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Cass. com., 13 février 2007, n° 04-19.727

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

Cass. com. n° 04-19.727

12 février 2007

Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 7 septembre 2004), que par acte du 11 juin 1990, M. X... s'est porté caution solidaire envers la société Bred Banque populaire (la banque) de la société Du croissant, dont il était le gérant, en garantie d'un prêt d'un certain montant ; que par acte du 1er octobre 1990, la banque a octroyé à la société un prêt de ce montant ; que par acte du 9 janvier 1995, M. X... s'est porté caution solidaire à concurrence d'une certaine somme de tous les engagements de la société envers la banque ; que la société ayant été mise en redressement judiciaire, la banque a assigné la caution en exécution de ses engagements ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Attendu que M. X... reproche à l'arrêt d'avoir rejeté les exceptions de nullité des engagements de caution qu'il avait soulevées ainsi que sa demande fondée sur la disproportion de son engagement de caution avec ses biens et revenus, alors, selon le moyen, que du fait du caractère accessoire du cautionnement, on ne peut cautionner une obligation qui n'existe pas encore ; qu'en la présente espèce, alors même que la cour d'appel constate dans les motifs de l'arrêt que les conditions du prêt qui a été concrétisé par acte du 1er octobre 1990 n'ont été déterminées que dans une note rédigée par la banque le 25 juin 1990, elle refuse de constater la nullité de l'engagement de caution souscrit par M. X... le 11 juin 1990 en énonçant que cet acte de cautionnement qui précise le montant du prêt, sa durée, le taux d'intérêt et le nombre de mensualités détermine suffisamment le contrat principal ; que ce faisant, elle n'a pas tiré de ses propres constatations les conclusions qui s'en évinçaient, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles 1131 et 2011 et suivants du code civil ;

Mais attendu que ce grief ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le premier moyen, pris en sa second branche, et sur le second moyen, réunis :

Attendu que M. X... fait encore le même reproche à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ qu'aux termes de l'article L. 341-5 du code de la consommation créé par la loi du 1er août 2003, qui a vocation à s'appliquer aux contrats en cours à la date en vigueur de ladite loi, "les stipulations de solidarité et de renonciation au bénéfice de discussion figurant dans un contrat de cautionnement consenti par une personne physique au bénéfice d'un créancier professionnel sont réputées non écrites si l'engagement de la caution n'est pas limité à un montant global, expressément et contractuellement déterminé, incluant le principal, les intérêts, les frais et accessoires" ; que dès lors que la cour d'appel était saisie par M. X..., personne physique ayant consenti des contrats de cautionnement au bénéfice de la banque, créancier professionnel, de diverses exceptions de nullité de ces cautionnements et qu'elle statuait après l'entrée en vigueur de la loi du 1er août 2003, elle devait rechercher si les stipulations de solidarité et de renonciation au bénéfice de discussion figurant dans ces contrats n'étaient pas susceptibles d'être déclarées non écrites par application du texte susvisé ; qu'en s'abstenant de procéder à cette recherche, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 341-5 du code de la consommation immédiatement applicable aux contrats en cours ;

2°/ qu'aux termes de l'article L. 341-4 du code de la consommation créé par la loi du 1er août 2003, qui est d'application immédiate aux instances en cours, "un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation" ; que dès lors que M. X... invoquait la disproportion de ses engagements de caution au profit de la banque, créancier professionnel, par rapport à ses biens et revenus, la cour d'appel se devait de faire application du texte susvisé et de rechercher, en dehors de tout contexte de faute, si l'engagement de la caution était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus et, dans l'affirmative, si son patrimoine lui permettait de faire face à son obligation au moment où elle était appelée ; qu'en se contentant de rechercher si la banque avait commis une faute en recueillant l'engagement de caution de M. X..., la cour d'appel a violé l'article L. 341-4 du code de la consommation issu de la loi du 1er août 2003, immédiatement applicable aux instances en cours ;

3°/ qu'à supposer même que les dirigeants sociaux qui se portent cautions des crédits accordés à leur société ne puissent bénéficier des dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation, il n'en demeure pas moins que commet une faute l'établissement de crédit qui recueille un engagement disproportionné par rapport aux biens et revenus de la caution ; que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter la demande de la caution tendant à voir constater une telle faute sans évaluer exactement le patrimoine de cette dernière au moment de la conclusion du contrat et sans constater qu'il se trouvait en adéquation avec le montant de l'engagement exigé par le créancier ; qu'en jugeant que la faute de la banque n'était pas établie en relevant qu'en 1990, M. X... avait perçu un salaire de dirigeant de société de 358 013 francs et détenait la majorité des parts de la société, soit 530 parts, sans procéder à l'évaluation desdites parts, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1382 et 1383 du code civil ;

4°/ que le jugement doit être motivé à peine de nullité et que le défaut de réponse aux conclusions d'une partie équivaut au défaut de motifs ; qu'en la présente espèce, M. X... soulignait que, lorsqu'il avait souscrit les actes de cautionnement, il ne possédait aucun patrimoine personnel hormis ses parts sociales dont la banque avait exigé le nantissement à son profit en garantie du prêt de 2 300 000 francs, de sorte qu'elles ne pouvaient être prises en compte pour déterminer ses possibilités de remboursement en cas de défaillance de la société ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du nouveau code de procédure civile ;

Attendu, en premier lieu, que les articles L. 341- 4 et L. 341-5 du code de la consommation issus de la loi du 1er août 2003 ne sont pas applicables aux cautionnements souscrits antérieurement à son entrée en vigueur ; qu'ainsi, ayant constaté que les engagements de la caution avaient été souscrits les 11 juin 1990 et le 9 janvier 1995, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder aux recherches invoquées par les deuxième et troisième branches, a légalement justifié sa décision ;

Attendu, en second lieu, qu'après avoir relevé que M. X... était gérant de la société cautionnée, l'arrêt retient qu'il ne démontre pas que la banque aurait eu sur ses revenus, sur son patrimoine et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles au regard de l'opération entreprise, des informations que lui-même aurait ignorées, ce dont il résulte que la caution n'était pas fondée à rechercher la responsabilité de cette banque qui n'était tenue d'aucun devoir de mise en garde à l'égard de cette caution avertie ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer les recherches dont font état les deux dernières branches que ces constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, le condamne à payer à la société Bred Banque populaire la somme de 2 000 euros et rejette sa demande ;

 

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