CA Poitiers, 1re ch., 14 octobre 2025, n° 23/02519
POITIERS
Arrêt
Autre
ARRET N°315
N° RG 23/02519 - N° Portalis DBV5-V-B7H-G5LH
[Z]
C/
[U]
Loi n° 77-1468 du30/12/1977
Copie revêtue de la formule exécutoire
Le à
Le à
Le à
Copie gratuite délivrée
Le à
Le à
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 14 OCTOBRE 2025
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/02519 - N° Portalis DBV5-V-B7H-G5LH
Décision déférée à la Cour : jugement du 27 juillet 2023 rendu par le TJ de [Localité 7].
APPELANT :
Monsieur [D] [Z]
né le 26 Septembre 1962 à [Localité 6]
[Adresse 2]
[Localité 3]
ayant pour avocat postulant Me Aurélie NOUREAU de la SELARL E-LITIS SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de SAINTES et pour avocat plaidant Me Alice HOULGARD, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIME :
Monsieur [V] [U]
né le 11 Août 1986 à [Localité 8]
[Adresse 4]
[Localité 1]
ayant pour avocat Me Cécile HIDREAU de la SCP BODIN-BOUTILLIER-DEMAISON-GIRET-HIDREAU-SHORTHOUSE, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 26 Juin 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Thierry MONGE, Président de Chambre qui a fait le rapport
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,
ARRÊT :
- Contradictoire
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ :
[D] [Z] était propriétaire à [Localité 9], en Charente-Maritime, d'un bien immobilier en nature de garage qu'il a transformé en habitation selon permis de construire délivré le 15 janvier 2014 et déclaration d'achèvement des travaux du 7 mai 2015 et qu'il a vendu à [V] [U] par acte notarié du 15 novembre 2017 énonçant qu'il avait effectué lui-même les travaux sans être couvert par une assurance dommages-ouvrage ou constructeur.
Affirmant au vu d'un rapport d'expertise amiable déplorer divers désordres dans cette propriété, M. [U] a obtenu en référé le 30 avril 2019 au contradictoire de son vendeur l'institution d'une expertise qui a été confiée à M. [K], lequel a déposé son rapport définitif en date du 19 avril 2021.
Il a alors fait assigner [D] [Z] devant le tribunal judiciaire de La Rochelle par acte du 28 avril 2022 en sollicitant dans le dernier état de ses prétentions sa condamnation sur le fondement des articles 1792 et suivants, 1641 et suivants, 1103 et suivants du code civil, à l'indemniser des préjudices consécutifs aux désordres objectivés par l'expert judiciaire, en lui payant :
.61.712,42€ en réparation des dommages affectant l'habitation, avec indexation sur l'évolution de l'indice BT01 de la construction
.8.500€ en réparation de ses préjudices annexes
.outre 10.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile
sollicitant du tribunal de ne pas écartrer l'exécution provisoire.
M. [U] a conclu au rejet de cette action au motif que M. [Z] avait acquis le bien en connaissant le problème d'humidité qu'il présentait. Il a en tout état de cause argué d'irrecevabilité le devis complémentaire de réfection 'Coren' transmis par l'expert postérieurement à son dessaisissement, et a contesté la réalité des préjudices annexes invoqués.
Par jugement du 27 juillet 2023, le tribunal judiciaire de La Rochelle a :
* déclaré le devis Coren établi le 8 juin 2021 et la note de l'expert du 26 avril 2021 opposables à M. [D] [Z]
* condamné M. [D] [Z] à verser à M. [V] [U] la somme de 60.727,92€ TTC indexée sur l'indice BT 01 du coût de la construction, en réparation des désordres de la toiture, d'humidité, et relatifs au poële
* condamné M. [D] [Z] à verser à M. [V] [U] la somme de 1.000€ au titre des frais de relogement
* condamné M. [D] [Z] à verser à M. [V] [U] la somme de 5.000€ en réparation du trouble de jouissance
* débouté M. [V] [U] de son action en garantie des vices cachés au regard des désordres de carrelage et de sortie de VMC
* condamné M. [Z] à verser à M. [U] la somme de 4.500€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
* condamné M. [Z] aux dépens incluant les frais d'expertise judiciaire et les dépens de l'instance en référé
* rappelé que l'exécution provisoire était de droit
Les dernières écritures prises en compte par la cour au titre de l'article 954 du code de procédure civile ont été transmises par la voie électronique :
* le 16 février 2024 par M. [D] [Z]
* le 6 mai 2024 par M. [V] [U].
M. [D] [Z] demande à la cour :
- de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [U] de son action en garantie des vices cachés au regard des désordres de carrelage et de sortie de VMC et de son action en garantie décennale au regard des désordres de carrelage et de sortie de VMC
- d'infirmer le jugement en ses autres chefs de décision (qu'il énumère)
Statuant à nouveau :
- de dire que M. [U] a acheté le bien en l'état et en connaissance du problème d'humidité présent dans la maison
- de dire que le courrier de l'expert [E] [K] en date du 26 avril 2021, soit postérieur à la remise de son rapport, est nul et de nul effet, et non opposable à M. [Z]
- de dire que le devis Coren en date du 8 juin 2021 est inopposable à M. [Z]
- de dire que M. [U] ne souffre d'aucun préjudice connexe
- de dire que la garantie des vices cachés n'est pas applicable en l'espèce
- de débouter M. [U] de toutes ses demandes au titre des frais de relogement
- de débouter M. [U] de toutes ses demandes au titre de la réparation du trouble de jouissance
- de manière générale : de débouter M. [U] de toutes ses demandes, fins et prétentions
En tout état de cause :
- de condamner M. [U] à la somme de 4.500 € au titre de l'application de l'article 700 du code de procédure civile
- de le condamner aux dépens de première instance, dont les frais d'expertise judiciaire, et aux dépens d'appel.
Il conteste pouvoir être tenu sur le fondement de la garantie des vices cachés due par le vendeur, en affirmant que M. [U] avait parfaitement conscience, au jour de la vente, d'acheter une maison avec des problèmes d'humidité, qu'il n'en a ensuite jamais cherché les raisons et a laissé dégénérer la situation.
Il réfute l'application de la garantie décennale retenue par le premier juge, en objectant que contrairement à ce que celui-ci a considéré, elle suppose que l'acquéreur qui l'invoque prouve que les conditions d'application de l'article 1792 du code civil sont réunies et donc que le dommage n'était pas apparent à la réception, et il fait valoir à cet égard que M. [U] ne démontre pas que les dommages dont il argue n'étaient pas apparents à la date d'achèvement des travaux et de la réception, le 5 mai 2015. Il affirme que ces désordres étaient apparents à cette date, et qu'il les a indiqués à l'acheteur.
Il maintient que le courrier de l'expert judiciaire daté du 26 avril 2021 et le devis Coren du 8 juin 2021 lui sont inopposables puisque l'expert était dessaisi par le dépôt de son rapport définitif opéré le 19 avril 2021.
Il conteste subsidiairement le principe même d'une indemnité de relogement et d'un préjudice de jouissance, en soutenant que l'expert a clairement dit que la maison avait toujours été habitée et qu'il n'existait pas de préjudices annexes.
M. [V] [U] demande à la cour :
- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement sauf à porter à la somme de 7.000€ le montant des dommages et intérêts en réparation du trouble de jouissance
Y ajoutant :
- de condamner M. [Z] à lui payer la somme de 8.000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- de condamner M. [Z] aux entiers dépens de la procédure d'appel.
Il récuse les contestations adressées au travail de l'expert judiciaire, en faisant valoir que celui-ci n'a fait que rectifier une erreur dans le calcul du coût des travaux de reprise en y ajoutant un devis du 10 août 2018 qui avait été contradictoirement communiqué avant le dépôt de son rapport, et qui a simplement été actualisé à la date de cette rectification, et fusionné avec les autres devis de l'entreprise également retenus.
Il affirme que M. [Z] n'a jamais attiré son attention avant l'achat sur la gravité et l'ampleur de l'humidité affectant le plancher de l'étage et sur l'importance des réparations qu'elle nécessitait.
Il récuse l'attestation établie par l'agent immobilier Orpi en rappelant que celle-ci désignait le bien comme une 'jolie maison en excellent état', et il assure n'avoir constaté des traces d'humidité dans la salle de bain que le 26 novembre 2017 et non avant l'achat.
Il objecte qu'en tout état de cause, aussi bien au titre de l'apparence des désordres décennaux que de l'apparence d'un vice, c'est seulement le rapport d'expertise judiciaire qui a révélé les défauts dans toutes leur ampleur et leurs conséquences.
Il conclut à la confirmation de l'indemnisation allouée par le tribunal sauf du chef du trouble de jouissance, pour lequel il réclame par voie d'appel incident 7.000€ sur la base de 1.000€ par an en faisant valoir que la situation est désastreuse pour sa santé alors qu'il est atteint d'une sclarose en plaque, maladie sur laquelle le stress peut avoir ue évolution péjorative, et produit un certificat médical à ce titre.
L'ordonnance de clôture est en date du 17 mars 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
M. [U] a acquis un bien immobilier dont l'acte énonce (cf pages 12 à 15) qu'il a fait l'objet de la transformation d'un garage en maison d'habitation et qu'il donne lieu au profit de l'acquéreur au bénéfice de la garantie décennale du vendeur-constructeur pour la totalité de la construction.
L'acte énonce que le vendeur a réalisé lui-même les travaux (page 15), et le titre de M. [D] [Z] énonce (cf pièce n°1, page 3) qu'il avait acquis le 16 septembre 'un garage à transformer en habitation' de M. [M] [O], lequel atteste si besoin était lui avoir vendu un 'garage aménageable en logement' (pièce n°13 de l'appelant).
Ainsi que pertinemment retenu par le premier juge, M. [V] [U] est fondé à invoquer la responsabilité décennale du vendeur au vu des graves désordres, que le jugement recense, qui compromettent la solidité de l'ouvrage tels qu'objectivés par les constatations et conclusions, concordantes, de l'expert judiciaire [E] [K] et du rapport d'expertise amiable régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion.
Il en ressort en effet que le plancher présente un risque d'effondrement si d'importants travaux ne sont pas entrepris dans un délai raisonnable, en raison de l'humidité gorgeant les poutres qui le soutiennent ; que le couvert de la maison n'est pas assuré en raison des infiltrations qui se produisent sur au moins une des pannes, le châssis n'étant pas étanche et les tuiles n'étant pas correctement posées ; l'enduit, qui se décolle, n'assurant plus l'étanchéité du bâtiment ; et le poêle qui assure le chauffage ne fonctionnant pas et étant dangereux en l'absence de dispositif de ventilation.
Il n'est pas établi que ces désordres, mis en lumière par l'expert judiciaire en découpant un doublage au droit d'une solive ce qui a révélé l'état des poutres, et en montant sur la toiture (cf rapport p. 8 et 19), aient été apparents à la réception de l'ouvrage, ni à l'acquéreur le jour de la vente en leur réalité, leur nature, leur ampleur et leurs conséquences.
Le courrier de l'agence Orpi par l'intermédiaire de laquelle la vente avait été conclue, produit sous pièce n°7 par l'appelant, qui en est le destinataire, énonçant 'Monsieur, je vous confirme que l'humidité sur la poutre de la salle de bains a bien été constaté par Monsieur [U] au cours des visites effectuées sur la maison sise [Adresse 5]. Nous vous prions d'agréer, Monsieur, nos solutations distinguées', ne constitue pas une attestation, mais une correspondance, dont l'auteur a fait précéder sa signature de la mention 'P.O.' ; il n'est pas établi conformément aux prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile ; il est dépourvu de caractère probant, étant observé que l'intimé rappelle à bon droit que cette même agence immobilière présentait la maison qu'elle était mandatée pour vendre comme 'en excellent état' (cf pièce n°16).
À supposer même pour les besoins du raisonnement que M. [U], ce qu'il conteste et qui n'est pas établi, ait vu de l'humidité sur la poutre de la salle de bain, il n'en résultait pas pour l'acheteur profane qu'il était la révélation d'un vice affectant l'ensemble des solives supportant le plancher de l'étage avec risque d'effondrement du plancher tel que mis en lumière par l'expertise judiciaire.
Le tribunal a ainsi retenu à raison que la responsabilité décennale de M. [Z] était engagée envers M. [U].
L'affirmation de l'appelant que ce dernier aurait été négligent et aurait en cela aggravé les désordres, ne repose sur aucun élément.
Le premier juge a condamné à bon droit M. [Z] à verser à M. [U] la somme, cornforme aux évaluations de l'expert judiciaire motivées et non contredites, de 60.727,92€ TTC indexée sur l'indice BT 01 du coût de la construction, en réparation des désordres de la toiture, d'humidité, et relatifs au poële.
La contestation formulée par M. [Z] sur la prise en compte par l'expert judiciaire postérieurement au dépôt de son rapport, d'un devis de l'entreprise Coren daté du 8 juin 2021, dans son estimation du coût des remèdes, n'est pas fondée et a été rejetée à juste titre par le premier juge.
Le dépôt de son rapport par l'expert ne l'empêchait pas d'en rectifier une erreur à la requête d'une partie, ce qu'il a fait contradictoirement en ajoutant aux devis qu'il avait retenus pour chiffrer le coût des travaux de reprise le devis complémentaire actualisé qu'il avait demandé à M. [U] de lui fournir à l'issue de sa réunion contradictoire du 7 juillet 2020 (cf rapport p. 20) et le tribunal constate à bon droit que ce devis est en tout état de cause régulièrement produit aux débats et invoqué par M. [U], qu'il est soumis à la discussion et qu'il peut être pris en compte en tout état de cause par la juridiction pour chiffrer son indemnisation.
S'agissant des postes d'indemnisation invoqués en première instance par M. [U] et rejetés par le tribunal, y compris au titre de la garantie des vices cachés, l'intimé ne formule pas d'appel incident à ce titre, et ce rejet est ainsi définitif.
S'agissant de l'indemnisation de 1.000€ allouée par le tribunal à M. [U] au titre de la nécessité de se reloger pendant la durée des travaux, elle est justifiée en son principe comme en son montant, au vu de la nature et de la durée des importants travaux de toiture et intérieurs requis pour remédier aux désordres décennaux tels que les décrit l'expert judiciaire en des conclusions non contredites.
S'agissant de la demande d'indemnisation de son trouble de jouissance formulée par M. [U], elle est fondée, au vu de l'inconfort et des craintes ressentis depuis 2017 à vivre dans une habitation à la très forte humidité intérieure et présentant un risque d'effondrement du plancher de l'étage, et en l'état de son importance, et de sa durée, c'est à ce titre une somme de 7.000€ que, par réformation du jugement de ce chef, M. [Z] sera condamné à verser à son cocontractant.
Les chefs de décision du jugement afférents aux dépens et à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sont pertinents et adaptés et seront confirmés.
M. [D] [Z] succombe en son recours et supportera les dépens d'appel.
Il versera à M. [U] une indemnité au titre des frais irrépétibles que celui-ci a dû exposer devant la cour.
PAR CES MOTIFS
la cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort:
CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il a chiffré à la somme de 5.000€ le montant de l'indemnité allouée à M. [V] [U] au titre de l'indemnisation de son trouble de jouissance
statuant à nouveau de ce chef :
CONDAMNE M. [D] [Z] à verser à M. [V] [U] la somme de 7.000€ en réparation de son trouble de jouissance
REJETTE toutes demandes autres ou contraires
CONDAMNE M. [Z] aux dépens d'appel
LE CONDAMNE à verser à M. [U] la somme de 5.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
N° RG 23/02519 - N° Portalis DBV5-V-B7H-G5LH
[Z]
C/
[U]
Loi n° 77-1468 du30/12/1977
Copie revêtue de la formule exécutoire
Le à
Le à
Le à
Copie gratuite délivrée
Le à
Le à
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 14 OCTOBRE 2025
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/02519 - N° Portalis DBV5-V-B7H-G5LH
Décision déférée à la Cour : jugement du 27 juillet 2023 rendu par le TJ de [Localité 7].
APPELANT :
Monsieur [D] [Z]
né le 26 Septembre 1962 à [Localité 6]
[Adresse 2]
[Localité 3]
ayant pour avocat postulant Me Aurélie NOUREAU de la SELARL E-LITIS SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de SAINTES et pour avocat plaidant Me Alice HOULGARD, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIME :
Monsieur [V] [U]
né le 11 Août 1986 à [Localité 8]
[Adresse 4]
[Localité 1]
ayant pour avocat Me Cécile HIDREAU de la SCP BODIN-BOUTILLIER-DEMAISON-GIRET-HIDREAU-SHORTHOUSE, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 26 Juin 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Thierry MONGE, Président de Chambre qui a fait le rapport
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,
ARRÊT :
- Contradictoire
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ :
[D] [Z] était propriétaire à [Localité 9], en Charente-Maritime, d'un bien immobilier en nature de garage qu'il a transformé en habitation selon permis de construire délivré le 15 janvier 2014 et déclaration d'achèvement des travaux du 7 mai 2015 et qu'il a vendu à [V] [U] par acte notarié du 15 novembre 2017 énonçant qu'il avait effectué lui-même les travaux sans être couvert par une assurance dommages-ouvrage ou constructeur.
Affirmant au vu d'un rapport d'expertise amiable déplorer divers désordres dans cette propriété, M. [U] a obtenu en référé le 30 avril 2019 au contradictoire de son vendeur l'institution d'une expertise qui a été confiée à M. [K], lequel a déposé son rapport définitif en date du 19 avril 2021.
Il a alors fait assigner [D] [Z] devant le tribunal judiciaire de La Rochelle par acte du 28 avril 2022 en sollicitant dans le dernier état de ses prétentions sa condamnation sur le fondement des articles 1792 et suivants, 1641 et suivants, 1103 et suivants du code civil, à l'indemniser des préjudices consécutifs aux désordres objectivés par l'expert judiciaire, en lui payant :
.61.712,42€ en réparation des dommages affectant l'habitation, avec indexation sur l'évolution de l'indice BT01 de la construction
.8.500€ en réparation de ses préjudices annexes
.outre 10.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile
sollicitant du tribunal de ne pas écartrer l'exécution provisoire.
M. [U] a conclu au rejet de cette action au motif que M. [Z] avait acquis le bien en connaissant le problème d'humidité qu'il présentait. Il a en tout état de cause argué d'irrecevabilité le devis complémentaire de réfection 'Coren' transmis par l'expert postérieurement à son dessaisissement, et a contesté la réalité des préjudices annexes invoqués.
Par jugement du 27 juillet 2023, le tribunal judiciaire de La Rochelle a :
* déclaré le devis Coren établi le 8 juin 2021 et la note de l'expert du 26 avril 2021 opposables à M. [D] [Z]
* condamné M. [D] [Z] à verser à M. [V] [U] la somme de 60.727,92€ TTC indexée sur l'indice BT 01 du coût de la construction, en réparation des désordres de la toiture, d'humidité, et relatifs au poële
* condamné M. [D] [Z] à verser à M. [V] [U] la somme de 1.000€ au titre des frais de relogement
* condamné M. [D] [Z] à verser à M. [V] [U] la somme de 5.000€ en réparation du trouble de jouissance
* débouté M. [V] [U] de son action en garantie des vices cachés au regard des désordres de carrelage et de sortie de VMC
* condamné M. [Z] à verser à M. [U] la somme de 4.500€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
* condamné M. [Z] aux dépens incluant les frais d'expertise judiciaire et les dépens de l'instance en référé
* rappelé que l'exécution provisoire était de droit
Les dernières écritures prises en compte par la cour au titre de l'article 954 du code de procédure civile ont été transmises par la voie électronique :
* le 16 février 2024 par M. [D] [Z]
* le 6 mai 2024 par M. [V] [U].
M. [D] [Z] demande à la cour :
- de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [U] de son action en garantie des vices cachés au regard des désordres de carrelage et de sortie de VMC et de son action en garantie décennale au regard des désordres de carrelage et de sortie de VMC
- d'infirmer le jugement en ses autres chefs de décision (qu'il énumère)
Statuant à nouveau :
- de dire que M. [U] a acheté le bien en l'état et en connaissance du problème d'humidité présent dans la maison
- de dire que le courrier de l'expert [E] [K] en date du 26 avril 2021, soit postérieur à la remise de son rapport, est nul et de nul effet, et non opposable à M. [Z]
- de dire que le devis Coren en date du 8 juin 2021 est inopposable à M. [Z]
- de dire que M. [U] ne souffre d'aucun préjudice connexe
- de dire que la garantie des vices cachés n'est pas applicable en l'espèce
- de débouter M. [U] de toutes ses demandes au titre des frais de relogement
- de débouter M. [U] de toutes ses demandes au titre de la réparation du trouble de jouissance
- de manière générale : de débouter M. [U] de toutes ses demandes, fins et prétentions
En tout état de cause :
- de condamner M. [U] à la somme de 4.500 € au titre de l'application de l'article 700 du code de procédure civile
- de le condamner aux dépens de première instance, dont les frais d'expertise judiciaire, et aux dépens d'appel.
Il conteste pouvoir être tenu sur le fondement de la garantie des vices cachés due par le vendeur, en affirmant que M. [U] avait parfaitement conscience, au jour de la vente, d'acheter une maison avec des problèmes d'humidité, qu'il n'en a ensuite jamais cherché les raisons et a laissé dégénérer la situation.
Il réfute l'application de la garantie décennale retenue par le premier juge, en objectant que contrairement à ce que celui-ci a considéré, elle suppose que l'acquéreur qui l'invoque prouve que les conditions d'application de l'article 1792 du code civil sont réunies et donc que le dommage n'était pas apparent à la réception, et il fait valoir à cet égard que M. [U] ne démontre pas que les dommages dont il argue n'étaient pas apparents à la date d'achèvement des travaux et de la réception, le 5 mai 2015. Il affirme que ces désordres étaient apparents à cette date, et qu'il les a indiqués à l'acheteur.
Il maintient que le courrier de l'expert judiciaire daté du 26 avril 2021 et le devis Coren du 8 juin 2021 lui sont inopposables puisque l'expert était dessaisi par le dépôt de son rapport définitif opéré le 19 avril 2021.
Il conteste subsidiairement le principe même d'une indemnité de relogement et d'un préjudice de jouissance, en soutenant que l'expert a clairement dit que la maison avait toujours été habitée et qu'il n'existait pas de préjudices annexes.
M. [V] [U] demande à la cour :
- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement sauf à porter à la somme de 7.000€ le montant des dommages et intérêts en réparation du trouble de jouissance
Y ajoutant :
- de condamner M. [Z] à lui payer la somme de 8.000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- de condamner M. [Z] aux entiers dépens de la procédure d'appel.
Il récuse les contestations adressées au travail de l'expert judiciaire, en faisant valoir que celui-ci n'a fait que rectifier une erreur dans le calcul du coût des travaux de reprise en y ajoutant un devis du 10 août 2018 qui avait été contradictoirement communiqué avant le dépôt de son rapport, et qui a simplement été actualisé à la date de cette rectification, et fusionné avec les autres devis de l'entreprise également retenus.
Il affirme que M. [Z] n'a jamais attiré son attention avant l'achat sur la gravité et l'ampleur de l'humidité affectant le plancher de l'étage et sur l'importance des réparations qu'elle nécessitait.
Il récuse l'attestation établie par l'agent immobilier Orpi en rappelant que celle-ci désignait le bien comme une 'jolie maison en excellent état', et il assure n'avoir constaté des traces d'humidité dans la salle de bain que le 26 novembre 2017 et non avant l'achat.
Il objecte qu'en tout état de cause, aussi bien au titre de l'apparence des désordres décennaux que de l'apparence d'un vice, c'est seulement le rapport d'expertise judiciaire qui a révélé les défauts dans toutes leur ampleur et leurs conséquences.
Il conclut à la confirmation de l'indemnisation allouée par le tribunal sauf du chef du trouble de jouissance, pour lequel il réclame par voie d'appel incident 7.000€ sur la base de 1.000€ par an en faisant valoir que la situation est désastreuse pour sa santé alors qu'il est atteint d'une sclarose en plaque, maladie sur laquelle le stress peut avoir ue évolution péjorative, et produit un certificat médical à ce titre.
L'ordonnance de clôture est en date du 17 mars 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
M. [U] a acquis un bien immobilier dont l'acte énonce (cf pages 12 à 15) qu'il a fait l'objet de la transformation d'un garage en maison d'habitation et qu'il donne lieu au profit de l'acquéreur au bénéfice de la garantie décennale du vendeur-constructeur pour la totalité de la construction.
L'acte énonce que le vendeur a réalisé lui-même les travaux (page 15), et le titre de M. [D] [Z] énonce (cf pièce n°1, page 3) qu'il avait acquis le 16 septembre 'un garage à transformer en habitation' de M. [M] [O], lequel atteste si besoin était lui avoir vendu un 'garage aménageable en logement' (pièce n°13 de l'appelant).
Ainsi que pertinemment retenu par le premier juge, M. [V] [U] est fondé à invoquer la responsabilité décennale du vendeur au vu des graves désordres, que le jugement recense, qui compromettent la solidité de l'ouvrage tels qu'objectivés par les constatations et conclusions, concordantes, de l'expert judiciaire [E] [K] et du rapport d'expertise amiable régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion.
Il en ressort en effet que le plancher présente un risque d'effondrement si d'importants travaux ne sont pas entrepris dans un délai raisonnable, en raison de l'humidité gorgeant les poutres qui le soutiennent ; que le couvert de la maison n'est pas assuré en raison des infiltrations qui se produisent sur au moins une des pannes, le châssis n'étant pas étanche et les tuiles n'étant pas correctement posées ; l'enduit, qui se décolle, n'assurant plus l'étanchéité du bâtiment ; et le poêle qui assure le chauffage ne fonctionnant pas et étant dangereux en l'absence de dispositif de ventilation.
Il n'est pas établi que ces désordres, mis en lumière par l'expert judiciaire en découpant un doublage au droit d'une solive ce qui a révélé l'état des poutres, et en montant sur la toiture (cf rapport p. 8 et 19), aient été apparents à la réception de l'ouvrage, ni à l'acquéreur le jour de la vente en leur réalité, leur nature, leur ampleur et leurs conséquences.
Le courrier de l'agence Orpi par l'intermédiaire de laquelle la vente avait été conclue, produit sous pièce n°7 par l'appelant, qui en est le destinataire, énonçant 'Monsieur, je vous confirme que l'humidité sur la poutre de la salle de bains a bien été constaté par Monsieur [U] au cours des visites effectuées sur la maison sise [Adresse 5]. Nous vous prions d'agréer, Monsieur, nos solutations distinguées', ne constitue pas une attestation, mais une correspondance, dont l'auteur a fait précéder sa signature de la mention 'P.O.' ; il n'est pas établi conformément aux prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile ; il est dépourvu de caractère probant, étant observé que l'intimé rappelle à bon droit que cette même agence immobilière présentait la maison qu'elle était mandatée pour vendre comme 'en excellent état' (cf pièce n°16).
À supposer même pour les besoins du raisonnement que M. [U], ce qu'il conteste et qui n'est pas établi, ait vu de l'humidité sur la poutre de la salle de bain, il n'en résultait pas pour l'acheteur profane qu'il était la révélation d'un vice affectant l'ensemble des solives supportant le plancher de l'étage avec risque d'effondrement du plancher tel que mis en lumière par l'expertise judiciaire.
Le tribunal a ainsi retenu à raison que la responsabilité décennale de M. [Z] était engagée envers M. [U].
L'affirmation de l'appelant que ce dernier aurait été négligent et aurait en cela aggravé les désordres, ne repose sur aucun élément.
Le premier juge a condamné à bon droit M. [Z] à verser à M. [U] la somme, cornforme aux évaluations de l'expert judiciaire motivées et non contredites, de 60.727,92€ TTC indexée sur l'indice BT 01 du coût de la construction, en réparation des désordres de la toiture, d'humidité, et relatifs au poële.
La contestation formulée par M. [Z] sur la prise en compte par l'expert judiciaire postérieurement au dépôt de son rapport, d'un devis de l'entreprise Coren daté du 8 juin 2021, dans son estimation du coût des remèdes, n'est pas fondée et a été rejetée à juste titre par le premier juge.
Le dépôt de son rapport par l'expert ne l'empêchait pas d'en rectifier une erreur à la requête d'une partie, ce qu'il a fait contradictoirement en ajoutant aux devis qu'il avait retenus pour chiffrer le coût des travaux de reprise le devis complémentaire actualisé qu'il avait demandé à M. [U] de lui fournir à l'issue de sa réunion contradictoire du 7 juillet 2020 (cf rapport p. 20) et le tribunal constate à bon droit que ce devis est en tout état de cause régulièrement produit aux débats et invoqué par M. [U], qu'il est soumis à la discussion et qu'il peut être pris en compte en tout état de cause par la juridiction pour chiffrer son indemnisation.
S'agissant des postes d'indemnisation invoqués en première instance par M. [U] et rejetés par le tribunal, y compris au titre de la garantie des vices cachés, l'intimé ne formule pas d'appel incident à ce titre, et ce rejet est ainsi définitif.
S'agissant de l'indemnisation de 1.000€ allouée par le tribunal à M. [U] au titre de la nécessité de se reloger pendant la durée des travaux, elle est justifiée en son principe comme en son montant, au vu de la nature et de la durée des importants travaux de toiture et intérieurs requis pour remédier aux désordres décennaux tels que les décrit l'expert judiciaire en des conclusions non contredites.
S'agissant de la demande d'indemnisation de son trouble de jouissance formulée par M. [U], elle est fondée, au vu de l'inconfort et des craintes ressentis depuis 2017 à vivre dans une habitation à la très forte humidité intérieure et présentant un risque d'effondrement du plancher de l'étage, et en l'état de son importance, et de sa durée, c'est à ce titre une somme de 7.000€ que, par réformation du jugement de ce chef, M. [Z] sera condamné à verser à son cocontractant.
Les chefs de décision du jugement afférents aux dépens et à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sont pertinents et adaptés et seront confirmés.
M. [D] [Z] succombe en son recours et supportera les dépens d'appel.
Il versera à M. [U] une indemnité au titre des frais irrépétibles que celui-ci a dû exposer devant la cour.
PAR CES MOTIFS
la cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort:
CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il a chiffré à la somme de 5.000€ le montant de l'indemnité allouée à M. [V] [U] au titre de l'indemnisation de son trouble de jouissance
statuant à nouveau de ce chef :
CONDAMNE M. [D] [Z] à verser à M. [V] [U] la somme de 7.000€ en réparation de son trouble de jouissance
REJETTE toutes demandes autres ou contraires
CONDAMNE M. [Z] aux dépens d'appel
LE CONDAMNE à verser à M. [U] la somme de 5.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,