CA Reims, ch.-1 civ. et com., 14 octobre 2025, n° 25/00449
REIMS
Arrêt
Autre
ARRET N° 355
du 14 octobre 2025
N° RG : 25/00449 - N° Portalis DBVQ-V-B7J-FT4U
Société SELARL [T] [N]
c/
[F]
Formule exécutoire le :
à :
SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES
Maître [V] [U]
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 14 OCTOBRE 2025
APPELANTE
d'un jugement rendu le 11 mars 2025 par le tribunal de commerce de SEDAN
SELARL [T] [N], prise en la personne de Me [T] [N], es qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire du Club Sportif [Localité 9] Ardennes - CSSA
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Maître Mélanie CAULIER-RICHARD de la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocat postulant inscrit au barreau de REIMS et par Maître Ahmed HARIR de la SELARL, avocat plaidant inscrit au barreau des Ardennes
INTIME
Monsieur le [J] [P] [C] [E] [D] [Z] [F]
[Adresse 4]
[Adresse 6]
[Localité 1]/ARABIE SAOUDITE
Représentant par Maître Pascal GUILLAUME, avocat inscrit au barreau de REIMS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS
A l'audience publique du 08 septembre 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 14 octobre 2025, sans opposition de la part des parties en application de l'article 805 du code de procédure civile, Madame DIAS DA SILVA présidente de chambre, et Madame PILON conseillère, ont entendu les plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées, puis en ont rendu compte à la cour dans son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Madame Christina DIAS DA SILVA, présidente de chambre
Madame Sandrine PILON, conseillère
Madame Anne POZZO DI BORGO, conseillère
GREFFIERS
Madame NICLOT, greffier, lors des débats et Madame SOKY, greffier placé, lors du prononcé,
MINISTÈRE PUBLIC
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 14 octobre 2025 et signé par Madame PILON conseillère, en remplacement de la présidente de chambre régulièrement empêché conformément à l'article 456 du code de procédure civile, et Madame Lozie SOKY, greffier placé, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DES FAITS
La SAS club sportif [Localité 9] Ardennes (le CSSA), est un club de football qui, au début des années 2010, a rencontré des difficultés financières le conduisant à solliciter le bénéfice d'une procédure de redressement judiciaire.
Par jugement en date du 12 août 2013, le tribunal de commerce de Sedan a prononcé la liquidation judiciaire du CSSA et autorisé la cession de l'ensemble des actifs qui ont été repris par M. [A] [L], nouveau dirigeant du CSSA, dans le cadre du plan de cession arrêté par le tribunal de commerce.
Les actions du CSSA sont détenues par :
- la société FJMNY Europe SA, société anonyme de droit luxembourgeois, dont le directeur général est M. [L],
- la société FJMN, société par actions simplifiée dirigée par M. [L] en qualité de président'et détenue à 100% par les membres de la famille [L].
M. [L] a cherché des sponsors pour obtenir des fonds pour le club.
Fin 2014, M. [P] [F], entrepreneur de nationalité saoudienne, membre de la famille régnante [F], et le CSSA sont entrés en relation afin de former un partenariat.
Le 22 mai 2015, un protocole d'accord a été signé.
Le 22 décembre 2015, des actions et parts de plusieurs sociétés contrôlées par M. [L] ont été cédées à M. [F] pour des prix symboliques d'un euro :
- une cession de 1600 actions du CSSA détenues par FJMNY,
- une cession de 350 parts de SDTDM (créée en février 2014) détenues par FJMNY.
Les transactions et les pourparlers ont fait l'objet d'une exposition médiatique.
Le CSSA a sollicité la participation de M. [F] au budget 2016-2017 de fonctionnement du club.
Par courrier du 9 juin 2016, M. [F] a refusé de donner suite à la requête faite par M. [L]. Il a précisé n'avoir jamais pris un quelconque engagement de financement du club.
Par acte du 12 novembre 2018, le CSSA a fait assigner M. [F] devant le tribunal de commerce de Sedan afin de voir la responsabilité de celui-ci engager et d'obtenir sa condamnation à l'indemniser de divers préjudices.
Une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'égard du CSSA le 28 août 2023, la SELARL [T] [N], prise en la personne de Me [T] [N], étant désignée en qualité de liquidateur du CSSA. Me [N], ès qualités, a repris et poursuivi la procédure engagée par le CSSA.
Par jugement du 11 mars 2025, le tribunal a':
- Débouté la SELARL [T] [N] prise en la personne de Me [T] [N] en sa qualité de mandataire liquidateur du CSSA de ses demandes et conclusions,
- Condamné la SELARL [T] [N] prise en la personne de Me [T] [N] en sa qualité de mandataire liquidateur du CSSA à fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société CSSA la somme de 5'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné la SELARL [T] [N] prise en la personne de Me [T] [N] en sa qualité de mandataire liquidateur du CSSA aux entiers dépens, lesdits dépens liquidés à la somme de 239.04 euros en elle compris le coût du jugement, ainsi que ceux des 5 février 2019 et 21 juin 2022, mais non compris le coût de l'assignation qui restera à sa charge.
La SELARL [T] [N], prise en la personne de Me [T] [N], agissant en qualité de liquidateur de la SAS Club Sportif [Localité 9] Ardennes, a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 28 mars 2025.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 22 juillet 2025, elle demande à la cour de':
- La déclarer recevable et bien fondée en son appel,
- Débouter M. [F] de l'ensemble de ses moyens, prétentions et demandes,
- Infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- Débouter M. [F] de l'ensemble de ses moyens, prétentions et demandes,
Dire et juger que la responsabilité de M. [F] est engagée à son égard,
Condamner M. [F] à lui verser les sommes suivantes':
1'171'000 euros au titre de la désorganisation subie par le club du fait de son retrait brutal et tardif,
1'000'000 euros au titre du préjudice moral suite à l'atteinte de la réputation et de l'image du CSSA,
215'914.42 euros au titre des frais inutilement exposés par le CSSA,
Ordonner l'insertion de la décision à intervenir dans 2 journaux français et 1 journal saoudien,
Condamner M. [F] à lui verser la somme de 15'000 euros au titre de l'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel.
Me [N] affirme qu'aucune irrecevabilité n'est encourue dès lors que le document du 7 septembre 2016 invoqué par l'intimé ne peut être qualifié de transaction.
Sur le fond, il invoque l'article 1240 du code civil en soutenant que les pourparlers avec M. [F] étaient avancés, voire que ce stade était dépassé puisque ce dernier était entré au capital du CSSA à hauteur de 40%, de sorte qu'il a commis une faute en les rompant brutalement et sans motif légitime.
Me [N] fait reproche au tribunal de s'être focalisé sur l'existence ou non d'un contrat entre les parties et d'avoir omis d'étudier la question de la faute constituée par la rupture brutale et unilatérale de négociations très avancées pour le cas où il serait considéré qu'il n'existe pas de contrat.
Il expose que le groupe APLUS, actionnaire unique du CSSA, dont M. [L] est le président, a recherché des partenaires au capital du club, ainsi que des sponsors afin d'assurer une injection massive et continue de fonds propres destinés à permettre au club de remonter rapidement les échelons du football français.
Il explique qu'il a été mis en relation avec des mandataires des membres de la famille royale saoudienne dont, in fine, M. [P] [F], dont il affirme qu'il avait la volonté d'investir dans le football et qu'il a signé un protocole d'accord le 22 mai 2015 aux termes duquel celui-ci s'est engagé à participer au développement du CSSA, puis qu'il a confirmé sa volonté devant les médias, notamment français.
Il estime qu'aucun doute n'existe sur la nature de l'engagement de M. [F], le projet en cause étant global, à la fois immobilier, de santé et sportif et qu'il comportait une partie d'investissement direct dans le club, sous la forme d'apports de fonds propres en compte-courant.
Me [N] fait en outre valoir que le dispositif convenu ne comportait pas de valorisation de la cession réalisée à l'euro symbolique et que, parallèlement, M. [F] entrait au capital de la société foncière STDM ([Adresse 11] des actifs immobiliers importants, dont le domaine de [Localité 7], estimé entre 5 et 6 millions d'euros, la cession à hauteur de 40% du capital étant également convenue à l'euro symbolique. Il en conclut que la contrepartie évidente était la réalisation d'apports en comptes courants de la part de M. [F], qui auraient été remboursés au fur et à mesure du développement du projet.
Il indique que M. [F] n'a apporté aucune réponse à un courrier du 24 mars 2016 présentant un projet de budget pour la saison 2016/2017, comme cela avait été convenu afin de définir le montant de ses apports en compte courant et que, finalement, aucun investissement n'a été réalisé dans le club de football, sans justifications.
Il ajoute qu'après avoir constaté le refus de M. [F] de respecter son engagement d'investissement dans le club, M. [L] a proposé à celui-ci d'investir dans le centre de formation de [Localité 7], dont l'actif immobilier était la propriété de la société SDTDM, dont M. [F] avait acquis 40% du capital pour l'euro symbolique, mais que celui-ci ne lui a donné aucune réponse en dépit de son engagement d'investissement.
Il poursuit en ce sens que M. [L] a alors proposé à M. [F] une solution de sortie apaisée permettant de récupérer les actions représentant 40% du capital du CSSA et des sociétés foncières détentrices notamment du domaine de [Localité 7], moyennant l'engagement de M. [F] de collaborer au développement de relations commerciales entre l'Arabie Saoudite et des entreprises françaises et européennes prêtes à y investir.
Il déplore que M. [L] n'ait plus jamais eu la moindre nouvelle de M. [F].
Il en conclut que ce dernier a commis une faute en refusant d'apporter les fonds nécessaires au développement du projet tant sportif qu'économique global.
Il caractérise les préjudices du CSSA en évoquant une désorganisation du club pour la saison 2016/2017 et sollicite la prise en charge par M. [F] de 40% des pertes des saisons 2015/2016 (durant laquelle il était actionnaire) et 2016/2017 (au titre de son retrait brutal).
Il invoque en outre une atteinte à la réputation et à l'image du CSSA, en rappelant que l'engagement de M. [F] avait fait l'objet d'une très forte communication sur les médias nationaux, ainsi que la perte des frais engagés inutilement dans le cadre des négociations avec ce dernier.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 4 août 2025, M. [F] demande à la cour de':
Déclarer irrecevable la demande de Me [N] ès qualités de mandataire liquidateur du CSSA visant à écarter l'irrecevabilité de ses demandes en raison de la transaction, l'en débouter,
Déclarer Me [N] ès qualités mal fondé en son appel, l'en débouter,
Confirmer le jugement, au besoin par substitution de motifs,
Débouter Me [N] ès qualités de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Fixer au passif de la liquidation judiciaire du CSSA la créance de M. [F] à 50'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et mettre à la charge de la liquidation judiciaire du CSSA les entiers dépens de l'instance.
Il affirme que le rapprochement entre les parties s'est opéré vers la fin de l'année 2014 autour d'un projet encore mal défini, incluant des opérations immobilières et touristiques et qu'aucun engagement d'investissement dans le club ne figure dans le protocole du 22 mai 2015 ou dans les actes de cession des actions et parts dans le CSSA et la société SDTDM, pas plus que dans les propos tenus ultérieurement dans les médias.
Il estime que M. [L] a cherché à attirer l'attention de ces derniers sur le projet, qu'il a présenté de manière fausse, afin de donner une image exagérément positive des perspectives financières du club, dont la poursuite de l'activité après la cession opérée au profit de M. [L] dans le cadre d'une première procédure de liquidation judiciaire en 2013, nécessitait une injection continue et massive de fonds.
Il fait reproche à M. [L] de n'avoir rien fait pour concrétiser les nombreux projets lancés à coup d'annonces et explique avoir découvert la situation particulièrement sensible dans laquelle celui-ci se trouvait en raison d'une condamnation en justice à payer plus de 80 millions d'euros, ce qui révélait sa mauvaise gestion financière.
Il soutient que ce n'est que lors de la visite de M. [L] à Riyad au mois de mai 2016 que celui-ci a réclamé une contribution aux pertes du CSSA et à son budget alors qu'il n'en avait jamais été question lors des précédentes discussions.
Il estime que l'action du CSSA est irrecevable sur le fondement des articles 2044 et 2052 anciens du code civil en raison d'une transaction intervenue entre les parties le 7 septembre 2016, aux termes duquel celui-ci s'est engagé à ne rien lui réclamer, tandis que M. [F] s'est engagé à restituer ses parts sociales.
M. [F] entend rappeler le principe de la liberté contractuelle et celle d'abandonner les pourparlers engagés tant qu'aucun accord sur les éléments déterminants du contrat envisagé n'est trouvé. Il réaffirme ne pas être entré en pourparlers, ni avoir pris un engagement d'investissement dans le budget sportif du CSSA.
Il ajoute que la rupture de pourparlers peu avancés ou n'ayant pas mené à un accord sur les éléments essentiels de la négociation n'est pas considérée comme fautive en jurisprudence. Il conteste le fait que l'achat de parts d'une société signifie un engagement d'investir des millions dans ladite société et qu'à supposer qu'un tel investissement ait pu être envisagé, les termes de celui-ci n'ont jamais été définis. Il soutient encore qu'à supposer que des négociations avaient été engagées et qu'elles se trouvaient à un stade suffisamment avancé, il aurait été en droit de les rompre pour des motifs légitimes dès lors qu'il a découvert que le président du CSSA avait dissimulé sa condamnation pour mauvaise gestion et son état d'insolvabilité.
Il invoque en outre l'absence de lien de causalité entre la prétendue violation de sa part d'un prétendu engagement d'investir et le préjudice annoncé, lequel trouve sa cause dans les décisions de M. [L] et sa volonté de médiatiser un prétendu partenariat sportif.
Il estime que le CSSA tente en réalité de recouvrer ses pertes contre un ancien associé, ce que le protocole et la loi ne permettent pas, dès lors que la société n'a pas été dissoute et que l'apport a été intégralement restitué.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 septembre 2025, l'affaire étant renvoyée pour être plaidée à l'audience du 8 septembre 2025.
En cours de délibéré, la cour a adressé aux parties un message électronique afin de recueillir leurs observations éventuelles sur les conséquences du fait que le CSSA ne fait pas partie des signataires du protocole du 22 mai 2015.
Par message du 15 septembre 2025, le CSSA développe le contexte de signature dudit protocole, relève qu'il a été établi sur papier à son en-tête, quand bien même il n'en est pas signataire et rappelle que le projet élaboré constituait un ensemble indivisible centré sur le club, décliné action par action.
Il ajoute que l'accord a été signé par ses deux actionnaires, les sociétés FJMNY et FJMN, qui ont ainsi pu prendre immédiatement les engagements de cession à M. [F] des participations dans le capital du club.
Par message du 15 septembre 2025, M. [F], pour sa part, indique que le fait que le CSSA ne fasse pas partie des signataires du protocole du 22 mai 2015 est reconnu par les parties au titre du débat judiciaire.
Il souligne à nouveau l'absence dans ce protocole de tout engagement au profit du CSSA.
MOTIFS
Sur les fins de non-recevoir
Selon l'article 564 du code de procédure civile, les parties peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions pour faire écarter les prétentions adverses.
L'affirmation du CSSA selon laquelle aucune irrecevabilité n'est encourue à raison d'une transaction conclue entre les parties ne tend qu'à faire écarter la fin de non-recevoir soulevée par ce dernier.
M. [F] sera donc débouté de la fin de non-recevoir qu'il oppose à la demande de rejet présentée par le CSSA.
Selon l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
L'article 2044 du code civil dans sa version en vigueur avant le 20 novembre 2016, dispose': «'La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.
Ce contrat doit être rédigé par écrit'».
Il résulte de l'article 2025 dans sa version antérieure au 20 novembre 2016 que les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort.
Le 7 septembre 2016, M. [A] [L] a signé un document intitulé «'Protocole d'accord'» en qualité de président de la SAS CSSA, par lequel il s'est engagé à ce qu' «'aucune contribution financière ne soit réclamée par le Club Sportif [Localité 9] Ardennes et ses actionnaires, la SA FJMNY Europe et la SAS FJMN, au [J] [P] [E] [K] [E] [D] [E] [W] [S] [F] au titre de sa participation au capital de la SAS Club Sportif [Localité 9] Ardennes entre le 22 décembre 2015 et le 29 juillet 2016, sous réserve de la régularisation de la cession par le [J] [P] [E] [K] [E] [D] [E] [W] [S] [F] à la SAS FJMNY Europe, des 1'600 actions'».
Cet acte ne constitue pas un contrat dès lors qu'il ne s'agit pas d'un accord de volonté entre deux personnes au moins, puisque seul M. [L], ès qualités de président du CSSA, y exprime sa volonté et l'a signé.
Il contient néanmoins un engagement de ce dernier et donc du CSSA, de ne pas réclamer de contribution financière à M. [F] au titre de sa participation au capital de ce dernier.
Au soutien de ses demandes indemnitaires, le CSSA rappelle que M. [F] était entré au sein de son capital à hauteur de 40% et invoque un accord sur un investissement dans le budget du club, directement.
Il ajoute qu'il n'est pas imaginable qu'un investisseur qui aurait acquis une telle part du capital ne se soit pas engagé à apporter des fonds propres pour assurer le développement de la société.
Compte tenu de l'engagement pris par le CSSA aux termes de l'acte du 7 septembre 2016, celui-ci n'est cependant pas recevable à réclamer à M. [F] un tel investissement dans le club à raison de sa qualité d'associé et donc à invoquer un quelconque manquement à ce titre pour obtenir une indemnisation.
Le CSSA fonde également ses demandes indemnitaires sur une rupture brutale et injustifiée de pourparlers engagés entre les parties et des engagements de M. [F] à participer au développement d'un projet global, immobilier, sportif et de santé, autour du club.
L'acte du 7 septembre 2016 ne contient aucun engagement du CSSA de ne formuler aucune réclamation à ces titres.
Les demandes indemnitaires du CSSA sont donc irrecevables en ce qu'elles sont justifiées par un manquement de M.'Al [B] à investir directement dans le budget du club et recevables en ce qu'elles sont fondées sur une rupture abusive des pourparlers et le non-respect d'engagements autres que l'investissement direct dans le club. Le jugement sera partiellement infirmé en ce sens.
Sur les demandes indemnitaires du CSSA
Le CSSA invoque un protocole d'accord du 22 mai 2015, conclu entre S.A. [O] [J] [P] [E] [K] [E] [D] [E] [W] [F], la société FRESACO.F, la société FJMNY Europe, et la SAS FJMN.
Ce protocole stipule en son article 1er intitulé 'Objet de la présente discussion'': «'les présentes discussions sont en prévision d'un partenariat centré autour du Club Sportif de [Localité 9] Ardennes (CSSA) entre FJMNY Europe Limited Company ' Groupe APLUS et S.A. [O] [J] [P] [R] [K] [R] [D] [R] [W] [F] et la société FRESACO. F/France.
Le partenariat couvre un vaste programme de développements et de projets économiques en synergie avec le club de football CSSA et vise à assurer l'équilibre économique général du projet (')
La rentabilité des différents projets permettra d'établir un modèle commercial équilibré et rentable pour le CSSA'».
Sont ensuite décrits 6 projets communs dans le cadre du partenariat précité':
Académie international de football de [Localité 9] (SIFA),
Programme de construction d'installations et d'infrastructures sportives': construction sur un terrain appartenant au Conseil général des Ardennes du centre de formation du CSSA, de son centre national de formation ainsi que du centre international SIFA,
Développement du tourisme au domaine de [Localité 7]': création du premier centre international de prévention sanitaire et anti-âge qui accueillera des clients privés et des clients professionnels intéressés par la prise en charge de leur santé,
Partenariat entre SAS CSSA et association Club Ardennes Export': association d'entreprises, d'abord ardennaises, puis françaises et étrangères, à la relance du football club [Localité 9] et possibilité pour le CSSA de bénéficier d'une partie de l'activité économique générée par les entreprises partenaires'; il est prévue que pour toute activité générée par les entreprises membres du Club Ardennes Export Association, une quote-part sera remise au CSSA sous la forme d'un contrat de sponsoring et contribuera à l'équilibre des comptes,
Mise en place d'une opération immobilière de prestige dans les Ardennes': projet de construction de villas de luxe
Communication du concept Vitalclub®'; dans le cadre de l'aménagement d'un complexe touristique au [Adresse 5], le Groupe APLUS développe un concept de soins préventifs et anti-âge.
Il en résulte que les pourparlers objets du protocole d'accord ne se sont pas établis directement entre M. [F] et le CSSA et qu'ils portent sur des projets qui ne concernent pas directement le CSSA, certains étant, tout au plus, destinés à contribuer, indirectement, à son développement.
Dès lors, le CSSA n'est pas fondé à invoquer une rupture fautive de pourparlers, auxquels il n'a pas pris part, et qui ne le concernaient pas directement.
Le protocole d'accord du 22 mai 2015 contient en outre des engagements de la part de M. [F], de participer au développement du CSSA, «'en participation'» avec les sociétés FJMNY et FRESACOF, de réaliser le projet de centre de formation et d'information du CSSA et du projet touristique de [Localité 8], ainsi qu'à soutenir les entreprises françaises et internationales recommandées par FJMNY et FRESACOF dans le Royaume d'Arabie Saoudite pour faciliter et gagner les projets proposés.
Ces engagements ne sont pas pris envers le CSSA, personne morale, lui-même et la circonstance que le protocole a été conclu avec les actionnaires du club ou que les engagements prennent place dans le cadre d'un projet construit autour de ce dernier ne le rendent pas personnellement créancier des engagements contractuels ainsi pris par M. [F].
Pris envers des tiers, la majeure partie desdits engagements ne lui bénéficient pas même directement, étant précisé que le domaine de [Localité 7] appartient à une société tierce, nommée [Adresse 10] (SDTDM) et qu'il n'est pas établi de liens certains et directs avec les sociétés qui auraient pu bénéficier du développement de partenariats économiques internationaux.
Les articles de presse et retranscriptions d'interviews figurant à la procédure évoquant, en substance, un projet global, immobilier, de soins de santé et sportif, qui correspond à l'objet des pourparlers définis dans le cadre du protocole, ne sont pas de nature à établir que ces pourparlers, ou d'autres, s'étaient engagés directement avec le CSSA, ni que M. [F] avait contracté des engagements envers celui-ci, directement. Les déclarations aux termes desquelles M. [F] affirme vouloir investir «'dans [Localité 9]'» sont, en particulier, trop vagues pour justifier d'un engagement envers le club lui-même.
En conséquence, les demandes indemnitaires du CSSA et celle qui tend à la publication de la décision doivent être rejetées, le jugement étant confirmé.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Le CSSA, qui succombe, est tenu aux dépens d'appel et sa demande en paiement au titre de ses frais irrépétibles sera rejetée.
La situation économique du CSSA justifie le rejet de la demande de M. [F] fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement,
Déboute Monsieur [P] [F] de sa fin de non-recevoir prise de la nouveauté en appel d'une demande présentée par la SAS club sportif [Localité 9] Ardennes,
Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il déclare recevable les demandes indemnitaires fondées sur un engagement d'investir directement dans la SAS club sportif [Localité 9] Ardennes,
Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,
Déclare irrecevables les demandes de la SELARL [T] [N] prise en la personne de Me [T] [N] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS club sportif [Localité 9] Ardennes en ce qu'elles sont fondées sur un engagement d'investir directement dans la SAS club sportif [Localité 9] Ardennes,
Condamne la SELARL [T] [N] prise en la personne de Me [T] [N] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS club sportif [Localité 9] Ardennes aux dépens d'appel,
Déboute les parties de leur demande en paiement au titre de leurs frais irrépétibles d'appel.
Le greffier La conseillère
du 14 octobre 2025
N° RG : 25/00449 - N° Portalis DBVQ-V-B7J-FT4U
Société SELARL [T] [N]
c/
[F]
Formule exécutoire le :
à :
SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES
Maître [V] [U]
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 14 OCTOBRE 2025
APPELANTE
d'un jugement rendu le 11 mars 2025 par le tribunal de commerce de SEDAN
SELARL [T] [N], prise en la personne de Me [T] [N], es qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire du Club Sportif [Localité 9] Ardennes - CSSA
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Maître Mélanie CAULIER-RICHARD de la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocat postulant inscrit au barreau de REIMS et par Maître Ahmed HARIR de la SELARL, avocat plaidant inscrit au barreau des Ardennes
INTIME
Monsieur le [J] [P] [C] [E] [D] [Z] [F]
[Adresse 4]
[Adresse 6]
[Localité 1]/ARABIE SAOUDITE
Représentant par Maître Pascal GUILLAUME, avocat inscrit au barreau de REIMS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS
A l'audience publique du 08 septembre 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 14 octobre 2025, sans opposition de la part des parties en application de l'article 805 du code de procédure civile, Madame DIAS DA SILVA présidente de chambre, et Madame PILON conseillère, ont entendu les plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées, puis en ont rendu compte à la cour dans son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Madame Christina DIAS DA SILVA, présidente de chambre
Madame Sandrine PILON, conseillère
Madame Anne POZZO DI BORGO, conseillère
GREFFIERS
Madame NICLOT, greffier, lors des débats et Madame SOKY, greffier placé, lors du prononcé,
MINISTÈRE PUBLIC
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 14 octobre 2025 et signé par Madame PILON conseillère, en remplacement de la présidente de chambre régulièrement empêché conformément à l'article 456 du code de procédure civile, et Madame Lozie SOKY, greffier placé, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DES FAITS
La SAS club sportif [Localité 9] Ardennes (le CSSA), est un club de football qui, au début des années 2010, a rencontré des difficultés financières le conduisant à solliciter le bénéfice d'une procédure de redressement judiciaire.
Par jugement en date du 12 août 2013, le tribunal de commerce de Sedan a prononcé la liquidation judiciaire du CSSA et autorisé la cession de l'ensemble des actifs qui ont été repris par M. [A] [L], nouveau dirigeant du CSSA, dans le cadre du plan de cession arrêté par le tribunal de commerce.
Les actions du CSSA sont détenues par :
- la société FJMNY Europe SA, société anonyme de droit luxembourgeois, dont le directeur général est M. [L],
- la société FJMN, société par actions simplifiée dirigée par M. [L] en qualité de président'et détenue à 100% par les membres de la famille [L].
M. [L] a cherché des sponsors pour obtenir des fonds pour le club.
Fin 2014, M. [P] [F], entrepreneur de nationalité saoudienne, membre de la famille régnante [F], et le CSSA sont entrés en relation afin de former un partenariat.
Le 22 mai 2015, un protocole d'accord a été signé.
Le 22 décembre 2015, des actions et parts de plusieurs sociétés contrôlées par M. [L] ont été cédées à M. [F] pour des prix symboliques d'un euro :
- une cession de 1600 actions du CSSA détenues par FJMNY,
- une cession de 350 parts de SDTDM (créée en février 2014) détenues par FJMNY.
Les transactions et les pourparlers ont fait l'objet d'une exposition médiatique.
Le CSSA a sollicité la participation de M. [F] au budget 2016-2017 de fonctionnement du club.
Par courrier du 9 juin 2016, M. [F] a refusé de donner suite à la requête faite par M. [L]. Il a précisé n'avoir jamais pris un quelconque engagement de financement du club.
Par acte du 12 novembre 2018, le CSSA a fait assigner M. [F] devant le tribunal de commerce de Sedan afin de voir la responsabilité de celui-ci engager et d'obtenir sa condamnation à l'indemniser de divers préjudices.
Une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'égard du CSSA le 28 août 2023, la SELARL [T] [N], prise en la personne de Me [T] [N], étant désignée en qualité de liquidateur du CSSA. Me [N], ès qualités, a repris et poursuivi la procédure engagée par le CSSA.
Par jugement du 11 mars 2025, le tribunal a':
- Débouté la SELARL [T] [N] prise en la personne de Me [T] [N] en sa qualité de mandataire liquidateur du CSSA de ses demandes et conclusions,
- Condamné la SELARL [T] [N] prise en la personne de Me [T] [N] en sa qualité de mandataire liquidateur du CSSA à fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société CSSA la somme de 5'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné la SELARL [T] [N] prise en la personne de Me [T] [N] en sa qualité de mandataire liquidateur du CSSA aux entiers dépens, lesdits dépens liquidés à la somme de 239.04 euros en elle compris le coût du jugement, ainsi que ceux des 5 février 2019 et 21 juin 2022, mais non compris le coût de l'assignation qui restera à sa charge.
La SELARL [T] [N], prise en la personne de Me [T] [N], agissant en qualité de liquidateur de la SAS Club Sportif [Localité 9] Ardennes, a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 28 mars 2025.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 22 juillet 2025, elle demande à la cour de':
- La déclarer recevable et bien fondée en son appel,
- Débouter M. [F] de l'ensemble de ses moyens, prétentions et demandes,
- Infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- Débouter M. [F] de l'ensemble de ses moyens, prétentions et demandes,
Dire et juger que la responsabilité de M. [F] est engagée à son égard,
Condamner M. [F] à lui verser les sommes suivantes':
1'171'000 euros au titre de la désorganisation subie par le club du fait de son retrait brutal et tardif,
1'000'000 euros au titre du préjudice moral suite à l'atteinte de la réputation et de l'image du CSSA,
215'914.42 euros au titre des frais inutilement exposés par le CSSA,
Ordonner l'insertion de la décision à intervenir dans 2 journaux français et 1 journal saoudien,
Condamner M. [F] à lui verser la somme de 15'000 euros au titre de l'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel.
Me [N] affirme qu'aucune irrecevabilité n'est encourue dès lors que le document du 7 septembre 2016 invoqué par l'intimé ne peut être qualifié de transaction.
Sur le fond, il invoque l'article 1240 du code civil en soutenant que les pourparlers avec M. [F] étaient avancés, voire que ce stade était dépassé puisque ce dernier était entré au capital du CSSA à hauteur de 40%, de sorte qu'il a commis une faute en les rompant brutalement et sans motif légitime.
Me [N] fait reproche au tribunal de s'être focalisé sur l'existence ou non d'un contrat entre les parties et d'avoir omis d'étudier la question de la faute constituée par la rupture brutale et unilatérale de négociations très avancées pour le cas où il serait considéré qu'il n'existe pas de contrat.
Il expose que le groupe APLUS, actionnaire unique du CSSA, dont M. [L] est le président, a recherché des partenaires au capital du club, ainsi que des sponsors afin d'assurer une injection massive et continue de fonds propres destinés à permettre au club de remonter rapidement les échelons du football français.
Il explique qu'il a été mis en relation avec des mandataires des membres de la famille royale saoudienne dont, in fine, M. [P] [F], dont il affirme qu'il avait la volonté d'investir dans le football et qu'il a signé un protocole d'accord le 22 mai 2015 aux termes duquel celui-ci s'est engagé à participer au développement du CSSA, puis qu'il a confirmé sa volonté devant les médias, notamment français.
Il estime qu'aucun doute n'existe sur la nature de l'engagement de M. [F], le projet en cause étant global, à la fois immobilier, de santé et sportif et qu'il comportait une partie d'investissement direct dans le club, sous la forme d'apports de fonds propres en compte-courant.
Me [N] fait en outre valoir que le dispositif convenu ne comportait pas de valorisation de la cession réalisée à l'euro symbolique et que, parallèlement, M. [F] entrait au capital de la société foncière STDM ([Adresse 11] des actifs immobiliers importants, dont le domaine de [Localité 7], estimé entre 5 et 6 millions d'euros, la cession à hauteur de 40% du capital étant également convenue à l'euro symbolique. Il en conclut que la contrepartie évidente était la réalisation d'apports en comptes courants de la part de M. [F], qui auraient été remboursés au fur et à mesure du développement du projet.
Il indique que M. [F] n'a apporté aucune réponse à un courrier du 24 mars 2016 présentant un projet de budget pour la saison 2016/2017, comme cela avait été convenu afin de définir le montant de ses apports en compte courant et que, finalement, aucun investissement n'a été réalisé dans le club de football, sans justifications.
Il ajoute qu'après avoir constaté le refus de M. [F] de respecter son engagement d'investissement dans le club, M. [L] a proposé à celui-ci d'investir dans le centre de formation de [Localité 7], dont l'actif immobilier était la propriété de la société SDTDM, dont M. [F] avait acquis 40% du capital pour l'euro symbolique, mais que celui-ci ne lui a donné aucune réponse en dépit de son engagement d'investissement.
Il poursuit en ce sens que M. [L] a alors proposé à M. [F] une solution de sortie apaisée permettant de récupérer les actions représentant 40% du capital du CSSA et des sociétés foncières détentrices notamment du domaine de [Localité 7], moyennant l'engagement de M. [F] de collaborer au développement de relations commerciales entre l'Arabie Saoudite et des entreprises françaises et européennes prêtes à y investir.
Il déplore que M. [L] n'ait plus jamais eu la moindre nouvelle de M. [F].
Il en conclut que ce dernier a commis une faute en refusant d'apporter les fonds nécessaires au développement du projet tant sportif qu'économique global.
Il caractérise les préjudices du CSSA en évoquant une désorganisation du club pour la saison 2016/2017 et sollicite la prise en charge par M. [F] de 40% des pertes des saisons 2015/2016 (durant laquelle il était actionnaire) et 2016/2017 (au titre de son retrait brutal).
Il invoque en outre une atteinte à la réputation et à l'image du CSSA, en rappelant que l'engagement de M. [F] avait fait l'objet d'une très forte communication sur les médias nationaux, ainsi que la perte des frais engagés inutilement dans le cadre des négociations avec ce dernier.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 4 août 2025, M. [F] demande à la cour de':
Déclarer irrecevable la demande de Me [N] ès qualités de mandataire liquidateur du CSSA visant à écarter l'irrecevabilité de ses demandes en raison de la transaction, l'en débouter,
Déclarer Me [N] ès qualités mal fondé en son appel, l'en débouter,
Confirmer le jugement, au besoin par substitution de motifs,
Débouter Me [N] ès qualités de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Fixer au passif de la liquidation judiciaire du CSSA la créance de M. [F] à 50'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et mettre à la charge de la liquidation judiciaire du CSSA les entiers dépens de l'instance.
Il affirme que le rapprochement entre les parties s'est opéré vers la fin de l'année 2014 autour d'un projet encore mal défini, incluant des opérations immobilières et touristiques et qu'aucun engagement d'investissement dans le club ne figure dans le protocole du 22 mai 2015 ou dans les actes de cession des actions et parts dans le CSSA et la société SDTDM, pas plus que dans les propos tenus ultérieurement dans les médias.
Il estime que M. [L] a cherché à attirer l'attention de ces derniers sur le projet, qu'il a présenté de manière fausse, afin de donner une image exagérément positive des perspectives financières du club, dont la poursuite de l'activité après la cession opérée au profit de M. [L] dans le cadre d'une première procédure de liquidation judiciaire en 2013, nécessitait une injection continue et massive de fonds.
Il fait reproche à M. [L] de n'avoir rien fait pour concrétiser les nombreux projets lancés à coup d'annonces et explique avoir découvert la situation particulièrement sensible dans laquelle celui-ci se trouvait en raison d'une condamnation en justice à payer plus de 80 millions d'euros, ce qui révélait sa mauvaise gestion financière.
Il soutient que ce n'est que lors de la visite de M. [L] à Riyad au mois de mai 2016 que celui-ci a réclamé une contribution aux pertes du CSSA et à son budget alors qu'il n'en avait jamais été question lors des précédentes discussions.
Il estime que l'action du CSSA est irrecevable sur le fondement des articles 2044 et 2052 anciens du code civil en raison d'une transaction intervenue entre les parties le 7 septembre 2016, aux termes duquel celui-ci s'est engagé à ne rien lui réclamer, tandis que M. [F] s'est engagé à restituer ses parts sociales.
M. [F] entend rappeler le principe de la liberté contractuelle et celle d'abandonner les pourparlers engagés tant qu'aucun accord sur les éléments déterminants du contrat envisagé n'est trouvé. Il réaffirme ne pas être entré en pourparlers, ni avoir pris un engagement d'investissement dans le budget sportif du CSSA.
Il ajoute que la rupture de pourparlers peu avancés ou n'ayant pas mené à un accord sur les éléments essentiels de la négociation n'est pas considérée comme fautive en jurisprudence. Il conteste le fait que l'achat de parts d'une société signifie un engagement d'investir des millions dans ladite société et qu'à supposer qu'un tel investissement ait pu être envisagé, les termes de celui-ci n'ont jamais été définis. Il soutient encore qu'à supposer que des négociations avaient été engagées et qu'elles se trouvaient à un stade suffisamment avancé, il aurait été en droit de les rompre pour des motifs légitimes dès lors qu'il a découvert que le président du CSSA avait dissimulé sa condamnation pour mauvaise gestion et son état d'insolvabilité.
Il invoque en outre l'absence de lien de causalité entre la prétendue violation de sa part d'un prétendu engagement d'investir et le préjudice annoncé, lequel trouve sa cause dans les décisions de M. [L] et sa volonté de médiatiser un prétendu partenariat sportif.
Il estime que le CSSA tente en réalité de recouvrer ses pertes contre un ancien associé, ce que le protocole et la loi ne permettent pas, dès lors que la société n'a pas été dissoute et que l'apport a été intégralement restitué.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 septembre 2025, l'affaire étant renvoyée pour être plaidée à l'audience du 8 septembre 2025.
En cours de délibéré, la cour a adressé aux parties un message électronique afin de recueillir leurs observations éventuelles sur les conséquences du fait que le CSSA ne fait pas partie des signataires du protocole du 22 mai 2015.
Par message du 15 septembre 2025, le CSSA développe le contexte de signature dudit protocole, relève qu'il a été établi sur papier à son en-tête, quand bien même il n'en est pas signataire et rappelle que le projet élaboré constituait un ensemble indivisible centré sur le club, décliné action par action.
Il ajoute que l'accord a été signé par ses deux actionnaires, les sociétés FJMNY et FJMN, qui ont ainsi pu prendre immédiatement les engagements de cession à M. [F] des participations dans le capital du club.
Par message du 15 septembre 2025, M. [F], pour sa part, indique que le fait que le CSSA ne fasse pas partie des signataires du protocole du 22 mai 2015 est reconnu par les parties au titre du débat judiciaire.
Il souligne à nouveau l'absence dans ce protocole de tout engagement au profit du CSSA.
MOTIFS
Sur les fins de non-recevoir
Selon l'article 564 du code de procédure civile, les parties peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions pour faire écarter les prétentions adverses.
L'affirmation du CSSA selon laquelle aucune irrecevabilité n'est encourue à raison d'une transaction conclue entre les parties ne tend qu'à faire écarter la fin de non-recevoir soulevée par ce dernier.
M. [F] sera donc débouté de la fin de non-recevoir qu'il oppose à la demande de rejet présentée par le CSSA.
Selon l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
L'article 2044 du code civil dans sa version en vigueur avant le 20 novembre 2016, dispose': «'La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.
Ce contrat doit être rédigé par écrit'».
Il résulte de l'article 2025 dans sa version antérieure au 20 novembre 2016 que les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort.
Le 7 septembre 2016, M. [A] [L] a signé un document intitulé «'Protocole d'accord'» en qualité de président de la SAS CSSA, par lequel il s'est engagé à ce qu' «'aucune contribution financière ne soit réclamée par le Club Sportif [Localité 9] Ardennes et ses actionnaires, la SA FJMNY Europe et la SAS FJMN, au [J] [P] [E] [K] [E] [D] [E] [W] [S] [F] au titre de sa participation au capital de la SAS Club Sportif [Localité 9] Ardennes entre le 22 décembre 2015 et le 29 juillet 2016, sous réserve de la régularisation de la cession par le [J] [P] [E] [K] [E] [D] [E] [W] [S] [F] à la SAS FJMNY Europe, des 1'600 actions'».
Cet acte ne constitue pas un contrat dès lors qu'il ne s'agit pas d'un accord de volonté entre deux personnes au moins, puisque seul M. [L], ès qualités de président du CSSA, y exprime sa volonté et l'a signé.
Il contient néanmoins un engagement de ce dernier et donc du CSSA, de ne pas réclamer de contribution financière à M. [F] au titre de sa participation au capital de ce dernier.
Au soutien de ses demandes indemnitaires, le CSSA rappelle que M. [F] était entré au sein de son capital à hauteur de 40% et invoque un accord sur un investissement dans le budget du club, directement.
Il ajoute qu'il n'est pas imaginable qu'un investisseur qui aurait acquis une telle part du capital ne se soit pas engagé à apporter des fonds propres pour assurer le développement de la société.
Compte tenu de l'engagement pris par le CSSA aux termes de l'acte du 7 septembre 2016, celui-ci n'est cependant pas recevable à réclamer à M. [F] un tel investissement dans le club à raison de sa qualité d'associé et donc à invoquer un quelconque manquement à ce titre pour obtenir une indemnisation.
Le CSSA fonde également ses demandes indemnitaires sur une rupture brutale et injustifiée de pourparlers engagés entre les parties et des engagements de M. [F] à participer au développement d'un projet global, immobilier, sportif et de santé, autour du club.
L'acte du 7 septembre 2016 ne contient aucun engagement du CSSA de ne formuler aucune réclamation à ces titres.
Les demandes indemnitaires du CSSA sont donc irrecevables en ce qu'elles sont justifiées par un manquement de M.'Al [B] à investir directement dans le budget du club et recevables en ce qu'elles sont fondées sur une rupture abusive des pourparlers et le non-respect d'engagements autres que l'investissement direct dans le club. Le jugement sera partiellement infirmé en ce sens.
Sur les demandes indemnitaires du CSSA
Le CSSA invoque un protocole d'accord du 22 mai 2015, conclu entre S.A. [O] [J] [P] [E] [K] [E] [D] [E] [W] [F], la société FRESACO.F, la société FJMNY Europe, et la SAS FJMN.
Ce protocole stipule en son article 1er intitulé 'Objet de la présente discussion'': «'les présentes discussions sont en prévision d'un partenariat centré autour du Club Sportif de [Localité 9] Ardennes (CSSA) entre FJMNY Europe Limited Company ' Groupe APLUS et S.A. [O] [J] [P] [R] [K] [R] [D] [R] [W] [F] et la société FRESACO. F/France.
Le partenariat couvre un vaste programme de développements et de projets économiques en synergie avec le club de football CSSA et vise à assurer l'équilibre économique général du projet (')
La rentabilité des différents projets permettra d'établir un modèle commercial équilibré et rentable pour le CSSA'».
Sont ensuite décrits 6 projets communs dans le cadre du partenariat précité':
Académie international de football de [Localité 9] (SIFA),
Programme de construction d'installations et d'infrastructures sportives': construction sur un terrain appartenant au Conseil général des Ardennes du centre de formation du CSSA, de son centre national de formation ainsi que du centre international SIFA,
Développement du tourisme au domaine de [Localité 7]': création du premier centre international de prévention sanitaire et anti-âge qui accueillera des clients privés et des clients professionnels intéressés par la prise en charge de leur santé,
Partenariat entre SAS CSSA et association Club Ardennes Export': association d'entreprises, d'abord ardennaises, puis françaises et étrangères, à la relance du football club [Localité 9] et possibilité pour le CSSA de bénéficier d'une partie de l'activité économique générée par les entreprises partenaires'; il est prévue que pour toute activité générée par les entreprises membres du Club Ardennes Export Association, une quote-part sera remise au CSSA sous la forme d'un contrat de sponsoring et contribuera à l'équilibre des comptes,
Mise en place d'une opération immobilière de prestige dans les Ardennes': projet de construction de villas de luxe
Communication du concept Vitalclub®'; dans le cadre de l'aménagement d'un complexe touristique au [Adresse 5], le Groupe APLUS développe un concept de soins préventifs et anti-âge.
Il en résulte que les pourparlers objets du protocole d'accord ne se sont pas établis directement entre M. [F] et le CSSA et qu'ils portent sur des projets qui ne concernent pas directement le CSSA, certains étant, tout au plus, destinés à contribuer, indirectement, à son développement.
Dès lors, le CSSA n'est pas fondé à invoquer une rupture fautive de pourparlers, auxquels il n'a pas pris part, et qui ne le concernaient pas directement.
Le protocole d'accord du 22 mai 2015 contient en outre des engagements de la part de M. [F], de participer au développement du CSSA, «'en participation'» avec les sociétés FJMNY et FRESACOF, de réaliser le projet de centre de formation et d'information du CSSA et du projet touristique de [Localité 8], ainsi qu'à soutenir les entreprises françaises et internationales recommandées par FJMNY et FRESACOF dans le Royaume d'Arabie Saoudite pour faciliter et gagner les projets proposés.
Ces engagements ne sont pas pris envers le CSSA, personne morale, lui-même et la circonstance que le protocole a été conclu avec les actionnaires du club ou que les engagements prennent place dans le cadre d'un projet construit autour de ce dernier ne le rendent pas personnellement créancier des engagements contractuels ainsi pris par M. [F].
Pris envers des tiers, la majeure partie desdits engagements ne lui bénéficient pas même directement, étant précisé que le domaine de [Localité 7] appartient à une société tierce, nommée [Adresse 10] (SDTDM) et qu'il n'est pas établi de liens certains et directs avec les sociétés qui auraient pu bénéficier du développement de partenariats économiques internationaux.
Les articles de presse et retranscriptions d'interviews figurant à la procédure évoquant, en substance, un projet global, immobilier, de soins de santé et sportif, qui correspond à l'objet des pourparlers définis dans le cadre du protocole, ne sont pas de nature à établir que ces pourparlers, ou d'autres, s'étaient engagés directement avec le CSSA, ni que M. [F] avait contracté des engagements envers celui-ci, directement. Les déclarations aux termes desquelles M. [F] affirme vouloir investir «'dans [Localité 9]'» sont, en particulier, trop vagues pour justifier d'un engagement envers le club lui-même.
En conséquence, les demandes indemnitaires du CSSA et celle qui tend à la publication de la décision doivent être rejetées, le jugement étant confirmé.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Le CSSA, qui succombe, est tenu aux dépens d'appel et sa demande en paiement au titre de ses frais irrépétibles sera rejetée.
La situation économique du CSSA justifie le rejet de la demande de M. [F] fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement,
Déboute Monsieur [P] [F] de sa fin de non-recevoir prise de la nouveauté en appel d'une demande présentée par la SAS club sportif [Localité 9] Ardennes,
Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il déclare recevable les demandes indemnitaires fondées sur un engagement d'investir directement dans la SAS club sportif [Localité 9] Ardennes,
Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,
Déclare irrecevables les demandes de la SELARL [T] [N] prise en la personne de Me [T] [N] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS club sportif [Localité 9] Ardennes en ce qu'elles sont fondées sur un engagement d'investir directement dans la SAS club sportif [Localité 9] Ardennes,
Condamne la SELARL [T] [N] prise en la personne de Me [T] [N] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS club sportif [Localité 9] Ardennes aux dépens d'appel,
Déboute les parties de leur demande en paiement au titre de leurs frais irrépétibles d'appel.
Le greffier La conseillère