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Décisions

CA Chambéry, 1re ch., 14 octobre 2025, n° 23/00029

CHAMBÉRY

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CA Chambéry n° 23/00029

14 octobre 2025

IRS/SL

N° Minute

[Immatriculation 5]/580

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile - Première section

Arrêt du Mardi 14 Octobre 2025

N° RG 23/00029 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HE7W

Décision attaquée : Jugement du Président du TJ d'[Localité 7] en date du 01 Décembre 2022

Appelante

S.A.R.L. HC TRADITION, dont le siège social est situé [Adresse 4]

Représentée par Me Annelieke GILLOTOT, avocat postulant au barreau d'ANNECY

Représentée par Me Julie GAY, avocat plaidant au barreau de VALENCE

Intimés

M. [Z] [H]

né le 12 Mai 1975 à [Localité 7], demeurant [Adresse 1]

Mme [J] [G] épouse [H]

née le 23 Mars 1975 à [Localité 10], demeurant [Adresse 1]

Représentés par la SARL BALLALOUD ET ASSOCIES, avocats au barreau d'ANNECY

M. [U] [C]

né le 01 Janvier 1975 à [Localité 7], demeurant [Adresse 3]

Mme [A] [T] épouse [C]

née le 29 Décembre 1978 à [Localité 9], demeurant [Adresse 3]

Représentés par la SELARL AVOCALP DUFOUR MUGNIER LYONNAZ PUY, avocats au barreau d'ANNECY

S.A. AXA FRANCE IARD, dont le siège social est situé [Adresse 6]

Représentée par la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE-CHAMBERY, avocats postulants au barreau de CHAMBERY

Représentée par la SELARL HINGREZ - MICHEL - BAYON, avocats plaidants au barreau d'ANNECY

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Date de l'ordonnance de clôture : 05 Mai 2025

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 02 septembre 2025

Date de mise à disposition : 14 octobre 2025

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Composition de la cour :

- Mme Nathalie HACQUARD, Présidente,

- Mme Myriam REAIDY, Conseillère,

- Mme Inès REAL DEL SARTE, Magistrat Honoraire,

avec l'assistance lors des débats de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,

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Faits et procédure

Par acte notarié du 24 octobre 2014, M. [Z] [H] et Mme [J] [G] (ci-après les époux [H]) ont fait l'acquisition d'une maison d'habitation située [Adresse 2]) auprès de M. [C] et de Mme [A] [T], (ci-après les époux [C]).

Antérieurement à cette vente, les époux [C] avaient fait installer un poêle à bois raccordé au conduit maçonné existant, par la société HC tradition. La réception des travaux avait eu lieu le 12 juillet 2011.

Le 2 octobre 2015, le prestataire mandaté par les époux [H] pour effectuer le ramonage du poêle a constaté des désordres dans le tubage et des coulures de bistre dans le tampon de visite de ramonage.

Les époux [H] ont vainement sollicité la remise en état de l'installation auprès de la société HC tradition.

Ils ont sollicité leur assurance protection juridique, la société Pacifica, qui a mandaté un expert.

Aux termes de ses deux rapports, l'expert a conclu à un défaut d'étanchéité du tubage, à une installation non conforme à la réglementation et à l'absence de débistrage, pourtant obligatoire.

La société Pacifica s'est alors vainement adressée à la société HC tradition.

Par ordonnance du 30 décembre 2016, le président du tribunal de grande instance d'Annecy a débouté les époux [H] de leur demande d'expertise judiciaire, décision dont ils ont interjeté appel.

Par arrêt du 26 octobre 2017 la cour d'appel de Chambéry, a ordonné une expertise judiciaire au contradictoire de la société HC tradition et a commis M. [Y] pour y procéder.

L'expert a déposé son rapport le 27 mai 2018.

Par acte d'huissier du 10 août 2018, les époux [H] ont fait assigner les époux [C] et la société HC tradition devant le tribunal de grande instance d'Annecy en réparation des dommages subis.

Par acte d'huissier du 6 septembre 2018, la société HC tradition a appelé en cause la société Axa France iard, son assureur décennal, en vue d'être relevée et garantie des condamnations mises à sa charge.

Les époux [H] ont fait réaliser un nouveau conduit pour un coût total de 5.900 euros TTC.

Par jugement du 1er décembre 2022, le tribunal de grande instance devenu tribunal judiciaire d'Annecy, a :

- Débouté les époux [H] de leurs demandes aux fins de condamnation de la société HC tradition, des époux [C] et de la société Axa France iard au titre de la garantie décennale et de la garantie biennale ;

- Condamné la société HC tradition à payer aux époux [H] sur le fondement de la responsabilité contractuelle les sommes de 5.900 euros en réparation de leur préjudice matériel de 1.000 euros en réparation de leur préjudice moral ;

- Débouté les époux [H] de leur demande aux fins de condamnation de la société HC tradition au paiement de la somme de 3.220 euros en réparation du préjudice lié à une surconsommation énergétique ;

- Débouté les époux [H] de leur demande aux fins de condamnation de la société Axa France iard à relever et garantir la société HC tradition des condamnations prononcées contre elle ;

- Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de la société Axa France iard tendant à la mise en 'uvre de la franchise ;

- Condamné la société HC tradition aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire ;

- Condamné la société HC tradition au paiement des sommes de 4.000 euros au profit des époux [H], de 1 500 euros au profit de la société Axa France iard et de 1.500 euros au profit des époux [C] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rappelé que l'exécution provisoire était de droit ;

- Débouté les parties pour le surplus de leurs demandes.

Au visa principalement des motifs suivants :

' L'installation du poêle à bois (sans réalisation du tubage qui était préexistant) ne peut qu'être qualifié d'élément dissociable de l'ouvrage, dont les désordres ne rendent pas l'ouvrage impropre à sa destination puisque la maison a pu être chauffée par la chaudière à fuel. Ne s'agissant pas d'un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil, il n'est pas couvert par la garantie décennale ;

' Dès lors qu'il ne peut être établi que la société HC tradition a effectué ce tubage, sa responsabilité ne pourra être recherchée sur le fondement de la garantie biennale ;

' Il appartenait à la société HC tradition de vérifier que l'installation du poêle à bois était conforme aux règles de sécurité et d'informer les époux [C] en cas de non-conformité. En omettant de le faire, la société HC tradition a manqué à ses obligations ;

' Cette faute a un lien de causalité direct avec le préjudice subi par les époux [H] puisqu'ils ont subi les conséquences de l'achat de ce poêle à bois par les époux [C] en se portant acquéreurs de leur maison.

Par déclaration au greffe de la cour d'appel du 5 janvier 2023, la société HC tradition a interjeté appel de la décision en toutes ses dispositions hormis en ce qu'elle a :

- Débouté les époux [H] de leur demande aux fins de condamnation de la société HC tradition au paiement de la somme de 3 220 euros en réparation du préjudice lié à une surconsommation énergétique ;

- Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de la société Axa France iard tendant à la mise en 'uvre de la franchise ;

Prétentions et moyens des parties

Par dernières écritures du 25 mars 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société HC tradition sollicite l'infirmation des chefs critiqués de la décision et demande à la cour de :

A titre principal,

- Juger que le lien de causalité entre l'installation du poêle à bois et les désordres constatés n'est pas établi ;

- Dire qu'aucune faute ne peut lui être reprochée ;

- Juger qu'aucun manquement à son devoir de conseil ne peut lui être opposé ;

A titre subsidiaire,

- Constater que les désordres relèvent de la garantie décennale en présence d'une impropriété à destination ;

- Condamner la société Axa France iard à la relever et garantir du montant des condamnations ;

En tout état de cause,

- Condamner les époux [H] à la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner les mêmes aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, la société HC tradition fait valoir, en substance, que :

' Les époux [H] échouent à démontrer un quelconque lien de causalité entre le dommage et le préjudice qu'ils ont subi ;

' Si par extraordinaire, sa responsabilité devait être engagée, la Cour ne pourra écarter la garantie décennale due par son assureur compte tenu de l'état dégradé de la cheminée supportant l'ensemble des installations de chauffage de la maison d'habitation des époux [H] rendant cette dernière impropre à sa destination.

Par dernières écritures du 21 juin 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, les époux [H] demandent à la cour de :

A titre principal,

- Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a n'a pas retenu le caractère décennal du désordre et a exclu le préjudice de surconsommation ;

- Dire et juger la société HC tradition et les époux [C] responsables de plein droit des dommages qu'ils ont subis sur le fondement des dispositions des articles 1792 et suivants du code civil ;

- Condamner in solidum la société HC tradition, la société Axa France iard et les époux [C] à leur payer les indemnités suivantes :

- 5.900 euros au titre du remboursement des travaux confiés à la société Turbofonte ayant consisté à réaliser un nouveau conduit de fumée et à installer un nouveau poêle à bois,

- 3.220 euros au titre de la surconsommation de fuel, subie (à parfaire au jour du jugement),

- 1.000 euros au titre du préjudice moral ;

A titre subsidiaire,

- Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu la responsabilité contractuelle de la société HC tradition mais l'infirmer en ce qu'il a exclu le préjudice de surconsommation ;

- Condamner la société HC tradition à leur payer les indemnités suivantes :

- 5.900 euros au titre du remboursement des travaux confiés à la société Turbofonte ayant consisté à réaliser un nouveau conduit de fumée et à installer un nouveau poêle à bois,

- 3.220 euros au titre de la surconsommation de fuel, subie (à parfaire au jour du jugement),

- 1.000 euros au titre du préjudice moral ;

En tout état de cause,

- Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société HC tradition à leur verser une somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise ;

- Condamner la société HC tradition à leur régler une indemnité de 5.000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

- Condamner la société HC tradition aux entiers dépens.

Au soutien de leurs prétentions, les époux [H] font valoir, en substance, que :

' Le risque pour la sécurité des personnes et des biens, ainsi mis en exergue, caractérise assurément un dommage de nature décennale, le bâtiment dans son ensemble étant rendu impropre à sa destination ;

' Les époux [C] sont réputés constructeurs de l'ouvrage litigieux et comme tels appelés à répondre de ses défaillances, lorsqu'elles en compromettent la destination ;

' La société HC tradition, locateur d'ouvrage chargé des travaux litigieux, est également responsable de plein droit à l'égard des époux [H] ;

' Dès lors qu'un risque d'incendie est encouru, et que la fonction de chauffage du poêle à bois est compromise, quelle que soit l'importance quantitative des travaux réalisés sur existant, leur lien avec le sol, la mise en 'uvre de techniques de construction, la garantie décennale des constructeurs doit s'appliquer de sorte que la garantie de la société Axa France iard devra être mobilisée.

Par dernières écritures du 9 mai 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, les époux [C] demandent à la cour de :

- Recevoir l'appel formé par la société HC tradition mais le dire particulièrement mal fondé ;

- Débouter purement et simplement la société HC tradition de l'intégralité de ses demandes;

- Confirmer le jugement entrepris rendu le 1er décembre 2022 par le tribunal judiciaire d'Annecy en toutes ses dispositions ;

Y ajouter en cause d'appel,

- Condamner la société HC tradition à leur payer la somme de 4.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la même aux entiers dépens dont les frais d'expertise judiciaire.

Au soutien de leurs prétentions, les époux [C] font valoir, en substance, que :

' Il n'y a aucun doute sur le fait que l'obligation de vérification préalable à la pose du poêle incombait à l'appelante et entrait dans le cadre de son devoir de conseil, comme l'a retenu le premier juge ;

' La société HC tradition n'apporte pas la preuve qu'elle a apporté les conseils qui lui incombaient.

Par dernières écritures du 20 septembre 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Axa France iard demande à la cour de :

A titre principal,

- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

- Débouté les époux [H] de leurs demandes aux fins de condamnation de la société HC tradition, des époux [C] et de la société Axa France iard au titre de la garantie décennale et de la garantie biennale ;

- Débouté les époux [H] de leur demande aux fins de condamnation de la société HC tradition au paiement de la somme de 3.220 euros en réparation du préjudice lié à une surconsommation énergétique ;

- Débouté les époux [H] de leur demande aux fins de condamnation de la société Axa France iard à relever et garantir la société HC tradition des condamnations prononcées contre elle ;

- Condamné la société HC tradition au paiement de 1.500 euros au profit de la société Axa France iard au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

En conséquence,

- Débouter la société HC tradition et les époux [H] de leur appel ;

- Débouter la société HC tradition, les époux [H] ou toute autre partie de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions à son encontre, mise en cause en qualité d'assureur de la société HC tradition ;

A titre subsidiaire : en cas d'infirmation du jugement dont appel

- Dire et juger que la responsabilité de la société HC tradition ne saurait être retenue ;

En conséquence,

- Rejeter toute demande de condamnation à l'encontre de la compagnie Axa, mise en cause en qualité d'assureur de la société HC tradition ;

A titre infiniment subsidiaire,

- Dire et juger que le montant des sommes réclamées par les époux [H] sont manifestement sur évaluées ;

S'agissant du montant des réparations matérielles,

- Homologuer le montant retenu par l'expert judiciaire à hauteur de 4.357 euros ;

S'agissant des préjudices immatériels,

- Débouter comme totalement infondées, les époux [H] de l'ensemble de leurs demandes à ce titre ;

A défaut,

- Constater qu'elle n'était pas l'assureur de la société HC tradition au jour de la réclamation ;

En conséquence,

- Débouter la société HC tradition, les époux [H] ou toute autre partie de sa demande visant à être relevée et garantie par elle, mise en cause en qualité d'assureur de la société HC tradition au titre des préjudices immatériels ;

En toute hypothèse,

- Dire et juger qu'elle est bien fondée à opposer le montant de sa franchise à son assurée, la société HC tradition à hauteur de 3.328 euros ;

- La déclarer bien fondée à opposer sa franchise aux époux [H] au titre des préjudices immatériels ;

- Condamner la société HC tradition, les époux [H], ou qui mieux le devra à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société HC tradition ou qui mieux que devra, aux entiers dépens de l'instance.

Au soutien de ses prétentions, la société Axa France iard fait valoir, en substance, que :

' Dans la mesure où la société HC tradition s'est limitée à la pose d'un poêle à bois, sans tubage, ces travaux ne sont pas constitutifs d'un ouvrage ;

' L'expert judiciaire relève une non-conformité au niveau du conduit des époux [H], or, il s'agit là d'une non-conformité sans désordre consécutif ;

' La société HC tradition n'est pas à l'origine d'un désordre de nature décennale, de sorte que sa garantie, mise en cause en qualité d'assureur de la société HC tradition, ne saurait être retenue ;

' Il existe une non-conformité, non pas au niveau de la pose du poêle à bois, mais au niveau du conduit préexistant à l'intervention de la société HC tradition, elle n'est pas à l'origine de la non-conformité dénoncée.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.

Une ordonnance du 5 mai 2025 a clôturé l'instruction de la procédure. L'affaire a été retenue à l'audience du 2 septembre 2025.

Motifs et décision

I - Sur les textes applicables

Les époux [H] fondent leurs demandes, à titre principal, sur la garantie décennale.

La troisième chambre civile de la Cour de cassation jugeait, depuis 2017, que les désordres affectant des éléments d'équipement, dissociables ou non, d'origine ou installés sur existant, relevaient de la responsabilité décennale lorsqu'ils rendaient l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination (3e Civ., 15 juin 2017, pourvoi n° 16-19.640, 3e Civ., 14 septembre 2017,n°16-17.323)

Elle juge désormais que, si les éléments d'équipement installés en remplacement ou par adjonction sur un ouvrage existant ne constituent pas en eux-mêmes un ouvrage, ils ne relèvent ni de la garantie décennale ni de la garantie biennale de bon fonctionnement, quel que soit le degré de gravité des désordres, mais de la responsabilité contractuelle de droit commun, non soumise à l'assurance obligatoire des constructeurs (3e Civ., 21 mars 2024, pourvoi n°22-18694 publié).

Ainsi, au sujet de la construction d'une maison achevée en 2009, de la pose d'un poêle à bois en 2010 et d'un incendie survenu en toiture de la maison en 2012, voir 3è Civ, 5 décembre 2024 n° 23-135.62 qui retient la responsabilité contractuelle de droit commun.

Au vu de cette nouvelle jurisprudence, par substitution de motifs, le jugement sera confirmé en ce qu'il a écarté les garanties biennale et décennale, étant précisé qu'il n'est pas discuté que le poêle à bois avec son conduit raccordé à la cheminée sont des éléments d'équipement qui ont fait l'objet d'un contrat de louage d'ouvrage.

Il y a donc lieu d'appliquer la responsabilité de droit commun, de sorte que la société Axa France iard, assureur décennal de la société HC tradition, ne saurait être condamnée à relever et garantir son assurée, le contrat d'assurance ne couvrant pas les fautes contractuelles de l'assuré et le jugement sera confirmé en ce sens.

II - Sur la responsabilité contractuelle de la société HC tradition

Selon l'ancien article 1147 du code civil applicable aux faits de l'espèce, le débiteur est condamné , s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution de l'obligation toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

En l'espèce, il résulte du rapport d'Eurexo mandaté par l'assureur Pacifica que M. et Mme [C], les anciens propriétaires, ont fait installer en 2011 par la société HC tradition un poêle à bois en remplacement d'un insert à foyer fermé.

Lors des deux derniers ramonages, le ramoneur a constaté des désordres sur le tubage situé dans le conduit de cheminée ainsi que des coulures de bistres dans le tampon de visite de ramonage.

M. [E] de la société Eurexo a constaté en examinant la photo prise par Mme [H] lors de l'intervention du ramoneur, une présence importante de bistre ainsi qu'un défaut d'étanchéité du tube mais également la présence de résidus de cendres et de bistre sur les étagères du placard d'accès à la trappe de visite.

Il a, par ailleurs, relevé que l'installation de tubage présentait un angle à 90° alors que la réglementation impose des angles de dévoiement inférieurs à 45° et au nombre maximum de deux.

Enfin, il a noté que le bon de commande et la facture ne faisaient pas apparaître une opération de débistrage pourtant obligatoire lors de la pose d'un tubage dans un conduit maçonné existant.

L'expert judiciaire a tout d'abord relevé l'existence d'une distorsion entre le bon de commande et la facture quant aux prestations effectuées, en effet le bon de commande du 6 juin 2011 prévoit la livraison d'un poêle Hark 17 avec une plaque au sol pour un coût HT de 3 230 euros HT outre le tubage du conduit cheminée d'une longueur de 6 mètres et le raccordement du poêle avec dévoiement pour un montant HT de 900 euros alors que la facture du 10 juillet 2011 est, quant à elle, ainsi libellée :

Poêle à bois Hark 17 3230,00 euros HT

Tuyaux 699,86 euros HT

Fournitures 75,83 euros HT

Main d''uvre 200,00 euros HT

L'expert a relevé qu'il n'a pas été retrouvé de marquage sur le conduit (marquage obligatoire pour signaler le tubage) et par ailleurs, M. [D], sous traitant ayant assuré la pose du poêle et son raccordement au conduit de cheminée a attesté qu'il n'avait pas réalisé la pose de ce tubage.

C'est dès lors à bon droit que le premier juge a considéré que le tubage était préexistant.

Ainsi que l'a relevé l'expert, le poêle à bois n'a pas présenté de difficultés de fonctionnement. La société Marchand & fils a réalisé le ramonage du poêle le 1er octobre 2012, sans observation particulière, mais lors du ramonage effectué le 5 novembre 2013 elle a relevé un raccord non conforme, une cheminée à débistrer et un tubage non conforme (pièces 6 et 7 HC tradition).

L'entreprise Ramonage Herrero qui a effectué le ramonage en octobre 2015 a formulé les observations suivantes : signe de goudron, installation non conforme, remise en conformité avant utilisation.

Au cours des opérations d'expertise, un sapiteur est intervenu aux fins de contrôler l'état du conduit de cheminée.

Les constatations de l'expert et du sapiteur ont été les suivantes :

- La cheminée comprend deux conduits, un pour la chaudière fuel et l'autre pour le poêle à bois.

- Le sapiteur M. [B], n'a pas pu passer la caméra entre le conduit maçonné de la cheminée et le tubage compte tenu de l'exiguïté du conduit mais la découverte d'une trappe d'accès au premier étage a permis de faire un constat visuel de l'état du conduit : « Le bistre est présent sur les parois du conduit maçonné et la proximité du tubage peut conduire à un risque d'incendie accentué par un habillage bois du conduit de cheminée et une trappe métallique défectueuse.Il est décidé à l'unanimité des techniciens présents de condamner ce conduit qui dans l'état ne peut être utilisé ne pouvant être ramoné ou remis aux normes. »

L'expert a retenu que : « L'installation du poêle à bois n'aurait pas du être réalisée compte tenu de l'état du conduit de fumée. Si on admet que HC tradition n'a pas réalisé la pose du chemisage, il lui appartenait de vérifier l'état du conduit sur lequel il se raccordait. Deux défauts majeurs lui interdisaient ce raccordement :

- Exiguïté du pied de cheminée rendant impossible la pose d'un Té de ramonage permettant le ramonage et le contrôle de vacuité du conduit. Si ce Té n'est pas obligatoire, l'installation de raccordement doit permettre le ramonage et le contrôle de vacuité, ce qui n'est pas le cas.

- Etat de la cheminée, présence de bistre et habillage bois autour du conduit rendant la cheminée dangereuse compte tenu des températures de fumées importantes dans le cas des poêles à bois. »

Il a ajouté que le conduit de fumée du poêle à bois devait être condamné, qu'il était impossible de réaliser un débistrage du conduit et que les travaux de mise en conformité seraient excessifs.

En conclusion il a indiqué que : « Le manquement imputable à HC tradition est celui d'un défaut de conseil.En qualité de professionnel, il aurait dû refuser la vente et la pose de ce poêle à bois dans les conditions rencontrées sur place. »

A cet égard, il convient de se référer à la publicité et aux engagements pris par HC tradition sur son site internet :

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En l'espèce, la société HC tradition, dont le showroom est situé à [Localité 8] dans la Drôme, n'établit nullement, et ne prétend d'ailleurs même pas, avoir effectué une première visite permettant de vérifier la faisabilité du projet, laquelle était pourtant indispensable.

Par ailleurs, ainsi que l'a retenu le premier juge, la société HC tradition ne produit aucun document de nature à justifier qu'elle aurait rempli son devoir de conseil et d'information auprès des époux [C]. Le bon de commande et la facture ne mentionnent aucun élément permettant d'établir que les époux [C] ont reçu un quelconque conseil de la part de la société HC tradition, alors même que s'agissant d'une intervention technique par un professionnel au profit de particuliers, elle avait un devoir de conseil renforcé.

La société HC tradition soutient qu'il est impossible, à la seule lecture du rapport d'expertise de retracer la chronologie des modifications opérées successivement sur le conduit de cheminée existant, responsable du défaut de l'installation, et qu'ainsi le lien de causalité entre son intervention et le dommage que les époux [H] soutiennent avoir subi, n'est pas établi.

Or, force est de constater que quelles que soient les modifications qui auraient pu intervenir sur le conduit de cheminée, il est certain et établi que ce conduit, qui préexistait à la fourniture et pose du poêle puisqu'il s'agissait du remplacement d'un insert qui a d'ailleurs été repris par la société HC tradition pour destruction (pièce 2 [H]), n'était pas aux normes de par sa taille et ne permettait pas un entretien normal de l'installation.

Par ailleurs, et en tout état de cause, la responsabilité de la société HC tradition n'est pas recherchée au titre de la non-conformité du conduit de fumée mais au titre de son manquement à son obligation de conseil qui aurait dû la conduire à refuser de poser le poêle.

Enfin, la société HC tradition se réfère notamment dans ses écritures au règlement sanitaire départemental de Haute Savoie qui a été créé par arrêté préfectoral du 18 décembre 1985 et modifié le 3 août 1987.

Ce règlement dont le titre II sur l'habitat déterminait pour tous les logements construits antérieurement à sa publication, les normes minimales d'habitabilité, est resté en vigueur dans l'attente d'un décret pris en application du code de la santé publique.

Le décret n° 2023-695 du 29 juillet 2023, entré en vigueur le 1er octobre 2023 est ainsi venu modifier le chapitre relatif à la salubrité des immeubles et des agglomérations (articles R 1331-1 à R 1331-78) du Code de la santé publique de sorte que ce règlement est abrogé.

Au surplus, la société HC tradition en dénature les termes :

- Les articles 31.1 à 31.6 visent notamment les relations entre propriétaire et locataire :

31.1. Généralités

Les conduits de fumée intérieurs ou extérieurs, fixes ou mobiles, utilisés pour l'évacuation des gaz de la combustion doivent être maintenus constamment en bon état d'entretien et de fonctionnement et ramonés périodiquement en vue d'assurer le bon fonctionnement des appareils et d'éviter les risques d'incendie et d'émanations de gaz nocifs dans l'immeuble, ainsi que les rejets de particules dans l'atmosphère extérieure. A l'entrée en jouissance de chaque locataire ou occupant, le propriétaire ou son représentant doit s'assurer du bon état des conduits, appareils de chauffage ou de production d'eau chaude desservant les locaux mis à leur disposition, dans les conditions définies au paragraphe suivant. Les appareils de chauffage, de cuisine ou de production d'eau chaude ne peuvent être branchés dans les conduits qu'après examen de ceux-ci. L'installateur qui procède à ces examens doit remettre à l'utilisateur un certificat établissant l'étanchéité du conduit dans des conditions normales d'utilisation, sa régularité et suffisance de section, sa vacuité, sa continuité et son ramonage. »

- L'article 31.5 concerne non pas le ramonage mais le chemisage qui consiste à garnir la paroi du conduit d'un revêtement étanche, apportant ainsi une étanchéité sans faille. Il est donc normal de contrôler régulièrement le bon état de ce chemisage avec un essai d'étanchéité. Or, en l'espèce, il n'y a eu aucun chemisage du conduit.

- L'article 31.6. « Entretien, nettoyage et ramonage des conduits de fumée et de ventilation » énonce :

Les foyers et leurs accessoires, les conduits de fumée individuels et collectifs et les tuyaux de raccordement doivent être entretenus, nettoyés et ramonés dans les conditions ci-après :

- Les appareils de chauffage, de production d'eau chaude ou de cuisine individuels, ainsi que leurs tuyaux de raccordement doivent être, à l'initiative des utilisateurs, vérifiés, nettoyés et réglés au moins une fois par an et plus souvent si nécessaire en fonction des conditions et de la durée d'utilisation ;

- Dans le cas des appareils collectifs, ces opérations seront effectuées à l'initiative du propriétaire ou du syndic. Les conduits de fumée habituellement en fonctionnement et desservant des locaux d'habitation et des locaux professionnels annexes doivent être ramonés deux fois par an, dont une fois pendant la période d'utilisation.

Ces opérations sont effectuées à l'initiative de l'utilisateur pour les conduits desservant des appareils individuels, ou du propriétaire ou du gestionnaire s'ils desservent des appareils collectifs.

Elles doivent être effectuées par une entreprise qualifiée à cet effet par l'Organisme Professionnel de Qualification et de Classification du Bâtiment.

Un certificat de ramonage doit être remis à l'usager précisant le ou les conduits de fumée ramonés et attestant notamment de la vacuité du conduit sur toute sa longueur. »

Il s'agit là encore de dispositions répartissant la charge des obligations entre propriétaires et utilisateurs qui ne concernent pas le cas d'espèce.

Le jugement qui a retenu la responsabilité de la société HC tradition pour défaut de conseil sera confirmé.

III - Sur les préjudices des époux [H]

a) Sur le préjudice lié au remplacement du poêle à bois

En l'absence d'élément nouveau, c'est par une motivation pertinente que la cour adopte expressément que le premier juge a condamné la société HC tradition à indemniser les époux [H] au titre de la prise en charge financière de remplacement du poêle soit la somme de 5 900 euros.

b) Sur le préjudice lié à la surconsommation de chauffage

En l'absence d'élément nouveau, c'est par une motivation pertinente que la cour adopte expressément que le premier juge a retenu que les époux [H] ne rapportaient pas la preuve d'une augmentation de leurs dépenses énergétiques après avoir arrêté d'utiliser leur poêle à bois et a rejeté leur demande d'indemnisation de ce poste de préjudice. Le jugement sera confirmé en ce sens.

c) Sur le préjudice moral

C'est par une juste motivation, que la cour adopte expressément, qu'au vu de la privation de l'usage du poêle à bois pendant quatre hivers et de la prise de conscience après l'expertise judiciaire des risques encourus lors de l'utilisation de ce moyen de chauffage, le premier juge a condamné la société HC tradition à payer aux époux [H] la somme de 1.000 euros en réparation de leur préjudice moral. Le jugement sera confirmé en ce sens.

IV - Sur les mesures accessoires

La société HC tradition qui échoue en ses prétentions devant la cour est tenue aux dépens exposés en appel.

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de M. et Mme [H], de M. et Mme [C] et de la société Axa France iard.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société HC tradition aux dépens exposés devant la cour

Condamne la société HC tradition à payer les sommes de :

- 4.000 euros au profit de M. [Z] [H] et Mme [J] [K] épouse [H],

- 1.500 euros au profit de la société Axa France iard,

- 1.500 euros au profit de M. [U] [C] et Mme [A] [T] épouse [C],

sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

et signé par Nathalie HACQUARD, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, La Présidente,

Copie délivrée le 14 octobre 2025

à

Me Annelieke GILLOTOT

la SARL BALLALOUD ET ASSOCIES

la SELARL AVOCALP DUFOUR MUGNIER LYONNAZ PUY

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE-CHAMBERY

Copie exécutoire délivrée le 14 octobre 2025

à

Me Annelieke GILLOTOT

la SARL BALLALOUD ET ASSOCIES

la SELARL AVOCALP DUFOUR MUGNIER LYONNAZ PUY

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE-CHAMBERY

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