CA Pau, 2e ch - sect. 1, 14 octobre 2025, n° 24/03545
PAU
Arrêt
Autre
JP/PM
Numéro 25/2792
COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH - Section 1
ARRET DU 14 OCTOBRE 2025
Dossier : N° RG 24/03545 - N° Portalis DBVV-V-B7I-JBLF
Nature affaire :
Autres demandes relatives à la vente
Affaire :
S.A. PACIFICA
S.A.R.L. ENTREPRISE [K] [T]
C/
S.A.S. AGRIVISION
S.A. AXA FRANCE IARD
Société HDI GLOBAL SE
S.A.S. KUHN - HUARD
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 14 OCTOBRE 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 17 Juin 2025, devant :
Jeanne PELLEFIGUES, magistrat chargé du rapport,
assisté de M. MAGESTE, Greffier présent à l'appel des causes,
Jeanne PELLEFIGUES, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Laurence BAYLAUCQ et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente
Madame Laurence BAYLAUCQ, Conseillère
Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller
qui ont délibéré conformément àla loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTES :
S.A. PACIFICA agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 12]
[Localité 11]
S.A.R.L. ENTREPRISE [K] [T] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 3]
[Localité 9]
Représentée par Me Sophie CREPIN de la SELARL LX PAU-TOULOUSE, avocat au barreau de PAU
assistée de Me Soledad RICOUARD, avocat au barreau de PARIS
INTIMEES :
S.A.S. AGRIVISION
[Adresse 7]
[Localité 8] / FRANCE
S.A. AXA FRANCE IARD
[Adresse 6]
[Localité 13] / FRANCE
Représentée par Me Pierre olivier DILHAC de la SELARL ASTREA, avocat au barreau de DAX
Société HDI GLOBAL SE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège et agissant par son établissement principal en France immatriculé au RCS de [Localité 16] sous le n° 478 913 882 sis [Adresse 1] lui-même agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 15]
[Localité 5] ALLEMAGNE
S.A.S. KUHN - HUARD agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 10]
Représentée par Me Christophe DUALE de la SELARL DUALE LIGNEY BOURDALLE - DLB, avocat au barreau de PAU
assistée de Me Leslie MARIEN du Cabinet DBM - Toque P174, avocat au barreau de PARIS
sur appel de la décision
en date du 19 NOVEMBRE 2024
rendue par le PRESIDENT DU TC DE [Localité 14]
Par ordonnance de référé du 19 novembre 2024, le Président du tribunal de commerce de Dax a :
Jugé la demande d'expertise inutile,
En conséquence :
Débouté l'ENTREPRISE [K] [T] et la société PACIFICA de leur demande d'expertise
Débouté l'ENTREPRISE [K] [T] et la société PACIFICA et toute autre partie de toute autre demande, fins et conclusions formulées à l'encontre de la société KUHN HUARD et de la compagnie HDI GLOBAL SE
Condamné la SA PACIFICA et la SARL ENTREPRISE [T] [K] à régler in solidum à la SA AXA FRANCE ainsi qu'à son assuré, la SAS AGRIVISION, et également à la société KUHN HUARD et à la compagnie HDI GLOBAL SE une indemnité de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile
Condamné in solidum la SA PACIFICA et la SARL ENTREPRISE [T] [K] à supporter les dépens
Dit les parties mal fondées pour leurs demandes autres plus ample ou contraire et les en a déboutées.
Par déclaration du 19 décembre 2024, la SA PACIFICA et la SARL [K] [T] ont interjeté appel de l'ordonnance.
Les sociétés PACIFICA et [K] demandent à la cour d'appel de Pau d'infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé rendue par le Président du tribunal judiciaire de Dax, et statuant à nouveau de :
CONSTATER que la SA PACIFICA et la SARL ENTREPRISE [K] [T] justifient d'un intérêt légitime.
ORDONNER une expertise à leurs frais avancés.
DESIGNER tel Expert spécialisé en matériel agricole qu'il plaira à Monsieur le Président du Tribunal de Commerce de céans de nommer, lequel aura pour mission de :
- Se rendre sur les lieux, [Adresse 4], et en tous autres lieux utiles à l'accomplissement de sa mission ;
- Entendre les parties comme tous sachants dans leurs dires et explications, les instruire ;
- Se faire communiquer et examiner tous les documents qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission et notamment :
o Les rapports, comptes-rendus, fiches d'intervention établis par les parties à l'occasion des différents incidents signalés à la société AGRIVISION et à la société KUHN avant l'expertise amiable ;
o Les rapports des experts des parties à l'occasion de l'expertise amiable ;
o Le rapport de diagnostic et d'intervention de la société KUHN sur le semoir litigieux lors de la réparation, à ses frais, de ce dernier, ayant permis de remédier au défaut du produit ;
- Dire si le semoir a présenté des désordres, dysfonctionnements ou anomalies, et le cas échéant en rechercher la cause, l'origine, la nature et la gravité ;
- Dans l'affirmative, dire s'ils ont joué un rôle cause dans la survenance des dommages allégués dans l'assignation et s'ils ont rendus le semoir impropre à sa destination
- Fournir tous les éléments techniques et de fait propres à permettre la juridiction éventuellement saisie de déterminer les responsabilités encourues.
- Chiffer le préjudice subi par la SARL ENTREPRISE [K] [T].
En cas de besoin, se faire assister par tout spécialiste de son choix inscrit sur la liste des Experts près la Cour d'Appel de PAU, dans une spécialité différente de la sienne ;
Dire que l'Expert devra communiquer un pré rapport aux parties en leur impartissant un délai raisonnable pour la production de leurs Dires écrits auxquels il devra répondre dans son rapport définitif,
FIXER la provision à valoir sur les honoraires d'expertise judiciaire qui devra être consignée par les requérants.
CONDAMNER la société AGRIVISION et AXA FRANCE IARD ensemble, et la société KUHN HUARD et la société HDI GLOBAL SE ensemble à payer respectivement la somme de 3000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers
En tout état de cause,
DEBOUTER la société AGRIVISION, AXA FRANCE IARD, la société KUHN HUARD et la société HDI GLOBAL SE de leurs demandes d'article 700.
Les sociétés Kuhn Huard et HDI Global, dans leurs conclusions du 7 mai 2025, demandent à la cour d'appel de Pau de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 19 novembre 2024 par le juge des référés du tribunal de commerce de Dax en ce qu'il a débouté l'entreprise [K] [T] et la compagnie Pacifica de leurs demandes, et de :
DEBOUTER l'ENTREPRISE [K] [T] et la Compagnie PACIFICA de leur demande d'expertise ;
DEBOUTER l'ENTREPRISE [K] [T] et la Compagnie PACIFICA et toute autre partie, de toute autre demande, fins et conclusions formulées à l'encontre de la société KUHN HUARD et la compagnie HDI GLOBAL SE ;
CONDAMNER l'ENTREPRISE [K] [T] et la Compagnie PACIFICA à régler à la société KUHN HUARD et la compagnie HDI GLOBAL SE la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel.
La SAS AGRIVISION et la SA AXA France IARD dans leurs conclusions du 9 mai 2025, demandent à la cour d'appel de Pau de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 19 novembre 2024 par le juge des référés près le tribunal de commerce de Dax, et de :
Débouter la société PACIFICA et la SARL ENTREPRISE [K] [T] de leurs demandes présentées à l'encontre de la SA AXA FRANCE IARD et de la société AGRIVISION au titre des frais irrépétibles et des dépens.
Y ajoutant, condamner in solidum la société PACIFICA et la SARL ENTREPRISE [K] [T] à verser à la SA AXA FRANCE IARD et de la société AGRIVISION une indemnité de 3 000 € au titre des frais irrépétibles et des dépens exposés en cause d'appel.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 mai 2025.
SUR CE
La société [K] [T] exerce une activité de travaux agricoles, notamment de travaux de semis, pour son compte personnel et pour celui de ses clients. Elle a souscrit un contrat d'assurances Multirisque agricole auprès de la compagnie Pacifica.
Le 22 juillet 2020, la société [K] a commandé, auprès de la société Agrivision, un semoir neuf de marque Kuhn modèle Maxima 3 Tim Elec 6/7 dont elle a pris possession le 3 avril 2021.
Pendant l'utilisation du semoir, la société [K] a constaté divers problèmes.
Des interventions ont été réalisées par les sociétés Agrivision et Kuhn entre les mois d'avril et mai 2021. Après le 31 mai 2021, la société [K] ne s'est plus servie du semoir et a régularisé une déclaration de sinistre auprès de Pacifica.
Des opérations d'expertise amiable se sont déroulées, Pacifica ayant missionné le cabinet Terrexpert concernant les réclamations des clients de la société [K] et le cabinet BCA Expertise pour expertiser le semoir.
La société [K] et son assureur Pacifica, estimant que la responsabilité d'Agrivision et de Kuhn pouvaient être engagées, ont décidé d'assigner, les 18 et 22 novembre 2021, ces sociétés et leurs assureurs respectifs devant le juge des référés du tribunal de commerce de Dax aux fins de désignations d'un expert judiciaire.
Des pourparlers étant en cours, une ordonnance de retrait du rôle a été rendue le 15 mai 2022.
Aux termes de conclusions en date du 13 mars 2024, les sociétés [K] et Pacifica ont sollicité la reprise de l'instance.
Par ordonnance dont appel, le juge des référés a jugé la demande d'expertise inutile, et a débouté les sociétés [K] et Pacifica de leur demande d'expertise
Sur la demande d'expertise :
Les sociétés [K] et PACIFICA estiment qu'elles n'ont nullement fait le choix d'abandonner la procédure judiciaire aux fins d'expertise, considérant qu'eu égard au retrait du rôle en accord avec les parties qui entendaient favoriser la recherche d'une issue amiable, il n'existe ni désistement ni renonciation de leurs parts.
Elles avancent que toute action au fond, notamment sur le terrain de la responsabilité du fait du produit défectueux ou du vice caché, n'apparaît pas manifestement vouée à l'échec pour cause de prescription.
Elles font valoir que l'expertise sollicitée n'est pas dénuée d'utilité et d'intérêt, que ce soit au plan technique ou au plan financier.
Sur le plan technique, elles arguent que la matérialité des faits est établie, que des constats ont eu lieu de manière contradictoire et qu'il en ressort des anomalies et irrégularités de semis, de sorte que l'expert pourra se faire communiquer tous les rapports établis à ces occasions.
Elles considèrent en outre que malgré la réparation du semoir, il n'est pas fait obstacle à l'expertise dans la mesure où l'objectif du référé probatoire de l'article 145 du code de procédure civile est de permettre la recherche des preuves.
Elles estiment ainsi disposer d'un intérêt légitime, au sens des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, à maintenir leur demande d'expertise judicaire afin que soit déterminées les origines et causes des désordres et les responsabilités éventuellement encourues.
Sur le plan financier, les sociétés [K] et PACIFICA soutiennent que s'il a été procédé à la remise en état du semoir, les préjudices financiers subis du fait de ce vice n'ont en revanche pas été réparés. Elles estiment que le préjudice s'élève à un total de 12 726,44 euros.
Les sociétés AGRIVISION et AXA France considèrent que les demandeurs ne justifient d'aucun motif légitime, au sens de l'article 145 du code de procédure civile, pour solliciter et obtenir la mesure d'expertise réclamée.
Elles font valoir que le semoir a été réparé par le fabriquant Kuhn et qu'il donne désormais entière satisfaction à son utilisateur.
Elles soutiennent que la cause des dysfonctionnements du semoir n'a pas été déterminée de façon précise dans le cadre des opérations d'expertise amiable et que la preuve exacte des dysfonctionnements ne pourra plus être démontrée, et que l'imputabilité des préjudices allégués ne pourra pas non plus être appréciée.
Elles estiment que la compagnie d'assurances Pacifica et son assuré, la société [K] ont fait le choix délibéré dans le courant de l'année 2022 d'abandonner la procédure judiciaire aux fins d'expertise qu'elles avaient engagée et de faire réaliser des travaux de remise en état du semoir sans qu'aucune mesure conservatoires ne soit prise.
Les sociétés Kuhn Huard et HDI Global font valoir que la demande d'expertise sollicitée par les sociétés [K] et Pacifica ne présente aucun caractère d'utilité dans la mesure où le tracteur a été revendu et l'expert ne pourra plus vérifier le fonctionnement de l'ensemble tel qu'il existait et effectuer une expertise technique .
L'article 145 du code de procédure civile dispose que : « S'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissible peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »
La société [K] a acquis un semoir neuf auprès de la société AGRIVISION suivant facture établie le 20 avril 2021 moyennant le prix de 52 500 € HT. Un technicien de la société AGRIVISION s'est chargé de l'installation et de la mise en route du semoir sur site.
Dès le 3 avril 2021 et jusqu'au 31 mai 2021, des difficultés de fonctionnement du matériel sont apparues ayant nécessité plusieurs interventions de la société AGRIVISION. L'entreprise [K] a alors renoncé à utiliser ce matériel à compter du 31 mai 2021, le semoir ayant été rendu inopérant par une « mise en sécurité » informatique.
Elle a loué un autre semoir pour terminer les semis sur une surface de 10 ha.
Elle invoque donc le préjudice financier subi du fait des dysfonctionnements en ce qui concerne le rendement de son entreprise et considère que l'expertise a une utilité dans la mesure où elle n'a pas été mise au courant des causes des dysfonctionnements par l'entreprise venderesse alors qu'à un moment donné il était suspecté un mauvais usage du matériel de sa part.
Ceux de ses clients qui ont été victimes de défaut de semis ont été indemnisés par l'assurance, franchise contractuelle déduite ,mais l'évaluation de son préjudice n'a pas fait l'objet d'un procès-verbal d'évaluation contradictoire signé par les experts de KUHN et d'AGRIVISION.
Cependant il n'est pas contesté que le tracteur auquel le semoir était raccordé électriquement par le biais de la prise de force, a été vendu par la société [K] en cours de procédure.
Celle-ci admet également que le semoir a fait l'objet d'une réparation et d'une remise en état par l'entreprise AGRIVISION à ses frais au titre de la garantie contractuelle et la société [K] n'a plus rencontré de difficultés avec ce semoir.
L'expert ne pourra donc réaliser ses constatations dans la configuration initiale alors que le semoir a été réparé et que le tracteur auquel il était relié a été vendu.
Le motif légitime pour obtenir en référé l'organisation d'une expertise dans un tel contexte n'est pas suffisamment caractérisé. L'expert désigné ne pouvant que se faire communiquer tous les rapports antérieurs établis à l'occasion des dysfonctionnements. Il ne pourra que se limiter à des constatations, et non pas à une véritable expertise, le semoir ayant été réparé. S'agissant de matériel agricole, une expertise uniquement basée sur des pièces et documents ne présente pas d'utilité en ce qui concerne la recherche de la preuve des dysfonctionnements allégués.
La décision déférée sera donc confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande d'expertise.
La SARL ENTREPRISE [K] [T] et la SA PACIFICA seront condamnées in solidum à payer à la SAS AGRIVISION et à la SA AXA France IARD la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La SARL ENTREPRISE [K] [T] et la SA PACIFICA seront condamnées in solidum à payer à la Société HDI GLOBAL SE et à la SAS KUHN-HUARD la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions
y ajoutant :
Condamne la SARL ENTREPRISE [K] [T] et la SA PACIFICA in solidum à payer à la SAS AGRIVISION et à la SA AXA France IARD la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la SARL ENTREPRISE [K] [T] et la SA PACIFICA in solidum à payer à la Société HDI GLOBAL SE et à la SAS KUHN-HUARD la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit la SARL ENTREPRISE [K] [T] et la SA PACIFICA tenues in solidum aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Madame PELLEFIGUES, Président, et par Mme SAYOUS, greffier suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Numéro 25/2792
COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH - Section 1
ARRET DU 14 OCTOBRE 2025
Dossier : N° RG 24/03545 - N° Portalis DBVV-V-B7I-JBLF
Nature affaire :
Autres demandes relatives à la vente
Affaire :
S.A. PACIFICA
S.A.R.L. ENTREPRISE [K] [T]
C/
S.A.S. AGRIVISION
S.A. AXA FRANCE IARD
Société HDI GLOBAL SE
S.A.S. KUHN - HUARD
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 14 OCTOBRE 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 17 Juin 2025, devant :
Jeanne PELLEFIGUES, magistrat chargé du rapport,
assisté de M. MAGESTE, Greffier présent à l'appel des causes,
Jeanne PELLEFIGUES, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Laurence BAYLAUCQ et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente
Madame Laurence BAYLAUCQ, Conseillère
Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller
qui ont délibéré conformément àla loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTES :
S.A. PACIFICA agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 12]
[Localité 11]
S.A.R.L. ENTREPRISE [K] [T] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 3]
[Localité 9]
Représentée par Me Sophie CREPIN de la SELARL LX PAU-TOULOUSE, avocat au barreau de PAU
assistée de Me Soledad RICOUARD, avocat au barreau de PARIS
INTIMEES :
S.A.S. AGRIVISION
[Adresse 7]
[Localité 8] / FRANCE
S.A. AXA FRANCE IARD
[Adresse 6]
[Localité 13] / FRANCE
Représentée par Me Pierre olivier DILHAC de la SELARL ASTREA, avocat au barreau de DAX
Société HDI GLOBAL SE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège et agissant par son établissement principal en France immatriculé au RCS de [Localité 16] sous le n° 478 913 882 sis [Adresse 1] lui-même agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 15]
[Localité 5] ALLEMAGNE
S.A.S. KUHN - HUARD agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 10]
Représentée par Me Christophe DUALE de la SELARL DUALE LIGNEY BOURDALLE - DLB, avocat au barreau de PAU
assistée de Me Leslie MARIEN du Cabinet DBM - Toque P174, avocat au barreau de PARIS
sur appel de la décision
en date du 19 NOVEMBRE 2024
rendue par le PRESIDENT DU TC DE [Localité 14]
Par ordonnance de référé du 19 novembre 2024, le Président du tribunal de commerce de Dax a :
Jugé la demande d'expertise inutile,
En conséquence :
Débouté l'ENTREPRISE [K] [T] et la société PACIFICA de leur demande d'expertise
Débouté l'ENTREPRISE [K] [T] et la société PACIFICA et toute autre partie de toute autre demande, fins et conclusions formulées à l'encontre de la société KUHN HUARD et de la compagnie HDI GLOBAL SE
Condamné la SA PACIFICA et la SARL ENTREPRISE [T] [K] à régler in solidum à la SA AXA FRANCE ainsi qu'à son assuré, la SAS AGRIVISION, et également à la société KUHN HUARD et à la compagnie HDI GLOBAL SE une indemnité de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile
Condamné in solidum la SA PACIFICA et la SARL ENTREPRISE [T] [K] à supporter les dépens
Dit les parties mal fondées pour leurs demandes autres plus ample ou contraire et les en a déboutées.
Par déclaration du 19 décembre 2024, la SA PACIFICA et la SARL [K] [T] ont interjeté appel de l'ordonnance.
Les sociétés PACIFICA et [K] demandent à la cour d'appel de Pau d'infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé rendue par le Président du tribunal judiciaire de Dax, et statuant à nouveau de :
CONSTATER que la SA PACIFICA et la SARL ENTREPRISE [K] [T] justifient d'un intérêt légitime.
ORDONNER une expertise à leurs frais avancés.
DESIGNER tel Expert spécialisé en matériel agricole qu'il plaira à Monsieur le Président du Tribunal de Commerce de céans de nommer, lequel aura pour mission de :
- Se rendre sur les lieux, [Adresse 4], et en tous autres lieux utiles à l'accomplissement de sa mission ;
- Entendre les parties comme tous sachants dans leurs dires et explications, les instruire ;
- Se faire communiquer et examiner tous les documents qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission et notamment :
o Les rapports, comptes-rendus, fiches d'intervention établis par les parties à l'occasion des différents incidents signalés à la société AGRIVISION et à la société KUHN avant l'expertise amiable ;
o Les rapports des experts des parties à l'occasion de l'expertise amiable ;
o Le rapport de diagnostic et d'intervention de la société KUHN sur le semoir litigieux lors de la réparation, à ses frais, de ce dernier, ayant permis de remédier au défaut du produit ;
- Dire si le semoir a présenté des désordres, dysfonctionnements ou anomalies, et le cas échéant en rechercher la cause, l'origine, la nature et la gravité ;
- Dans l'affirmative, dire s'ils ont joué un rôle cause dans la survenance des dommages allégués dans l'assignation et s'ils ont rendus le semoir impropre à sa destination
- Fournir tous les éléments techniques et de fait propres à permettre la juridiction éventuellement saisie de déterminer les responsabilités encourues.
- Chiffer le préjudice subi par la SARL ENTREPRISE [K] [T].
En cas de besoin, se faire assister par tout spécialiste de son choix inscrit sur la liste des Experts près la Cour d'Appel de PAU, dans une spécialité différente de la sienne ;
Dire que l'Expert devra communiquer un pré rapport aux parties en leur impartissant un délai raisonnable pour la production de leurs Dires écrits auxquels il devra répondre dans son rapport définitif,
FIXER la provision à valoir sur les honoraires d'expertise judiciaire qui devra être consignée par les requérants.
CONDAMNER la société AGRIVISION et AXA FRANCE IARD ensemble, et la société KUHN HUARD et la société HDI GLOBAL SE ensemble à payer respectivement la somme de 3000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers
En tout état de cause,
DEBOUTER la société AGRIVISION, AXA FRANCE IARD, la société KUHN HUARD et la société HDI GLOBAL SE de leurs demandes d'article 700.
Les sociétés Kuhn Huard et HDI Global, dans leurs conclusions du 7 mai 2025, demandent à la cour d'appel de Pau de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 19 novembre 2024 par le juge des référés du tribunal de commerce de Dax en ce qu'il a débouté l'entreprise [K] [T] et la compagnie Pacifica de leurs demandes, et de :
DEBOUTER l'ENTREPRISE [K] [T] et la Compagnie PACIFICA de leur demande d'expertise ;
DEBOUTER l'ENTREPRISE [K] [T] et la Compagnie PACIFICA et toute autre partie, de toute autre demande, fins et conclusions formulées à l'encontre de la société KUHN HUARD et la compagnie HDI GLOBAL SE ;
CONDAMNER l'ENTREPRISE [K] [T] et la Compagnie PACIFICA à régler à la société KUHN HUARD et la compagnie HDI GLOBAL SE la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel.
La SAS AGRIVISION et la SA AXA France IARD dans leurs conclusions du 9 mai 2025, demandent à la cour d'appel de Pau de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 19 novembre 2024 par le juge des référés près le tribunal de commerce de Dax, et de :
Débouter la société PACIFICA et la SARL ENTREPRISE [K] [T] de leurs demandes présentées à l'encontre de la SA AXA FRANCE IARD et de la société AGRIVISION au titre des frais irrépétibles et des dépens.
Y ajoutant, condamner in solidum la société PACIFICA et la SARL ENTREPRISE [K] [T] à verser à la SA AXA FRANCE IARD et de la société AGRIVISION une indemnité de 3 000 € au titre des frais irrépétibles et des dépens exposés en cause d'appel.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 mai 2025.
SUR CE
La société [K] [T] exerce une activité de travaux agricoles, notamment de travaux de semis, pour son compte personnel et pour celui de ses clients. Elle a souscrit un contrat d'assurances Multirisque agricole auprès de la compagnie Pacifica.
Le 22 juillet 2020, la société [K] a commandé, auprès de la société Agrivision, un semoir neuf de marque Kuhn modèle Maxima 3 Tim Elec 6/7 dont elle a pris possession le 3 avril 2021.
Pendant l'utilisation du semoir, la société [K] a constaté divers problèmes.
Des interventions ont été réalisées par les sociétés Agrivision et Kuhn entre les mois d'avril et mai 2021. Après le 31 mai 2021, la société [K] ne s'est plus servie du semoir et a régularisé une déclaration de sinistre auprès de Pacifica.
Des opérations d'expertise amiable se sont déroulées, Pacifica ayant missionné le cabinet Terrexpert concernant les réclamations des clients de la société [K] et le cabinet BCA Expertise pour expertiser le semoir.
La société [K] et son assureur Pacifica, estimant que la responsabilité d'Agrivision et de Kuhn pouvaient être engagées, ont décidé d'assigner, les 18 et 22 novembre 2021, ces sociétés et leurs assureurs respectifs devant le juge des référés du tribunal de commerce de Dax aux fins de désignations d'un expert judiciaire.
Des pourparlers étant en cours, une ordonnance de retrait du rôle a été rendue le 15 mai 2022.
Aux termes de conclusions en date du 13 mars 2024, les sociétés [K] et Pacifica ont sollicité la reprise de l'instance.
Par ordonnance dont appel, le juge des référés a jugé la demande d'expertise inutile, et a débouté les sociétés [K] et Pacifica de leur demande d'expertise
Sur la demande d'expertise :
Les sociétés [K] et PACIFICA estiment qu'elles n'ont nullement fait le choix d'abandonner la procédure judiciaire aux fins d'expertise, considérant qu'eu égard au retrait du rôle en accord avec les parties qui entendaient favoriser la recherche d'une issue amiable, il n'existe ni désistement ni renonciation de leurs parts.
Elles avancent que toute action au fond, notamment sur le terrain de la responsabilité du fait du produit défectueux ou du vice caché, n'apparaît pas manifestement vouée à l'échec pour cause de prescription.
Elles font valoir que l'expertise sollicitée n'est pas dénuée d'utilité et d'intérêt, que ce soit au plan technique ou au plan financier.
Sur le plan technique, elles arguent que la matérialité des faits est établie, que des constats ont eu lieu de manière contradictoire et qu'il en ressort des anomalies et irrégularités de semis, de sorte que l'expert pourra se faire communiquer tous les rapports établis à ces occasions.
Elles considèrent en outre que malgré la réparation du semoir, il n'est pas fait obstacle à l'expertise dans la mesure où l'objectif du référé probatoire de l'article 145 du code de procédure civile est de permettre la recherche des preuves.
Elles estiment ainsi disposer d'un intérêt légitime, au sens des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, à maintenir leur demande d'expertise judicaire afin que soit déterminées les origines et causes des désordres et les responsabilités éventuellement encourues.
Sur le plan financier, les sociétés [K] et PACIFICA soutiennent que s'il a été procédé à la remise en état du semoir, les préjudices financiers subis du fait de ce vice n'ont en revanche pas été réparés. Elles estiment que le préjudice s'élève à un total de 12 726,44 euros.
Les sociétés AGRIVISION et AXA France considèrent que les demandeurs ne justifient d'aucun motif légitime, au sens de l'article 145 du code de procédure civile, pour solliciter et obtenir la mesure d'expertise réclamée.
Elles font valoir que le semoir a été réparé par le fabriquant Kuhn et qu'il donne désormais entière satisfaction à son utilisateur.
Elles soutiennent que la cause des dysfonctionnements du semoir n'a pas été déterminée de façon précise dans le cadre des opérations d'expertise amiable et que la preuve exacte des dysfonctionnements ne pourra plus être démontrée, et que l'imputabilité des préjudices allégués ne pourra pas non plus être appréciée.
Elles estiment que la compagnie d'assurances Pacifica et son assuré, la société [K] ont fait le choix délibéré dans le courant de l'année 2022 d'abandonner la procédure judiciaire aux fins d'expertise qu'elles avaient engagée et de faire réaliser des travaux de remise en état du semoir sans qu'aucune mesure conservatoires ne soit prise.
Les sociétés Kuhn Huard et HDI Global font valoir que la demande d'expertise sollicitée par les sociétés [K] et Pacifica ne présente aucun caractère d'utilité dans la mesure où le tracteur a été revendu et l'expert ne pourra plus vérifier le fonctionnement de l'ensemble tel qu'il existait et effectuer une expertise technique .
L'article 145 du code de procédure civile dispose que : « S'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissible peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »
La société [K] a acquis un semoir neuf auprès de la société AGRIVISION suivant facture établie le 20 avril 2021 moyennant le prix de 52 500 € HT. Un technicien de la société AGRIVISION s'est chargé de l'installation et de la mise en route du semoir sur site.
Dès le 3 avril 2021 et jusqu'au 31 mai 2021, des difficultés de fonctionnement du matériel sont apparues ayant nécessité plusieurs interventions de la société AGRIVISION. L'entreprise [K] a alors renoncé à utiliser ce matériel à compter du 31 mai 2021, le semoir ayant été rendu inopérant par une « mise en sécurité » informatique.
Elle a loué un autre semoir pour terminer les semis sur une surface de 10 ha.
Elle invoque donc le préjudice financier subi du fait des dysfonctionnements en ce qui concerne le rendement de son entreprise et considère que l'expertise a une utilité dans la mesure où elle n'a pas été mise au courant des causes des dysfonctionnements par l'entreprise venderesse alors qu'à un moment donné il était suspecté un mauvais usage du matériel de sa part.
Ceux de ses clients qui ont été victimes de défaut de semis ont été indemnisés par l'assurance, franchise contractuelle déduite ,mais l'évaluation de son préjudice n'a pas fait l'objet d'un procès-verbal d'évaluation contradictoire signé par les experts de KUHN et d'AGRIVISION.
Cependant il n'est pas contesté que le tracteur auquel le semoir était raccordé électriquement par le biais de la prise de force, a été vendu par la société [K] en cours de procédure.
Celle-ci admet également que le semoir a fait l'objet d'une réparation et d'une remise en état par l'entreprise AGRIVISION à ses frais au titre de la garantie contractuelle et la société [K] n'a plus rencontré de difficultés avec ce semoir.
L'expert ne pourra donc réaliser ses constatations dans la configuration initiale alors que le semoir a été réparé et que le tracteur auquel il était relié a été vendu.
Le motif légitime pour obtenir en référé l'organisation d'une expertise dans un tel contexte n'est pas suffisamment caractérisé. L'expert désigné ne pouvant que se faire communiquer tous les rapports antérieurs établis à l'occasion des dysfonctionnements. Il ne pourra que se limiter à des constatations, et non pas à une véritable expertise, le semoir ayant été réparé. S'agissant de matériel agricole, une expertise uniquement basée sur des pièces et documents ne présente pas d'utilité en ce qui concerne la recherche de la preuve des dysfonctionnements allégués.
La décision déférée sera donc confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande d'expertise.
La SARL ENTREPRISE [K] [T] et la SA PACIFICA seront condamnées in solidum à payer à la SAS AGRIVISION et à la SA AXA France IARD la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La SARL ENTREPRISE [K] [T] et la SA PACIFICA seront condamnées in solidum à payer à la Société HDI GLOBAL SE et à la SAS KUHN-HUARD la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions
y ajoutant :
Condamne la SARL ENTREPRISE [K] [T] et la SA PACIFICA in solidum à payer à la SAS AGRIVISION et à la SA AXA France IARD la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la SARL ENTREPRISE [K] [T] et la SA PACIFICA in solidum à payer à la Société HDI GLOBAL SE et à la SAS KUHN-HUARD la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit la SARL ENTREPRISE [K] [T] et la SA PACIFICA tenues in solidum aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Madame PELLEFIGUES, Président, et par Mme SAYOUS, greffier suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,