3 octobre 2016 en qualité de responsable de la communication et du mécénat, statut cadre, niveau VIII ' échelon 1.

Selon avenant du 30 mars 2018, avec une prise d'effet au 1er avril 2018, Mme [D] a été nommée directrice marketing et technologie, statut cadre, niveau VIII ' échelon 3.

Mme [D] a été placée en arrêt de travail pour cause de maladie du 5 février 2020 au 14 février 2020, puis jusqu'au 30 mars 2020 inclus.

Par lettre du 6 mars 2020, la société Groupe Imestia a proposé à Mme [D] une modification de son contrat de travail qu'elle a refusée le 1er avril 2020 estimant qu'il s'agissait d'une mesure de rétrogradation.

Par courrier du 9 avril 2020, Mme [D] a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement pour motif économique.

Par courrier du 15 juin 2020, Mme [D] a été licenciée pour motif économique pour refus d'accepter la proposition de modification de son contrat de travail et pour réorganisation de l'entreprise destinée à assurer la sauvegarde de sa compétitivité.

Le 26 juin 2020, Mme [D] a accepté le contrat de sécurisation professionnelle. Le contrat de travail a été rompu le 8 juillet 2020.

Contestant son licenciement, Mme [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny, le 11 janvier 2021, pour demander de dire son licenciement nul du fait d'un harcèlement moral, d'ordonner sa réintégration, subsidiairement, de dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse, notamment.

Par jugement du 21 septembre 2022, le conseil de prud'hommes a :

- dit que le licenciement de Mme [D] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

- condamné la société Groupe Imestia à verser à Mme [D] les sommes suivantes :

* 21.947,76 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

* 15.805,35 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis.

* 1.580,53 euros à titre de congés payés afférents.

* 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral.

* 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- ordonné la remise par la société Groupe Imestia à Mme [D] des documents de fin de contrat rectifiés dans un délai de trente jours calendaires suivant la notification de la présente décision, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, limité à trois mois, le conseil de prud'hommes se réservant le droit de liquider l'astreinte.

- ordonné le remboursement par la société Groupe Imestia à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à Mme [D], dans la limite de deux mois d'indemnités en application de l'article L.1235-4 du code du travail.

- débouté Mme [D] du surplus de ses demandes.

- condamné la société Groupe Imestia aux dépens.

Suivant déclaration d'appel du 14 octobre 2022, la société Groupe Imestia a interjeté appel de ce jugement.

Suivant conclusions signifiées par voie électronique le 28 juin 2023 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société Groupe Imestia demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondée la société Groupe Imestia en son appel.

- y faisant droit,

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a :

* dit le licenciement de Mme [D] dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la société Groupe Imestia à verser à Mme [D] :

* 21.947,76 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

* 15.805,35 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis.

* 1.580,53 euros à titre de congés payés afférents.

* 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral.

* 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

* ordonné la remise à Mme [D] des documents de fin de contrat.

* ordonné le remboursement par la société Groupe Imestia à Pôle emploi des indemnités chômage dans la limite de deux mois d'indemnités.

* condamné la société Groupe Imestia aux dépens.

- confirmer le jugement pour le surplus.

- statuant de nouveau des chefs de jugement infirmés, débouter Mme [D] de l'ensemble de ses demandes.

Subsidiairement :

- réduire le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse à 15.907 euros.

- ordonner le remboursement par Pôle emploi à la société Groupe Imestia de la contribution versée au titre du contrat de sécurisation professionnelle à hauteur de 29.815,83 euros.

- limiter à 1.000 euros le montant des dommages-intérêts pour préjudice moral.

- limiter le montant du remboursement à Pôle emploi au montant de l'ARE, dans la limite de deux mois, sous déduction de la contribution versée par la société Groupe Imestia au titre de l'article L.1233-69 du code du travail.

En tout état de cause :

- débouter Mme [D] de l'ensemble de ses demandes et notamment celles exposées au titre de son appel incident.

- condamner Mme [D] à verser 2.000 euros à la société Groupe Imestia au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner Mme [D] aux dépens.

Suivant conclusions signifiées par voie électronique le 30 mars 2023, Mme [D] demande à la cour de :

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny du 28 septembre 2022 en ce qu'il a jugé que le licenciement pour motif économique dont a fait l'objet Mme [D] le 15 juin 2020 est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes du 28 septembre 2022 dans les condamnations indemnitaires de la société Groupe Imestia au titre de la rupture du contrat de travail de Mme [D].

- confirmer le jugement du conseil de Prud'hommes du 28 septembre 2022 en ce qu'il a condamné la société Groupe Imestia à 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre à des dommages et intérêts pour préjudice moral.

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes du 28 septembre 2022 du chef du quantum octroyé à Mme [D] au titre des dommages-intérêts pour préjudice moral.

Statuant à nouveau de ce chef,

- condamner la société Groupe Imestia à verser la somme de 20.000 euros à Mme [D] à titre des dommages-intérêts pour préjudice moral.

Y ajoutant,

- condamner la société Groupe Imestia à payer en cause d'appel la somme de 8.000 euros à Mme [D] sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture de l'instruction a été rendue le 11 juin 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le licenciement

Sur le motif du licenciement et obligation de reclassement

Alors que la société Groupe Imestia demande à la cour d'infirmer la disposition du jugement qui a dit le licenciement de Mme [D] sans cause réelle et sérieuse, Mme [D] demande la confirmation de cette disposition de sorte que la cour n'est pas saisie d'une prétention au titre de la nullité du licenciement.

La lettre du 15 juin 2020 comporte les motifs économiques suivants, exactement reproduits :

" Nous sommes au regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour motif économique, conformément aux dispositions de l'article L. 1233-3 du code du travail, motivé par votre refus d'accepter la proposition de modification de votre contrat de travail, qui vous a été notifiée par courrier RAR du 6 mars 2020.

Plus précisément, le motif de votre licenciement économique est le suivant :

Nous sommes contraints de procéder à une réorganisation de l'entreprise, destinée à assurer la sauvegarde de sa compétitivité, pour les raisons suivantes :

L'arrêté des comptes 2018 présenté fin juin 2019 a confirmé la forte dégradation des résultats de notre filiale restauration INSTANT SAVEURS, contraignant le GROUPE IMESTIA à augmenter de manière continue son soutien financier.

Cette situation a motivé la demande de nos Commissaires aux Comptes de prendre des décisions énergiques pour remédier à cette situation dégradée.

Nous avons donc procédé à une réorganisation générale (fermeture de sites et arrêt de certaines activités au profit d'un recentrage sur la restauration auto-gérée et sur nos clients historiques, TUP d'INSTANT SAVEURS à SO SAVEURS) qui entraîne une redéfinition des postes de chacun et notamment des fonctions support corrélativement à la réduction d'activité.

Un certain nombre de postes se sont ainsi vu directement impactés, si ce n'est dans leur existence même, mais dans leurs attributions et/ou leur rémunération.

Vous exercez à ce jour les fonctions de Directrice Marketing, Communication et Service Informatique au sein de la Société GROUPE IMESTIA. Ce poste se trouve impacté par les mesures de réorganisation engagées dans la mesure où :

1 -

Pour le service informatique, il est apparu nécessaire de transférer les contrats de travail des deux collaborateurs qui vous sont rattachés vers notre filiale PRESTAREST, en charge de l'activité Restauration Collective.

En effet, dans le cadre de leurs fonctions, ces deux collaborateurs sont principalement en charge du développement de progiciels en lien avec la restauration collective.

La part de leur activité consacrée à la maintenance de notre système et de nos outils informatiques est marginale.

Il apparaissait donc cohérent, tant en termes d'organisation de l'activité que d'affectation comptable des coûts, qu'ils soient rattachés à PRESTAREST, à laquelle ils consacrent la majeure partie de leurs missions.

Ce rattachement permet d'optimiser les coûts et de rationnaliser l'organisation du service informatique.

L'activité marginale liée à la maintenance sera confiée à un prestataire extérieur.

En conséquence, la supervision du service informatique était destinée à disparaître de votre périmètre.

2 -

Votre intitulé de poste et vos fonctions comprennent une activité Marketing, qui, dans les faits, n'a jamais eu de traduction concrète; il s'agit d'une activité totalement en sommeil, la promotion commerciale de nos activités étant gérée en interne par chacune des filiales dans le périmètre qui est le sien.

La mention de cette attribution, dans l'intitulé de votre poste et dans vos missions, ne se justifiait donc plus.

3 -

Un poste de Chargé de communication interne va être créé, qui sera directement rattaché à la Présidence.

Au regard de l'ensemble de ces aménagements et modifications, nous avons donc été amenés à vous proposer le 5 mars dernier un poste de Responsable de la Communication, le poste de Directeur ne se justifiant plus compte tenu de la réduction de votre périmètre d'activités et managérial, avec à la clé une diminution de votre rémunération.

Par courriel en date du 1er avril dernier, vous nous avez fait part de votre refus à l'égard de cette proposition, refus réitéré lors de notre entretien préalable.

Nous n'avons donc d'autre possibilité que de vous notifier votre licenciement pour motif économique

En dépit des recherches que nous avons effectuées au sein de notre entreprise et de ses filiales, conformément à l'article L. 1233-4 du code du travail, nous n'avons pas trouvé de poste de reclassement susceptible de vous être proposé.(...)".

Mme [D] conteste son licenciement en ce que la société Groupe Imestia ne démontre pas que la réorganisation du service qu'elle a dirigé était nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise; que la menace pour la compétitivité de l'entreprise n'est pas caractérisée et d'ailleurs aucune menace réelle ne pesait sur la société Groupe Imestia lors de sa prise de décision de licencier pour motif économique une seule de ses salariés; que les choix opérés par la société Groupe Imestia l'ont été dans la seule optique d'améliorer sa rentabilité au cours de l'année 2019 et n'ont impacté aucun salarié puisqu'aucun licenciement économique n'est intervenu, à part le sien; que dans la lettre de licenciement, aucune indication sur la prétendue menace sur la compétitivité n'est rapportée, aucune indication sur la situation économique de la société n'est suffisamment précisée et aucun chiffre n'est mentionné; que la société Groupe Imestia n'a pas respecté son obligation de reclassement en ce qu'elle n'a proposé aucune offre de reclassement et ne rapporte pas la preuve de l'effectivité de la recherche qui aurait été accomplie pour tenter de la reclasser.

La société Groupe Imestia fait valoir que le secteur de la restauration collective concédée auquel elle appartient connaît depuis plusieurs années des difficultés structurelles qui ont été exacerbées par la crise sanitaire; que ces difficultés l'ont obligée à se réorganiser afin de sauvegarder sa compétitivité et elle justifie de la réorganisation mise en 'uvre; que la proposition de modification du contrat de travail pour motif économique a été valablement et régulièrement formulée à Mme [D]; qu'elle a respecté son obligation de reclassement en ce qu'elle justifie de l'impossibilité de reclasser Mme [D] tant au sein de la société Groupe Imestia qu'au sein des sociétés du groupe dont l'organisation des activités ou le lieu d'exploitation permet la permutation de tout ou partie du personnel ou même au sein des autres sociétés du groupe, au-delà du périmètre au sein duquel elle a l'obligation de rechercher le reclassement.

* * *

Selon l'article L. 1233-3 du code du travail, "Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2° A des mutations technologiques ;

3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

4° A la cessation d'activité de l'entreprise.

La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.

Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.

Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l'une des causes énoncées au présent article, à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants et de la rupture d'un commun accord dans le cadre d'un accord collectif visée aux articles L. 1237-17 et suivants.".

Selon l'article L.1233-4 du code du travail, "Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.

L'employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l'ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.".

Il appartient à l'employeur de justifier qu'il a recherché toutes les possibilités de reclassement existantes ou qu'un reclassement était impossible. Il doit ainsi rapporter la preuve qu'il s'est acquitté de cette obligation de reclassement, qui constitue une obligation de moyens, par une recherche sérieuse, loyale et active de tous les postes disponibles et appropriés, son inobservation privant le licenciement de cause réelle et sérieuse.

La société Groupe Imestia produit : des extraits de registres uniques du personnel, la fiche de poste de conseiller technique, le contrat de travail à durée déterminée du poste de chargé de développement économie sociale et solidaire, le contrat de travail saisonnier à terme précis d'approvisionneur, la fiche de poste de chargé de mission immobilier et le curriculum vitae de Mme [D].

La société Groupe Imestia n'a présenté aucune proposition de reclassement à Mme [D] et notamment pas celle relative au poste que l'intéressée avait refusé dans le cadre de la proposition de modification du contrat de travail.

Par ailleurs, la société Groupe Imestia produit des extraits de registres uniques du personnel annoncés comme étant ceux des sociétés Groupe Imestia, Prestarest, So Saveurs et Devil qui se présentent comme étant des reproductions tronquées en ce que la plus grande partie des documents a été occultée et en ce qu'il ne peut être établi que chaque extrait relève bien du registre de la société concernée.

De plus, la société Groupe Imestia procède par affirmation non démontrée lorsqu'elle conclut que le poste de conseiller technique, statut cadre, qui aurait été disponible pendant la période de reclassement, qui relève de la même catégorie que celle de Mme [D] et qui n'a pas été proposé à cette dernière, "a fait l'objet d'un contrat de travail à durée déterminée de 10 jours conclu avec [W] [T]" et "qui requièrent des compétences sans aucun rapport avec celles" de Mme [D].

Il en résulte que la société Groupe Imestia ne rapporte pas la preuve d'une recherche sérieuse, loyale et active de tous les postes disponibles.

Le licenciement de Mme [D] est donc sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

La société Groupe Imestia fait valoir que, dans l'hypothèse où la cour jugerait dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour motif économique de Mme [D], la condition pour bénéficier du contrat de sécurisation professionnelle étant d'avoir été licenciée pour motif économique, Mme [D] perdrait son droit au contrat de sécurisation professionnelle et ses demandes au titre d'une indemnité de préavis et congés payés afférents emporteraient en conséquence obligation pour la salariée de rembourser au Pôle emploi la différence entre les allocations versées dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle et l'allocation d'aide au retour à l'emploi dont elle aurait bénéficié sans cette adhésion et d'autre part, le contrat de sécurisation professionnelle devenant sans cause tout comme le versement par l'employeur à Pôle emploi en application de l'article L.1233-69 du code du travail, emporterait l'obligation pour le Pôle emploi de rembourser à la société Groupe Imestia la contribution versée à hauteur de 29.815,83 euros représentant le montant de l'indemnité de préavis charges patronales et salariales comprises.

Cependant, en l'absence de motif économique, le contrat de sécurisation professionnelle n'a pas de cause et l'employeur doit payer au salarié l'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents et ce, indépendamment de la contribution qu'il a versé à Pôle emploi, sauf à tenir compte des sommes déjà versées à ce titre au salarié en vertu dudit contrat.

En l'espèce, le licenciement de Mme [D] étant sans cause réelle et sérieuse, la société Groupe Imestia est tenue de lui verser l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents.

La demande tendant à condamner Pôle emploi, devenu France travail, à rembourser à la société Groupe Imestia la contribution versée au titre du CSP à hauteur de 29.815,83 euros sera rejetée, Pôle emploi, devenu France travail, n'étant pas attrait dans la cause.

En conséquence, il convient de condamner la société Groupe Imestia à payer à Mme [D] la somme de15.805,35 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et celle de 1.580,53 euros à titre de congés payés afférents, non discutées en leur montant et dans la limite des demandes de l'intimée.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

En application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail et compte tenu de son âge au moment de la rupture du contrat de travail (36 ans), de son ancienneté (3 ans révolus), de sa qualification, de sa rémunération (6.146,53 euros), des circonstances de la rupture et de la période de chômage qui s'en est suivie justifiée jusqu'en octobre 2022 et des recherches actives d'emplois, il convient d'accorder à Mme [D] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant de 21.947,76 euros.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

La disposition du jugement qui a ordonné la remise par la société Groupe Imestia à Mme [D] des documents de fin de contrat rectifiés sera confirmée sans qu'il y ait lieu de prévoir une astreinte, aucun élément laissant craindre une résistance de la société Groupe Imestia n'étant versé au débat.

La disposition du jugement qui a ordonné le remboursement par la société Groupe Imestia à Pôle emploi, devenu France travail, des indemnités chômage versées à Mme [D], dans la limite de deux mois d'indemnités en application de l'article L.1235-4 du code du travail, sera également confirmée sans que la cour limite le montant du remboursement à Pôle emploi.

Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral

Alors que la société Groupe Imestia conclut que le conseil de prud'hommes a écarté tout harcèlement moral, la cour relève que le conseil de prud'hommes a considéré que "Mme [D], sans être harcelée moralement, a dû supporter des pressions injustifiées et inacceptables de son employeur" et a condamné la société Groupe Imestia à payer à la salariée la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral.

Dans le dispositif de ses conclusions, Mme [D] demande à la cour d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny du 28 septembre 2022 du chef du quantum octroyé à Mme [D] au titre des dommages-intérêts pour préjudice moral et, statuant à nouveau de ce chef, de condamner la société Groupe Imestia à lui verser la somme de 20.000 euros à titre des dommages-intérêts pour préjudice moral.

Il en résulte que Mme [D] ne demande pas d'infirmer la disposition du conseil de prud'hommes qui l'a déboutée de sa demande au titre d'un harcèlement moral mais conteste uniquement le montant des dommages-intérêts alloués par le conseil de prud'hommes au titre d'un préjudice moral.

A ce titre, Mme [D] invoque les manquements qui justifient de lui octroyer la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts à savoir : des missions lui ont été retirées (elle ne participait plus à l'élaboration de la stratégie pour son périmètre d'action comme cela est prévu par son contrat de travail, la tâche de l'envoi des invitations pour les assemblées générales lui a été retirée); elle a été mise à l'écart du dossier Nitidata, de commandes réalisées avec la société LM communication, de groupes de travail et du comité de direction; elle a été décrédibilisée auprès de son équipe laquelle a été informée avant elle de sa rétrogradation; elle a été la seule concernée par une modification de son contrat de travail pour motif économique laquelle constitue une rétrogradation en ce que sa classification professionnelle était modifiée, ses missions étaient supprimées et sa rémunération était diminuée; les motifs à l'origine de la proposition de modification du contrat de travail ne sauraient constituer une proposition loyale de modification du contrat de travail pour motif économique et encore moins justifier un licenciement pour motif économique qui serait lié à une volonté de sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise; elle invoque une mesure disciplinaire déguisée en ce qu'elle a été la seule salariée dans le viseur de l'employeur, et plus particulièrement de Mme [O], qui a tenté de déguiser la rupture de son contrat de travail par le biais d'un licenciement pour motif économique afin de parvenir à l'évincer de l'entreprise.

La société Groupe Imestia conclut que Mme [D] n'établit aucune faute, ni de préjudice, ni de lien de causalité; que les pièces versées aux débats sont constituées de courriers rédigés par Mme [D] elle-même et dépourvus de toute force probante - la salariée ne pouvant se constituer de preuve à elle-même -, ou d'échanges de courriels impuissants à établir la réalité des faits; qu'elle conteste l'ensemble des griefs qui ne sont pas prouvés par Mme [D].

* * *

Celui qui réclame l'indemnisation d'un manquement doit prouver cumulativement l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

Alors que Mme [D] invoque une dégradation de ses relations de travail courant de l'année 2019, elle produit des extraits de son agenda des mois d'octobre, novembre et décembre 2016 qui ne permettent donc pas d'établir qu'elle aurait été écartée de réunions et de l'élaboration de la stratégie pour son périmètre d'action en 2019.

Mme [D] produit un mail de Mme [O] du 6 août 2019 qui annonce à Mme [D] qu'elle souhaite adresser elle-même les invitations à l'assemblée générale du personnel mais en réponse à l'interrogation de Mme [D] ("souhaitez-vous en mail vous-même ou qu'il parte depuis la boîte com'").

Par contre, Mme [D] produit deux échanges de courriels, des 3 octobre 2019 et 18 décembre 2019 qui attestent que des commandes ont été réalisées sans la concerter alors qu'elles entraient dans son domaine de compétence. S'agissant d'échanges de courriels avec Mme [O], ces pièces ne peuvent être considérées comme étant constituées par la salariée elle-même.

De même, Mme [D] justifie, par le courriel du 10 janvier 2020, qu'elle n'a pas été conviée à la réunion plénière de Prestarest et Sosaveurs. C'est en vain que la société Groupe Imestia prétend que cette réunion ne relevait pas de la directrice marketing dès lors que Mme [O] y a été conviée.

De plus, alors que la société Groupe Imestia invoque une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, la cour relève que, sur les trois salariés concernés, seule Mme [D] a fait l'objet d'une proposition de modification du contrat de travail, les autres salariés mentionnés par l'employeur, Mme [H] et M. [U], ont reçu des propositions de transfert de leur contrat de travail en vue d'un rattachement à la société Prestarest avec un maintien de l'ensemble des clauses de leur contrat de travail. Par contre, seule Mme [D] s'est vue proposer un poste de "Responsable de la Communication, le poste de Directeur ne se justifiant plus compte tenu de la réduction de votre périmètre d'activités et managérial, avec à la clé une diminution de votre rémunération.". Alors qu'il a été jugé que la société Groupe Imestia ne justifiait pas d'une recherche sérieuse, loyale et active de reclassement de la salariée, cette proposition s'analyse assurément en une rétrogradation disciplinaire déguisée.

Dans ces conditions, les manquements de l'employeur à l'obligation d'exécution loyale du contrat de travail sont établis. Ceux-ci ont entraîné un préjudice moral certain à Mme [D] qui a été justement indemnisée par le conseil de prud'hommes à hauteur de 10.000 euros.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées et il est équitable de condamner la société Groupe Imestia à payer à Mme [D] la somme de 3.000 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a engagés en cause d'appel.

Les dépens d'appel seront à la charge de la société Groupe Imestia, partie succombante par application de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Confirme le jugement déféré sauf en sa disposition relative à l'astreinte,

Statuant à nouveau,

Rejette la demande d'astreinte sollicitée par Mme [V] [D],

Y ajoutant,

Condamne la société Groupe Imestia à payer à Mme [V] [D] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamne la société Groupe Imestia aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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