CA Versailles, ch. com. 3-1, 15 octobre 2025, n° 23/05924
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Bain Et Compagnie (SNC)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dubois-Stevant
Conseillers :
Mme Gautron-Audic, Mme Meurant
Avocats :
Me Dontot, Me Wiart, Me Bovis, Me Naquet
Exposé des faits
En septembre 2012, le ministère des finances tunisien a lancé un appel d'offres portant sur un audit complet de trois banques nationales. Mme [F] dit avoir été sollicitée pour soumissionner.
Un accord sur une rémunération d'apporteur d'affaires, non daté, a été conclu entre la société Finance & Gouvernance (« société F&G »), ayant pour présidente Mme [F], et la société Bain et compagnie (« la société Bain ») et, par acte du 23 novembre 2012, les sociétés F&G, Bain et Fehti [Y] ont formé un groupement aux fins de candidater à l'appel d'offres.
Le 31 juillet 2013, le lot portant sur l'audit complet de la Banque nationale agricole de Tunisie (« la BNA ») a été attribué à ce groupement.
Le 26 septembre 2013, Mme [F] a signé un contrat de marché définitif portant sur l'audit de la BNA et de deux de ses filiales.
Des désaccords sont cependant apparus entre les membres du groupement.
La société Bain et le cabinet [H] [G] affirment avoir découvert a posteriori les délais de réalisation et de finalisation de l'audit complet et l'attribution des interventions à chacune des trois sociétés formant le groupement. Le 10 octobre 2013, elles ont ainsi mis en demeure la société F&G de ne plus engager de discussions avec la BNA ou le ministère des finances tunisien sans l'accord préalable et formalisé des membres du groupement. Le 11 octobre 2013, la société F&G a mis en demeure la société Bain de respecter ses engagements contractuels.
Le 16 octobre 2013, la société Bain a informé la BNA des difficultés rencontrées avec Mme [F] et de son impossibilité à accepter les termes du contrat signé par Mme [F]. Après une réunion avec la BNA, tenue le 20 novembre 2013, la société Bain a considéré qu'un acte de précision, proposé par la banque, pouvait être régularisé à condition que Mme [F] accepte de répartir par écrit les honoraires et frais entre les membres du groupement. Cette répartition n'a pas été fixée et aucun avenant à l'acte constitutif du groupement n'a été conclu.
Par courriel du 25 novembre 2013 puis par lettre du 3 décembre 2013 adressée à la société Bain, la société F&G a reproché à la société Bain d'avoir manqué à ses engagements.
Le 11 décembre 2013, la BNA a mis en demeure la société Bain de se conformer à ses engagements indiquant que le livrable remis le 17 octobre 2013 par Mme [F] n'était pas conforme à l'offre du groupement et que le mandataire chef de file l'avait informée d'une déclaration de défaillance d'un membre du groupement, la société Bain. Le 23 décembre 2013, la BNA a reçu un premier livrable sur lequel les sociétés Bain et [H] [Y] avaient travaillé et un second livrable, distinct, de la part de Mme [F].
Le 24 décembre 2013, la BNA a demandé aux membres du groupement plusieurs corrections aux annexes 1 et 2 de l'acte de précision. Le 9 janvier 2024, ces annexes ont été adressées aux membres du groupement. Mme [F] a, le 14 janvier 2014, fait part de son désaccord et proposé une nouvelle version de ces annexes. Après échanges entre les membres du groupement et conclusion d'un protocole d'accord aux termes duquel la société Bain a accepté le versement immédiat à Mme [F] de la totalité des honoraires d'apporteur d'affaires, l'acte de précision et ses annexes ont été transmis à la BNA le 26 janvier 2014. Par courriel du 12 février 2014, Mme [F] a mis en demeure la BNA de signer cet acte de précision et de valider l'étape préliminaire.
Par lettre du 17 février 2014, la BNA a notifié à Mme [F] les défaillances constatées dans l'exécution du marché et la résiliation du marché aux torts du groupement.
Par lettres du 19 février 2014 adressées aux sociétés F&G et [H] [Y], la société Bain a mis fin à la convention de groupement.
Par lettre du 6 mars 2014, Mme [F] a contesté auprès de la BNA sa décision de résiliation du marché.
Par lettres du 31 mars 2014, la société Bain a, d'une part, contesté auprès de la BNA cette dernière démarche de Mme [F] et, d'autre part, demandé à la société F&G de cesser toute action au nom du groupement.
Soutenant que le marché avait été résilié en raison des fautes de la société Bain, Mme [F] a, par acte du 18 janvier 2019, assigné la société Bain devant le tribunal de commerce de Nanterre en réparation de son préjudice.
Par jugement du 18 mars 2021, ce tribunal a enjoint à la société Bain de produire complètement sa pièce n° 21 sous astreinte de 10 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement et pour une durée de trois mois, le tribunal se réservant la liquidation de l'astreinte.
Par ordonnance du 12 avril 2021, rectifiée par ordonnance du 29 juin 2021, la cour d'appel de Versailles a renvoyé l'affaire devant le tribunal de commerce de Versailles.
La société Bain a soulevé le défaut de qualité et d'intérêt à agir de Mme [F]
Par jugement du 5 juillet 2023, ce tribunal a :
- dit la demande de Mme [F] à titre contractuel et personnel en qualité de mandataire du groupement à l'encontre de la société Bain irrecevable ;
- dit la demande de Mme [F] relative à la créance dont elle est titulaire à l'encontre de la société Bain recevable ;
- dit la demande de Mme [F] à titre délictuel à l'encontre de la société Bain recevable ;
- débouté Mme [F] de sa demande de condamnation de la société Bain à lui payer la somme de 980.479 euros ;
- condamné la société Bain à payer à Mme [F] la somme de 12.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- rejeté la demande de Mme [F] de prononcer la liquidation de l'astreinte relative à l'injonction de communication de la pièce n° 21 complète, conformément aux termes du jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 18 mars 2021 ;
- condamné la société Bain à payer à Mme [F] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société Bain aux dépens.
Le tribunal a considéré que le mandataire du groupement était la société F&G et non Mme [F] de sorte que cette dernière n'avait pas qualité à agir à titre personnel en cette qualité de mandataire du groupement et que sa demande indemnitaire formée à ce titre n'était pas recevable, que Mme [F] était cessionnaire d'une créance d'un montant de 980.479 euros de la société F&G sur la société Bain en vertu d'un acte de cession du 18 mars 2018 de sorte qu'elle avait un intérêt légitime au succès de ses prétentions et que sa demande relative à cette créance dont elle est titulaire était recevable, que Mme [F] était également recevable en sa demande fondée sur un préjudice moral.
Il a débouté Mme [F] de sa demande fondée sur la créance dont elle est titulaire compte tenu des termes de la convention de groupement excluant la responsabilité d'une partie à l'égard d'une autre au titre d'un manque à gagner, de pertes ou de dommages et intérêts indirects.
Il a fait droit à sa demande indemnitaire à raison d'un comportement déloyal et d'actes de dénigrement à l'égard de Mme [F].
Par déclaration du 7 août 2023, Mme [F] a fait appel du jugement en ce qu'il a dit irrecevable sa demande à titre contractuel et personnel en qualité de mandataire du groupement à l'encontre de la société Bain, l'a déboutée de sa demande de condamnation de la société Bain à lui payer la somme de 980.479 euros, l'a déboutée de toutes ses demandes plus amples ou contraires, a condamné la société Bain à lui payer la somme de 12.000 euros à titre de dommages et intérêts et a rejeté sa demande de prononcé de la liquidation de l'astreinte.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 16 mai 2024, elle demande à la cour d'infirmer le jugement sauf en ce qu'il a jugé recevable sa demande formée en qualité de cessionnaire de la créance de la société F&G à l'égard de la société Bain, a jugé recevable sa demande à titre délictuel, a condamné la société Bain pour dénigrement à son encontre à titre personnel, et, statuant à nouveau :
- de débouter la société Bain de toutes ses demandes ;
- de juger qu'elle a qualité et intérêt à agir, sans limitation, dans le cadre du présent litige en qualité de chef de file, mandataire du groupement prestataire F&G-BAIN-CNF ;
- de juger que la société Bain s'est rendue coupable d'inexécution dolosive, de concurrence déloyale par dénigrement, désorganisation et harcèlement envers elle et de la condamner à lui payer la somme de 2.304.252 euros à titre de dommages-intérêts ;
- de prononcer la liquidation de l'astreinte relative à l'injonction de communication de la pièce n°21 complète, conformément aux termes du jugement du 18 mars 2021 et de condamner la société Bain à lui payer la somme de 390 euros au titre de la liquidation de l'astreinte ;
- de condamner la société Bain à lui payer la somme de 40.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec droit de recouvrement direct.
Par dernières conclusions n° 1 remises au greffe et notifiées par RPVA le 5 février 2024, la société Bain demande à la cour :
- de débouter Mme [F] de son appel ;
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevables les demandes de Mme [F] relatives à la créance dont elle est titulaire en sa qualité de cessionnaire de la créance de la société F&G et à l'engagement de sa responsabilité délictuelle et en ce qu'il l'a condamnée à payer à Mme [F] la somme de 12.000 euros à titre de dommages intérêts et celle de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens et, statuant à nouveau, de déclarer Mme [F] irrecevable en toutes ses demandes, subsidiairement de la débouter de l'ensemble de ses demandes ;
- de confirmer le jugement pour le surplus ;
- en tout état de cause, de condamner Mme [F] à lui verser la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 27 mars 2025.
SUR CE,
Mme [F] agit à titre personnel en réparation de préjudices constitués de la perte de rémunération du marché résilié qui aurait dû revenir à la société F&G (548.026 euros), des dépenses exposées en pure perte (226.818 euros), de la perte de chance pour la société F&G d'obtenir un marché supplémentaire portant sur la mission de restructuration, suite à la mission d'audit, et d'autres marchés (564.750 euros et 300.000 euros), de la perte de chance pour la société F&G de mener à bien un projet avec un autre Etat de constitution d'un fonds d'investissement impliquant une perte pour Mme [F] de percevoir un salaire sur cinq ans (90.000 euros) et pour la société F&G de percevoir une commission de gestion des fonds levés pendant cinq ans (375.000 euros), les frais exposés en pure perte pour la constitution de ce fonds d'investissement (120.000 euros), du préjudice moral causé par le harcèlement moral et le dénigrement qu'elle dit avoir subi (90.000 euros).
Elle reproche à la société Bain des fautes dans l'exécution du contrat de groupement, de première part, et des actes de concurrence déloyale, de dénigrement et des agissements déloyaux à son égard alors qu'elle était la mandataire du groupement, de deuxième part.
Subsidiairement, si la cour ne lui reconnaît pas la qualité de partie à la convention de groupement, Mme [F] engage la responsabilité délictuelle de la société Bain pour être indemnisée des conséquences préjudiciables de ses fautes contractuelles.
1. Sur la recevabilité de l'action de Mme [F]
La société Bain soutient que Mme [F] n'a ni qualité ni intérêt à agir en ce qu'elle n'a pas agi personnellement comme mandataire du groupement et qu'elle ne démontre pas avoir subi de préjudice en qualité de tiers au contrat. Elle conteste en outre que Mme [F] puisse agir à son égard au titre de la gestion d'affaires et lui opposer une créance indemnitaire que la société F&G lui a cédée.
Mme [F] soutient qu'elle a qualité et intérêt à agir. Elle invoque sa qualité de mandataire du groupement, subsidiairement sa qualité de gérant d'affaires, la créance indemnitaire que la société F&G lui a cédée et son intérêt à agir sur le fondement délictuel.
1.1. Sur la qualité de mandataire du groupement
La société Bain soutient que Mme [F] ne peut agir personnellement en qualité de mandataire du groupement, dont elle est dépourvue. Elle fait valoir que Mme [F] n'a pas occupé personnellement la fonction de mandataire du groupement ni n'a agi en dehors de ses fonctions de président de la société F&G comme elle le prétend et qu'elle n'a été désignée mandataire du groupement qu'en sa qualité de présidente de la société F&G.
Mme [F] se prévaut de sa qualité de mandataire et de chef de file du groupement à titre personnel, et non en sa qualité de présidente de la société F&G, pour justifier de sa qualité à agir en responsabilité contractuelle soutenant que les « termes [K] [F], présidente de F&G » ne suffisent pas à la retenir comme agissant au nom et pour le compte de la société F&G. Elle fait valoir que le contrat de marché la désigne personnellement comme chef de file, qu'a contrario le contrat de rémunération de l'apporteur d'affaires la désigne comme agissant au nom et pour le compte de la société F&G, que la note à la convention de groupement atteste également qu'elle était personnellement la mandataire du groupement.
Sur ce,
La convention de groupement stipule que le groupement est constitué entre les sociétés F&G, Bain et Cabinet [Y] [H]. Mme [F] n'est pas membre de ce groupement. La convention est signée « pour F&G » par « Mme [F], présidente » ; Mme [F] n'a pas signé la convention à titre personnel.
La note relative à la convention de groupement est notamment signée par Mme [F] agissant au nom et pour le compte de la société F&G. Elle stipule notamment « mandataire commun pilote : Représentant auprès du Maître d'ouvrage, au titre de mandataire commun pilote, Mme [K] [F], présidente de F&G ». Elle est signée « pour F&G » par Mme [F], présidente. Mme [F] n'a pas non plus signé cette note à titre personnel
Mme [F] n'était donc pas partie à la convention à titre personnel mais comme représentante légale de la société F&G, seule cocontractante et la société F&G n'a pas non plus stipulé pour Mme [F] qui n'a signé personnellement aucun de ces deux documents.
En insérant sa qualité de présidente de F&G, immédiatement après ses prénom et nom, les parties au groupement ont entendu, dans la note, désigner non Mme [F] à titre personnel mais la seule société F&G comme mandataire commun et représentante du groupement auprès de la BNA, maître d'ouvrage. Non seulement il est d'usage que l'un des membres d'un groupement, et non un tiers, soit désigné comme son représentant, mais en l'espèce Mme [F] est, dans la convention de groupement et dans la note relative à cette convention, systématiquement désignée comme présidente de la société F&G.
Le contrat de marché a été conclu entre la BNA et le groupement constitué des sociétés F&G, Bain et Cabinet [Y] [H]. Dans son préambule, il est mentionné que « Mme [K] [F] [S], présidente de la société F&G, a été désignée en qualité de chef de file du groupement solidaire » et précisé que l'acte de groupement établi le 23 novembre 2012 fait partie intégrante du contrat. Sa qualité de présidente de F&G suivant immédiatement ses prénom et nom, Mme [F] est ainsi admise comme chef de file du groupement en sa qualité de présidente de la société F&G et non à titre personnel, ce que confirment les mentions qui précèdent la signature de Mme [F] à la dernière page du contrat, soit :
« Pour la société F&G
mandataire commun pilote
Madame [K] [F] [S]
signature de Mme [F]
cachet de la société F&G »
Mme [F] ne peut utilement arguer de la seule définition donnée par le contrat de marché, en son article 2, du terme « chef de file du groupement », soit « le représentant légal du prestataire et son vis-à-vis administratif unique auprès de la BNA, soit Mme [K] [F] [S] », pour en déduire sa qualité juridique de chef de file à titre personnel et non comme représentante légale de la société F&G.
Elle ne peut pas non plus déduire de ce qu'elle a pu également être désignée comme « agissant au nom et pour le compte de la société F&G » dans un autre contrat, celui conclu avec la société Bain pour fixer une rémunération d'apporteur d'affaires, pour exclure qu'elle ait été désignée mandataire du groupement comme représentante de la société F&G.
La cour observe en outre que dans l'acte de cession de sa créance à Mme [F], daté du 18 mars 2018, la société F&G se présente comme le chef de file du groupement.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que seule la société F&G a été désignée mandataire du groupement et que le tribunal a justement considéré que Mme [F] n'avait pas qualité à agir à l'encontre de la société Bain en tant que mandataire du groupement.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit la demande de Mme [F] à titre contractuel et personnel en qualité de mandataire du groupement à l'encontre de la société Bain irrecevable.
1.2. Sur la qualité de gérant d'affaires
Mme [F] soutient qu'un quasi-contrat a existé entre elle et le groupement. Elle fait valoir qu'elle a constamment agi comme un gérant d'affaires pour le compte du groupement, qu'elle a avancé à titre personnel les fonds nécessaires à l'application du contrat de marché.
La société Bain réplique que Mme [F] ne peut agir sur le fondement d'un quasi-contrat qui la lierait au groupement dès lors qu'elle ne démontre pas une intervention de sa part en dehors de sa qualité de mandataire du groupement ni l'existence de faits ou d'actes purement volontaires et détachables de la convention de groupement dont il résulterait un engagement de celui qui en profite.
Sur ce,
L'article 1371 ancien du code civil, applicable en la cause, dispose que « les quasi-contrats sont les faits purement volontaires de l'homme, dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers, et quelquefois un engagement réciproque des deux parties. »
Mme [F] invoque les termes de l'article 1375 ancien du code civil selon lesquels « le maître dont l'affaire a été bien administrée doit remplir les engagements que le gérant a contractés en son nom, l'indemniser de tous les engagements personnels qu'il a pris, et lui rembourser toutes les dépenses utiles ou nécessaires qu'il a faites ».
Mais elle ne démontre pas qu'elle a agi personnellement et non en qualité de présidente de la société F&G, que ce soit comme membre ou mandataire du groupement, alors que la convention de groupement et le contrat de marché ont été conclus par la société F&G, que les correspondances sont adressées à la société F&G, que les courriels sont adressés à Mme [F] ou émanent d'elle en tant que présidente de la société F&G, à l'exception d'un seul courriel confidentiel du 27 septembre 2013 annonçant aux membres du groupement la signature du contrat de marché, que les factures produites sont émises au nom de la société F&G, que les contrats de travail sont conclus par la société F&G, que les paiements ont été effectués par la société F&G. Mme [F] ne rapporte pas la preuve d'un acte ou d'un engagement qu'elle aurait pris personnellement et indépendamment de la convention de groupement.
Mme [F] n'est dès lors pas recevable à agir en qualité de gérant d'affaires.
1.3. Sur la qualité de cessionnaire de la créance
Mme [F] invoque sa qualité de cessionnaire d'une créance indemnitaire de la société F&G détenue sur la société Bain au titre des inexécutions contractuelles de la société Bain dans le cadre du marché et d'un montant de 980.479 euros, l'acte de cession de créance ayant été enregistré le 18 mars 2018. Elle conteste ne pas pouvoir engager la responsabilité contractuelle de la société Bain en application de la clause d'exclusion de responsabilité de la convention de groupement faisant valoir, d'une part, que cette clause touche les seuls « effets indirects » d'un manque à gagner, de perte ou de dommages subis par les autres parties du groupement du fait d'une partie défaillante, et non les pénalités de retard accumulées par suite du refus de la société Bain d'exécuter l'étape préalable de la mission qui ont conduit à la résiliation du marché, et, d'autre part, que la limitation de responsabilité aux « honoraires encaissés », retenue par le tribunal pour rejeter sa demande, doit être comprise comme se référant aux honoraires budgétés au travers de l'appel d'offres.
La société Bain soutient que Mme [F] ne peut se prévaloir de la qualité de cessionnaire de la créance de la société F&G et qu'elle est en outre dépourvue d'un intérêt à agir à ce titre.
Elle fait valoir que la créance résultant du non-paiement par la BNA du marché d'audit résilié et dont l'acte de cession révèle qu'elle est l'objet du présent litige, a été fixée à 100.000 euros lors de la liquidation amiable de la société F&G et qu'elle a été transférée à Mme [F] lors de l'assemblée générale du 12 mars 2018, que cette limite de 100.000 euros est donc opposable à Mme [F], qu'en outre la convention de groupement stipule qu'aucune partie ne pourra être déclarée responsable du manque à gagner ni des pertes ou dommages et intérêts des autres parties.
Sur ce,
Par acte du 18 mars 2018, la société F&G a cédé à Mme [F] une créance qu'elle détenait à l'encontre de la société Bain moyennant le prix de 100.000 euros. Selon cet acte, la créance cédée est d'un montant en principal de 100.000 euros, la société Bain en étant redevable au titre de l'accord de groupement et de son refus d'exécuter la mission d'audit et de régler sa quote-part de frais relatifs au contrat de mission, notamment les droits d'enregistrement et cautions de marché. Elle correspond aux frais juridiques engagés pour contraindre la société Bain à exécuter son engagement vis-à-vis de la société F&G et aux conséquences de la résiliation du contrat de mission imputables à la société Bain (caution conservée par la BNA, non-paiement des prestations réalisées, perte de marchés ultérieurs, etc), ces frais et conséquences de la résiliation excédant les sommes récupérées, soit un paiement de 25.400,48 euros le 28 novembre 2013 et la commission d'apporteur d'affaires versée le 26 janvier 2014.
Mme [F] a ainsi qualité et intérêt à agir en paiement de cette créance qu'elle détient sur la société Bain à la suite de sa cession par la société F&G, cette créance étant qualifiée de résiduelle dans l'acte de cession compte tenu des paiements que la société Bain avait effectués au profit de la société F&G au titre du contrat d'apporteur d'affaires et du contrat de mission.
Disposant de toutes les actions qui appartenaient à la société F&G et qui se rattachaient à cette créance avant sa cession, Mme [F] peut en outre former des demandes indemnitaires d'un montant supérieur à 100.000 euros dans la mesure où elles se rattachent à la créance indemnitaire de la société F&G.
L'application des exclusions et limites de responsabilité comprises dans la convention de groupement relève de l'appréciation du bien-fondé des demandes de Mme [F] en vertu de cette créance et non de leur recevabilité.
Mme [F] est ainsi recevable à demander la réparation des préjudices prétendument subis par la société F&G. Selon les développements en pages 117 à 126 de ses conclusions exposant que les projets avortés ont été conduits par la société F&G et les frais exposés par la société F&G en pure perte, ces préjudices sont constitués du manque à gagner supporté par la société F&G sur la mission d'audit du marché résilié (548.026 euros), des dépenses exposées en pure perte (226.818 euros), de la perte de chance pour la société F&G d'obtenir, suite à la mission d'audit, un marché supplémentaire portant sur la mission de restructuration, et d'autres marchés (564.750 euros et 300.000 euros), de la perte de chance pour la société F&G de mener à bien un projet avec un autre Etat de constitution d'un fonds d'investissement impliquant la perception d'une commission de gestion des fonds levés pendant cinq ans (375.000 euros), des frais exposés en pure perte pour la constitution de ce fonds d'investissement (120.000 euros).
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit Mme [F] recevable en vertu de la créance dont elle est titulaire.
1.4. Sur la qualité et l'intérêt à agir sur le fondement délictuel
La société Bain soutient enfin que l'action de Mme [F] sur le fondement délictuel n'est pas recevable. Invoquant l'article « 1245-8 » du code civil, elle fait valoir que Mme [F] ne démontre pas subir de préjudice en qualité de tiers au contrat.
Mme [F] réplique qu'elle a qualité et intérêt à agir sur le fondement délictuel à raison des fautes dolosives d'inexécution contractuelle et des actes de concurrence déloyale et de dénigrement commises par la société Bain.
Sur ce,
Les supposés manquements contractuels de la société Bain à l'égard de la société F&G constituent des fautes délictuelles susceptibles d'engager la responsabilité de la société Bain à l'égard de Mme [F] qui est ainsi recevable à demander, sur le fondement de l'article 1240 du code civil, réparation de préjudices qu'elle prétend avoir personnellement subis. Il en est ainsi de la demande de Mme [F] d'indemnisation de la perte de salaire sur cinq ans attendue de la constitution d'un fonds d'investissement avec un autre Etat que la Tunisie. La démonstration d'un préjudice et d'un lien de causalité entre une faute contractuelle de la société Bain et le préjudice invoqué, que l'article 1240, et non 1245-8, du code civil impose, relève de l'appréciation du bien-fondé de la demande de Mme [F] et non de sa recevabilité.
Mme [F] est par ailleurs recevable, sur le fondement délictuel, en sa demande indemnitaire formée au titre d'un préjudice moral causé selon elle par le harcèlement moral et le dénigrement qu'elle dit avoir subi personnellement.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit la demande de Mme [F] à titre délictuel recevable.
2. Sur le fond
2.1. Sur les demandes indemnitaires fondées sur la créance de la société F&G cédée à Mme [F]
Sur la clause d'exclusion et de limitation de responsabilité
La société Bain oppose en premier lieu à Mme [F] les exclusions et limites de responsabilité de chaque partie à la convention de groupement telles que définies par la convention.
Mme [F] conteste l'existence de restriction de responsabilité aux seules prestations réalisées. Elle fait valoir pour l'essentiel que la clause d'exclusion de responsabilité invoquée par la société Bain s'applique aux seuls effets « indirects » d'un manque à gagner, de perte ou de dommages subis par les autres parties du groupement du fait d'une partie défaillante et qu'elle ne s'applique pas aux effets directs que sont les pénalités de retard dues au refus de la société Bain d'exécuter l'étape préalable de la mission d'audit et dont le cumul a conduit à la résiliation du marché, que les termes « honoraires encaissés » signifient qu'il s'agit des honoraires budgétés au travers de l'appel d'offres, la responsabilité financière de chaque partie étant limitée à ses propres travaux facturables, qu'en outre les fautes lourdes ou dolosives commises par la société Bain rendent possible l'indemnisation de ses préjudices.
Sur ce,
La convention de groupement stipule en son paragraphe intitulé « Responsabilité » :
« Chaque partie sera responsable pour sa part des prestations vis-à-vis du Ministère des Finances tunisien comme prévu dans le contrat.
En aucun cas, une partie ne pourra être déclarée responsable d'un manque à gagner, ni de perte ou de dommages indirects des autres parties. La responsabilité des parties vis-à-vis des autres parties en vue de ce contrat est limitée expressément au montant des honoraires (hors frais professionnels) encaissés par la partie responsable dans le cadre du projet. »
Cette clause impose clairement une exclusion et une limitation de responsabilité d'une partie envers l'autre.
En effet une partie à la convention de groupement ne peut pas rechercher la responsabilité d'une autre au titre d'un manque à gagner ou d'une perte, quelles que soient les circonstances du préjudice subi par cette partie dès lors que la locution « en aucun cas » est employée. L'adjectif « indirect » qualifie les dommages autres qu'un manque à gagner ou une perte, et non tout type de dommages.
Or les préjudices invoqués par Mme [F] relèvent d'un manque à gagner résultant du contrat de mission objet de la convention de groupement (548.026 euros), de pertes constituées des dépenses engagées (226.818 euros) et de dommages indirects constitués de la perte de chance d'obtenir le marché portant sur la mission de restructuration de la BNA (564.750 euros), de la perte de chance d'obtenir d'autres marchés en Tunisie (300.000 euros), de la perte de chance de percevoir des commissions de gestion d'un fonds d'investissement en projet (375.000 euros) et des frais exposés pour la constitution de ce fonds (120.000 euros).
Ensuite et, en toute hypothèse quelle que soit l'interprétation faite de la première phrase du second alinéa de ce paragraphe, la partie responsable ne peut pas voir sa responsabilité engagée à l'égard des autres parties pour un montant supérieur aux honoraires qu'elle a encaissés.
Or aucune des parties n'a encaissé d'honoraires en vertu du contrat de mission d'audit conclu avec la BNA de sorte que la clause limitative de responsabilité est de nature à faire échec aux demandes indemnitaires de Mme [F] en ce qu'elles sont fondées sur la créance de la société F&G à l'égard de la société Bain qui lui a été cédée.
Mme [F] ne peut, pour soutenir une interprétation différente de cette dernière phrase de la clause litigieuse, arguer utilement que la société Bain a accepté, par accord du 26 janvier 2014, de verser à la société F&G l'intégralité de l'honoraire d'apporteur d'affaires, tandis que la convention d'apporteur d'affaires prévoyait également un paiement uniquement en fonction des honoraires encaissés, alors que la société Bain a consenti à ce paiement pour mettre fin aux contestations nées entre les sociétés F&G et Bain et permettre la signature d'un acte de précision indispensable à l'exécution de la mission d'audit et qu'un tel accord en application d'une autre convention ne peut avoir aucun effet sur la convention de groupement.
Elle ne peut non plus arguer de la solidarité du groupement pour soutenir que les honoraires visés ne peuvent être ceux encaissés dès lors que le second alinéa de cette clause ne concerne pas la responsabilité des membres du groupement à l'égard du ministère des finances tunisien, ni même à l'égard de la BNA une fois les lots attribués, mais la responsabilité d'un membre du groupement à l'égard d'un autre membre.
De même, pour voir écarter les honoraires encaissés comme ceux visés par la clause, Mme [F] ne peut soutenir valablement que la convention de groupement avait vocation à s'appliquer pour permettre de remporter l'un des lots de l'appel d'offres alors que, d'une part, le groupement a été constitué en vue de la réalisation du marché et que, d'autre part, sa durée est expressément stipulée comme étant la période nécessaire à la réalisation des travaux du marché relatif à l'appel d'offres et « tant que le procès-verbal de réception définitive n'est pas encore délivré par le ministère des finances tunisien ».
Mme [F] soutient encore que la clause litigieuse n'est pas applicable en l'espèce car la résiliation du marché a résulté du cumul des pénalités de retard dues au refus de la société Bain d'exécuter l'étape préalable de la mission d'audit. Mais la clause ne distingue pas les cas de responsabilité d'une partie au groupement à l'égard d'une autre partie pour exclure ou limiter cette responsabilité.
Il s'ensuit qu'en vertu de l'article 1150 ancien du code civil, applicable en la cause et selon lequel « le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n'est point par son dol que l'obligation n'est point exécutée », seule une faute lourde ou dolosive de la société Bain est de nature à voir écarter la clause d'exclusion et de limitation de responsabilité de la convention de groupement.
Il convient d'être lors d'examiner les fautes que Mme [F] reproche à la société Bain.
Sur l'existence de fautes dolosives et de fautes lourdes
Mme [F] soutient que la société Bain a commis des fautes dolosives en ayant refusé d'exécuter ses obligations pendant la période préliminaire à la mission d'audit et de signer l'acte de précision requis par la BNA avant le 24 janvier 2014.
Elle fait valoir que la société Bain n'a pas assumé son rôle de chef technique de mission, son personnel n'ayant pas été disponible pour travailler sur la phase préalable, que l'avance sur marché n'a en conséquence pas été versée au groupement, que la société Bain ne s'est pas exécutée malgré une sommation, le 11 octobre 2013, le livrable ayant été élaboré par les seules sociétés F&G et Cabinet [Y] [H] et transmis à la BNA le 17 octobre 2013, que la société Bain a au contraire dénoncé à la BNA une carence de la société F&G sans en informer le mandataire du groupement, que la société Bain a ainsi souhaité évincer le chef de file du groupement, que la société Bain n'a jamais participé à l'audit préalable avant janvier 2014, qu'elle était de nouveau absente au comité de pilotage du 24 janvier 2014 et qu'elle a alors refusé de signer l'acte de précision requis par la BNA, que le livrable n'ayant pas été réceptionné par la BNA, les pénalités ont commencé à courir et que la carence persistante de la société Bain a conduit à la résiliation du marché.
Mme [F] reproche également à la société Bain d'avoir refusé de régler sa quote-part de frais et charges et sa quote-part de la caution et des frais d'enregistrement prévus au contrat de marché, contrevenant ainsi à la note relative à la convention de groupement, et ce, dans le seul but d'affaiblir financièrement la société F&G.
La société Bain conteste toute faute, dol ou man'uvre dolosive, et soutient que Mme [F] a elle-même commis des fautes.
Sur ce,
La convention de groupement du 23 novembre 2012 et sa note ne comprennent pas de clause définissant le principe et les modalités d'une prise en charge par les membres du groupement de frais de fonctionnement. Il s'en déduit que chaque membre du groupement gardait à sa charge les dépenses qu'il exposait pendant la phase de soumission de l'offre du groupement.
Il ressort des nombreux échanges de courriels versés aux débats qu'avant comme après la signature du contrat de marché avec la BNA, les sociétés Bain et F&G se sont opposées sur le paiement de frais par les membres du groupement, tels que la caution provisoire puis définitive demandée par les autorités tunisiennes, que la société Bain considérait comme due à compter seulement de la conclusion du contrat de marché avec la BNA et d'un contrat de consortium entre les membres du groupement devant définir les prestations des uns et des autres et, par suite, les honoraires à percevoir. Faute d'accord et compte tenu des divergences exprimées par les sociétés F&G et Bain, il doit être considéré qu'aucun accord n'a lié les parties quant aux frais mis à la charge du groupement, leur répartition entre les membres du groupement et les modalités de paiement.
La société F&G a entendu obtenir paiement des deux autres membres du groupement, « au prorata de leur participation au consortium », d'une quote-part des frais qu'elle avait engagés depuis le 19 avril 2012, soit une somme totale de 64.278,71 euros jusqu'à août 2013, alors que ni la convention de groupement ni la note relative à cette convention ne comprennent des clauses stipulant une telle prise en charge financière.
La société Bain n'a donc pas commis de faute en ayant refusé de régler une quote-part de frais et charges au paiement desquels elle ne s'était pas engagée. La cour relève que la société Bain n'a pas été seule à faire grief à la société F&G d'avoir dépassé les termes de l'accord de groupement en ayant notamment exigé de récupérer des frais et dépenses ni prévus ni discutés pendant la période d'élaboration et de soumission de l'offre du groupement puisque la société Cabinet [Y] [H] a également signé la lettre du 10 octobre 2013 mettant en demeure Mme [F] de ne plus engager le groupement dans des discussions avec la BNA ou le ministère des finances tunisien sans l'accord préalable et express de ses membres.
En l'absence d'accord entre les parties, la société Bain n'a pas non plus commis de faute en ayant refusé de payer sa quote-part de la caution bancaire et des frais d'enregistrement, étant précisé que la société Bain a entendu s'en acquitter, le 25 novembre 2013, une fois convenu entre les membres du groupement d'un complément à la convention de groupement définissant les contributions à la mission d'audit auxquelles chacun s'engageait et la répartition des honoraires à percevoir mais que Mme [F] a refusé les chèques de la société Bain, émettant des doutes sur la solvabilité de celle-ci et exigeant un virement bancaire.
La convention de groupement du 23 novembre 2012 stipule par ailleurs qu'au cas où le ministère des finances tunisien décide de réaliser les travaux du marché relatif à l'appel d'offres objet de la convention avec les parties, les parties s'engageront à négocier un contrat avec le ministère des finances tunisien acceptable pour toutes les parties.
Or, le 16 juillet 2013, la société F&G a informé les sociétés Bain et Cabinet [Y] [H] de la prochaine sélection du groupement et d'un début de mission probablement le 1er août et leur a fait part de la nécessité de signer un contrat de consortium puis de revoir le contrat préparé par le ministère des finances tunisien, et, le 20 septembre 2013, elle a, seule, rencontré les représentants de la BNA avec lesquels a été discuté un projet de contrat.
La société F&G a, le 20 septembre 2013, annoncé aux sociétés Bain et Cabinet [Y] [H] la finalisation du contrat de marché entre un avocat, présenté dans les pièces aux débats comme l'avocat du groupement, et les juristes de la BNA et une signature le 26 septembre 2013. La société F&G a demandé aux deux autres membres du groupement le paiement de leur quote-part de frais d'avocat et de caution définitive pour leur transmettre le projet de contrat et faire une demande de caution bancaire définitive auprès d'une banque tunisienne. La société Bain a, de suite, attiré l'attention de la société F&G sur le fait, devant être pris en compte dans le contrat avec la BNA, qu'il ne devait pas y avoir de divergences entre les « jours effectifs prêtés » et les « jours contractualisés ». La société Bain avait déjà indiqué à la société F&G, le 10 septembre précédent, qu'il convenait de signer « directement » un contrat avec la BNA sur 75 jours effectifs, et non 150, tandis que la société F&G avait, le 9 septembre 2013, précisé que le nombre de jours ne devait pas être diminué par rapport à la proposition initiale.
La société Bain s'est acquittée de sa quote-part des honoraires d'avocat le 17 septembre 2013 mais pas de la caution bancaire, considérant que le paiement de la caution bancaire devait être fait en application d'un contrat de consortium non alors conclu entre les membres du groupement.
Le projet final de contrat de marché n'a toutefois été adressé par la société F&G aux sociétés Bain et Cabinet [Y] [H] que le mercredi 25 septembre 2013, veille de la signature. Selon une lettre de Mme [F] du 24 novembre 2013, la société Bain a, dans la matinée du 26 septembre, demandé l'insertion de deux clauses, l'une de limitation de responsabilité, l'autre relative à la propriété intellectuelle. Le contrat a été signé, sans modification, par la société F&G.
Le prix des prestations y est libellé en dinars, ce qui n'est pas conforme à l'offre financière du groupement du 2 septembre 2013, pourtant elle-même annexée au contrat, qui prévoit une quote-part du prix en dinars et une autre quote-part en devises, soit en euros.
La société F&G a ainsi signé le contrat de marché avec la BNA au nom du groupement sans l'avoir préalablement négocié dans des conditions acceptables par les deux autres membres du groupement, qui n'ont pas été en mesure d'en discuter les termes, ni recueilli leur accord et ce, sans motif légitime dès lors que les paiements exigés n'étaient pas stipulés dans la convention de groupement alors applicable. Tant la société Bain que la société Cabinet [Y] [H] ont reproché à la société F&G, dans leur mise en demeure du 10 octobre 2013, d'avoir signé le contrat de marché de la BNA sans leur accord et d'avoir refusé de leur présenter le projet de contrat lors des négociations avec la BNA.
Le contrat de marché a été signé selon l'offre financière du 2 septembre 2013 signée par la société F&G, libellée pour partie en dinars et pour partie en euros. Il comprend une étape, d'une durée de 21 jours, achevée le 17 octobre 2013, dont la réception devait être prononcée après la validation par la BNA de livrables fournis par le prestataire, soit un programme et un planning de réalisation de la mission.
Contrairement à ce qu'énonce la société F&G dans sa lettre de mise en demeure adressée à la société Bain le 11 octobre 2013, le contrat de marché signé n'est pas la simple mise en forme des obligations contractuelles du cahier des charges et de l'offre alors que, comme il a été dit, le prix n'y est pas libellé conformément à l'offre du groupement et la société Bain, tout comme les autres membres du groupement, était légitime à souhaiter l'insertion de clauses protégeant ses propres intérêts et à susciter une négociation sur ces points, peu important le succès de ses prétentions, ce qui n'a pas pu être fait.
Dès lors que le contrat signé, libellé exclusivement en dinars, aboutissait à une perte totale d'environ 100.000 euros sur les honoraires en euros, dédiés aux sociétés Bain et F&G, et à un risque de change, d'une part, et qu'il ne comprenait pas des clauses, standard dans le domaine du conseil, notamment en termes de responsabilité et de propriété intellectuelle, d'autre part, la société Bain n'a pas commis de faute en ne participant pas à une réunion avec la BNA fixée dès le 1er octobre 2013 puis en entrant directement en négociation avec la BNA en vue d'amender le contrat de marché, la société F&G n'ayant pas suffisamment veillé à ses intérêts, étant observé que la BNA a accepté, en proposant la conclusion d'un acte de précision, de modifier la monnaie de paiement des prestations dans le sens souhaité par la société Bain, tout en refusant l'insertion des autres clauses à laquelle la société Bain a manifestement renoncé par la suite.
Par la suite, selon un échange de courriels du 7 octobre 2013, la société Bain a en effet souhaité ne pas s'engager plus loin tant qu'un contrat de consortium n'était pas conclu entre les membres du groupement, dont un projet circulait entre les parties au moins depuis le 27 août 2013. Mais la société Bain a de suite indiqué à la société F&G que cette signature était bloquée en raison de la facturation par celle-ci de la phase de préparation de l'offre, dont il a été dit qu'elle n'avait en effet pas été prévue entre les membres du groupement.
La société F&G a, par une mise en demeure du 11 octobre 2013, de nouveau reproché à la société Bain de ne pas s'être acquittée de sa quote-part de la caution bancaire et ajouté le grief de ne pas avoir tenu les engagements qu'elle avait souscrits, dont celui d'assurer la coordination technique de la mission. A la suite de la lettre adressée par la société Bain à la BNA le 16 octobre 2013 l'informant de ce que le contrat de marché avait été signé sans son accord préalable et demandant sa modification, la société F&G a, par lettre du 23 octobre 2013, elle-même considéré que la société Bain avait « procédé à la résiliation de facto du contrat qui les liaient » et qu'elle s'était « retirée unilatéralement du marché » ; elle l'a mise en demeure de cesser de « nuire à l'exécution du contrat », lui a fait interdiction de prendre contact notamment avec la BNA et tous partenaires intervenant sur le marché, lui précisant que son personnel serait remplacé et qu'elle ne pouvait prétendre à aucun honoraire.
Lors de la réunion du comité de pilotage de la mission d'audit du 28 octobre 2013, Mme [F] a ainsi indiqué que le groupement ne comportait plus que deux membres compte tenu de la défaillance de la société Bain qui refusait selon elle d'exécuter ses obligations. Les membres du comité de pilotage n'ont toutefois pas acté cette situation, ont conclu au report de validation du livrable transmis par le représentant légal du groupement pour non-conformité à l'offre technique du groupement et invité le groupement et son mandataire à trouver une solution à leurs différends.
Ainsi à cette date, la BNA ne considérait ni la société Bain comme exclue du groupement ni la période préliminaire comme achevée et la société Bain n'avait pas exprimé son souhait de ne pas mener la mission d'audit à bien.
Le 20 novembre 2013, le comité de pilotage de la mission d'audit s'est de nouveau réuni, en présence de la société Bain, mais a constaté la persistance des différends opposant les membres du groupement et la non-conformité du livrable de la phase préliminaire. Dans une lettre du 21 novembre 2013, la BNA a « noté [la] position enthousiaste [de la société Bain] pour l'accompagner sur la mission d'audit », ce qui exclut que la société Bain puisse être considérée comme ayant été défaillante dans ses engagements. Le lendemain, la société Bain a annoncé qu'il n'existait plus de blocage juridique, que le groupement devait se réunir pour finaliser le contrat de consortium et qu'une fois signé ce contrat et payée sa quote-part de la caution bancaire et des frais d'enregistrement, elle serait prête à signer l'acte de précision et à démarrer la mission.
Mais, alors que la BNA avait accepté de reporter la présentation finale du livrable aux 27 puis 29 novembre suivants, Mme [F] a, le 25 novembre 2013, refusé les chèques de la société Bain, émettant des doutes sur la solvabilité de celle-ci et exigeant un virement bancaire. Ni le contrat de consortium, intitulé « complément à la convention de groupement du 23 novembre 2012 » ni l'acte de précision et ses annexes proposés par la BNA n'ont été signés, la société F&G ayant notamment refusé, par lettre du 3 décembre 2013, de signer la convention de consortium préparée par la société Bain.
Suite à la mise en demeure du groupement par la BNA, le 11 décembre 2013, d'avoir à lui présenter un projet de livrable commun recevable pour l'étape préliminaire dans les dix jours calendaires, la société Bain a, le 23 décembre 2013 et par l'intermédiaire de la personne désignée comme chef de mission d'audit, adressé un livrable de 78 pages à la BNA. La société F&G, en désaccord, a adressé un autre livrable à la BNA.
Si entre-temps les trois membres du groupement ont signé l'acte de précision, le 24 décembre 2013, la BNA a émis des réserves sur les annexes de cet acte relatives à la répartition de leur responsabilité par domaine d'audit et des honoraires, non conformes selon elle à l'offre technique initiale, ne lui permettant pas d'accepter l'acte de précision.
Le 9 janvier 2014, elle a néanmoins validé les annexes acceptées par les sociétés Bain et Cabinet [Y] [H]. La société F&G a refusé ces annexes au motif qu'elles n'étaient pas conformes au contrat de marché.
En vue du comité de pilotage de la mission d'audit prévu le 24 janvier 2014, les membres du groupement devaient se réunir le 17 janvier pour finaliser le contrat de consortium et le livrable de la phase préliminaire de l'audit. La société F&G n'y a pas été représentée pour ce faire de sorte que le comité de pilotage de la mission d'audit n'a pas réceptionné de livrable.
Un échange de courriels entre avocats, du 24 janvier 2014, relatif à un accord entre les sociétés F&G et Bain en vue de la signature de l'acte de précision révèle la persistance d'un désaccord entre ces deux parties, la société Bain reprochant à la société F&G de s'écarter des points d'accord en ajoutant d'autres points. Cette situation a été constatée lors du comité de pilotage.
Si les membres du groupement ont signé le 26 janvier 2014 le complément de la convention de groupement, la BNA a, par lettre du 17 février 2014, décidé de résilier le contrat de marché compte tenu des différends persistants et insurmontables entre les membres du groupement et de la non-réception de la phase préliminaire malgré le dépassement des délais contractuels.
Ainsi les membres du groupement ne sont pas parvenus à surmonter leurs différends tenant au chef de mission de l'audit désigné et aux ressources dédiées avant que la BNA ne résilie le contrat sans qu'une faute, de surcroît lourde, ne puisse être imputable à la société Bain.
Il ne résulte en effet pas des pièces produites au débat que la société Bain ait entendu ne pas exécuter les prestations attendues pendant la phase préliminaire alors qu'elle a fait respecter les conditions financières de l'offre du groupement, qu'elle n'a pas persisté dans ses demandes d'ajout de clauses dans le contrat de marché, qu'une fois levés ces obstacles juridiques, elle a participé aux réunions avec la BNA et les autres membres du groupement, qu'elle n'est pas responsable du refus de la société F&G d'accepter ses chèques en paiement des frais d'enregistrement et de la caution bancaire, qu'elle a participé à l'élaboration du livrable de la phase préliminaire à laquelle s'est opposée sans juste motif la société F&G, qu'elle a mis en place en janvier 2014 des comités de pilotage au sein du consortium. Aucune pièce n'établit non plus que la société Bain a tenté d'évincer la société F&G du groupement et de la mission d'audit.
Il résulte de ce qui précède que Mme [F] manque à établir l'existence d'une faute de la société Bain et a fortiori d'une faute lourde de nature à écarter la clause limitative de responsabilité insérée dans la convention de groupement.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [F] de sa demande en paiement de la somme de 980.479 euros et la cour la déboutera de sa demande en paiement de la somme supplémentaire de 1.154.115 euros en ce qu'elle est fondée sur la créance cédée par la société F&G.
2.2. Sur la demande de Mme [F] fondée sur des manquements contractuels de la société Bain
Mme [F] recherche la responsabilité délictuelle de la société Bain à raison de ses manquements contractuels commis à l'égard de la société F&G en invoquant un préjudice personnel constitué de la perte de salaires sur cinq ans attendus de la constitution d'un fonds d'investissement au Mali.
Mais Mme [F], qui ne se prévaut pas de manquements contractuels de la société Bain distincts de ceux précédemment écartés, n'établit pas l'existence de manquements de la société Bain à ses engagements contractuels à l'égard de la société F&G.
Elle n'établit pas non plus l'existence du préjudice qu'elle allègue. En effet il ne ressort pas des pièces produites, dont aucune n'émane d'une autorité malienne, que le projet de création d'un fonds d'investissement dans le domaine minier, s'il a impliqué des dépenses pour la société F&G au titre d'actes préparatoires qu'elle a engagées de sa propre initiative, avait été accepté, ne serait-ce que sur le principe, par une quelconque contrepartie, seuls des contacts ayant été pris avec des autorités ministérielles maliennes sans que leur issue ait abouti à un quelconque accord. Il en résulte qu'aucune perte de chance de percevoir des salaires dans le cadre de cette opération n'est démontrée.
Mme [F] sera donc déboutée de sa demande de ce chef, le tribunal n'ayant pas explicitement rejeté la demande à ce titre.
2.3. Sur la demande de Mme [F] au titre de la concurrence déloyale par dénigrement, désorganisation et harcèlement
Mme [F] soutient que la société Bain l'a dénigrée dans les lettres des 16 octobre 2013 et 17 janvier 2014 qu'elle a adressées à la BNA en faisant mention d'allégations mensongères, en contestant sa fonction de mandataire du groupement et en lui imputant des fautes ou carences inexistantes, qu'elle a tenté de l'asphyxier financièrement ainsi que la société F&G en ayant refusé de régler au mandataire les frais et charges exposés et en ne s'étant acquittée de sa quote-part des frais d'enregistrement du contrat de marché et de la caution bancaire que le 28 décembre 2013, en ayant retardé le versement de la commission d'apporteur d'affaires, que la société Bain a tenté de la destituer de sa qualité de mandataire du groupement et d'usurper ce mandat, qu'elle a tenté d'évincer la société F&G en imposant un changement du contrat de marché en conditionnant l'exécution de ses propres obligations contractuelles à la signature par la société F&G d'un acte de précision « pernicieux » et d'une nouvelle convention de groupement, que la société Bain a tenté de la déstabiliser ainsi que la société F&G en traitant, à leur insu, avec des prestataires de la société F&G, qu'enfin la société Bain a obtenu par un pacte de corruption que la BNA ne la considère plus comme mandataire et représentante exclusive du groupement.
La société Bain réplique qu'elle n'a commis aucune faute ni n'a fait preuve d'un comportement déloyal et dénigrant à l'égard de Mme [F].
Sur ce,
Mme [F], qui n'était pas la mandataire du groupement à titre personnel, ne peut invoquer le comportement de la société Bain à l'égard de la société F&G au sein du groupement au soutien d'une demande indemnitaire qu'elle ne présente pas en sa qualité de créancière de la société Bain ayant résulté de la cession de la créance de la société F&G.
Ainsi les reproches faits à la société Bain d'avoir contesté la fonction de mandataire du groupement, tenté d'asphyxier la société F&G en ne s'acquittant pas du paiement de certaines sommes, en y procédant tardivement et en ayant retardé le versement de la commission d'apporteur d'affaires, due à la seule société F&G, tenté d'évincer du groupement la société F&G, traité à l'insu de la société F&G avec deux de ses prestataires, à les supposer même établis, n'ont pas concerné Mme [F] personnellement mais la société F&G.
En tout cas, les éléments précédemment rapportés n'établissent pas la réalité de ces griefs et les deux prestataires visés par Mme [F] sont en réalité deux salariés de la société F&G ayant contribué à l'audit que Mme [F] a tenté de faire témoigner contre la société Bain au sujet des chèques remis par cette dernière et dont elle s'est séparée à la suite de leur refus en invoquant leur déloyauté.
Il ne ressort pas des pièces produites que la société Bain a participé à la déstabilisation de la société F&G ou de Mme [F], au harcèlement de celle-ci ou à une tentative d'éviction du groupement ou de sa qualité de mandataire du groupement.
Au contraire, si la société Bain a souhaité discuter directement avec la BNA de modifications contractuelles, ce qui était légitime compte tenu de l'absence de discussions préalables entre les membres du groupement sur le projet de contrat de marché et d'une signature du contrat de marché qui n'avait pas reçu l'approbation préalable de la société Bain, elle n'a pas pour autant cessé de discuter avec Mme [F], mandataire du groupement en tant que présidente de la société F&G, pour s'adresser unilatéralement à la BNA à l'insu du groupement ou de son mandataire.
Ayant dès le 10 octobre 2013 informé Mme [F] qu'elle ne pouvait plus l'engager auprès de la BNA, la société Bain n'a pas agi avec déloyauté en tentant de sauvegarder ses intérêts en négociant directement avec la BNA des modifications contractuelles dont il n'est pas démontré qu'elles étaient préjudiciables à la société F&G ou à Mme [F].
Par la suite, la société Bain n'a pas tenté de se substituer à la société F&G en tant que mandataire du groupement mais a fait valoir sa qualité de chef de mission technique de l'audit et ce, conformément au souhait des autorités tunisiennes. La société F&G n'a pas été mise à l'écart des comités de pilotage de l'audit ni de la formalisation du livrable de la phase préliminaire ni à compter de janvier 2014 du pilotage du groupement. Si la société Bain a eu des entretiens et échanges seule avec la BNA, c'est dans le seul but de la tenir informée de sa propre position et de l'état des discussions entre elle et la société F&G au sujet de l'acte de précision, de ses annexes et du contrat de consortium, ce qui, compte tenu des divergences exposées, n'était pas non plus illégitime. La BNA n'a ainsi jamais considéré la société F&G comme défaillante dans sa mission de mandataire du groupement et l'a toujours tenue pour seul interlocuteur administratif du groupement.
La société Bain n'a pas non plus sans motif légitime retenu des paiements au profit de la société F&G dès lors que les demandes de Mme [F] n'étaient pas légitimes, telles que celles relatives à des frais qui n'avaient pas été convenus entre les membres du groupement, ou prématurées, les honoraires d'apporteur d'affaires étant dus seulement à l'encaissement des honoraires payés à la société Bain en exécution de la mission d'audit et la quote-part des frais d'enregistrement et de caution bancaire n'étant déterminable et due qu'à compter d'un accord sur la répartition de ces mêmes honoraires.
Mme [F] allègue enfin sans la démontrer l'existence d'un pacte de corruption impliquant la société Bain. Elle procède en effet, sans retenue, par voie d'affirmation et produit des articles de presse sans rapport avec les faits de l'espèce ainsi destinés à jeter la suspicion.
Il résulte de tout ce qui précède que les faits relevant du harcèlement et de la désorganisation au préjudice de Mme [F] ne sont pas établis.
S'agissant des lettres de la société Bain des 16 octobre 2013 et 17 janvier 2014 adressées à la BNA, la première ne comprend pas d'allégations mensongères mais se borne à énoncer que le contrat a été signé sans son accord, à rappeler les termes de la convention de groupement quant au nécessaire accord de tous les membres du groupement aux fins de signature du contrat et à demander des modifications contractuelles. Si la BNA a pu considérer que la mandataire du groupement n'avait pas pu commettre de faute en signant le contrat de marché, cette analyse n'est pas de nature à remettre en cause l'appréciation de la cour quant à l'absence d'accord de la société Bain au contrat conclu le 26 septembre 2013 dans les conditions précédemment exposées.
Contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la lettre du 16 octobre 2013 ne jette pas le discrédit sur Mme [F].
Mais, même si Mme [F] avait été informée, le 10 octobre 2013, de ce que la société Bain considérait, avec la société Cabinet [Y] [H], que des dépassements graves de l'accord et des obligations envers elles avaient été commis par elle en sa qualité de représentant du groupement et de mandataire commun pilote, et de leur mise en demeure de ne plus engager le groupement auprès de la BNA notamment sans leur accord préalable, l'envoi de cette lettre à la BNA sans en avoir informé Mme [F], qui en a eu connaissance par celle-ci, marque une certaine déloyauté à l'égard de Mme [F].
Quant à la seconde lettre, envoyée en réponse à une lettre du même jour de la BNA informant les membres du groupement d'un report de la réunion du comité de pilotage de l'audit et leur demandant de corriger l'annexe 1 de l'acte de précision, les autres membres du groupement ayant également fait part de leurs observations à la BNA les 21 et 22 janvier, la société Bain y expose les raisons pour lesquelles « elle ne peut accepter perpétuellement les comportements irrationnels de son chef de file », le refus de la société F&G de mettre à disposition du personnel sur trois audits malgré son engagement en ce sens du 20 décembre précédent, son propre accord à une version modifiée des annexes à l'acte de précision que la BNA avait fait parvenir à Mme [F] le 9 janvier, sa décision de ne « pas déroger à ce tableau, sous la seule menace de son chef de file qui souhaite obtenir une rémunération qui ne correspond pas à la réalité du travail effectué ou qui dérogerait à une répartition égale entre les membres du consortium des responsabilités au fur et à mesure des livrables », la tenue du comité de pilotage du consortium, la veille, où la société F&G n'a pas délégué de représentant pour résoudre les désaccords sur les annexes de l'acte de précision. La société Bain conclut la lettre sur sa pleine disponibilité mais également qu'elle « ne saurait être tenue pour responsable des conséquences des agissements de son chef de file qui a été mis en demeure le 10 octobre 2013 de ne plus engager de discussions sans l'accord préalable des membres du groupement, et dont il apparaît chaque jour un peu plus que cette mission est trop « lourde » à porter pour lui. »
Si la société Bain a pu légitimement s'adresser directement et séparément à la BNA, comme l'ont fait les deux autres membres du groupement, et n'a dès lors pas commis de faute en exposant objectivement les événements vécus par les parties depuis la signature du contrat de marché, elle s'est écartée d'une certaine modération dans l'expression de ses positions en mettant en cause le comportement personnel et les aptitudes de Mme [F] en des termes la discréditant auprès du client, la BNA, puisque faisant référence à des comportements irrationnels ou menaçants, à un possible travail insuffisant au regard de la rémunération revendiquée et à une incapacité à faire face à la mission d'audit.
Ce faisant, la société Bain a, certes dans un climat tendu et de défiance mutuelle né de la signature d'un contrat dans des conditions n'ayant pas satisfait deux des membres du groupement, commis un acte de concurrence déloyale à l'égard de Mme [F].
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué une somme de 12.000 euros à Mme [F] en réparation de son préjudice dont il n'est pas démontré qu'il ne soit pas ainsi intégralement réparé.
2.4. Sur la liquidation de l'astreinte
Le tribunal de commerce de Nanterre a, par jugement du 18 mars 2021, enjoint à la société Bain, sous astreinte de 10 euros par jour de retard commençant à courir un mois après la signification du jugement et pour une durée de trois mois, de produire complètement sa pièce n° 21.
Mme [F] demande la liquidation de l'astreinte compte tenu du retard de 39 jours pris par la société Bain pour lui communiquer un constat d'huissier faisant état de l'absence d'éléments manquants dans la pièce n° 21, le jugement lui ayant été signifié le 3 mai 2022 et la société Bain lui ayant communiqué le constat le 12 juillet suivant.
Elle conteste le jugement qui, pour rejeter sa demande, a considéré que la liquidation de l'astreinte relevait du tribunal de commerce de Nanterre, saisi originellement de l'affaire.
La société Bain soutient que les éléments demandés n'ayant jamais existé il n'y a pas lieu à astreinte.
Sur ce,
L'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution dispose que l'astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l'exécution, sauf si le juge qui l'a ordonnée reste saisi de l'affaire ou s'en est expressément réservé le pouvoir.
En l'espèce, le tribunal de commerce de Nanterre a été saisi du litige sur assignation délivrée par Mme [F]. Il a prononcé l'astreinte en cause et s'est réservé le pouvoir de la liquider le 18 mars 2021 avant d'être dessaisi, par ordonnance du 12 avril 2021, rectifiée le 29 juin 2021, au profit du tribunal de commerce de Versailles selon la procédure de renvoi pour suspicion légitime.
Le tribunal de commerce de Nanterre, qui a ordonné l'astreinte, a été dessaisi du litige et s'il s'est réservé le pouvoir de la liquider, le renvoi de l'affaire au tribunal de commerce de Versailles pour suspicion légitime lui interdit de statuer sur la liquidation de l'astreinte qu'il a prononcée avant son dessaisissement.
Le tribunal de commerce de Versailles n'ayant pas ordonné l'astreinte, il n'a pas le pouvoir de la liquider.
Il s'ensuit que seul le juge de l'exécution a le pouvoir de liquider l'astreinte prononcée par le tribunal de commerce de Nanterre.
A ces motifs se substituant à ceux du jugement, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [F] de prononcer la liquidation de l'astreinte.
3. Sur les demandes accessoires
L'issue du litige en appel commande de confirmer également le jugement des chefs des dépens et des frais irrépétibles.
Mme [F] succombant en son appel sera condamnée aux dépens d'appel. Elle ne peut en conséquence bénéficier d'une indemnité procédurale au titre de ses frais irrépétibles exposés en cause d'appel. Elle sera en revanche condamnée à payer à la société Bain la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déclare que Mme [K] [F] n'est pas recevable à agir en qualité de gérant d'affaires ;
Déboute Mme [K] [F] de sa demande en paiement de la somme supplémentaire de 1.154.115 euros en ce qu'elle est fondée sur la créance cédée par la société F&G ;
Déboute Mme [K] [F] de sa demande indemnitaire en ce qu'elle est fondée sur de prétendus manquements contractuels de la société Bain et compagnie ;
Condamne Mme [K] [F] à payer à la société Bain et compagnie la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;
Déboute Mme [K] [F] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [K] [F] aux dépens d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.