Cass. com., 15 octobre 2025, n° 23-23.544
COUR DE CASSATION
Autre
Annulation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vigneau
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° S 23-23.544, N 23-23.632, K 23-23.768 et C 23-23.807 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 novembre 2023), par une décision n° 19-D-25 du 17 décembre 2019 relative à des pratiques mises en uvre dans le secteur des titres-restaurants, l'Autorité de la concurrence (l'Autorité) a imputé des comportements anticoncurrentiels à l'association Centrale de règlement des titres traitement (la CRTT), à la société Edenred France et à ses sociétés mères successives, les sociétés Accord et Edenred, à la société Sodexo pass France, aux droits de laquelle vient la société Pluxee France, et à sa société mère, la société Sodexo, à la société Natixis intertitres, aux droits de laquelle sont venues successivement la société Bimpli et la société Swile, et à sa société mère, la société Natixis, ainsi qu'à la société Up, et leur a infligé des sanctions pécuniaires.
3. Le 30 juin 2023, la CRTT a été placée en liquidation amiable et M. [C] désigné en qualité de liquidateur amiable.
4. L'arrêt attaqué, statuant sur les recours formés contre la décision de l'Autorité, a été déclaré faux par un arrêt du 28 janvier 2025 de la cour d'appel de Versailles.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche, du pourvoi n° S 23-23.544, sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche, du pourvoi n° N 23-23.632, sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi n° K 23-23.768 et sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi n° C 23-23.807
Enoncé du moyen
5. Par leur premier moyen, les sociétés Edenred et Edenred France font grief à l'arrêt de rejeter les moyens d'annulation dirigés contre la décision de l'Autorité, de dire n'y avoir lieu d'écarter des pièces des débats et de réformer cette décision seulement en ses articles 5, 7 et 9 et, en conséquence, de confirmer la même décision en tant qu'elle dit que les sociétés Edenred France et Edenred ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101, paragraphe 1, TFUE, alors « que la décision encourt l'annulation si elle a été rendue par des magistrats qui n'en ont pas délibéré en nombre impair ; qu'il résulte des mentions de l'arrêt que le délibéré était toujours en cours le 24 octobre 2023, date à laquelle la cour a formulé une demande aux parties, à laquelle certaines parties ont répondu les 27 octobre et 2 novembre 2023, cependant que la présidente de la formation de jugement, Mme Schmidt, avait été nommée conseillère à la Cour de cassation par décret du 26 juin précédent et installée dans ses nouvelles fonctions le 18 septembre de la même année, de sorte que la formation de jugement qui en a délibéré a été en nombre pair, à compter du 18 septembre 2023 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 430, 447 et 458 du code de procédure civile et L. 121-2 du code de l'organisation judiciaire et a ainsi entaché sa décision de nullité. »
6. Par leur premier moyen, les sociétés Pluxee France et Sodexo font grief à l'arrêt de rejeter les moyens d'annulation dirigés contre la décision de l'Autorité, de dire n'y avoir lieu d'écarter des pièces des débats, et de confirmer cette décision, alors « qu'à peine de nullité, les arrêts des cours d'appel sont rendus par des magistrats délibérant en nombre impair ; qu'à supposer même que Mme Schmidt ait cessé de présider le délibéré après sa prise de fonction à la Cour de cassation le 18 septembre 2023, ce délibéré, qui était toujours en cours au début du mois de novembre 2023, s'est poursuivi bien que la formation de jugement ne fût plus régulièrement composée ; que la méconnaissance de la règle de l'imparité révélée postérieurement aux débats entraînera l'annulation de l'arrêt attaqué en application des articles 430, 447 et 458 du code de procédure civile et de l'article L. 121-2 du code de l'organisation judiciaire. »
7. Par son premier moyen, la CRTT, représentée par son liquidateur amiable, M. [C], fait grief à l'arrêt de rejeter le recours en annulation formé contre la décision de l'Autorité et de la condamner in solidum avec d'autres requérantes, à payer des indemnités à la société Octoplus et à divers syndicats, alors « que la juridiction est composée, à peine de nullité, conformément aux règles relatives à l'organisation judiciaire ; que, sauf dispositions particulières inexistantes pour la cour d'appel, les juges statuent en nombre impair ; qu'à supposer que la présidente n'ait pas participé au délibéré en sa totalité, la cour d'appel ne pouvait statuer en nombre pair sans méconnaître les articles 430 du code de procédure civile et L. 121- 2 du code de l'organisation judiciaire et ainsi entacher sa décision de nullité. »
8. Par leur premier moyen, les sociétés Natixis et Swile font grief à l'arrêt de rejeter leurs moyens d'annulation dirigés contre la décision de l'Autorité, de dire n'y avoir lieu d'écarter des pièces des débats, de ne réformer cette décision que sur le montant des sanctions infligées à la société Up et sur l'injonction prononcée à l'égard de la CRTT et, en conséquence, de confirmer cette décision en tant qu'elle dit que les sociétés Natixis et Natixis intertitres ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101, paragraphe 1, TFUE, alors « que la juridiction est composée, à peine de nullité, conformément aux règles relatives à l'organisation judiciaire, desquelles il résulte que la cour d'appel statue en formation collégiale composée de juges en nombre impair ; qu'en l'espèce, Madame Frédérique Schmidt, présidente de la formation collégiale devant laquelle l'affaire avait été plaidée le 18 novembre 2021, a été nommée conseillère à la Cour de cassation et installée à l'audience du 18 septembre 2023 ; qu'il ressort toutefois des mentions mêmes de l'arrêt attaqué que le délibéré de la Cour était toujours en cours à la date du 2 novembre 2023 par suite d'une mesure d'instruction diligentée à l'initiative même de la cour le 24 octobre 2023 ; que, dès lors, si la présidente de la formation collégiale n'a pas participé au délibéré en sa totalité, la cour d'appel n'a pu statuer en nombre pair sans méconnaître les dispositions des articles 430, alinéa 1er, et 447 du code de procédure civile et des articles L. 121-2 et L. 312-1 du code de l'organisation judiciaire. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 430, 447 et 458 du code de procédure civile et l'article L. 121-2 du code de l'organisation judiciaire :
9. Il résulte des articles 430, 447 et 458 du code de procédure civile et de l'article L. 121-2 du code de l'organisation judiciaire qu'à peine de nullité, les arrêts de cour d'appel sont rendus par des magistrats délibérant en nombre impair.
10. L'arrêt attaqué mentionne qu'ont délibéré de l'affaire Mmes Maîtrepierre, Tréard et Schmidt.
11. L'arrêt du 28 janvier 2025 de la cour d'appel de Versailles retient que c'est faussement que l'arrêt attaqué mentionne que Mme Schmidt a délibéré avec ses deux collègues.
12. Par cette inobservation de l'imparité, l'arrêt encourt la nullité.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 novembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le quinze octobre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et