CA Paris, Pôle 5 - ch. 6, 15 octobre 2025, n° 23/11563
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRÊT DU 15 OCTOBRE 2025
(n° , 13 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/11563 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CH4JV
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Juin 2023 - tribunal de commerce de Paris 6ème chambre - RG n° 2022017573
APPELANTE
S.A.R.L. C LES VAGUES, société placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 12 mars 2025, nommant la Selarl EKIP' en qualité de liquidateur judiciaire
[Adresse 1]
[Localité 5]
N°SIREN : 818 587 339
agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Guillaume PIERRE, avocat au barreau de Paris, toque : A0259
INTIMÉE
S.A. SOCIETE GENERALE
[Adresse 3]
[Localité 6]
N°SIREN : 552 120 222
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Stéphane WOOG de la SELARL WOOG & ASSOCIES, avocat au barreau de Paris, toque : P0283
Ayant pour avocat plaidantMe Julien FISZLEIBER de la SELARL WOOG & ASSOCIES, avocat au barreau de Paris, toque : P0283
PARTIE INTERVENANTE :
La SELARL EKIP', ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL C LES VAGUES, nommée à cette fonction par jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 12 mars 2025
[Adresse 2]
[Localité 4]
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Philippe LECONTE, associé SELARL KPDB INTERBARREAUX,avocat au barreau de Paris
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 02 septembre 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Vincent BRAUD, président de chambre
Mme Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère, chargée du rapport
Mme Laurence CHAINTRON, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Yulia TREFILOVA
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Vincent BRAUD, président de chambre et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.
*****
PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 29 juin 2023 à 19 heures 07, la société à responsabilité limitée C Les Vagues a interjeté appel du jugement rendu le même jour en ce que le tribunal de commerce de Paris, saisi par voie d'assignation en date du 28 mars 2022 délivrée à sa requête à la Société Générale, a statué ainsi :
'Déboute la SARL C LES VAGUES de l'ensemble de ses demandes ;
Condamne la SARL C LES VAGUES à payer 5 000 euros à la SA SOCIETE GENERALE à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples et contraires ;
Rappelle que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit ;
Condamne la SARL C LES VAGUES aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 70,86 € dont 11,60 € de TVA.'
***
En suite de la liquidation judiciaire de la société C Les Vagues, la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Ekip', désignée liquidateur judiciaire, est intervenue volontairement à la procédure.
À l'issue de la procédure d'appel en dernier lieu clôturée le 2 septembre 2025 les prétentions des parties s'exposent de la manière suivante.
Au dispositif de ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 17 juin 2025, la société appelante désormais représentée par son liquidateur judiciaire
présente, en ces termes, ses demandes à la cour :
'Vu l'article 325 du Code de procédure civile,
Vu l'article 1104 du Code civil,
Vu la jurisprudence précitée, et les pièces versées aux débats,
DECLARER la SELARL EKIP' recevable et bien fondée en son intervention volontaire,
Y faisant droit,
INFIRMER le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux (sic) le 29 juin 2023 en ce qu'il a :
- Débouté la société C LES VAGUES de l'ensemble de ses demandes ;
- Condamné la société C LES VAGUES à payer 5.000 € à la SOCIETE GENERALE à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples et contraires,
- Rappelé que l'exécution provisoire est de droit,
- Condamné la société C LES VAGUES aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 70,86 € dont 11,60 € de TVA.
Et statuant à nouveau,
JUGER que la SOCIETE GENERALE a manqué à son obligation d'exécuter le contrat de
prêt de bonne foi,
En conséquence,
CONDAMNER la SOCIETE GENERALE au paiement à la SELARL EKIP', ès qualités de
liquidateur judiciaire de la société C LES VAGUES, de la somme de 120.516,61 € à titre de dommages et intérêts outre intérêts au taux légal à compter du 28 mars 2022, date de
l'assignation,
CONDAMNER la SOCIETE GENERALE à payer à la SELARL EKIP', ès qualités de liquidateur judiciaire de la société C LES VAGUES, une somme de 5.000 € au titre des
dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
CONDAMNER la SOCIETE GENERALE aux entiers dépens.'
Au dispositif de ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 24 juillet 2025, l'intimé
présente, en ces termes, ses demandes à la cour :
'Il est demandé à la Cour de :
1) CONFIRMER le jugement rendu par la 6e chambre du Tribunal de commerce de Paris le 29 juin 2023 (RG n°2022017573) en toutes ses dispositions ;
2) DÉBOUTER la SELARL EKIP' ès qualités de Mandataire Liquidateur de la SARL C LES VAGUES de l'intégralité de ses demandes ;
3) CONDAMNER la SELARL EKIP' ès qualités de Mandataire Liquidateur de la SARL C LES VAGUES aux entiers dépens de l'appel ;
4) CONDAMNER la SELARL EKIP' ès qualités de Mandataire Liquidateur de la SARL C LES VAGUES à verser à SOCIETE GENERALE la somme de 8.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et des frais irrépétibles de l'appel.'
Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs conclusions précitées.
MOTIFS DE LA DECISION
Suivant acte authentique du 19 avril 2017, la société C Les Vagues - ayant pour activité l'acquisition de tous biens et l'exploitation de tous fonds de commerce de restaurant - a souscrit auprès de la banque Société Générale un prêt 'Equipéa Optima' n°72200 d'un montant de 1 400 000 euros, d'une durée de 14 ans et 9 mois, au taux de 1,9 % l'an hors frais et assurances, en vue de financer l'acquisition d'un ensemble immobilier à [Localité 8].
La société emprunteur en décembre 2021 a présenté à la banque une demande de remboursement anticipé du prêt, à laquelle la Société Générale a répondu le 23 décembre en indiquant les montants du principal et des intérêts restant dus ainsi que le montant de la soulte de rupture qui s'élevait à 123 191 euros. La société C Les Vagues a réglé cette soulte lors de la vente du bien objet du prêt, mais en a ultérieurement contesté le montant, son conseil mettant la banque en demeure, le 18 février 2022, de justifier de son calcul, en vain.
La société d'exercice libéral à responsabilité limitée Ekip', ès qualités de liquidateur judiciaire de la société C Les Vagues, aux termes de ses dernières écritures déclare s'en remettre à justice s'agissant de la demande de nullité de la clause de soulte de rupture des conditions financières contenue dans l'acte de prêt consenti le 19 avril 2017, demande formulée initialement par la société C Les Vagues (alors in bonis).
Celle-ci soutenait également en première instance, et soutient encore à hauteur d'appel en dernier lieu aux termes des écritures du liquidateur judiciaire, que la Société Générale aurait dérogé aux principes de bonne foi et de loyauté.
Ainsi, la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Ekip', ès qualités, expose qu'aux termes de l'article 1104 du code civil : 'Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public'.
Elle fait valoir que sur le fondement de ce texte, dans une affaire dont les faits sont parfaitement similaires à ceux de la présente espèce, la Cour d'appel de Paris (arrêt du 22 janvier 2025 - Pôle 5, Chambre 6 - n°23/00049) a jugé que la Société Générale avait manqué à son obligation d'exécuter le contrat de bonne foi, et l'a condamnée au paiement de la somme correspondant au montant de la soulte de rupture des conditions financières à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice subi par son cocontractant. Il s'agissait précisément du même contrat de prêt, de la même clause, de la même banque et de la même absence de réponses claires et complètes aux interrogations du cocontractant. Dans cet arrêt, la Cour d'appel de Paris relève à juste titre que : 'La bonne foi impose une obligation de coopération et, donc, de donner les informations nécessaires à son cocontractant au cours de l'exécution du contrat'. Elle précise notamment que : 'En l'espèce, il est constant que la SCI Emeraude a réglé à la Société Générale la somme de 72 211 euros correspondant au montant de la soulte de rupture des conditions financières réclamée par cette dernière dans son e-mail de confirmation d'annulation du prêt Equipéa Optima du 28 janvier 2021 ['], somme qu'elle a contestée le jour même faute d'avoir jamais obtenu d'information satisfaisante la concernant. Les modalités de calcul de cette soulte ne sont pas mentionnées dans le mail de la Société Générale. Par ailleurs, il ressort des échanges de courriels entre les parties que la Société Générale n'a jamais communiqué à son cocontractant, malgré ses demandes réitérées, les explications sollicitées afférentes aux modalités de calcul de la soulte et aux paramètres pris en compte par la banque pour effectuer ce calcul'. La Cour ajoute que : '['] la Société Générale qui n'explique pas le montant réclamé au titre de la soulte et ne produit aucune pièce à cet égard, alors que la preuve de ce que la soulte réclamée est conforme aux stipulations du contrat lui incombe, ne justifie pas de sa créance à ce titre. Il en résulte que la SCI Emeraude lui a indûment versé la somme de 72 211 euros à ce titre et que la Société Générale doit être condamnée à lui rembourser cette somme avec intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2021, date de l'assignation'- Pièce n°12.
La société d'exercice libéral à responsabilité limitée Ekip', ès qualités, soutient ensuite qu'en l'espèce, la Société Générale a, dans les mêmes conditions, manqué à son obligation de bonne foi, elle a, de la même manière, manqué à son obligation de justifier du calcul qui a amené au montant de la soulte réclamée. En effet, elle a fourni à la société C Les Vagues un simulateur de calcul sur tableau Excel qui ne fonctionnait pas, le fichier étant verrouillé et par conséquent inexploitable, sur réclamations la banque s'est engagée à la contacter pour vérifier son support, ce qu'elle ne fera jamais. Mais aussi, la société C Les Vagues ne saurait se satisfaire de la réponse donnée le 27 décembre 2021 à sa demande d'explications du 21 courant, puisqu'il incombait au banquier de délivrer à son client toutes informations nécessaires à la mise en oeuvre des stipulations contractuelles et en l'occurrence à la mise en oeuvre de la soulte de rupture des conditions financières prévue au contrat. Si le montant de la soulte est nécessairement indéterminé au moment de la conclusion du contrat, le principe de bonne foi commande cependant d'un banquier qu'il expose précisément à son cocontractant qui le demande les modalités du calcul d'une soulte contractuellement prévue. Les explications fournies par la Société Générale dans ses courriels ne font rien d'autre que pointer des montants et des taux sans préciser aucunement les formules mathématiques adoptées.
Le rapport que la société C Les Vagues a commandé à Mme [N] (pièce 11) confirme la complexité de la méthode de calcul de la banque qu'elle n'est elle-même pas parvenue à déterminer précisément : 'L'appréhension de la valeur de la Soulte de Rupture des Conditions Financières du prêt Equipéa Optima à taux fixe nécessite donc des connaissances suffisantes sur les 11 instruments à terme et particulièrement sur les contrats d'échanges (swaps), tant en termes de fonctionnement, que de valorisations (pricing) et de risques encourus en cas de dénouement anticipé. Le fait que la marge de la patte variable du swap ne soit pas précisée sur la confirmation, complexifie encore l'appréhension de la valorisation d'un contrat équivalent résiduel lors du dénouement'. L'expert en déduit : 'Néanmoins les calculs réalisés pour les besoins de l'expertise ne permettent pas d'expliquer ce taux de 0,05 %. Cet écart peut provenir de plusieurs sources : Ecart sur les courbes Euribor, de taux zéro coupons et courbes forward, frais pris en sus de la marge initiale, absence de considération de la marge initiale dans le swap de remplacement, fréquence de paiement et méthode de calcul des intérêts à taux variables différentes'. La mauvaise foi de la Société Générale est dès lors incontestable lorsqu'elle affirme que 'les modalités de calcul de la soulte ont été rappelées dans toute la documentation contractuelle (page 15 des conclusions de l'intimée). Il en résulte que la société C Les Vagues a incontestablement subi un préjudice financier, d'un montant de 120 516,61 euros dont il est demandé la réparation par l'allocation de cette somme à titre de dommages et intérêts.
La banque intimée conclut ses écritures en faisant valoir que l'appelant abandonne la majeure partie de ses prétentions et moyens, il n'est plus maintenu que le manquement à la bonne foi de son cocontractant. Or un éventuel non-respect du devoir de loyauté - ce qui n'est pas le cas en l'espèce - ne saurait être sanctionné judiciairement en privant les obligations du contrat, en particulier le paiement d'une soulte, de toute effectivité.
Elle développe que la Société Générale a parfaitement respecté les stipulations du prêt au regard de la volonté affirmée de la société C Les Vagues de procéder à un remboursement par anticipation, notamment en lui transmettant un décompte indicatif. La société C Les Vagues ne peut invoquer une prétendue mauvaise foi de la Société Générale dans la mesure où elle a expressément consenti à la clause prévoyant la soulte lors de la conclusion du prêt
et a demandé sa mise en oeuvre en raison de sa propre décision de rembourser ledit prêt par anticipation.
En outre, la clause litigieuse ne peut être considérée comme obscure ou inintelligible, puisqu'elle précise de manière parfaitement claire les circonstances justifiant, le cas échéant, le paiement de la soulte (par exemple en cas de remboursement anticipé) et rappelle que son montant dépend de l'évolution des marchés financiers.
Le mécanisme de la soulte n'était en aucune façon imprévisible ou unilatéral comme le prétend l'appelante. Un 'simulateur de soulte' sous forme de tableau 'Excel' a été envoyé à la société C Les Vagues le 3 avril 2017, soit avant la conclusion du prêt. Ce document a permis à la société C Les Vagues de simuler le montant que pourrait représenter la soulte, puisqu'en indiquant un taux d'intérêt de marché à une date d'échéance du prêt donnée, la société C Les Vagues pouvait obtenir son montant. Elle fait preuve de mauvaise foi lorsqu'elle prétend que son gérant a toujours été dans l'impossibilité d'exploiter le 'simulateur de soulte' sur la base de courriels de ce dernier qui échouent pourtant à apporter la preuve de ses allégations. En effet, ces pièces montrent que la Société Générale a fourni une assistance au gérant de l'appelante pour exploiter le simulateur de soulte et qu'elle a proposé d'appeler ce dernier pour lui apporter directement des explications. Les demandes du gérant de la société C Les Vagues ont ainsi été satisfaites. Pour preuve, la signature du prêt est intervenue dès le lendemain. Au demeurant, ces échanges de courriels montrent toute l'attention que le gérant de la société C Les Vagues a porté au simulateur de soulte en amont du prêt.
Les indices permettant le calcul de la soulte auraient parfaitement pu tourner à l'avantage de la société C Les Vagues en cas d'évolution à la hausse des taux d'intérêt de marché au jour de la demande de remboursement anticipé du prêt, aboutissant au versement d'une soulte par Société Générale au profit de la société C Les Vagues. Le rapport amiable produit par la société C Les Vagues ne conclut à aucun moment que la soulte n'était pas déterminable ou que le montant de la soulte était fixé discrétionnairement par l'intimée sur la base d'indices qu'elle aurait elle-même choisis, comme le soutient l'appelante.
Pour le reste, le rapport d'expertise amiable de Mme [N] communiqué par l'appelante
n'est d'aucune utilité pour la solution du litige et prête à la critique. En effet, Mme [N] croit tout d'abord devoir exposer, en page 4 de son rapport, qu'aucune précision sur les modalités de remboursement par anticipation ne figurerait en page 2 de la proposition de prêt. Le fait de souligner ce point apparaît totalement gratuit. En effet, à s'en tenir à cette seule page de la présentation de Société Générale, la comparaison qui y est opérée avec le prêt alternativement proposé, sans soulte à compter du 12 avril 2025, moyennant un taux fixe plus élevé, laisse évidemment apparaître qu'une soulte s'applique à l'inverse dans l'autre proposition. Comme le rappelle Mme [N] elle-même, la soulte est par la suite mentionnée à plusieurs reprises dans la présentation. Enfin, il n'est pas soutenu que le gérant de la société C Les Vagues ignorait l'existence d'une soulte en tout état de cause, puisqu'il est démontré qu'il a au contraire tenu à en comprendre l'implication avant de souscrire le prêt. On peine dans ces conditions à comprendre l'insistance de Mme [N] sur ce point dans son rapport, sauf à démontrer le caractère orienté de celui-ci. Mme [N] indique ensuite en page 7 de son rapport que 'Rien n'indique dans les documents contractuels préalables à la confirmation datée du 31 mars 2017 et dans l'acte de prêt notarié, l'instrument financier ou les instruments financiers susceptibles d'être souscrits ou réputés souscrits par la Société Générale pour permettre de proposer cet emprunt à taux fixe, et a fortiori ni les risques ni l'évaluation de ces produits et des conséquences d'un dénouement anticipé'. Une telle affirmation est surprenante. On voit mal comment les instruments financiers souscrits, a fortiori 'réputés souscrits', pouvaient être précisés à ce stade précontractuel, pas plus que l'évaluation de ceux-ci, ou enfin les conséquences d'un dénouement anticipé qui sera nécessairement fonction de sa date et des circonstances de marchés. Il n'est en tout état de cause pas démontré par l'appelante en quoi cette précision, si elle avait été possible, aurait pu d'une quelconque façon influer sur la volonté de la société C Les Vagues de souscrire le prêt, étant rappelé qu'elle avait parfaitement connaissance de l'application de la soulte en cas de rupture anticipée. En page 9 de son rapport, Mme [N] effectue enfin une incompréhensible démonstration visant apparemment à comparer deux définitions de la soulte de rupture des conditions financières, pour en déduire de manière pour le moins énigmatique qu' 'En reprenant mot pour mot la stipulation contractuelle de la valeur de remplacement, la soulte serait donc égale à supposer exact le taux de 0,05 % présenté par la Société Générale, de 1,85 %, soit 0.0185 €'. Effectuer une différence de taux de 1.90 % - 0.05 % pour conclure à l'existence d'une soulte de 0.0185 euros n'a aucun sens, ce d'autant que la suite du rapport de Mme [N] démontre que l'experte a en réalité parfaitement compris qu'il convenait d'effectuer une actualisation des flux futurs sur le différentiel de taux en prenant en compte le capital restant dû et la durée restante du financement.
En l'espèce, il est manifeste que la soulte potentiellement due en cas de remboursement anticipé du prêt a toujours été rappelée intelligiblement dans la documentation fournie par Société Générale, tout comme son caractère aléatoire, en fonction de l'évolution des marchés financiers. La Société Générale a remis dans un premier temps à la société C Les Vagues une présentation offrant deux types de prêts, rappelant explicitement la possibilité d'être redevable de la soulte. Puis une demande de confirmation du prêt 'reprenant l'ensemble des caractéristiques du financement' proposé, et notamment la soulte, a ensuite été envoyée à la société C Les Vagues le 31 mars 2017. Il est à noter que le courriel contenant cette demande a bien rappelé à la société C Les Vagues que le prêt faisait 'suite à l'ensemble des discussions' entretenues avec Société Générale et contenait les mises en garde suivantes : 'Lors de ces échanges, vous nous avez confirmé avoir examiné attentivement les différents aspects juridiques, financiers et comptables de ce financement. Vous avez également fait votre propre analyse des risques et inconvénients de l'opération. Nous vous remercions de bien vouloir noter que ce document est une confirmation, dont le but est de s'assurer qu'aucune divergence n'existe entre nous sur les données financières de l'opération décrite ci-dessous, conclue entre nos deux établissements. Une éventuelle divergence devra être immédiatement portée à la connaissance de Société Générale'. En outre, afin de s'assurer que la société C Les Vagues prenne bien connaissance des conditions financières du prêt et y consente en toute connaissance de cause, la Société Générale avait également pris le soin de formuler dans ce courriel en gras, et donc bien en évidence, les requêtes suivantes : 'Afin de nous marquer votre accord sur cette confirmation, nous vous prions de bien vouloir, à la fois, nous retourner par email un exemplaire de cette confirmation paraphé à chaque page (y compris celle-ci) et signé en dernière page par une personne dûment habilitée avec le cachet de votre société, et nous retourner par courrier l'exemplaire original ci-dessus, paraphé et signé, à l'adresse suivante : SOCIETE GENERALE, Service de Gestion des Prêts ' [Adresse 7]'. Ainsi, compte tenu de ce formalisme protecteur, il est aujourd'hui particulièrement mal venu de la part de la société C Les Vagues de soutenir que la Société Générale ne l'a pas suffisamment informée sur les risques que comportait le prêt à taux fixe qu'elle a souhaité souscrire. Ceci est d'autant plus vrai que le document de confirmation du prêt ne faisait que quelques pages et qu'une d'elle, la dernière, où le dirigeant de la société C Les Vagues a dû apposer sa signature, était entièrement dédiée à la question du remboursement anticipé du prêt et à la soulte sous le titre explicite 'GESTION DES RISQUES ET DEBOUCLAGE ANTICIPE DU PRÊT'. Au demeurant, les conditions du prêt ont été fidèlement reportées dans l'acte notarié du 19 avril 2017, signé sans réserve par la société C Les Vagues.
Les arguments invoqués par l'appelante pour contester cette réalité sont inexacts ou dénués de pertinence. En effet, dans l'analyse de l'information qui a été effectivement fournie par l'intimée à la société C Les Vagues, il importe peu que le 'simulateur de soulte' ne soit pas entré dans le champ contractuel ; contrairement à ce que soutient l'appelante, les échanges de courriels entre son gérant et la Société Générale démontrent que l'intimée a apporté une assistance au gérant de la société C Les Vagues pour exploiter le simulateur de soulte, celui-ci étant particulièrement soucieux de comprendre le mécanisme de la soulte qu'il pourrait être amener à lui être répercutée ; et enfin, la Société Générale n'a jamais 'imposé une clause de soulte en dehors de toute négociation' ni 'manqué à son obligation précontractuelle d'information sur le coût de remboursement anticipé du prêt par la société C Les Vagues' compte tenu du processus de conclusion du prêt, de ses stipulations, du formalisme protecteur mis en place ou encore du 'simulateur de soulte' remis à l'appelante.
De manière surabondante, il est patent que la Société Générale a parfaitement satisfait au devoir général d'information qu'elle avait à l'égard de la société C Les Vagues à l'occasion de la conclusion du prêt, compte tenu des contours de ce devoir. En effet, la société C Les Vagues connaissait dès le départ tous les éléments essentiels du prêt, puisque qu'elle savait entre autres qu'il s'agissait d'un prêt Equipéa Optima d'un montant en principal de 1 400 000 euros, d'une durée de 15 ans, au taux fixe de 1,9 % l'an. La clause stipulant la soulte n'était pas une 'caractéristique essentielle' du prêt au moment de son octroi et ne devait faire l'objet d'aucune information spécifique. Pour preuve, la clause aurait parfaitement pu ne jamais être enclenchée, si la société C Les Vagues avait remboursé le prêt jusqu'à son terme. Au vu de tous ces éléments, il n'est pas sérieux de soutenir que Société Générale a manqué à son devoir général d'information lors de la conclusion du contrat, elle a délivré une information claire et complète sur les caractéristiques essentielles du prêt.
Plus précisément sur l'absence de mauvaise foi de l'intimée, les faits et accords conclus entre les parties rappelés précédemment démontrent que la Société Générale n'a fait que respecter les stipulations du prêt, à la demande de la société C Les Vagues recherchant le remboursement anticipé. C'est à la demande de la société C Les Vagues que l'intimée a appliqué les stipulations claires et intelligibles du prêt réglementant sa procédure de remboursement anticipé, dont l'une des étapes est le calcul de la soulte. La demande de nullité ou indemnitaire de la société C Les Vagues ne peut donc pas prospérer, le prétendu manquement au devoir de bonne foi dont il est question étant inexistant, sauf à considérer que la Société Générale aurait dû s'abstenir d'exécuter la procédure de remboursement anticipée convenue à la requête expresse de l'appelante.
Au demeurant, il convient de souligner que très rapidement en suite de la demande formulée par la société C Les Vagues, la Société Générale lui a soumis un décompte des sommes dues au titre du prêt, et qu'elle lui a apporté des explications sur le mécanisme de la soulte, dans son courriel du 27 décembre 2021. Ainsi, il ne peut être reproché à la Société Générale de ne pas avoir été disponible et réactive aux instructions de l'appelante, ni aucun manque à l'impératif de loyauté qui doit guider l'exécution de tout contrat. La Cour confirmera donc le rejet de la demande présentée par la société C Les Vagues sur le fondement de l'article 1104 du code civil, aucune preuve de mauvaise foi de la part de l'intimée n'étant rapportée.
La Société Générale ajoute que l'arrêt du 22 janvier 2025 dont se prévaut l'appelant énonce des circonstances qui ne sont pas analogues aux présentes, et en tout état de cause n'est pas définitif.
Elle ajoute encore qu'une créance ne peut être neutralisée pour la seule raison que son titulaire aurait manqué à son obligation de bonne foi. Le liquidateur de la société C Les Vagues ès qualités ne saurait en conséquence se prévaloir d'un prétendu manquement au devoir de loyauté pour faire valoir une demande d'indemnisation conduisant à annihiler la perception d'une soulte dont il ne conteste plus que l'obligation correspondante a été légalement formée entre les parties.
Elle fait valoir que la société C Les Vagues avait reçu de la banque toute l'information précontractuelle nécessaire, et la Société Générale ne saurait être tenue à une information complémentaire au stade de l'exécution du contrat abstraction faite de la communication d'un montant indicatif, à laquelle elle a dûment procédé. Elle ne pouvait se montrer plus précise dans ses explications, et fournir en particulier un montant définitif sans que sa cliente ne lui transmette une instruction ferme et définitive lui permettant de clôturer sa position. Or le devoir de bonne foi ne saurait imposer à la banque de réaliser des diligences essentiellement impossibles.
Enfin, le liquidateur judiciaire agissant ès qualités ne pourrait en tout état de cause obtenir pour ce motif une indemnisation d'un montant équivalent à celui de la soulte qui a été acquittée par la société C Les Vagues sans porter atteinte au principe posé par la Cour de cassation selon lequel un manquement à l'exécution de bonne foi du créancier ne peut conduire à remettre en cause la substance même de l'obligation, et en conséquence l'appelant doit être débouté de l'ensemble de ses demandes.
SUR CE
S'agissant du prétendu manquement de la banque à son obligation de bonne foi, le tribunal visant l'article 1104 du code civil a relevé que :
- 'la négociation et la formation du contrat ont donné lieu aux échanges d'informations requis',
- 'l'opération de couverture nécessaire à la construction de l'offre de prêt à taux fixe n'est pas une opération spéculative même si un tel contrat est par nature aléatoire et expose l'une des parties à un risque' et en conséquence 'le devoir de mise en garde ne peut être invoqué',
- 'en décidant en décembre 2021 d'un remboursement anticipé du prêt, la société C Les Vagues ne pouvait pas méconnaitre la clause sur la soulte de rupture présente tant dans la confirmation de prêt que dans l'acte notarié',
- 'la Société Générale a répondu dans les délais requis sur les incidences financières du remboursement anticipé',
- 'les explications fournies par la Société Générale le 27 décembre 2021 formulées en ces termes : 'Le financement ayant été mis en place lorsque les taux étaient plus élevés, ceci conduit à un coût en votre défaveur. Pour rappel le taux de votre contrat est de 1,90 % alors que le taux de marché est actuellement de 0,05 % (même profil d'amortissement et même maturité). Le différentiel de taux est de 185 points de base et la valeur du point de base étant de 657 € ce qui correspond à un impact de 121 545 €. Le montant communiqué par nos services est cohérent avec les mouvements de marché constatés entre la date de signature du contrat et le marché d'aujourd'hui.'- ont été en l'absence de la fourniture des formules précises utilisées pour le calcul de la soulte, jugées insuffisantes par la société C Les Vagues',
- 'toutefois le rapport d'expertise produit par la société C Les Vagues malgré ses réserves sur la précision de la formulation de la clause, conclut cependant que la Société Générale retient vraisemblablement la définition financière de la valeur de remplacement, la soulte présentée par cette première étant de 120 516,61 euros et ne souligne pas d'erreur manifeste dans le résultat du calcul',
pour déduire de l'ensemble de ces éléments que le contrat a été dûment formé et exécuté, en sorte que la société C Les Vagues doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts fondée sur ce moyen tiré du non respect par la banque, de son obligation de loyauté contractuelle.
Pour autant, en appel, la société C Les Vagues, si elle réfère encore au problème du simulateur de soulte qui n'aurait pas été opérationnel, en amont de la signature du contrat de prêt, caractérisant selon elle déjà à ce stade la mauvaise foi de la banque, pour l'essentiel, et sans discuter la qualité d'autres informations et échanges antérieurs à la conclusion du contrat de prêt, ni contester que le paiement de la soulte résulte de sa propre décision de rembourser le prêt de manière anticipée, en définitive l'appelant ne reproche plus à la banque que d'avoir manqué à son obligation de bonne foi, en ce que la Société Générale s'est refusée à justifier du calcul qui a amené au montant de la soulte réclamée en dépit des demandes d'explications et la communication d'une formule de calcul de la soulte que lui a adressées la société C Les Vagues. L'appelant estime que les courriels de la Société Générale ne font rien d'autre que pointer des montants et des taux sans préciser aucunement les formules mathématiques adoptées. Il prétend qu'en raison du manquement de la Société Générale à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de prêt, elle s'est vue contrainte de payer la soulte, alors qu'à aucun moment la Société Générale ne lui a fourni les éléments nécessaires à la vérification de l'exactitude du montant réclamé. Elle sollicite en conséquence l'indemnisation de son préjudice à hauteur du montant de la somme versée, de 120 516,61 euros.
En application des dispositions de l'article 1134 du code civil, dans sa version en vigueur applicable au litige : 'Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.'
Cette obligation de bonne foi contractuelle impose à chaque partie de donner à son cocontractant les informations nécessaires au cours de l'exécution du contrat.
En l'espèce, il est constant que la société C Les Vagues le 29 décembre 2021 a réglé à la Société Générale la somme de 120 516,61 euros correspondant au montant de la soulte de rupture des conditions financières, concomitamment au remboursement anticipé total du prêt immobilier n°72200.
Il s'avère que la société C Les Vagues avait d'ores et déjà élevé une contestation au sujet du calcul du montant de cette soulte, le 28 décembre 2021 (courrier non versé au débat) vraisemblablement faute d'avoir obtenu d'information satisfaisante la concernant. En effet, c'est cette réclamation qui a été rejetée par la banque, par courrier du 13 janvier 2022, sans qu'il ne soit joint de pièce sur les modalités de calcul de la soulte, en ces termes : 'Pour rappel, cette soulte correspond aux coûts, pertes et frais supportés ou réputés supportés par la banque en conséquence du dénouement par anticipation des instruments financiers souscrits par la banque pour pouvoir vous offrir un financement portant intérêts à taux fixe. Nous sommes au regret de ne pas pouvoir apporter une suite favorable à votre contestation'.
C'est ainsi qu'une nouvelle réclamation a été adressée à la banque par la voix du conseil de la société C Les Vagues, lettre dans laquelle il était notamment pointé que la réponse du 27 décembre 2021 qualifiée de laconique ne pourrait à elle seule suffire à expliquer le montant facturé à la société C Les Vagues qui représente plus de 11 % du montant résiduel du prêt. En dehors du fait que la lettre évoquait le caratère incompréhensible de la clause et qu'au jour de la signature du prêt le calcul n'était ni déterminé ni déterminable, laissant à la banque l'arbitraire d'en fixer unilatéralement le montant à la date de remboursement anticipé du prêt, argumentation abandonnée en fin de procédure d'appel, il était demandé à la Société Générale de justifier 'des calculs opérés pour parvenir à ce montant'.
C'est dans ces circonstances que la société C Les Vagues a décidé de recourir aux compétences de Mme [C] [N], inscrite sur la liste des experts judiciaires près la Cour d'appel d'Angers aux rubriques Marchés financiers et produits dérivés, Opérations de banque et de crédit, afin d'obtenir des éclaircissements y compris sur la question des modalités du calcul de la clause, et par conséquent la Société Générale ne peut valablement prétendre que ce rapport serait inutile à la solution du litige.
Dès avant, la société C Les Vagues avait immédiatement et à plusieurs reprises interrogé la banque sur ce point précis et il ressort des échanges de courriels entre les parties que la Société Générale n'a jamais communiqué à son cocontractant, malgré ses demandes réitérées, les explications sollicitées afférentes aux modalités de calcul de la soulte et aux paramètres pris en compte par la banque pour effectuer ledit calcul.
Aussi, il est à noter :
- Que la pièce 4 de la société appelante, qui est un courrier de la banque adressé au notaire qui en faisant la demande au moment de la vente du bien, mentionne une soulte de 123 191 euros pour un réglement à venir au 31 décembre 2021, et les précautions à prendre pour les démarches auprès de la salle des marchés ;
- Que c'est cette somme qui apparaissait déjà dans un décompte indicatif adressé par voie de mail à la société C Les Vagues le 22 décembre 2021 - sans détail des modalités de calcul.
- Que la pièce 5 est constituée d'un échange de mails devant l'urgence de la situation la vente du bien étant prévue pour le 29 décembre 2021, jusqu'au mail terminal du 27 décembre 2021, dont il en ressort notamment que le gérant de la société C Les Vagues estimait que la réponse de la banque à ses interrogations n'est pas pertinente quant à la méthode de calcul employée et en tout cas incomplète ;
- Qu'en effet, le 23 décembre 2021 le gérant de la société C Les Vagues M. [T] remerciait Mme [J] [V], de la Société générale, de son envoi de décompte qu'il disait aller vérifier, et précisait 'ne pas accepter en l'état une IRA de plus de 11%', estimant que : 'ce montant est totalement abusif' et 'surtout en rien étayé dans votre réponse. Pouvez- vous nous rappeler les conditions du contrat de prêt justifiant cela ainsi que le calcul de cette indemnité.'
- Qu'ainsi, par courriel du 27 décembre 2021, la Société Générale, en la personne de M. [O] [F] exerçant les fonctions de 'Responsable Dérivés de Taux', a indiqué à la société C Les Vagues :
'A titre d'information vous trouverez ci-dessous une note explicative pour vous permettre de mieux appréhender le coût de débouclage de votre financement.
Ce montant, calculé par nos services, peut s'approximer en observant le différentiel du taux de votre prêt et du taux de marché appliqué sur le capital et la durée restante.
Le financement ayant été mis en place lorsque les taux étaient plus élevés, ceci conduit à un coût en votre défaveur.
Pour rappel le taux de votre contrat est de 1,90 % alors que le taux de marché est actuellement de 0,05 % (même profil d'amortissement et même maturité).
Le différentiel de taux est de 185 points de base et la valeur du point de base étant de 657 € ce qui correspond à un impact de 121 545 €. Le montant communiqué par nos services est cohérent avec les mouvements de marché constatés entre la date de signature du contrat et le marché d'aujourd'hui.
Je me tiens à votre disposition pour toutes questions.'
Il convient de relever que s'il y a dans cette réponse de la banque, référence à une opération mathématique permettant d'arriver à la détermination d'un montant de la soulte litigieuse, il n'est pas justifé de la 'valeur du point de base' qui apparaît fonder ce calcul.
D'ailleurs M. [T] réagissait le jour même et écrivait :'Je ne suis pas un professionnel de la finance mais là les explications sont pour le moins succintes et vous comparez des choses assez bizarres. Comment pouvez-vous comparer le taux de 1,90 % qui est le taux final appliqué au prêt avec votre marge technique et commerciale à celui auquel vous achetez l'argent (actuellement 0 05 %) ! À quoi correspond la valeur que vous attribuez au point de base ''' Qui la fixe ' (...). Avez vous des éléments plus précis ''
La banque ne justifie pas avoir apporté de réponse à ce couriel.
Intimée, elle se contente de critiquer l'analyse de Mme [N] alors que l'expert termine son rapport en indiquant qu'il lui eût été :
'nécessaire de disposer de l'ensemble des éléments ayant permis à la Société Générale l'évaluation du taux fixe retenu lors du dénouement, soit a minima :
- les courbes Euribor des 31 mars 2017 et 29 décembre 2021,
- les courbes zéro coupons des 31 mars 2017 et 29 décembre 2021,
- les courbes de taux Euribor forward des 31 mars et 29 décembre 2021,
- le taux fixe et la marge appliquée à l'Euribor du swap de taux initial,
- la marge appliquée à l'Euribor du swap de taux de remplacement,
- les frais pris en sus de la marge
- les hypothèses de paiement des intérêts à taux variable reprises dans le pricer de swap.'
Or à aucun moment il ne ressort des informations successivement données par la banque à la société C Les Vagues, la moindre référence à l'un de ces éléments dont on comprend qu'ils sont susceptibles de fonder ou pour le moins d'affecter le calcul de la soulte, pas plus que la banque ne démontre avoir jamais indiqué à sa cliente ce qui est dit dans ses propres écritures, la banque précisant que (...) 'la suite du rapport de Mme [N] démontre que l'experte a en réalité parfaitement compris qu'il convenait d'effectuer une actualisation des flux futurs sur le différentiel de taux en prenant en compte le capital restant dû et la durée restante du financement'.
Il résulte donc de l'ensemble de ces éléments que la Société Générale a manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de prêt souscrit en ne donnant aucune explication précise à son cocontractant sur les paramètres pris en compte dans le calcul de la soulte.
S'agissant d'une demande de dommages et intérêts il revient à la société appelante de faire la preuve de l'existence de son préjudice. Celui-ci, nécessairement, est constitué de la différence entre d'une part la somme dont elle s'est acquittée, soit 120 516,61 euros, et d'autre part, ce qui était véritablement dû à la banque en application des stipulations contractuelles.
Or, comme vu précédemment, la banque ne justifie par aucune pièce de l'exactitude de la somme dont elle se disait créancière et qu'elle a réclamée à la société C Les Vagues.
Par conséquent il sera fait droit à la demande indemnitaire du liquidateur judiciaire de la société C Les Vagues et le jugement déféré doit être infirmé en toutes ses dispositions.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
La Société Générale qui échoue dans ses demandes, supportera la charge des dépens et ne peut prétendre à aucune somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. En revanche pour des raisons tenant à l'équité il y a lieu de faire droit à la demande de la société Ekip' ès qualité formulée sur ce même fondement, mais uniquement dans la limite de la somme de 4 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant dans les limites de l'appel,
INFIRME le jugement déféré, et statuant à nouveau,
CONDAMNE la Société Générale à payer à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Ekip' ès qualités de liquidateur judiciaire de la société C Les Vagues la somme de 120 516,61 euros à titre de dommages et intérêts outre intérêts au taux légal à compter du 28 mars 2022, date de l'assignation,
CONDAMNE la Société Générale à payer à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Ekip' ès qualités de liquidateur judiciaire de la société C Les Vagues la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à raison des frais irrépétibles exposés par elle ;
DÉBOUTE la Société Générale de sa propre demande formulée sur ce même fondement ;
CONDAMNE la Société Générale aux entiers dépens de l'instance.
* * * * *
Le greffier Le président
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRÊT DU 15 OCTOBRE 2025
(n° , 13 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/11563 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CH4JV
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Juin 2023 - tribunal de commerce de Paris 6ème chambre - RG n° 2022017573
APPELANTE
S.A.R.L. C LES VAGUES, société placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 12 mars 2025, nommant la Selarl EKIP' en qualité de liquidateur judiciaire
[Adresse 1]
[Localité 5]
N°SIREN : 818 587 339
agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Guillaume PIERRE, avocat au barreau de Paris, toque : A0259
INTIMÉE
S.A. SOCIETE GENERALE
[Adresse 3]
[Localité 6]
N°SIREN : 552 120 222
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Stéphane WOOG de la SELARL WOOG & ASSOCIES, avocat au barreau de Paris, toque : P0283
Ayant pour avocat plaidantMe Julien FISZLEIBER de la SELARL WOOG & ASSOCIES, avocat au barreau de Paris, toque : P0283
PARTIE INTERVENANTE :
La SELARL EKIP', ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL C LES VAGUES, nommée à cette fonction par jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 12 mars 2025
[Adresse 2]
[Localité 4]
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Philippe LECONTE, associé SELARL KPDB INTERBARREAUX,avocat au barreau de Paris
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 02 septembre 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Vincent BRAUD, président de chambre
Mme Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère, chargée du rapport
Mme Laurence CHAINTRON, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Yulia TREFILOVA
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Vincent BRAUD, président de chambre et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.
*****
PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 29 juin 2023 à 19 heures 07, la société à responsabilité limitée C Les Vagues a interjeté appel du jugement rendu le même jour en ce que le tribunal de commerce de Paris, saisi par voie d'assignation en date du 28 mars 2022 délivrée à sa requête à la Société Générale, a statué ainsi :
'Déboute la SARL C LES VAGUES de l'ensemble de ses demandes ;
Condamne la SARL C LES VAGUES à payer 5 000 euros à la SA SOCIETE GENERALE à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples et contraires ;
Rappelle que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit ;
Condamne la SARL C LES VAGUES aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 70,86 € dont 11,60 € de TVA.'
***
En suite de la liquidation judiciaire de la société C Les Vagues, la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Ekip', désignée liquidateur judiciaire, est intervenue volontairement à la procédure.
À l'issue de la procédure d'appel en dernier lieu clôturée le 2 septembre 2025 les prétentions des parties s'exposent de la manière suivante.
Au dispositif de ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 17 juin 2025, la société appelante désormais représentée par son liquidateur judiciaire
présente, en ces termes, ses demandes à la cour :
'Vu l'article 325 du Code de procédure civile,
Vu l'article 1104 du Code civil,
Vu la jurisprudence précitée, et les pièces versées aux débats,
DECLARER la SELARL EKIP' recevable et bien fondée en son intervention volontaire,
Y faisant droit,
INFIRMER le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux (sic) le 29 juin 2023 en ce qu'il a :
- Débouté la société C LES VAGUES de l'ensemble de ses demandes ;
- Condamné la société C LES VAGUES à payer 5.000 € à la SOCIETE GENERALE à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples et contraires,
- Rappelé que l'exécution provisoire est de droit,
- Condamné la société C LES VAGUES aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 70,86 € dont 11,60 € de TVA.
Et statuant à nouveau,
JUGER que la SOCIETE GENERALE a manqué à son obligation d'exécuter le contrat de
prêt de bonne foi,
En conséquence,
CONDAMNER la SOCIETE GENERALE au paiement à la SELARL EKIP', ès qualités de
liquidateur judiciaire de la société C LES VAGUES, de la somme de 120.516,61 € à titre de dommages et intérêts outre intérêts au taux légal à compter du 28 mars 2022, date de
l'assignation,
CONDAMNER la SOCIETE GENERALE à payer à la SELARL EKIP', ès qualités de liquidateur judiciaire de la société C LES VAGUES, une somme de 5.000 € au titre des
dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
CONDAMNER la SOCIETE GENERALE aux entiers dépens.'
Au dispositif de ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 24 juillet 2025, l'intimé
présente, en ces termes, ses demandes à la cour :
'Il est demandé à la Cour de :
1) CONFIRMER le jugement rendu par la 6e chambre du Tribunal de commerce de Paris le 29 juin 2023 (RG n°2022017573) en toutes ses dispositions ;
2) DÉBOUTER la SELARL EKIP' ès qualités de Mandataire Liquidateur de la SARL C LES VAGUES de l'intégralité de ses demandes ;
3) CONDAMNER la SELARL EKIP' ès qualités de Mandataire Liquidateur de la SARL C LES VAGUES aux entiers dépens de l'appel ;
4) CONDAMNER la SELARL EKIP' ès qualités de Mandataire Liquidateur de la SARL C LES VAGUES à verser à SOCIETE GENERALE la somme de 8.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et des frais irrépétibles de l'appel.'
Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs conclusions précitées.
MOTIFS DE LA DECISION
Suivant acte authentique du 19 avril 2017, la société C Les Vagues - ayant pour activité l'acquisition de tous biens et l'exploitation de tous fonds de commerce de restaurant - a souscrit auprès de la banque Société Générale un prêt 'Equipéa Optima' n°72200 d'un montant de 1 400 000 euros, d'une durée de 14 ans et 9 mois, au taux de 1,9 % l'an hors frais et assurances, en vue de financer l'acquisition d'un ensemble immobilier à [Localité 8].
La société emprunteur en décembre 2021 a présenté à la banque une demande de remboursement anticipé du prêt, à laquelle la Société Générale a répondu le 23 décembre en indiquant les montants du principal et des intérêts restant dus ainsi que le montant de la soulte de rupture qui s'élevait à 123 191 euros. La société C Les Vagues a réglé cette soulte lors de la vente du bien objet du prêt, mais en a ultérieurement contesté le montant, son conseil mettant la banque en demeure, le 18 février 2022, de justifier de son calcul, en vain.
La société d'exercice libéral à responsabilité limitée Ekip', ès qualités de liquidateur judiciaire de la société C Les Vagues, aux termes de ses dernières écritures déclare s'en remettre à justice s'agissant de la demande de nullité de la clause de soulte de rupture des conditions financières contenue dans l'acte de prêt consenti le 19 avril 2017, demande formulée initialement par la société C Les Vagues (alors in bonis).
Celle-ci soutenait également en première instance, et soutient encore à hauteur d'appel en dernier lieu aux termes des écritures du liquidateur judiciaire, que la Société Générale aurait dérogé aux principes de bonne foi et de loyauté.
Ainsi, la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Ekip', ès qualités, expose qu'aux termes de l'article 1104 du code civil : 'Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public'.
Elle fait valoir que sur le fondement de ce texte, dans une affaire dont les faits sont parfaitement similaires à ceux de la présente espèce, la Cour d'appel de Paris (arrêt du 22 janvier 2025 - Pôle 5, Chambre 6 - n°23/00049) a jugé que la Société Générale avait manqué à son obligation d'exécuter le contrat de bonne foi, et l'a condamnée au paiement de la somme correspondant au montant de la soulte de rupture des conditions financières à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice subi par son cocontractant. Il s'agissait précisément du même contrat de prêt, de la même clause, de la même banque et de la même absence de réponses claires et complètes aux interrogations du cocontractant. Dans cet arrêt, la Cour d'appel de Paris relève à juste titre que : 'La bonne foi impose une obligation de coopération et, donc, de donner les informations nécessaires à son cocontractant au cours de l'exécution du contrat'. Elle précise notamment que : 'En l'espèce, il est constant que la SCI Emeraude a réglé à la Société Générale la somme de 72 211 euros correspondant au montant de la soulte de rupture des conditions financières réclamée par cette dernière dans son e-mail de confirmation d'annulation du prêt Equipéa Optima du 28 janvier 2021 ['], somme qu'elle a contestée le jour même faute d'avoir jamais obtenu d'information satisfaisante la concernant. Les modalités de calcul de cette soulte ne sont pas mentionnées dans le mail de la Société Générale. Par ailleurs, il ressort des échanges de courriels entre les parties que la Société Générale n'a jamais communiqué à son cocontractant, malgré ses demandes réitérées, les explications sollicitées afférentes aux modalités de calcul de la soulte et aux paramètres pris en compte par la banque pour effectuer ce calcul'. La Cour ajoute que : '['] la Société Générale qui n'explique pas le montant réclamé au titre de la soulte et ne produit aucune pièce à cet égard, alors que la preuve de ce que la soulte réclamée est conforme aux stipulations du contrat lui incombe, ne justifie pas de sa créance à ce titre. Il en résulte que la SCI Emeraude lui a indûment versé la somme de 72 211 euros à ce titre et que la Société Générale doit être condamnée à lui rembourser cette somme avec intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2021, date de l'assignation'- Pièce n°12.
La société d'exercice libéral à responsabilité limitée Ekip', ès qualités, soutient ensuite qu'en l'espèce, la Société Générale a, dans les mêmes conditions, manqué à son obligation de bonne foi, elle a, de la même manière, manqué à son obligation de justifier du calcul qui a amené au montant de la soulte réclamée. En effet, elle a fourni à la société C Les Vagues un simulateur de calcul sur tableau Excel qui ne fonctionnait pas, le fichier étant verrouillé et par conséquent inexploitable, sur réclamations la banque s'est engagée à la contacter pour vérifier son support, ce qu'elle ne fera jamais. Mais aussi, la société C Les Vagues ne saurait se satisfaire de la réponse donnée le 27 décembre 2021 à sa demande d'explications du 21 courant, puisqu'il incombait au banquier de délivrer à son client toutes informations nécessaires à la mise en oeuvre des stipulations contractuelles et en l'occurrence à la mise en oeuvre de la soulte de rupture des conditions financières prévue au contrat. Si le montant de la soulte est nécessairement indéterminé au moment de la conclusion du contrat, le principe de bonne foi commande cependant d'un banquier qu'il expose précisément à son cocontractant qui le demande les modalités du calcul d'une soulte contractuellement prévue. Les explications fournies par la Société Générale dans ses courriels ne font rien d'autre que pointer des montants et des taux sans préciser aucunement les formules mathématiques adoptées.
Le rapport que la société C Les Vagues a commandé à Mme [N] (pièce 11) confirme la complexité de la méthode de calcul de la banque qu'elle n'est elle-même pas parvenue à déterminer précisément : 'L'appréhension de la valeur de la Soulte de Rupture des Conditions Financières du prêt Equipéa Optima à taux fixe nécessite donc des connaissances suffisantes sur les 11 instruments à terme et particulièrement sur les contrats d'échanges (swaps), tant en termes de fonctionnement, que de valorisations (pricing) et de risques encourus en cas de dénouement anticipé. Le fait que la marge de la patte variable du swap ne soit pas précisée sur la confirmation, complexifie encore l'appréhension de la valorisation d'un contrat équivalent résiduel lors du dénouement'. L'expert en déduit : 'Néanmoins les calculs réalisés pour les besoins de l'expertise ne permettent pas d'expliquer ce taux de 0,05 %. Cet écart peut provenir de plusieurs sources : Ecart sur les courbes Euribor, de taux zéro coupons et courbes forward, frais pris en sus de la marge initiale, absence de considération de la marge initiale dans le swap de remplacement, fréquence de paiement et méthode de calcul des intérêts à taux variables différentes'. La mauvaise foi de la Société Générale est dès lors incontestable lorsqu'elle affirme que 'les modalités de calcul de la soulte ont été rappelées dans toute la documentation contractuelle (page 15 des conclusions de l'intimée). Il en résulte que la société C Les Vagues a incontestablement subi un préjudice financier, d'un montant de 120 516,61 euros dont il est demandé la réparation par l'allocation de cette somme à titre de dommages et intérêts.
La banque intimée conclut ses écritures en faisant valoir que l'appelant abandonne la majeure partie de ses prétentions et moyens, il n'est plus maintenu que le manquement à la bonne foi de son cocontractant. Or un éventuel non-respect du devoir de loyauté - ce qui n'est pas le cas en l'espèce - ne saurait être sanctionné judiciairement en privant les obligations du contrat, en particulier le paiement d'une soulte, de toute effectivité.
Elle développe que la Société Générale a parfaitement respecté les stipulations du prêt au regard de la volonté affirmée de la société C Les Vagues de procéder à un remboursement par anticipation, notamment en lui transmettant un décompte indicatif. La société C Les Vagues ne peut invoquer une prétendue mauvaise foi de la Société Générale dans la mesure où elle a expressément consenti à la clause prévoyant la soulte lors de la conclusion du prêt
et a demandé sa mise en oeuvre en raison de sa propre décision de rembourser ledit prêt par anticipation.
En outre, la clause litigieuse ne peut être considérée comme obscure ou inintelligible, puisqu'elle précise de manière parfaitement claire les circonstances justifiant, le cas échéant, le paiement de la soulte (par exemple en cas de remboursement anticipé) et rappelle que son montant dépend de l'évolution des marchés financiers.
Le mécanisme de la soulte n'était en aucune façon imprévisible ou unilatéral comme le prétend l'appelante. Un 'simulateur de soulte' sous forme de tableau 'Excel' a été envoyé à la société C Les Vagues le 3 avril 2017, soit avant la conclusion du prêt. Ce document a permis à la société C Les Vagues de simuler le montant que pourrait représenter la soulte, puisqu'en indiquant un taux d'intérêt de marché à une date d'échéance du prêt donnée, la société C Les Vagues pouvait obtenir son montant. Elle fait preuve de mauvaise foi lorsqu'elle prétend que son gérant a toujours été dans l'impossibilité d'exploiter le 'simulateur de soulte' sur la base de courriels de ce dernier qui échouent pourtant à apporter la preuve de ses allégations. En effet, ces pièces montrent que la Société Générale a fourni une assistance au gérant de l'appelante pour exploiter le simulateur de soulte et qu'elle a proposé d'appeler ce dernier pour lui apporter directement des explications. Les demandes du gérant de la société C Les Vagues ont ainsi été satisfaites. Pour preuve, la signature du prêt est intervenue dès le lendemain. Au demeurant, ces échanges de courriels montrent toute l'attention que le gérant de la société C Les Vagues a porté au simulateur de soulte en amont du prêt.
Les indices permettant le calcul de la soulte auraient parfaitement pu tourner à l'avantage de la société C Les Vagues en cas d'évolution à la hausse des taux d'intérêt de marché au jour de la demande de remboursement anticipé du prêt, aboutissant au versement d'une soulte par Société Générale au profit de la société C Les Vagues. Le rapport amiable produit par la société C Les Vagues ne conclut à aucun moment que la soulte n'était pas déterminable ou que le montant de la soulte était fixé discrétionnairement par l'intimée sur la base d'indices qu'elle aurait elle-même choisis, comme le soutient l'appelante.
Pour le reste, le rapport d'expertise amiable de Mme [N] communiqué par l'appelante
n'est d'aucune utilité pour la solution du litige et prête à la critique. En effet, Mme [N] croit tout d'abord devoir exposer, en page 4 de son rapport, qu'aucune précision sur les modalités de remboursement par anticipation ne figurerait en page 2 de la proposition de prêt. Le fait de souligner ce point apparaît totalement gratuit. En effet, à s'en tenir à cette seule page de la présentation de Société Générale, la comparaison qui y est opérée avec le prêt alternativement proposé, sans soulte à compter du 12 avril 2025, moyennant un taux fixe plus élevé, laisse évidemment apparaître qu'une soulte s'applique à l'inverse dans l'autre proposition. Comme le rappelle Mme [N] elle-même, la soulte est par la suite mentionnée à plusieurs reprises dans la présentation. Enfin, il n'est pas soutenu que le gérant de la société C Les Vagues ignorait l'existence d'une soulte en tout état de cause, puisqu'il est démontré qu'il a au contraire tenu à en comprendre l'implication avant de souscrire le prêt. On peine dans ces conditions à comprendre l'insistance de Mme [N] sur ce point dans son rapport, sauf à démontrer le caractère orienté de celui-ci. Mme [N] indique ensuite en page 7 de son rapport que 'Rien n'indique dans les documents contractuels préalables à la confirmation datée du 31 mars 2017 et dans l'acte de prêt notarié, l'instrument financier ou les instruments financiers susceptibles d'être souscrits ou réputés souscrits par la Société Générale pour permettre de proposer cet emprunt à taux fixe, et a fortiori ni les risques ni l'évaluation de ces produits et des conséquences d'un dénouement anticipé'. Une telle affirmation est surprenante. On voit mal comment les instruments financiers souscrits, a fortiori 'réputés souscrits', pouvaient être précisés à ce stade précontractuel, pas plus que l'évaluation de ceux-ci, ou enfin les conséquences d'un dénouement anticipé qui sera nécessairement fonction de sa date et des circonstances de marchés. Il n'est en tout état de cause pas démontré par l'appelante en quoi cette précision, si elle avait été possible, aurait pu d'une quelconque façon influer sur la volonté de la société C Les Vagues de souscrire le prêt, étant rappelé qu'elle avait parfaitement connaissance de l'application de la soulte en cas de rupture anticipée. En page 9 de son rapport, Mme [N] effectue enfin une incompréhensible démonstration visant apparemment à comparer deux définitions de la soulte de rupture des conditions financières, pour en déduire de manière pour le moins énigmatique qu' 'En reprenant mot pour mot la stipulation contractuelle de la valeur de remplacement, la soulte serait donc égale à supposer exact le taux de 0,05 % présenté par la Société Générale, de 1,85 %, soit 0.0185 €'. Effectuer une différence de taux de 1.90 % - 0.05 % pour conclure à l'existence d'une soulte de 0.0185 euros n'a aucun sens, ce d'autant que la suite du rapport de Mme [N] démontre que l'experte a en réalité parfaitement compris qu'il convenait d'effectuer une actualisation des flux futurs sur le différentiel de taux en prenant en compte le capital restant dû et la durée restante du financement.
En l'espèce, il est manifeste que la soulte potentiellement due en cas de remboursement anticipé du prêt a toujours été rappelée intelligiblement dans la documentation fournie par Société Générale, tout comme son caractère aléatoire, en fonction de l'évolution des marchés financiers. La Société Générale a remis dans un premier temps à la société C Les Vagues une présentation offrant deux types de prêts, rappelant explicitement la possibilité d'être redevable de la soulte. Puis une demande de confirmation du prêt 'reprenant l'ensemble des caractéristiques du financement' proposé, et notamment la soulte, a ensuite été envoyée à la société C Les Vagues le 31 mars 2017. Il est à noter que le courriel contenant cette demande a bien rappelé à la société C Les Vagues que le prêt faisait 'suite à l'ensemble des discussions' entretenues avec Société Générale et contenait les mises en garde suivantes : 'Lors de ces échanges, vous nous avez confirmé avoir examiné attentivement les différents aspects juridiques, financiers et comptables de ce financement. Vous avez également fait votre propre analyse des risques et inconvénients de l'opération. Nous vous remercions de bien vouloir noter que ce document est une confirmation, dont le but est de s'assurer qu'aucune divergence n'existe entre nous sur les données financières de l'opération décrite ci-dessous, conclue entre nos deux établissements. Une éventuelle divergence devra être immédiatement portée à la connaissance de Société Générale'. En outre, afin de s'assurer que la société C Les Vagues prenne bien connaissance des conditions financières du prêt et y consente en toute connaissance de cause, la Société Générale avait également pris le soin de formuler dans ce courriel en gras, et donc bien en évidence, les requêtes suivantes : 'Afin de nous marquer votre accord sur cette confirmation, nous vous prions de bien vouloir, à la fois, nous retourner par email un exemplaire de cette confirmation paraphé à chaque page (y compris celle-ci) et signé en dernière page par une personne dûment habilitée avec le cachet de votre société, et nous retourner par courrier l'exemplaire original ci-dessus, paraphé et signé, à l'adresse suivante : SOCIETE GENERALE, Service de Gestion des Prêts ' [Adresse 7]'. Ainsi, compte tenu de ce formalisme protecteur, il est aujourd'hui particulièrement mal venu de la part de la société C Les Vagues de soutenir que la Société Générale ne l'a pas suffisamment informée sur les risques que comportait le prêt à taux fixe qu'elle a souhaité souscrire. Ceci est d'autant plus vrai que le document de confirmation du prêt ne faisait que quelques pages et qu'une d'elle, la dernière, où le dirigeant de la société C Les Vagues a dû apposer sa signature, était entièrement dédiée à la question du remboursement anticipé du prêt et à la soulte sous le titre explicite 'GESTION DES RISQUES ET DEBOUCLAGE ANTICIPE DU PRÊT'. Au demeurant, les conditions du prêt ont été fidèlement reportées dans l'acte notarié du 19 avril 2017, signé sans réserve par la société C Les Vagues.
Les arguments invoqués par l'appelante pour contester cette réalité sont inexacts ou dénués de pertinence. En effet, dans l'analyse de l'information qui a été effectivement fournie par l'intimée à la société C Les Vagues, il importe peu que le 'simulateur de soulte' ne soit pas entré dans le champ contractuel ; contrairement à ce que soutient l'appelante, les échanges de courriels entre son gérant et la Société Générale démontrent que l'intimée a apporté une assistance au gérant de la société C Les Vagues pour exploiter le simulateur de soulte, celui-ci étant particulièrement soucieux de comprendre le mécanisme de la soulte qu'il pourrait être amener à lui être répercutée ; et enfin, la Société Générale n'a jamais 'imposé une clause de soulte en dehors de toute négociation' ni 'manqué à son obligation précontractuelle d'information sur le coût de remboursement anticipé du prêt par la société C Les Vagues' compte tenu du processus de conclusion du prêt, de ses stipulations, du formalisme protecteur mis en place ou encore du 'simulateur de soulte' remis à l'appelante.
De manière surabondante, il est patent que la Société Générale a parfaitement satisfait au devoir général d'information qu'elle avait à l'égard de la société C Les Vagues à l'occasion de la conclusion du prêt, compte tenu des contours de ce devoir. En effet, la société C Les Vagues connaissait dès le départ tous les éléments essentiels du prêt, puisque qu'elle savait entre autres qu'il s'agissait d'un prêt Equipéa Optima d'un montant en principal de 1 400 000 euros, d'une durée de 15 ans, au taux fixe de 1,9 % l'an. La clause stipulant la soulte n'était pas une 'caractéristique essentielle' du prêt au moment de son octroi et ne devait faire l'objet d'aucune information spécifique. Pour preuve, la clause aurait parfaitement pu ne jamais être enclenchée, si la société C Les Vagues avait remboursé le prêt jusqu'à son terme. Au vu de tous ces éléments, il n'est pas sérieux de soutenir que Société Générale a manqué à son devoir général d'information lors de la conclusion du contrat, elle a délivré une information claire et complète sur les caractéristiques essentielles du prêt.
Plus précisément sur l'absence de mauvaise foi de l'intimée, les faits et accords conclus entre les parties rappelés précédemment démontrent que la Société Générale n'a fait que respecter les stipulations du prêt, à la demande de la société C Les Vagues recherchant le remboursement anticipé. C'est à la demande de la société C Les Vagues que l'intimée a appliqué les stipulations claires et intelligibles du prêt réglementant sa procédure de remboursement anticipé, dont l'une des étapes est le calcul de la soulte. La demande de nullité ou indemnitaire de la société C Les Vagues ne peut donc pas prospérer, le prétendu manquement au devoir de bonne foi dont il est question étant inexistant, sauf à considérer que la Société Générale aurait dû s'abstenir d'exécuter la procédure de remboursement anticipée convenue à la requête expresse de l'appelante.
Au demeurant, il convient de souligner que très rapidement en suite de la demande formulée par la société C Les Vagues, la Société Générale lui a soumis un décompte des sommes dues au titre du prêt, et qu'elle lui a apporté des explications sur le mécanisme de la soulte, dans son courriel du 27 décembre 2021. Ainsi, il ne peut être reproché à la Société Générale de ne pas avoir été disponible et réactive aux instructions de l'appelante, ni aucun manque à l'impératif de loyauté qui doit guider l'exécution de tout contrat. La Cour confirmera donc le rejet de la demande présentée par la société C Les Vagues sur le fondement de l'article 1104 du code civil, aucune preuve de mauvaise foi de la part de l'intimée n'étant rapportée.
La Société Générale ajoute que l'arrêt du 22 janvier 2025 dont se prévaut l'appelant énonce des circonstances qui ne sont pas analogues aux présentes, et en tout état de cause n'est pas définitif.
Elle ajoute encore qu'une créance ne peut être neutralisée pour la seule raison que son titulaire aurait manqué à son obligation de bonne foi. Le liquidateur de la société C Les Vagues ès qualités ne saurait en conséquence se prévaloir d'un prétendu manquement au devoir de loyauté pour faire valoir une demande d'indemnisation conduisant à annihiler la perception d'une soulte dont il ne conteste plus que l'obligation correspondante a été légalement formée entre les parties.
Elle fait valoir que la société C Les Vagues avait reçu de la banque toute l'information précontractuelle nécessaire, et la Société Générale ne saurait être tenue à une information complémentaire au stade de l'exécution du contrat abstraction faite de la communication d'un montant indicatif, à laquelle elle a dûment procédé. Elle ne pouvait se montrer plus précise dans ses explications, et fournir en particulier un montant définitif sans que sa cliente ne lui transmette une instruction ferme et définitive lui permettant de clôturer sa position. Or le devoir de bonne foi ne saurait imposer à la banque de réaliser des diligences essentiellement impossibles.
Enfin, le liquidateur judiciaire agissant ès qualités ne pourrait en tout état de cause obtenir pour ce motif une indemnisation d'un montant équivalent à celui de la soulte qui a été acquittée par la société C Les Vagues sans porter atteinte au principe posé par la Cour de cassation selon lequel un manquement à l'exécution de bonne foi du créancier ne peut conduire à remettre en cause la substance même de l'obligation, et en conséquence l'appelant doit être débouté de l'ensemble de ses demandes.
SUR CE
S'agissant du prétendu manquement de la banque à son obligation de bonne foi, le tribunal visant l'article 1104 du code civil a relevé que :
- 'la négociation et la formation du contrat ont donné lieu aux échanges d'informations requis',
- 'l'opération de couverture nécessaire à la construction de l'offre de prêt à taux fixe n'est pas une opération spéculative même si un tel contrat est par nature aléatoire et expose l'une des parties à un risque' et en conséquence 'le devoir de mise en garde ne peut être invoqué',
- 'en décidant en décembre 2021 d'un remboursement anticipé du prêt, la société C Les Vagues ne pouvait pas méconnaitre la clause sur la soulte de rupture présente tant dans la confirmation de prêt que dans l'acte notarié',
- 'la Société Générale a répondu dans les délais requis sur les incidences financières du remboursement anticipé',
- 'les explications fournies par la Société Générale le 27 décembre 2021 formulées en ces termes : 'Le financement ayant été mis en place lorsque les taux étaient plus élevés, ceci conduit à un coût en votre défaveur. Pour rappel le taux de votre contrat est de 1,90 % alors que le taux de marché est actuellement de 0,05 % (même profil d'amortissement et même maturité). Le différentiel de taux est de 185 points de base et la valeur du point de base étant de 657 € ce qui correspond à un impact de 121 545 €. Le montant communiqué par nos services est cohérent avec les mouvements de marché constatés entre la date de signature du contrat et le marché d'aujourd'hui.'- ont été en l'absence de la fourniture des formules précises utilisées pour le calcul de la soulte, jugées insuffisantes par la société C Les Vagues',
- 'toutefois le rapport d'expertise produit par la société C Les Vagues malgré ses réserves sur la précision de la formulation de la clause, conclut cependant que la Société Générale retient vraisemblablement la définition financière de la valeur de remplacement, la soulte présentée par cette première étant de 120 516,61 euros et ne souligne pas d'erreur manifeste dans le résultat du calcul',
pour déduire de l'ensemble de ces éléments que le contrat a été dûment formé et exécuté, en sorte que la société C Les Vagues doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts fondée sur ce moyen tiré du non respect par la banque, de son obligation de loyauté contractuelle.
Pour autant, en appel, la société C Les Vagues, si elle réfère encore au problème du simulateur de soulte qui n'aurait pas été opérationnel, en amont de la signature du contrat de prêt, caractérisant selon elle déjà à ce stade la mauvaise foi de la banque, pour l'essentiel, et sans discuter la qualité d'autres informations et échanges antérieurs à la conclusion du contrat de prêt, ni contester que le paiement de la soulte résulte de sa propre décision de rembourser le prêt de manière anticipée, en définitive l'appelant ne reproche plus à la banque que d'avoir manqué à son obligation de bonne foi, en ce que la Société Générale s'est refusée à justifier du calcul qui a amené au montant de la soulte réclamée en dépit des demandes d'explications et la communication d'une formule de calcul de la soulte que lui a adressées la société C Les Vagues. L'appelant estime que les courriels de la Société Générale ne font rien d'autre que pointer des montants et des taux sans préciser aucunement les formules mathématiques adoptées. Il prétend qu'en raison du manquement de la Société Générale à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de prêt, elle s'est vue contrainte de payer la soulte, alors qu'à aucun moment la Société Générale ne lui a fourni les éléments nécessaires à la vérification de l'exactitude du montant réclamé. Elle sollicite en conséquence l'indemnisation de son préjudice à hauteur du montant de la somme versée, de 120 516,61 euros.
En application des dispositions de l'article 1134 du code civil, dans sa version en vigueur applicable au litige : 'Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.'
Cette obligation de bonne foi contractuelle impose à chaque partie de donner à son cocontractant les informations nécessaires au cours de l'exécution du contrat.
En l'espèce, il est constant que la société C Les Vagues le 29 décembre 2021 a réglé à la Société Générale la somme de 120 516,61 euros correspondant au montant de la soulte de rupture des conditions financières, concomitamment au remboursement anticipé total du prêt immobilier n°72200.
Il s'avère que la société C Les Vagues avait d'ores et déjà élevé une contestation au sujet du calcul du montant de cette soulte, le 28 décembre 2021 (courrier non versé au débat) vraisemblablement faute d'avoir obtenu d'information satisfaisante la concernant. En effet, c'est cette réclamation qui a été rejetée par la banque, par courrier du 13 janvier 2022, sans qu'il ne soit joint de pièce sur les modalités de calcul de la soulte, en ces termes : 'Pour rappel, cette soulte correspond aux coûts, pertes et frais supportés ou réputés supportés par la banque en conséquence du dénouement par anticipation des instruments financiers souscrits par la banque pour pouvoir vous offrir un financement portant intérêts à taux fixe. Nous sommes au regret de ne pas pouvoir apporter une suite favorable à votre contestation'.
C'est ainsi qu'une nouvelle réclamation a été adressée à la banque par la voix du conseil de la société C Les Vagues, lettre dans laquelle il était notamment pointé que la réponse du 27 décembre 2021 qualifiée de laconique ne pourrait à elle seule suffire à expliquer le montant facturé à la société C Les Vagues qui représente plus de 11 % du montant résiduel du prêt. En dehors du fait que la lettre évoquait le caratère incompréhensible de la clause et qu'au jour de la signature du prêt le calcul n'était ni déterminé ni déterminable, laissant à la banque l'arbitraire d'en fixer unilatéralement le montant à la date de remboursement anticipé du prêt, argumentation abandonnée en fin de procédure d'appel, il était demandé à la Société Générale de justifier 'des calculs opérés pour parvenir à ce montant'.
C'est dans ces circonstances que la société C Les Vagues a décidé de recourir aux compétences de Mme [C] [N], inscrite sur la liste des experts judiciaires près la Cour d'appel d'Angers aux rubriques Marchés financiers et produits dérivés, Opérations de banque et de crédit, afin d'obtenir des éclaircissements y compris sur la question des modalités du calcul de la clause, et par conséquent la Société Générale ne peut valablement prétendre que ce rapport serait inutile à la solution du litige.
Dès avant, la société C Les Vagues avait immédiatement et à plusieurs reprises interrogé la banque sur ce point précis et il ressort des échanges de courriels entre les parties que la Société Générale n'a jamais communiqué à son cocontractant, malgré ses demandes réitérées, les explications sollicitées afférentes aux modalités de calcul de la soulte et aux paramètres pris en compte par la banque pour effectuer ledit calcul.
Aussi, il est à noter :
- Que la pièce 4 de la société appelante, qui est un courrier de la banque adressé au notaire qui en faisant la demande au moment de la vente du bien, mentionne une soulte de 123 191 euros pour un réglement à venir au 31 décembre 2021, et les précautions à prendre pour les démarches auprès de la salle des marchés ;
- Que c'est cette somme qui apparaissait déjà dans un décompte indicatif adressé par voie de mail à la société C Les Vagues le 22 décembre 2021 - sans détail des modalités de calcul.
- Que la pièce 5 est constituée d'un échange de mails devant l'urgence de la situation la vente du bien étant prévue pour le 29 décembre 2021, jusqu'au mail terminal du 27 décembre 2021, dont il en ressort notamment que le gérant de la société C Les Vagues estimait que la réponse de la banque à ses interrogations n'est pas pertinente quant à la méthode de calcul employée et en tout cas incomplète ;
- Qu'en effet, le 23 décembre 2021 le gérant de la société C Les Vagues M. [T] remerciait Mme [J] [V], de la Société générale, de son envoi de décompte qu'il disait aller vérifier, et précisait 'ne pas accepter en l'état une IRA de plus de 11%', estimant que : 'ce montant est totalement abusif' et 'surtout en rien étayé dans votre réponse. Pouvez- vous nous rappeler les conditions du contrat de prêt justifiant cela ainsi que le calcul de cette indemnité.'
- Qu'ainsi, par courriel du 27 décembre 2021, la Société Générale, en la personne de M. [O] [F] exerçant les fonctions de 'Responsable Dérivés de Taux', a indiqué à la société C Les Vagues :
'A titre d'information vous trouverez ci-dessous une note explicative pour vous permettre de mieux appréhender le coût de débouclage de votre financement.
Ce montant, calculé par nos services, peut s'approximer en observant le différentiel du taux de votre prêt et du taux de marché appliqué sur le capital et la durée restante.
Le financement ayant été mis en place lorsque les taux étaient plus élevés, ceci conduit à un coût en votre défaveur.
Pour rappel le taux de votre contrat est de 1,90 % alors que le taux de marché est actuellement de 0,05 % (même profil d'amortissement et même maturité).
Le différentiel de taux est de 185 points de base et la valeur du point de base étant de 657 € ce qui correspond à un impact de 121 545 €. Le montant communiqué par nos services est cohérent avec les mouvements de marché constatés entre la date de signature du contrat et le marché d'aujourd'hui.
Je me tiens à votre disposition pour toutes questions.'
Il convient de relever que s'il y a dans cette réponse de la banque, référence à une opération mathématique permettant d'arriver à la détermination d'un montant de la soulte litigieuse, il n'est pas justifé de la 'valeur du point de base' qui apparaît fonder ce calcul.
D'ailleurs M. [T] réagissait le jour même et écrivait :'Je ne suis pas un professionnel de la finance mais là les explications sont pour le moins succintes et vous comparez des choses assez bizarres. Comment pouvez-vous comparer le taux de 1,90 % qui est le taux final appliqué au prêt avec votre marge technique et commerciale à celui auquel vous achetez l'argent (actuellement 0 05 %) ! À quoi correspond la valeur que vous attribuez au point de base ''' Qui la fixe ' (...). Avez vous des éléments plus précis ''
La banque ne justifie pas avoir apporté de réponse à ce couriel.
Intimée, elle se contente de critiquer l'analyse de Mme [N] alors que l'expert termine son rapport en indiquant qu'il lui eût été :
'nécessaire de disposer de l'ensemble des éléments ayant permis à la Société Générale l'évaluation du taux fixe retenu lors du dénouement, soit a minima :
- les courbes Euribor des 31 mars 2017 et 29 décembre 2021,
- les courbes zéro coupons des 31 mars 2017 et 29 décembre 2021,
- les courbes de taux Euribor forward des 31 mars et 29 décembre 2021,
- le taux fixe et la marge appliquée à l'Euribor du swap de taux initial,
- la marge appliquée à l'Euribor du swap de taux de remplacement,
- les frais pris en sus de la marge
- les hypothèses de paiement des intérêts à taux variable reprises dans le pricer de swap.'
Or à aucun moment il ne ressort des informations successivement données par la banque à la société C Les Vagues, la moindre référence à l'un de ces éléments dont on comprend qu'ils sont susceptibles de fonder ou pour le moins d'affecter le calcul de la soulte, pas plus que la banque ne démontre avoir jamais indiqué à sa cliente ce qui est dit dans ses propres écritures, la banque précisant que (...) 'la suite du rapport de Mme [N] démontre que l'experte a en réalité parfaitement compris qu'il convenait d'effectuer une actualisation des flux futurs sur le différentiel de taux en prenant en compte le capital restant dû et la durée restante du financement'.
Il résulte donc de l'ensemble de ces éléments que la Société Générale a manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de prêt souscrit en ne donnant aucune explication précise à son cocontractant sur les paramètres pris en compte dans le calcul de la soulte.
S'agissant d'une demande de dommages et intérêts il revient à la société appelante de faire la preuve de l'existence de son préjudice. Celui-ci, nécessairement, est constitué de la différence entre d'une part la somme dont elle s'est acquittée, soit 120 516,61 euros, et d'autre part, ce qui était véritablement dû à la banque en application des stipulations contractuelles.
Or, comme vu précédemment, la banque ne justifie par aucune pièce de l'exactitude de la somme dont elle se disait créancière et qu'elle a réclamée à la société C Les Vagues.
Par conséquent il sera fait droit à la demande indemnitaire du liquidateur judiciaire de la société C Les Vagues et le jugement déféré doit être infirmé en toutes ses dispositions.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
La Société Générale qui échoue dans ses demandes, supportera la charge des dépens et ne peut prétendre à aucune somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. En revanche pour des raisons tenant à l'équité il y a lieu de faire droit à la demande de la société Ekip' ès qualité formulée sur ce même fondement, mais uniquement dans la limite de la somme de 4 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant dans les limites de l'appel,
INFIRME le jugement déféré, et statuant à nouveau,
CONDAMNE la Société Générale à payer à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Ekip' ès qualités de liquidateur judiciaire de la société C Les Vagues la somme de 120 516,61 euros à titre de dommages et intérêts outre intérêts au taux légal à compter du 28 mars 2022, date de l'assignation,
CONDAMNE la Société Générale à payer à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Ekip' ès qualités de liquidateur judiciaire de la société C Les Vagues la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à raison des frais irrépétibles exposés par elle ;
DÉBOUTE la Société Générale de sa propre demande formulée sur ce même fondement ;
CONDAMNE la Société Générale aux entiers dépens de l'instance.
* * * * *
Le greffier Le président