CA Paris, Pôle 6 - ch. 3, 15 octobre 2025, n° 21/05458
PARIS
Arrêt
Autre
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRET DU 15 OCTOBRE 2025
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05458 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD35Z
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LONGJUMEAU - RG n° 19/00553
APPELANTES
S.A.R.L. HORECA 91, prise en la personne de son représentant légal
N° RCS d'[Localité 9] : 502 813 892
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentée par Me Aurélie BERIARD, avocat au barreau de PARIS, toque B 0052
S.A.R.L. CHR ASSISTANCE, prise en la personne de son représentant légal
N° RCS de [Localité 11] : 393 900 196
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Aurélie BERIARD, avocat au barreau de PARIS, toque B 0052
INTIME
Monsieur [C] [K]
[Adresse 1]
[Localité 8]
Représenté par Me Thibaut BONNEMYE, avocat au barreau de PARIS, toque : G0726
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 09 Septembre 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Lisette SAUTRON, Présidente de chambre
Mme Fabienne ROUGE, Présidente de chambre
M. Christophe BACONNIER, Président de chambre
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Marie-Lisette SAUTRON dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Laetitia PRADIGNAC
ARRET :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Lisette SAUTRON, présidente de chambre et par Laetitia PRADIGNAC, Greffière, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
RAPPEL DES FAITS ET PROCÉDURE
La SARL Horeca 91 a engagé M. [K] par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 17 février 2009 en qualité de négociateur statut VRP multicartes.
La société CHR assistance (SARL) a ensuite engagé M. [K] par contrat à durée indéterminée à compter du 6 avril 2009 en qualité de négociateur VRP multicartes.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de l'immobilier.
La société Horeca 91 occupait à titre habituel moins de onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.
La société CHR assistance occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles (à vérifier).
Par lettre du 21 novembre 2018, M. [K] a été convoqué par la société Horeca 91 à un entretien préalable à rupture conventionnelle, fixé au 4 décembre 2018, laquelle a été homologuée par l'inspection du travail le 3 janvier 2019 et le contrat de travail pris fin le 31 janvier 2019.
La société CHR assistance a délivré également à M. [K] les documents de fin de contrat.
À la date de présentation de la rupture, M. [K] avait une ancienneté de 9 ans et 11 mois avec la société HORECA 91 et de 10 ans et 1 mois avec la société CHR assistance.
Le 19 septembre 2019, M. [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Longjumeau de demandes tendant finalement :
' à faire constater l'existence d'une relation de travail avec les 2 entités et en conséquent une situation de co-emploi ;
' faire condamner solidairement la société Horeca 91 et CHR assistance à titre principal ou à titre subsidiaire la société Horeca 91, à lui verser, avec intérêts à capitaliser, les sommes suivantes :
. 19 177,33 euros à titre principal et 21 054,15 euros à titre subsidiaire, à titre de rappel de salaire sur la rémunération minimale garantie ou de rappel de salaire minimal de négociateur immobilier,
. 1 917 euros à titre principal et 2 105 euros à titre subsidiaire, à titre de congés payés afférents,
. 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour déloyauté contractuelle,
. 34 539,65 euros à titre principal et 1 972,46 euros à titre subsidiaire de rappel d'indemnité de licenciement,
Subsidiairement,
' faire condamner la société CHR assistance à lui payer, avec intérêts à capitaliser, les sommes suivantes :
. 6 654,87 euros outre 665,49 euros au titre des congés payés afférents, à titre d'indemnité de préavis (3 mois),
. 14 300 euros d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 1 800 euros au titre d'article 700 du code de procédure civile ;
' faire ordonner la remise des bulletins de paie rectifiés, attestation Pôle Emploi et certificat de travail
Par jugement contradictoire rendu le 14 mai 2021 et notifié le 21 mai 2021, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Longjumeau :
' a dit que la SARL Horeca 91 et la SARL CHR assistance avaient la qualité de co-employeurs,
' a condamné solidairement la SARL Horeca 91 et la SARL CHR assistance à payer, avec intérêts capitalisés, à payer à M. [K] les sommes suivantes :
. 19 177,33 euros à titre de rappel de salaire en application de la rémunération minimale garantie,
. 1 917 euros au titre des congés payés afférents,
. 1 972,46 euros au titre du solde de l'indemnité spéciale de rupture conventionnelle, assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2019,
. 1 000 euros à titre de dommages intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail
' a ordonné à la SARL Horeca 91 et la SARL CHR assistance de remettre à M. [C] [K] des bulletins de paie, une attestation pôle emploi et un certificat de travail conformes dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement ;
' a débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
' a condamné solidairement la SARL Horeca 91 et la SARL CHR assistance à payer à M. [C] [K] la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
' a condamné solidairement la SARL Horeca 91 et la SARL CHR assistance aux dépens.
Les sociétés Horeca 91 et CHR assistance ont relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 17 juin 2021, en ce qu'il a dit qu'elles avaient la qualité de co employeurs, en ce qu'il les a condamnées à paiement, aux frais irrépétibles et aux dépens ainsi qu'à remettre au salarié des documents de fin de contrat conformes.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 juin 2025.
L'affaire a été appelée à l'audience du 9 septembre 2025.
EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 23 juin 2025, auxquelles la cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens, les sociétés Horeca 91 et CHR assistance demandent à la cour :
A titre principal,
' d'infirmer le jugement ;
' d'ordonner à M. [K] le remboursement à la Société Horeca 91 de la somme de 19 964,61 euros à titre d'indemnité indûment perçue dans le cadre de l'exécution provisoire de droit du jugement du Conseil de Prud'hommes de Paris ;
' de débouter M. [K] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
A titre subsidiaire,
' de réduire le quantum de la condamnation au titre de l'indemnité compensatrice de préavis à la somme de 202,50 euros ;
' de réduire le quantum de la condamnation au titre des congés payés sur l'indemnité compensatrice de préavis à la somme de 20,25 euros ;
' de réduire le quantum de la condamnation au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme maximale de 607,50 euros ;
A titre reconventionnel, si la Cour de céans venait à reconnaître le statut de VRP exclusif à
M. [K] dans le cadre de sa relation contractuelle avec la société Horeca 91,
' de condamner M. [K] à verser à la société Horeca 91 la somme de 8 632,23 euros à titre de commissions indûment perçues sur la période allant d'octobre 2016 à janvier 2019 ;
- de condamner M. [K] à verser à la société CHR Assistance la somme de 4 882,55 euros à titre de commissions indûment perçues sur la période allant d'octobre 2016 à janvier 2019 ;
En tout état de cause,
- de condamner M. [K] au paiement à la société Horeca 91 de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
' de condamner M. [K] au paiement des entiers dépens.
Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 23 juin 2025, auxquelles la cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens, M. [K] demande à la cour de :
À titre principal,
' de confirmer :
. la qualité de co-employeurs des sociétés Horeca 91 CHR assistance ,
. la condamnation solidaire des sociétés Horeca 91 et CHR assistance
. les condamnations et leur quantum sur le rappel de salaire et les congés payés afférents au titre de la rémunération minimale garantie,
. l'article 700 du CPC pour la procédure de première instance,
. la délivrance de documents de fin de contrat conformes ainsi que les intérêts et leur capitalisation
' d'infirmer pour le surplus,
' de condamner les sociétés Horeca 91 et CHR assistance à lui verser les sommes suivantes :
. A titre de solde d'indemnité spéciale de licenciement VRP : 34 539,65 euros,
. À titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 8 000 euros,
' Au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure d'appel : 1 800 euros,
Subsidiairement,
' de condamner la société CHR assistance à lui verser les sommes suivantes :
. À titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 14 300 euros,
. À titre d'indemnité compensatrice de préavis : 6 654,87 euros,
. À titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 665,49 euros,
À titre infiniment subsidiaire,
' de confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes en toutes ses dispositions ;
' de condamner les sociétés Horeca 91 et CHR assistance à lui verser la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure d'appel.
MOTIFS
1- L'exécution du contrat de travail
' Sur le co-emploi et le statut de VRP multicartes du salarié
Les appelantes soutiennent que le salarié a été embauché par la société Horeca 91 selon un contrat qui en son article 4 prévoyait une représentation pour la société Horeca 91 et pour la société CHR Assistance avec une possibilité de représenter, sur autorisation préalable, d'autres entités, à la condition que celles-ci développent des activités différentes. Elles soutiennent que cette clause n'est pas une clause d'exclusivité, ce qui fait de M. [K] un VRP multicartes et non un VRP exclusif. Elles soutiennent que le salarié ne peut s'appuyer sur le cas d'un collègue qui a donné lieu, sur pourvoi, à une décision de rejet de la part de la cour de cassation basé sur l'appréciation souveraine des juges du fond que la haute cour ne contrôle pas. Elle affirme que M. [K] donne à cet arrêt de rejet une portée excessive, cet arrêt ne privant pas la cour de son pouvoir d'appréciation. Elles soutiennent que le salarié utilise la notion de co-emploi pour obtenir le statut de VRP exclusif et rappelle que les conditions du co-emploi ne sont pas réunies ; qu'en effet les deux sociétés ont des objets différents entraînant des missions de prospection différentes (mission de prospection et d'accompagnement dans la vente et l'acquisition de fonds de commerce pour la société Horeca 91 et mission de proposition de partenariats à destination des acquéreurs leur permettant de faciliter leur vie professionnelle après l'acquisition) ; qu'elles ont des activités et des intérêts différents ; qu'il n'y a pas d'immixtion de l'une dans la gestion économique et sociale de l'autre.
Le salarié soutient qu'il a bénéficié de 2 contrats de travail et 2 bulletins de paie ainsi que des documents de rupture des 2 structures ; que les deux contrats étaient liés à tel point que la rupture de l'un a entraîné la rupture de l'autre. Il fait une lecture différente de l'article 4 du contrat en l'interprétant comme une clause d'exclusivité. Il s'appuie sur un contentieux entre les appelantes et un autre salarié placé dans une situation similaire en rappelant que la cour de cassation a validé l'interprétation des juges du fond qui en ont fait une clause d'exclusivité. Il soutient que le contrat repose sur un montage frauduleux visant à exclure le statut de VRP exclusif et que sur le principe "fraus omnia corumpit", la requalification doit être opérée et le co-emploi retenu. Il soutient de plus que le co-emploi découle de la confusion du lien de subordination qui découle du fait qu'il n'y a qu'un contrat de travail et qu'une rupture pour les deux entités.
La cour observe que le salarié lie, à tort, les deux questions du co-emploi et du caractère exclusif du mandat de VRP, alors que la qualification du co-emploi ne découle pas de la reconnaissance ou pas du statut de VRP exclusif.
En effet, hors l'existence d'un lien de subordination, une société ne peut être qualifiée de co-employeur, à l'égard du personnel employé par une autre société, que s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre elles et l'état de domination économique que peuvent engendrer leur relation commerciale, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.
Or, aucune pièce des dossiers des deux parties ne renseigne la cour sur les liens organisationnels entre les sociétés Horeca 91 et CHR assistance de sorte que la preuve d'une immixtion de l'une dans la gestion économique et sociale de l'autre conduisant à la perte totale d'autonomie d'action n'est pas démontrée. A cet égard, la quasi simultanéité des liens contractuels avec les deux sociétés et le fait que la société CHR assistance ait rompu le lien contractuel après la rupture conventionnelle avec la société Horeca 91 ne peut suffire à caractériser le co-emploi, ni la fraude alléguée, laquelle ne se présume pas.
C'est donc à tort que le conseil, se fondant sur des éléments de fait inopérants, a retenu le co-emploi, dans son jugement qui sera infirmé sur ce point et sur la condamnation solidaire des deux sociétés.
Pour ce qui concerne le statut de VRP, selon l'article L 7311-6 du code du travail, « le contrat de travail peut, pour sa durée, prévoir l'interdiction pour le voyageur, représentant ou placier, de représenter des entreprises ou des produits déterminés. Lorsque le contrat de travail ne prévoit pas cette interdiction, il comporte, à moins que les parties n'y renoncent par une stipulation expresse, la déclaration des entreprises ou des produits que le voyageur, représentant ou placier représente déjà et l'engagement de ne pas prendre en cours de contrat de nouvelles représentations sans autorisation préalable de l'employeur".
L'article 3 du contrat de travail intitulé ' l'objet de la représentation' est ainsi rédigée :
' le négociateur s'engage à assurer le placement, au nom et pour le compte de l'Employeur ; de tous les services, biens et marchandises vendus par ce dernier.
Compte tenu de l'activité de l'employeur, il s'agira au titre de la représentation principale :
Représentation de l'employeur dans le cadre des transactions sur fonds de commerce, locaux commerciaux, droit au bail, pas de porte, location pure, locaux d'activité, entrepôts, bureaux, immeubles commerciaux et professionnels, transactions et/ou transmission de droits sociaux,
prospecter les vendeurs du ou des secteurs géographiques qui lui seront désignés par la direction commerciale de l'agence en vue de recueillir des mandats de vente et de constituer un stock de biens au juste prix,
prospecter, démarcher et recevoir à l'agence les prospects acquéreurs, analyser leurs besoins, régulariser un mandat de recherche, établir les projets de financement et faire physiquement visiter les biens à vendre,
formaliser et conclure les opérations d'acquisition jusqu'à la signature des actes définitifs.'
L'article 4 intitulé ' autres maisons représentées' stipulait :
" le VRP. déclare formellement ne représenter que les maisons suivantes, à l'exclusion de tout autre :
' Century 21 Horeca 91 sis [Adresse 5],
' SARL CHR Assistance sis [Adresse 2].
Il s'engage à prendre, en cours de contrat, aucune nouvelle représentation sans autorisation préalable et écrite du représenté et qui ne pourront dans tous les cas ne concerner que des maisons dont les activités sont différentes de celles citées ci-dessus'.
Ces stipulations étaient complétées par l'article 7 aux termes duquel le salarié accepte que son activité ne représente pas 100 % de son temps de travail compte tenu de son statut de multicartes.
Il ne ressort pas de ces stipulations la preuve de l'existence d'une clause d'exclusivité puisque l'article 3 n'en contient pas et que l'article 4 contient la déclaration des entreprises que le VRP représente déjà et l'engagement de ne pas prendre en cours de contrat de nouvelles représentations sans autorisation préalable de l'employeur, laquelle déclaration est prévue par le texte précité pour le cas où aucune clause d'exclusivité n'aurait été stipulée.
En outre l'article 7 indique que le salarié n'est pas nécessairement occupé à plein temps, et les pièces du dossier du salarié qui concernent les permanences à raison d'un jour par semaine et la semaine du 4 au 8 juin 2016 qui indique « [C], dans le marais Century 21 » ne permettent pas de connaître le temps de travail réel du salarié, pas plus que celles produites par l'employeur.
Il ne ressort donc pas de l'ensemble de ces éléments la preuve de l'existence d'une clause d'exclusivité de sorte que le salarié doit être finalement débouté de ses demandes à ce titre par infirmation du jugement, y compris la demande de rappel de salaires et de solde d'indemnité spécifique de rupture, fondées sur le minimum garanti accordé par l'accord national interprofessionnel du 3 octobre 1975 aux VRP exclusifs, que n'est pas M. [K].
' Sur la demande de dommages et intérêts pour déloyauté
Les sociétés soutiennent que le salarié n'a subi aucun préjudice et qu'elles ont toujours exécuté avec loyauté le contrat de travail qui les liait au salarié sans avoir cherché à contourner la législation sur les VRP exclusifs en faisant valoir que le salarié travaillait pour le compte de deux employeurs distincts, a minima, d'où la justification de son statut de VRP multicartes. Elles ajoutent que certains griefs ne sont pas établis, que notamment le droit de suite a été réglé, et que le préjudice n'est pas justifié.
Le salarié soutient que la déloyauté est caractérisée par le non-respect des règles liées à la sécurité en l'absence de visite médecin du travail, la volonté manifeste d'éluder les règles sur les salaires minimum, le comportement discriminatoire sur les orientations sexuelles, le non-paiement des commissions dans le cadre du droit de suite dans un dossier particulier ( "[Localité 10]"), le harcèlement et la tentative de déstabilisation par la multiplication d'envoi de sommations d'huissier sur son nouveau lieu de travail. De plus, il ajoute que la société CHR Assistance a prétendu auprès de Pôle Emploi que le contrat n'aurait pas été rompu, juste pour les besoins de la cause engendrant une demande de remboursement de Pôle Emploi non justifiée, le mettant en difficulté.
La volonté manifeste d'éluder les règles sur les salaires minimum doit être écartée au regard des développements précédents sur le statut du salarié.
Par ailleurs le salarié ne mentionne aucun fait susceptible de faire présumer une discrimination en raison de ses orientations sexuelles qui rien au dossier ne laisse entrevoir.
Le harcèlement et la tentative de déstabilisation par la multiplication d'envoi de sommations d'huissier sur son nouveau lieu de travail n'est pas établi autrement que par l'affirmation de l'avocat du salarié qui s'en plaint auprès de son confrère adverse. Les actes d'huissier ne sont pas produits.
La société Horeca 91 justifie avoir réglé le droit de suite en février 2022 après encaissement en janvier 2022 des sommes qui lui étaient dues au terme d'un contentieux engagé avec le propriétaire du fonds.
Les man'uvres de la CHR Assistance auprès du pôle emploi et ses conséquences alléguées ne sont pas justifiées.
Il reste l'absence de visite médicale qui a elle seule ne peut caractériser la déloyauté contractuelle quand bien même il s'agit d'un manquement aux obligations contractuelles.
2- la rupture du contrat de travail
' Sur la rupture du contrat de travail du salarié par la société CHR assistance
Les sociétés soutiennent que la société CHR assistance a accédé à la requête du salarié en lui envoyant ses documents de fin de contrat ' attestation Pôle Emploi comprise, lui permettant donc une inscription auprès de Pôle Emploi ' dès la rupture du contrat, à savoir le 31 janvier 2019.
Le salarié soutient qu'il avait reçu ses documents de fin de contrat de la société CHR assistance, laquelle ne l'a pourtant jamais licencié.
Il est ainsi établi par les écritures même de la société CHR assistance que celle-ci a rompu le contrat de travail sans mettre en 'uvre la procédure légale et donc sans notifier au salarié la cause de la rupture, laquelle doit être considérée comme étant sans cause réelle et sérieuse.
En conséquence, sur la base d'un revenu annuel brut de 567 euros, le salarié peut prétendre :
- à une indemnité compensatrice de préavis de 141,75 euros. Toutefois la société employeur a demandé la réduction de cette créance à 202,50 euros. L'indemnité sera donc fixée à hauteur de ce montant,
' à une indemnité de congés payés afférente soit la somme de 20,25 euros,
- à des dommages et intérêts, sur le fondement de l'article L 1235-3 du code du travail, d'un montant compris entre 3 et 10 mois de salaire en l'absence de justificatifs relatifs à l'effectif employé par la société CHR assistance. Compte tenu de l'âge du salarié, de son niveau de salaire et de sa situation de retour à l'emploi après la rupture, la somme de 400 euros est de nature à réparer entièrement les préjudices subis, somme qui reste dans le quantum "maximal" accepté par l'employeur (607,50 euros).
3- les autres demandes
' la demande de remboursement
Le présent arrêt valant le cas échéant titre de restitution, il n'y a pas lieu d'ordonner le remboursement des sommes versées au salarié dans le cadre de l'exécution provisoire.
' les intérêts et leur capitalisation
La condamnation au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice né du licenciement sans cause réelle et sérieuse portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et les autres condamnations porteront intérêt au taux légal à compter du 19 septembre 2019, date de saisine du conseil de prud'hommes, la cour ne disposant pas de l'accusé de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation, le tout en application des dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du Code civil.
Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêts comme il est dit à l'article 1343-2 du Code civil.
' l'application des dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail
En l'absence de justificatifs de l'effectif employé par la société CHR Assistance, celle-ci sera condamnée à rembourser à France travail les indemnités allouées au salarié dans la limite de six mois d'indemnités comme il sera dit au dispositif.
' les frais irrépétibles et les dépens.
Seule la société Horeca 91 obtient gain de cause et la société CHR assistance, qui succombe doit supporter les dépens de première instance et d'appel par infirmation partielle du jugement sur ce point. Toutefois, l'équité commande, par infirmation, de dire qu'il n'y a pas lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
la cour statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement rendu le 14 mai 2021 par le conseil de prud'hommes de Longjumeau en ce qu'il a :
' dit que la SARL Horeca 91 et la SARL CHR assistance avaient la qualité de co-employeurs,
' condamné solidairement la SARL Horeca 91 et la SARL CHR assistance à payer, avec intérêts capitalisés, à M. [K] les sommes suivantes :
. 19 177,33 euros à titre de rappel de salaire en application de la rémunération minimale garantie,
. 1 917 euros au titre des congés payés afférents,
. 1 972,46 euros au titre du solde de l'indemnité spéciale de rupture conventionnelle, assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2019,
. 1 000 euros à titre de dommages intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail ;
- ordonné à la SARL Horeca 91 et la SARL CHR assistance de remettre à M. [C] [K] des bulletins de paie, une attestation pôle emploi et un certificat de travail conformes dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement ;
' a débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
- a condamné solidairement la SARL Horeca 91 et la société CHR assistance à payer à M. [C] [K] la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
' a condamné solidairement la SARL Horeca 91 aux dépens,
' débouté le salarié de ses demandes subsidiaires à l'encontre de la société CHR assistance ;
Confirme le surplus,
statuant à nouveau, dans la limite des chefs d'infirmation,
Déboute M. [C] [K] de ses demandes tendant :
' à faire reconnaître le co-emploi par les sociétés Horeca 91 et CHR assistance,
' à faire condamner solidairement ces sociétés à lui payer un rappel de salaire garanti avec congés payés afférents, un solde d'indemnité spécifique de rupture conventionnelle, et des dommages et intérêts pour déloyauté contractuelle,
Condamne la société CHR assistance à payer à M. [C] [K], avec intérêts au taux légal à compter du 19 septembre 2019, les sommes suivantes :
' 202,50 euros d'indemnité compensatrice de préavis,
' 20,25 euros d'indemnité de congés payés afférente ;
Condamne la société CHR assistance à payer à M. [C] [K], avec intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2025 la somme suivante :
' 400 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêts comme il est dit à l'article 1343-2 du Code civil ;
Dit que ces condamnations sont prononcées sous réserve de déduire le cas échéant les cotisations éventuellement applicables ;
Ordonne le remboursement, par la société CHR assistance, à France Travail, des indemnités de chômage servies au salarié, du jour de son licenciement jusqu'au jour de la présente décision, dans la limite de six mois d'indemnités ;
Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société CHR assistance aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffier La présidente
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRET DU 15 OCTOBRE 2025
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05458 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD35Z
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LONGJUMEAU - RG n° 19/00553
APPELANTES
S.A.R.L. HORECA 91, prise en la personne de son représentant légal
N° RCS d'[Localité 9] : 502 813 892
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentée par Me Aurélie BERIARD, avocat au barreau de PARIS, toque B 0052
S.A.R.L. CHR ASSISTANCE, prise en la personne de son représentant légal
N° RCS de [Localité 11] : 393 900 196
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Aurélie BERIARD, avocat au barreau de PARIS, toque B 0052
INTIME
Monsieur [C] [K]
[Adresse 1]
[Localité 8]
Représenté par Me Thibaut BONNEMYE, avocat au barreau de PARIS, toque : G0726
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 09 Septembre 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Lisette SAUTRON, Présidente de chambre
Mme Fabienne ROUGE, Présidente de chambre
M. Christophe BACONNIER, Président de chambre
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Marie-Lisette SAUTRON dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Laetitia PRADIGNAC
ARRET :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Lisette SAUTRON, présidente de chambre et par Laetitia PRADIGNAC, Greffière, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
RAPPEL DES FAITS ET PROCÉDURE
La SARL Horeca 91 a engagé M. [K] par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 17 février 2009 en qualité de négociateur statut VRP multicartes.
La société CHR assistance (SARL) a ensuite engagé M. [K] par contrat à durée indéterminée à compter du 6 avril 2009 en qualité de négociateur VRP multicartes.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de l'immobilier.
La société Horeca 91 occupait à titre habituel moins de onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.
La société CHR assistance occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles (à vérifier).
Par lettre du 21 novembre 2018, M. [K] a été convoqué par la société Horeca 91 à un entretien préalable à rupture conventionnelle, fixé au 4 décembre 2018, laquelle a été homologuée par l'inspection du travail le 3 janvier 2019 et le contrat de travail pris fin le 31 janvier 2019.
La société CHR assistance a délivré également à M. [K] les documents de fin de contrat.
À la date de présentation de la rupture, M. [K] avait une ancienneté de 9 ans et 11 mois avec la société HORECA 91 et de 10 ans et 1 mois avec la société CHR assistance.
Le 19 septembre 2019, M. [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Longjumeau de demandes tendant finalement :
' à faire constater l'existence d'une relation de travail avec les 2 entités et en conséquent une situation de co-emploi ;
' faire condamner solidairement la société Horeca 91 et CHR assistance à titre principal ou à titre subsidiaire la société Horeca 91, à lui verser, avec intérêts à capitaliser, les sommes suivantes :
. 19 177,33 euros à titre principal et 21 054,15 euros à titre subsidiaire, à titre de rappel de salaire sur la rémunération minimale garantie ou de rappel de salaire minimal de négociateur immobilier,
. 1 917 euros à titre principal et 2 105 euros à titre subsidiaire, à titre de congés payés afférents,
. 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour déloyauté contractuelle,
. 34 539,65 euros à titre principal et 1 972,46 euros à titre subsidiaire de rappel d'indemnité de licenciement,
Subsidiairement,
' faire condamner la société CHR assistance à lui payer, avec intérêts à capitaliser, les sommes suivantes :
. 6 654,87 euros outre 665,49 euros au titre des congés payés afférents, à titre d'indemnité de préavis (3 mois),
. 14 300 euros d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 1 800 euros au titre d'article 700 du code de procédure civile ;
' faire ordonner la remise des bulletins de paie rectifiés, attestation Pôle Emploi et certificat de travail
Par jugement contradictoire rendu le 14 mai 2021 et notifié le 21 mai 2021, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Longjumeau :
' a dit que la SARL Horeca 91 et la SARL CHR assistance avaient la qualité de co-employeurs,
' a condamné solidairement la SARL Horeca 91 et la SARL CHR assistance à payer, avec intérêts capitalisés, à payer à M. [K] les sommes suivantes :
. 19 177,33 euros à titre de rappel de salaire en application de la rémunération minimale garantie,
. 1 917 euros au titre des congés payés afférents,
. 1 972,46 euros au titre du solde de l'indemnité spéciale de rupture conventionnelle, assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2019,
. 1 000 euros à titre de dommages intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail
' a ordonné à la SARL Horeca 91 et la SARL CHR assistance de remettre à M. [C] [K] des bulletins de paie, une attestation pôle emploi et un certificat de travail conformes dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement ;
' a débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
' a condamné solidairement la SARL Horeca 91 et la SARL CHR assistance à payer à M. [C] [K] la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
' a condamné solidairement la SARL Horeca 91 et la SARL CHR assistance aux dépens.
Les sociétés Horeca 91 et CHR assistance ont relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 17 juin 2021, en ce qu'il a dit qu'elles avaient la qualité de co employeurs, en ce qu'il les a condamnées à paiement, aux frais irrépétibles et aux dépens ainsi qu'à remettre au salarié des documents de fin de contrat conformes.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 juin 2025.
L'affaire a été appelée à l'audience du 9 septembre 2025.
EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 23 juin 2025, auxquelles la cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens, les sociétés Horeca 91 et CHR assistance demandent à la cour :
A titre principal,
' d'infirmer le jugement ;
' d'ordonner à M. [K] le remboursement à la Société Horeca 91 de la somme de 19 964,61 euros à titre d'indemnité indûment perçue dans le cadre de l'exécution provisoire de droit du jugement du Conseil de Prud'hommes de Paris ;
' de débouter M. [K] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
A titre subsidiaire,
' de réduire le quantum de la condamnation au titre de l'indemnité compensatrice de préavis à la somme de 202,50 euros ;
' de réduire le quantum de la condamnation au titre des congés payés sur l'indemnité compensatrice de préavis à la somme de 20,25 euros ;
' de réduire le quantum de la condamnation au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme maximale de 607,50 euros ;
A titre reconventionnel, si la Cour de céans venait à reconnaître le statut de VRP exclusif à
M. [K] dans le cadre de sa relation contractuelle avec la société Horeca 91,
' de condamner M. [K] à verser à la société Horeca 91 la somme de 8 632,23 euros à titre de commissions indûment perçues sur la période allant d'octobre 2016 à janvier 2019 ;
- de condamner M. [K] à verser à la société CHR Assistance la somme de 4 882,55 euros à titre de commissions indûment perçues sur la période allant d'octobre 2016 à janvier 2019 ;
En tout état de cause,
- de condamner M. [K] au paiement à la société Horeca 91 de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
' de condamner M. [K] au paiement des entiers dépens.
Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 23 juin 2025, auxquelles la cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens, M. [K] demande à la cour de :
À titre principal,
' de confirmer :
. la qualité de co-employeurs des sociétés Horeca 91 CHR assistance ,
. la condamnation solidaire des sociétés Horeca 91 et CHR assistance
. les condamnations et leur quantum sur le rappel de salaire et les congés payés afférents au titre de la rémunération minimale garantie,
. l'article 700 du CPC pour la procédure de première instance,
. la délivrance de documents de fin de contrat conformes ainsi que les intérêts et leur capitalisation
' d'infirmer pour le surplus,
' de condamner les sociétés Horeca 91 et CHR assistance à lui verser les sommes suivantes :
. A titre de solde d'indemnité spéciale de licenciement VRP : 34 539,65 euros,
. À titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 8 000 euros,
' Au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure d'appel : 1 800 euros,
Subsidiairement,
' de condamner la société CHR assistance à lui verser les sommes suivantes :
. À titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 14 300 euros,
. À titre d'indemnité compensatrice de préavis : 6 654,87 euros,
. À titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 665,49 euros,
À titre infiniment subsidiaire,
' de confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes en toutes ses dispositions ;
' de condamner les sociétés Horeca 91 et CHR assistance à lui verser la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure d'appel.
MOTIFS
1- L'exécution du contrat de travail
' Sur le co-emploi et le statut de VRP multicartes du salarié
Les appelantes soutiennent que le salarié a été embauché par la société Horeca 91 selon un contrat qui en son article 4 prévoyait une représentation pour la société Horeca 91 et pour la société CHR Assistance avec une possibilité de représenter, sur autorisation préalable, d'autres entités, à la condition que celles-ci développent des activités différentes. Elles soutiennent que cette clause n'est pas une clause d'exclusivité, ce qui fait de M. [K] un VRP multicartes et non un VRP exclusif. Elles soutiennent que le salarié ne peut s'appuyer sur le cas d'un collègue qui a donné lieu, sur pourvoi, à une décision de rejet de la part de la cour de cassation basé sur l'appréciation souveraine des juges du fond que la haute cour ne contrôle pas. Elle affirme que M. [K] donne à cet arrêt de rejet une portée excessive, cet arrêt ne privant pas la cour de son pouvoir d'appréciation. Elles soutiennent que le salarié utilise la notion de co-emploi pour obtenir le statut de VRP exclusif et rappelle que les conditions du co-emploi ne sont pas réunies ; qu'en effet les deux sociétés ont des objets différents entraînant des missions de prospection différentes (mission de prospection et d'accompagnement dans la vente et l'acquisition de fonds de commerce pour la société Horeca 91 et mission de proposition de partenariats à destination des acquéreurs leur permettant de faciliter leur vie professionnelle après l'acquisition) ; qu'elles ont des activités et des intérêts différents ; qu'il n'y a pas d'immixtion de l'une dans la gestion économique et sociale de l'autre.
Le salarié soutient qu'il a bénéficié de 2 contrats de travail et 2 bulletins de paie ainsi que des documents de rupture des 2 structures ; que les deux contrats étaient liés à tel point que la rupture de l'un a entraîné la rupture de l'autre. Il fait une lecture différente de l'article 4 du contrat en l'interprétant comme une clause d'exclusivité. Il s'appuie sur un contentieux entre les appelantes et un autre salarié placé dans une situation similaire en rappelant que la cour de cassation a validé l'interprétation des juges du fond qui en ont fait une clause d'exclusivité. Il soutient que le contrat repose sur un montage frauduleux visant à exclure le statut de VRP exclusif et que sur le principe "fraus omnia corumpit", la requalification doit être opérée et le co-emploi retenu. Il soutient de plus que le co-emploi découle de la confusion du lien de subordination qui découle du fait qu'il n'y a qu'un contrat de travail et qu'une rupture pour les deux entités.
La cour observe que le salarié lie, à tort, les deux questions du co-emploi et du caractère exclusif du mandat de VRP, alors que la qualification du co-emploi ne découle pas de la reconnaissance ou pas du statut de VRP exclusif.
En effet, hors l'existence d'un lien de subordination, une société ne peut être qualifiée de co-employeur, à l'égard du personnel employé par une autre société, que s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre elles et l'état de domination économique que peuvent engendrer leur relation commerciale, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.
Or, aucune pièce des dossiers des deux parties ne renseigne la cour sur les liens organisationnels entre les sociétés Horeca 91 et CHR assistance de sorte que la preuve d'une immixtion de l'une dans la gestion économique et sociale de l'autre conduisant à la perte totale d'autonomie d'action n'est pas démontrée. A cet égard, la quasi simultanéité des liens contractuels avec les deux sociétés et le fait que la société CHR assistance ait rompu le lien contractuel après la rupture conventionnelle avec la société Horeca 91 ne peut suffire à caractériser le co-emploi, ni la fraude alléguée, laquelle ne se présume pas.
C'est donc à tort que le conseil, se fondant sur des éléments de fait inopérants, a retenu le co-emploi, dans son jugement qui sera infirmé sur ce point et sur la condamnation solidaire des deux sociétés.
Pour ce qui concerne le statut de VRP, selon l'article L 7311-6 du code du travail, « le contrat de travail peut, pour sa durée, prévoir l'interdiction pour le voyageur, représentant ou placier, de représenter des entreprises ou des produits déterminés. Lorsque le contrat de travail ne prévoit pas cette interdiction, il comporte, à moins que les parties n'y renoncent par une stipulation expresse, la déclaration des entreprises ou des produits que le voyageur, représentant ou placier représente déjà et l'engagement de ne pas prendre en cours de contrat de nouvelles représentations sans autorisation préalable de l'employeur".
L'article 3 du contrat de travail intitulé ' l'objet de la représentation' est ainsi rédigée :
' le négociateur s'engage à assurer le placement, au nom et pour le compte de l'Employeur ; de tous les services, biens et marchandises vendus par ce dernier.
Compte tenu de l'activité de l'employeur, il s'agira au titre de la représentation principale :
Représentation de l'employeur dans le cadre des transactions sur fonds de commerce, locaux commerciaux, droit au bail, pas de porte, location pure, locaux d'activité, entrepôts, bureaux, immeubles commerciaux et professionnels, transactions et/ou transmission de droits sociaux,
prospecter les vendeurs du ou des secteurs géographiques qui lui seront désignés par la direction commerciale de l'agence en vue de recueillir des mandats de vente et de constituer un stock de biens au juste prix,
prospecter, démarcher et recevoir à l'agence les prospects acquéreurs, analyser leurs besoins, régulariser un mandat de recherche, établir les projets de financement et faire physiquement visiter les biens à vendre,
formaliser et conclure les opérations d'acquisition jusqu'à la signature des actes définitifs.'
L'article 4 intitulé ' autres maisons représentées' stipulait :
" le VRP. déclare formellement ne représenter que les maisons suivantes, à l'exclusion de tout autre :
' Century 21 Horeca 91 sis [Adresse 5],
' SARL CHR Assistance sis [Adresse 2].
Il s'engage à prendre, en cours de contrat, aucune nouvelle représentation sans autorisation préalable et écrite du représenté et qui ne pourront dans tous les cas ne concerner que des maisons dont les activités sont différentes de celles citées ci-dessus'.
Ces stipulations étaient complétées par l'article 7 aux termes duquel le salarié accepte que son activité ne représente pas 100 % de son temps de travail compte tenu de son statut de multicartes.
Il ne ressort pas de ces stipulations la preuve de l'existence d'une clause d'exclusivité puisque l'article 3 n'en contient pas et que l'article 4 contient la déclaration des entreprises que le VRP représente déjà et l'engagement de ne pas prendre en cours de contrat de nouvelles représentations sans autorisation préalable de l'employeur, laquelle déclaration est prévue par le texte précité pour le cas où aucune clause d'exclusivité n'aurait été stipulée.
En outre l'article 7 indique que le salarié n'est pas nécessairement occupé à plein temps, et les pièces du dossier du salarié qui concernent les permanences à raison d'un jour par semaine et la semaine du 4 au 8 juin 2016 qui indique « [C], dans le marais Century 21 » ne permettent pas de connaître le temps de travail réel du salarié, pas plus que celles produites par l'employeur.
Il ne ressort donc pas de l'ensemble de ces éléments la preuve de l'existence d'une clause d'exclusivité de sorte que le salarié doit être finalement débouté de ses demandes à ce titre par infirmation du jugement, y compris la demande de rappel de salaires et de solde d'indemnité spécifique de rupture, fondées sur le minimum garanti accordé par l'accord national interprofessionnel du 3 octobre 1975 aux VRP exclusifs, que n'est pas M. [K].
' Sur la demande de dommages et intérêts pour déloyauté
Les sociétés soutiennent que le salarié n'a subi aucun préjudice et qu'elles ont toujours exécuté avec loyauté le contrat de travail qui les liait au salarié sans avoir cherché à contourner la législation sur les VRP exclusifs en faisant valoir que le salarié travaillait pour le compte de deux employeurs distincts, a minima, d'où la justification de son statut de VRP multicartes. Elles ajoutent que certains griefs ne sont pas établis, que notamment le droit de suite a été réglé, et que le préjudice n'est pas justifié.
Le salarié soutient que la déloyauté est caractérisée par le non-respect des règles liées à la sécurité en l'absence de visite médecin du travail, la volonté manifeste d'éluder les règles sur les salaires minimum, le comportement discriminatoire sur les orientations sexuelles, le non-paiement des commissions dans le cadre du droit de suite dans un dossier particulier ( "[Localité 10]"), le harcèlement et la tentative de déstabilisation par la multiplication d'envoi de sommations d'huissier sur son nouveau lieu de travail. De plus, il ajoute que la société CHR Assistance a prétendu auprès de Pôle Emploi que le contrat n'aurait pas été rompu, juste pour les besoins de la cause engendrant une demande de remboursement de Pôle Emploi non justifiée, le mettant en difficulté.
La volonté manifeste d'éluder les règles sur les salaires minimum doit être écartée au regard des développements précédents sur le statut du salarié.
Par ailleurs le salarié ne mentionne aucun fait susceptible de faire présumer une discrimination en raison de ses orientations sexuelles qui rien au dossier ne laisse entrevoir.
Le harcèlement et la tentative de déstabilisation par la multiplication d'envoi de sommations d'huissier sur son nouveau lieu de travail n'est pas établi autrement que par l'affirmation de l'avocat du salarié qui s'en plaint auprès de son confrère adverse. Les actes d'huissier ne sont pas produits.
La société Horeca 91 justifie avoir réglé le droit de suite en février 2022 après encaissement en janvier 2022 des sommes qui lui étaient dues au terme d'un contentieux engagé avec le propriétaire du fonds.
Les man'uvres de la CHR Assistance auprès du pôle emploi et ses conséquences alléguées ne sont pas justifiées.
Il reste l'absence de visite médicale qui a elle seule ne peut caractériser la déloyauté contractuelle quand bien même il s'agit d'un manquement aux obligations contractuelles.
2- la rupture du contrat de travail
' Sur la rupture du contrat de travail du salarié par la société CHR assistance
Les sociétés soutiennent que la société CHR assistance a accédé à la requête du salarié en lui envoyant ses documents de fin de contrat ' attestation Pôle Emploi comprise, lui permettant donc une inscription auprès de Pôle Emploi ' dès la rupture du contrat, à savoir le 31 janvier 2019.
Le salarié soutient qu'il avait reçu ses documents de fin de contrat de la société CHR assistance, laquelle ne l'a pourtant jamais licencié.
Il est ainsi établi par les écritures même de la société CHR assistance que celle-ci a rompu le contrat de travail sans mettre en 'uvre la procédure légale et donc sans notifier au salarié la cause de la rupture, laquelle doit être considérée comme étant sans cause réelle et sérieuse.
En conséquence, sur la base d'un revenu annuel brut de 567 euros, le salarié peut prétendre :
- à une indemnité compensatrice de préavis de 141,75 euros. Toutefois la société employeur a demandé la réduction de cette créance à 202,50 euros. L'indemnité sera donc fixée à hauteur de ce montant,
' à une indemnité de congés payés afférente soit la somme de 20,25 euros,
- à des dommages et intérêts, sur le fondement de l'article L 1235-3 du code du travail, d'un montant compris entre 3 et 10 mois de salaire en l'absence de justificatifs relatifs à l'effectif employé par la société CHR assistance. Compte tenu de l'âge du salarié, de son niveau de salaire et de sa situation de retour à l'emploi après la rupture, la somme de 400 euros est de nature à réparer entièrement les préjudices subis, somme qui reste dans le quantum "maximal" accepté par l'employeur (607,50 euros).
3- les autres demandes
' la demande de remboursement
Le présent arrêt valant le cas échéant titre de restitution, il n'y a pas lieu d'ordonner le remboursement des sommes versées au salarié dans le cadre de l'exécution provisoire.
' les intérêts et leur capitalisation
La condamnation au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice né du licenciement sans cause réelle et sérieuse portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et les autres condamnations porteront intérêt au taux légal à compter du 19 septembre 2019, date de saisine du conseil de prud'hommes, la cour ne disposant pas de l'accusé de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation, le tout en application des dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du Code civil.
Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêts comme il est dit à l'article 1343-2 du Code civil.
' l'application des dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail
En l'absence de justificatifs de l'effectif employé par la société CHR Assistance, celle-ci sera condamnée à rembourser à France travail les indemnités allouées au salarié dans la limite de six mois d'indemnités comme il sera dit au dispositif.
' les frais irrépétibles et les dépens.
Seule la société Horeca 91 obtient gain de cause et la société CHR assistance, qui succombe doit supporter les dépens de première instance et d'appel par infirmation partielle du jugement sur ce point. Toutefois, l'équité commande, par infirmation, de dire qu'il n'y a pas lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
la cour statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement rendu le 14 mai 2021 par le conseil de prud'hommes de Longjumeau en ce qu'il a :
' dit que la SARL Horeca 91 et la SARL CHR assistance avaient la qualité de co-employeurs,
' condamné solidairement la SARL Horeca 91 et la SARL CHR assistance à payer, avec intérêts capitalisés, à M. [K] les sommes suivantes :
. 19 177,33 euros à titre de rappel de salaire en application de la rémunération minimale garantie,
. 1 917 euros au titre des congés payés afférents,
. 1 972,46 euros au titre du solde de l'indemnité spéciale de rupture conventionnelle, assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2019,
. 1 000 euros à titre de dommages intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail ;
- ordonné à la SARL Horeca 91 et la SARL CHR assistance de remettre à M. [C] [K] des bulletins de paie, une attestation pôle emploi et un certificat de travail conformes dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement ;
' a débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
- a condamné solidairement la SARL Horeca 91 et la société CHR assistance à payer à M. [C] [K] la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
' a condamné solidairement la SARL Horeca 91 aux dépens,
' débouté le salarié de ses demandes subsidiaires à l'encontre de la société CHR assistance ;
Confirme le surplus,
statuant à nouveau, dans la limite des chefs d'infirmation,
Déboute M. [C] [K] de ses demandes tendant :
' à faire reconnaître le co-emploi par les sociétés Horeca 91 et CHR assistance,
' à faire condamner solidairement ces sociétés à lui payer un rappel de salaire garanti avec congés payés afférents, un solde d'indemnité spécifique de rupture conventionnelle, et des dommages et intérêts pour déloyauté contractuelle,
Condamne la société CHR assistance à payer à M. [C] [K], avec intérêts au taux légal à compter du 19 septembre 2019, les sommes suivantes :
' 202,50 euros d'indemnité compensatrice de préavis,
' 20,25 euros d'indemnité de congés payés afférente ;
Condamne la société CHR assistance à payer à M. [C] [K], avec intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2025 la somme suivante :
' 400 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêts comme il est dit à l'article 1343-2 du Code civil ;
Dit que ces condamnations sont prononcées sous réserve de déduire le cas échéant les cotisations éventuellement applicables ;
Ordonne le remboursement, par la société CHR assistance, à France Travail, des indemnités de chômage servies au salarié, du jour de son licenciement jusqu'au jour de la présente décision, dans la limite de six mois d'indemnités ;
Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société CHR assistance aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffier La présidente