CA Rennes, 8e ch prud'homale, 15 octobre 2025, n° 21/08074
RENNES
Arrêt
Autre
8ème Ch Prud'homale
ARRÊT N°263
N° RG 21/08074 -
N° Portalis DBVL-V-B7F-SK3S
Mme [H] [E] [I]
C/
- S.E.L.A.S. PHARMACIE [R]
- S.A.R.L. [Adresse 2] DISTRIB PARACONNECT
Sur appel du jugement du C.P.H. de NANTES du 03/12/2021
RG : F 20/770
Infirmation partielle
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Copie certifiée conforme délivrée
le:
à:
- Me Johan ZENOU,
- Me Anne-Laure MARY-CANTIN
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 15 OCTOBRE 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Nadège BOSSARD, Présidente,
Mme Anne-Laure DELACOUR, Conseillère,
Madame Anne-Cécile MERIC, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 03 Juillet 2025
En présence de Madame [C] [K], médiatrice judiciaire,
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 15 Octobre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
Madame [H] [E] [I]
née le 30 Janvier 1981 à [Localité 6] (ETHIOPIE)
demeurant [Adresse 5]
[Localité 3]
Comparante à l'audience et ayant Me Johan ZENOU de la SELEURL CABINET ZENOU, Avocat au Barreau de PARIS, pour Avocat constitué
INTIMÉES :
- la S.E.L.A.S. PHARMACIE [R] prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :
[Adresse 1]
[Localité 4]
- la S.A.R.L. [Adresse 2] DISTRIB PARACONNECT prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :
[Adresse 2]
[Localité 4]
TOUTES DEUX représentées par Me Lucie DELANGE substituant à l'audience Me Anne-Laure MARY-CANTIN de la SELARL RACINE, Avocats au Barreau de NANTES
Mme [I] [H] [E] a suivi un stage de reconversion professionnelle au sein de la Selas Pharmacie [R] (exerçant sous le nom commercial de Pharmacie de [Localité 7]) à [Localité 4] entre le 28 février et le 25 mai 2019, dans le cadre d'une formation suivie au sein du centre de formation professionnelle en esthétique IFOM de [Localité 4].
A la suite d'une reprise de contact fin août 2019 entre Mme [I] et Mme [L], directrice générale de la société Pharmacie [R], un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel pour le poste de conseillère esthétique a été régularisé du 09 au 28 septembre 2019 avec la société [Adresse 2] Distrib. Mme [I] a exercé ses fonctions de personnel attaché aux activités de vente et de conseil en produits cosmétiques, esthétiques et en parapharmacie au sein de la société Pharmacie [R]
A l'expiration du premier contrat à durée déterminée de Mme [I], le contrat de travail a été renouvelé pour une durée de trois mois jusqu'au 28 décembre 2019 au regard d'un besoin persistant en renfort de personnel.
Un second renouvellement de son contrat de travail, pour une nouvelle durée de trois mois, a été entériné sur la période courant du 30 décembre 2019 au 28 mars 2020.
En février 2020 Mme [I] a eu un entretien avec sa supérieure hiérarchique Mme [A] lors duquel a été notamment évoqué la possibilité d'une embauche en CDI à temps plein.
Le 13 mars 2020, Mme [I] a été placée en arrêt maladie pour garde d'enfants, en raison de la crise sanitaire et des mesures gouvernementales prises à cet effet.
Le contrat de travail de Mme [I] a pris fin le 28 mars 2020.
Le 09 avril 2020, Mme [I] s'est vu remettre des documents de solde de tout compte pour fin de contrat signé le 25 mars 2020.
Par courrier du 18 mai 2020, Mme [I] a contesté son solde de toute compte et a remis en cause son contrat de travail conclu avec la société [Adresse 2] Distrib.
Le 08 octobre 2020, Mme [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Nantes aux fins de :
- Confirmer le lien de subordination avec la 'Pharmacie de [Localité 7] de [Localité 4]' (Pharmacie [R]) et ordonner la mise en conformité par la rédaction et la remise du contrat de travail caractérisant l'emploi de Mme [I] en qualité de Conseillère-vente en parapharmacie, à compter du 09 septembre 2019, pour une activité normale et permanente ;
- Ordonner en application de la Directive CE 91/533, de l'article L1221-3 et l'article L1242-13 du code du travail, 'personnes étrangères', la remise de la traduction du contrat dans la langue de Mme [I] (en Amharique sémitique)
- Ordonner sous astreinte la remise à Mme [I] de l'ensemble de ses bulletins de paie sous en-tête de l'employeur et le paiement des salaires afférents (de septembre 2019 au jour de la notification du jugement) ;
- Accorder à Mme [I] l'application de la loi, article L. 1248-7 du code du travail qui prévoit une indemnisation d'un mois : 1 545,30 € ;
- Reconnaître la responsabilité de la 'Pharmacie de [Localité 7]' et la condamner à un mois de salaire pour s'être rétractée d'une offre unilatérale, acceptée par Mme [I] (articles 1113 et 1116 du code civil) : 1 545,30 € ;
- Accorder à Mme [I] une indemnité de 1 mois de salaire pour chacun des trois contrats, à titre de dommages et intérêts : 1 545,30 € ;
- Ordonner le rétablissement de toutes ces privations, sous astreinte de 150 euros par jour à compter de la notification du jugement ;
- Annuler pour dol tous les contrats de travail et ses avenants établis par la 'Pharmacie de [Localité 7]' avec les sceaux de la SARL [Adresse 2] Distrib ;
- Condamner solidairement, pour dol et complicité de dol, la Pharmacie [R] (Pharmacie de [Localité 7]) et la SARL [Adresse 2] Distrib à titre de dommages et intérêts;
- Requalifier le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à compter du 09 septembre 2019 (article L.1242 et suivants, et article L.1245-1 du code du travail) ;
- Ordonner le paiement des heures supplémentaires effectuées par Mme [I] et des heures de paye (formation professionnelle illégale) avec les conséquences en terme de prime de précarité et de congés payés afférents ;
- Ordonner le paiement à Mme [I] des salaires et accessoires au titre du confinement (chômage technique) du 16 mars au 31 mars 2020 avec les conséquences afférentes (précarité et congés payés) ;
- Condamner l'employeur pour non-paiement et retard de paiement de salaires (caractérisant un délit) : 3 700,00 € ;
- Ordonner la réintégration des primes d'objectifs (payés par chèques-cadeaux) dans les bulletins de salaire de Mme [I], de octobre, novembre 2019, janvier et février 2020 ;
- Condamner l'employeur pour licenciement irrégulier, s'analysant sans cause réelle et sérieuse ;
- Dire que la rupture de la relation de travail, née d'une éviction à la priorité d'accès à l'emploi, du refus de discrimination de traitement, et du refus à l'atteinte à la vie privée, est un licenciement nul ;
- Ordonner en conséquence le rétablissement de toutes les privations, sous astreinte de 150 euros par jour à compter de la notification du jugement ;
- Article 700 du code de procédure civile : 3 000,00 € ;
- Intérêts au taux légal avec capitalisation ;
- Exécution provisoire ;
- Sur le licenciement : si le licenciement est jugé irrégulier et abusif, à défaut de réintégration, qui emporte toutes ses conséquences 1 545,30 € ;
- Indemnité de défaut de procédure (licenciement irrégulier) : 1 545,30 € ;
- Indemnité compensatrice de préavis ;
- Congés payés afférents et congés payés supplémentaires (article 25-8 paragraphe 2 de la convention collective 3052) : 4 636,60 € Net ;
- Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 20 000,00 € ;
- Indemnité au titre de la non réintégration : 18 500,00 € ;
- Préjudice moral, professionnel, financier et social.
Par jugement en date du 03 décembre 2021, le conseil de prud'hommes de Nantes a :
- Dit qu'il y avait bien une relation tripartite entre Mme [I], la SARL [Adresse 2] Distrib et la SAS Pharmacie [R]-[L]
- Dit que les contrats de travail liant Mme [I] à la SARL [Adresse 2] Distrib sont réguliers
- Dit que la SARL [Adresse 2] Distrib est redevable envers Mme [I] de la somme de 234,91 € à titre de rappel de salaire et accessoires suite au confinement-chômage technique
- Dit que Mme [I] est redevable envers la SARL [Adresse 2] Distrib de la somme de 217,17 € à titre de trop perçu sur salaire
- Condamné en conséquence la SARL [Adresse 2] Distrib à payer à Mme [I] la somme de 19,48 €, par compensation des sommes précitées
- Débouté Mme [I] de l'ensemble de ses autres demandes
- Débouté les parties de leur demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- Laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens
Mme [I] a interjeté appel le 30 décembre 2021.
Selon ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 22 juin 2022, l'appelante Mme [I] sollicite :
- Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nantes rendu le 03 décembre 2021 (RG n° F 20/00770) en ce qu'il déboute Mme [I] de l'ensemble de ses demandes
Et statuant à nouveau,
In limine litis déclarer recevable la demande additionnelle formulée par Mme [I] relative à l'existence d'une opération de prêt de main d'oeuvre illicite conclue entre la Pharmacie de [Localité 7] ([R]) et la SARL [Adresse 2] Distrib
Sur le fond,
- Requalifier le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à compter du 09 septembre 2019 en application des articles L 1242 et suivants et l'article L1245-1 du code du travail, et sa réintégration dans les effectifs de la 'Pharmacie de [Localité 7] de [Localité 4]' (Pharmacie [R])
- Condamner la 'Pharmacie de [Localité 7] de [Localité 4]' au paiement de la somme de 3 700,00 € nets au titre de dommages-intérêts pour requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée
- Reconnaître le lien de subordination avec la 'Pharmacie de [Localité 7] de [Localité 4]' (Pharmacie [R]) et ordonner la mise en conformité par la rédaction et la remise du contrat de travail caractérisant son emploi en qualité de Conseillère-vente en parapharmacie à compter du 09 septembre 2019, pour une activité normale et permanente
- Ordonner la remise de la traduction du contrat dans sa langue natale (en Amharique sémitique) en application de la Directive CE 91/533 et de l'article L1242-13 du code du travail relative aux 'personnes étrangères'
- Ordonner sous astreinte la remise de l'ensemble de ses bulletins de paie sous en-tête de l'employeur et le paiement des salaires afférents (de septembre 2019 au jour de la notification du jugement). - Condamner la 'Pharmacie [R]' au paiement de la somme de 3 750,00 € au titre de l'article L 1278-7 du Code du travail. - Reconnaître la responsabilité de la 'Pharmacie de [Localité 7] de [Localité 4]', et la condamner à un mois de salaire, soit la somme de 1 687.70 € nets, pour s'être rétracté d'une offre unilatérale, acceptée par Madame [I] en application des articles 1113 et 1116 du Code civil.
- Ordonner le rétablissement de toutes ces privations, sous astreinte de 150 € par jour à compter de la notification du jugement.
- Annuler pour dol tous les contrats de travail et ses avenants établis par la 'Pharmacie de [Localité 7] [Localité 4]' (Pharmacie [R]) et la SARL [Adresse 2] Distrib, à titre de dommages et intérêts
- Condamner solidairement, pour dol et complicité de dol, la 'Pharmacie [R]' et la SARL [Adresse 2] Distrib, au versement de la somme de 18 500,00 € nets à titre de dommages et intérêts.
- Condamner la 'Pharmacie de [Localité 7] de [Localité 4]' au paiement de la somme de 798.38 € brut au titre des heures supplémentaires effectuées par Mme [I] et des heures de pause (formation professionnelle illégale) avec les conséquences en termes de prime de précarité et de congés payés y afférents.
- Condamner la 'Pharmacie de [Localité 7] [Localité 4]' au paiement de la somme de 9 273 € nets au titre de la caractérisation du délit de travail dissimulé
- Condamner la Pharmacie de [Localité 7] de [Localité 4] et la SARL [Adresse 2] Distrib au paiement de la somme de 16 870 euros nets au titre de dommages-intérêts relatifs à l'opération de prêt de main d'oeuvre illicite
- Condamner la 'Pharmacie de [Localité 7] [Localité 4]' au paiement de la somme de 108,216 € brut au titre des heures de travail effectuées le 11 novembre 2019 et du repos compensateur équivalent prévu par la convention collective nationale de la pharmacie d'officine
- Condamner la 'Pharmacie de [Localité 7] de [Localité 4]' au paiement de la somme de 3 700,00 € nets, pour non-paiement et retard de paiement de salaires (caractérisant un délit).
- Ordonner la réintégration des primes d'objectifs (payés par chèques-cadeaux) dans les bulletins de salaire de Mme [I], de octobre, novembre 2019, janvier et février 2020.
A titre principal,
- Prononcer la nullité du licenciement en raison de la rupture de la relation de travail née d'une éviction à la priorité d'accès à l'emploi, du refus de discrimination de traitement, et du refus à l'atteinte à la vie privée
- Condamner la 'Pharmacie de [Localité 7] de [Localité 4]' au paiement de la somme de 246.12 € nets au titre de l'indemnité légale de licenciement
- Condamner la 'Pharmacie de [Localité 7] [Localité 4]' au paiement de la somme de 1 687.70 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de la somme de 168.77 € brut pour les congés payés y afférents
- Condamner la 'Pharmacie de [Localité 7] [Localité 4]' et la SARL [Adresse 2] Distrib au paiement de la somme de 20 252.40 € nets à titre de dommages-intérêts à hauteur de 12 mois de salaires, vis-à-vis de l'ensemble des préjudices subis par Mme [I] pendant la totalité de sa relation de travail et de la nullité de son licenciement
A titre subsidiaire,
- Condamner la 'Pharmacie [R]' et la SARL [Adresse 2] Distrib au paiement de la somme de 1 687.70 € nets pour licenciement irrégulier, s'analysant sans cause réelle et sérieuse.
En tout état de cause,
- Condamner la 'Pharmacie de [Localité 7]' (Pharmacie [R]) et la SARL [Adresse 2] Distrib à verser la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
- Condamner enfin, la 'Pharmacie de [Localité 7]' (Pharmacie [R]) et la SARL [Adresse 2] Distrib aux entiers dépens.
Selon leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 23 mars 2023, les intimées la SELAS Pharmacie [R] et la SARL [Adresse 2] Distrib-Paraconnect sollicitent :
- Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nantes
Et statuant à nouveau
- Rejeter la demande d'établissement d'un contrat de travail avec la Pharmacie [R] ;
- Prononcer la mise hors de cause de la Pharmacie [R] ;
- Déclarer irrecevable la nouvelle demande indemnitaire formée en cause d'appel au titre d'un prêt de main d'oeuvre illicite ou à défaut rejeter cette demande ;
- Rejeter la demande de traduction de la relation contractuelle en langue Amharique Sémitique ;
- Rejeter la demande formée au titre de la remise tardive de son contrat de travail à durée déterminée ;
- Rejeter la demande de requalification du contrat à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée ;
- Débouter Mme [I] des demandes indemnitaires subséquentes formées au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- Débouter Mme [I] de sa demande indemnitaire formée au titre du retrait d'une offre d'emploi unilatérale ;
- Débouter Mme [I] de sa demande indemnitaire au titre de la nullité du contrat de travail ;
- Débouter Mme [I] de ses demandes indemnitaires pour discrimination et licenciement nul ;
- Rejeter la demande de réintégrer le montant des chèques cadeaux au sein des bulletins de salaire ;
- Débouter Mme [I] de l'ensemble de ses demandes de rappels de salaire et d'heures supplémentaires ;
- Rejeter sa demande indemnitaire formée au titre de non-paiement et de retard de paiement de salaire ;
- Déclarer irrecevable ou à défaut infondé sa demande indemnitaire formée en cause d'appel au titre d'un travail dissimulé ;
- Débouter Mme [I] de l'ensemble de ses autres demandes.
A titre subsidiaire :
- Limiter le montant des condamnations dues au titre de la requalification de son contrat de travail à durée déterminée au versement :
- d'une indemnité de requalification de 1.541,08 € ;
- d'une indemnité compensatrice de préavis de 1.541,08 € bruts, outre 154,10 € au titre des congés payés y afférents ;
- de dommages et intérêts pour un montant de 1.541,08 €.
A titre infiniment subsidiaire,
- Limiter le montant des dommages et intérêts sollicités à divers titres à de plus justes proportions ;
En tout état de cause :
- Fixer le salaire mensuel de référence de Mme [I] à la somme brute 1.541,08 € ;
- Condamner Mme [I] au remboursement d'une somme de 217,17 € brut sur le fondement de la répétition de l'indu, au titre des heures supplémentaires rémunérées à tort ;
- Prononcer le cas échéant, la compensation de cette somme avec les éventuelles condamnations mises à la charge de la Société [Adresse 2] Distrib et/ou Pharmacie [R] ;
- Condamner Mme [I] au versement de la somme de 2.000 € la société [Adresse 2] Distrib et de la somme de 2.000 € la société Pharmacie [R], au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 05 juin 2025 et l'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 3 juillet 2025.
Par application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.
***
A l'issue de l'audience du 3 juillet 2025, Mme [H] [E] [I] a adressé à la cour un courrier, reçu le 11 juillet 2025, auquel elle a joint les conclusions d'appelante devant la cour d'appel qu'elle indique être datées 'de juillet et octobre 2023". Elle transmet également avec ce même courrier une pièce 47 intitulée 'déclaration de Mme [I] [H] [E] (convention tripartite frauduleuse)'.
MOTIFS :
- sur les conclusions et pièces transmises par Mme [I] postérieurement à la clôture :
En application de l'article 802 du code de procédure civile, 'après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.'
Selon l'article 445 du même code, 'après clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l'appui de leurs observations si ce n'est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444".
En l'occurrence, alors que la clôture avait été prononcée le 5 juin 2025 par le conseiller de la mise en état, Mme [I] a transmis, par courrier reçu le 11 juillet 2025 soit postérieurement à l'audience du 3 juillet, et sans y avoir été autorisée par la cour, un courrier explicatif joignant des conclusions (non datées) et une pièce n°47 non visée dans les dernières conclusions de son conseil qui avaient été notifiées par la voie électronique le 22 juin 2022.
Ces écritures et pièces n'ont en outre pas été communiquées aux intimées.
En conséquence, les écritures et pièces ainsi transmises par Mme [I] postérieurement à la clôture et à l'audience, et sans autorisation de la cour, seront déclarées irrecevables.
- sur la relation contractuelle entre les parties
Mme [I] souhaite voire reconnaître l'existence d'une opération de prêt de main d'oeuvre illicite au sens où la Pharmacie [R] aurait exercé sur elle un pouvoir de contrôle, de direction et de sanction caractérisant l'existence d'un lien de subordination. Elle formule une demande indemnitaire à ce titre.
Les intimées font valoir l'existence d'une relation tripartite et l'absence de tout lien contractuel entre Mme [I] et la SELAS Pharmacie [R].
Elles soutiennent que la demande au titre d'un prêt de main d'oeuvre illicite est irrecevable car nouvelle en cause d'appel et non fondée et disproportionnée sur le fond en ce que l'opération a été réalisée sans aucun but lucratif.
- sur la recevabilité de la demande au titre du prêt de main d'oeuvre illicite:
Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
L'article 565 du code de procédure civile prévoit que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
L'article 566 du même code ajoute que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
Mme [I] n'avait pas formé de demande sur le fondement juridique du prêt de main d'oeuvre illicite en première instance mais elle avait formé diverses demandes indemnitaires en sollicitant du conseil de prud'hommes la reconnaissance de l'existence d'un lien de subordination avec la 'Pharmacie de [Localité 7] de [Localité 4]' et en conséquence la reconnaissance d'un contrat de travail et d'une relation salariale en qualité de conseillère-vente en parapharmacie avec cette dernière.
En conséquence, la cour considère que la demande indemnitaire formée par Mme [I] sur le fondement du prêt de main d'oeuvre illicite tend aux mêmes fins que les demandes initialement formées, à savoir la reconnaissance d'un lien de subordination et d'une relation salariale entre Mme [I] et la société pharmacie [R]
Cette demande est donc recevable.
- sur le fond et la nature de la relation contractuelle entre Mme [I], la SARL [Adresse 2] Distrib et la Pharmacie [R]
Les intimées soutiennent l'existence d'une relation tripartite qui était connue par l'appelante :
- la société [Adresse 2] Distrib assure une prestation logistique à destination de plusieurs pharmacies nantaises dont la Pharmacie [R] et assure la mise à disposition de personnel attaché aux activités de vente et de conseil en produits cosmétiques, esthétiques et plus largement en parapharmacie
- une convention de mise à disposition a été conclue entre les deux sociétés concernant l'embauche de Mme [I] le 7 septembre 2019 constituant ainsi un prêt de main d'oeuvre à but non lucratif et licite.
Les intimées soutiennent également l'absence de tout lien de subordination entre Mme [I] et la pharmacie [R] dès lors que Mme [I] était placée sous la responsabilité de Madame [A] (manager parapharmacie), elle-même salariée de la Société [Adresse 2] Distrib et mise à disposition au sein de la Grande Pharmacie de [Localité 7] ; que Mme [I] ne peut prétendre que le pouvoir disciplinaire était exercé par la Pharmacie [R], cette dernière n'ayant jamais émis de recadrage ou avertissement. En outre, elles affirment que la pose de congés payés se faisait auprès de la société [Adresse 2] qui recevait également les arrêts maladies, et que Mme [A] effectuait également les entretiens individuels réguliers.
Elles sollicitent en conséquence la mise hors de cause de la société Pharmacie [R] et le débouté des demandes de Mme [I] tendant à voir reconnaître une relation contractuelle de travail avec cette dernière.
Mme [I] soutient l'absence de relation tripartite en affirmant qu'elle n'a pas donné son consentement à celle-ci nonobstant l'existence de bulletins de salaire mentionnant comme employeur la SARL [Adresse 2] Distrib. Elle prétend que les sociétés [Adresse 2] Distrib et la Pharmacie [R] se sont livrées à la pratique récurrente d'un usage constant et abondant d'abus et de tromperies dans la gestion des relations de travail, déguisé sous la forme d'une convention de prêt de main d'oeuvre à but non lucratif. Elle expose que dans ses différents échanges avec la Pharmacie [R], elle n'avait pas connaissance de l'identité de la société [Adresse 2], cette absence d'information et de transparence ayant alors vicié son consentement.
Elle considère également que la réalité du lien de subordination résulte des plannings et instructions organisant l'exercice de son activité professionnelle transmis par Mme [L] et des directives et une rémunération fixée unilatéralement par M. [R].
Selon l'article L. 8241-1 du code du travail, sauf exceptions expressément visées par le texte, toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d'oeuvre est interdite.
Une opération de prêt de main d'oeuvre ne poursuit pas de but lucratif lorsque l'entreprise prêteuse ne facture à l'entreprise utilisatrice pendant la mise à disposition que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés à l'intéressé au titre de la mise à disposition.
Le prêt de main d'oeuvre à but non lucratif est autorisé selon les dispositions de l'article L. 8241-2 du code du travail, et requiert :
1º L'accord du salarié concerné ;
2º Une convention de mise à disposition entre l'entreprise prêteuse et l'entreprise utilisatrice qui en définit la durée et mentionne l'identité et la qualification du salarié concerné, ainsi que le mode de détermination des salaires, des charges sociales et des frais professionnels qui seront facturés à l'entreprise utilisatrice par l'entreprise prêteuse ;
3º Un avenant au contrat de travail, signé par le salarié, précisant le travail confié dans l'entreprise utilisatrice, les horaires et le lieu d'exécution du travail, ainsi que les caractéristiques particulières du poste de travail.
Il résulte de l'extrait KBIS de la société [Adresse 2] Distrib que l'activité exercée par celle-ci est 'la gestion de la logistique liée à l'approvisionnement, la mise en rayon, l'optimisation des procédures d'achat et de marchandises de tous produits de cosmétologie, de parfumerie, d'optique, de complément alimentaire, de diététique et plus généralement de tous produits d'hygiène et de soins ne relevant pas du monopole pharmaceutique'. Son siège social est situé [Adresse 2] à [Localité 4].
Les intimées versent aux débats la convention de mise à disposition du personnel concernant spécifiquement Mme [I] signée entre la SARL [Adresse 2] Ditrib (M. [S] [P]) et la SELAS Pharmacie [R] (Pharmacie de [Localité 7]) en date du 7 septembre 2019. (Pièce 11 des intimées)
Cette convention, précise que 'les parties sont convenues en application des articles L.8241-1 et suivants du code du travail issus de la loi du 28 juillet 2011 relative au prêt de main d'oeuvre, de définir les conditions de mise à disposition au sein de la Pharmacie de [Localité 7] de personnel à durée indéterminée et sans but lucratif'.
Aux termes de cette convention qui organise précisément les relations entre les parties, Mme [I] a été mise à disposition de la SELAS Pharmacie [R] afin d'exercer les fonctions de 'conseiller dermocosmétique' (article 1), pour une durée déterminée minimale de trois semaines à compter du 9 septembre 2019. (Article 2)
Il est également précisé que 'Mme [H] [I] reste salariée de la société [Adresse 2] Distrib qui continue de lui verser sa rémunération et de lui remettre son bulletin de salaire' ; qu'elle 'exécutera ses missions pour le compte de la Pharmacie de [Localité 7] sous la responsabilité de [S] [P] ou de toute autre personne qui lui serait substituée' (article 3-1: exercice des fonctions et responsabilité). Selon l'article 3.2, 'le pouvoir disciplinaire reste assuré par la société [Adresse 2] Distrib'. L'article 3.4 dispose que Mme [I] est mise à disposition de la Pharmacie de [Localité 7] sur la base d'une durée 'mensuelle' (en réalité hebdomadaire) de 24 heures, et l'article 3.5 (lieu de travail) qu'elle exercera ses missions au sein de la pharmacie de [Localité 7] située [Adresse 1] à [Localité 4].
Enfin, la convention dispose en son article 4 que 'la mise à disposition faisant l'objet de la présente convention ne poursuit aucun but lucratif', en précisant que la société [Adresse 2] Distrib facturera à la Pharmacie de [Localité 7] chaque mois pour le mois précédent les salaires et charges sociales afférentes, indemnités de congés payés ainsi que les frais professionnels versés à Mme [I] au titre des heures de travail effectuées dans le cadre de la mise à disposition.
Une nouvelle convention de mise à disposition a été signée entre les mêmes parties le 26 septembre 2019, relativement à la mise à disposition de Mme [I] au sein de la Pharmacie de [Localité 7] pour une nouvelle période minimale de trois mois.
Il est également justifié par les intimées des factures de mise à disposition de personnel établies par la SARL [Adresse 2] Distrib à l'égard de la 'pharmacie [R]' pour les mois de septembre 2019 à mars 2020, concernant plusieurs personnels dont Mme [I], ainsi que des bulletins de salaire afférents établis par la SARL [Adresse 2] Distrib. (Pièce 12 des intimées).
Par ailleurs, un premier contrat de travail à durée déterminée a été signé le 9 septembre 2019 entre d'une part la SARL [Adresse 2] Distrib (représentée par M. [S] [P] en qualité de gérant) et d'autre part Mme [H] [E] [I], laquelle a été engagée pour exercer les fonctions de conseiller esthétique, pour la période du 9 septembre au 28 septembre 2019, moyennant une durée du travail fixée à 24 heures par semaine. Ce contrat est conclu afin de 'renforcer le personnel pour faire face à un accroissement temporaire de l'activité habituelle de la société'. (pièce 7 des intimées)
Ce contrat a été renouvelé à deux reprises, pour les mêmes motifs, selon avenant du 28 septembre 2019 pour la période allant jusqu'au 28 décembre 2019, puis selon avenant du 28 décembre 2018 (signé le 6 janvier 2020 par Mme [I]) pour la période allant jusqu'au 28 mars 2020. (Pièces 13 et 16 des intimées)
Or, force est de constater qu'à aucun moment lors de la signature de ce contrat et de ses avenants successifs, Mme [I] n'était informée de la réalité de la relation contractuelle et de sa 'mise à disposition' au sein de la société Pharmacie [R] qui, comme elle l'indique, n'est aucunement spécifiée au sein du contrat qu'elle a régularisé avec la société [Adresse 2] Distrib, et ce d'autant plus que ce contrat mentionne en son article 7 (lieu de travail) que 'le salarié exercera ses fonctions au siège social' (lequel est distinct du siège social de la société [R]).
Mme [I] considère en effet qu'ayant toujours été en relation avec la Pharmacie [R], elle avait donc la conviction que celle-ci était son seul employeur, et que la SARL [Adresse 2] Distrib était la dénomination juridique de la pharmacie [R].
Ainsi, l'accord de la salariée sur les conditions de cette mise à disposition, qui constitue une des conditions du prêt de main d'oeuvre à but non lucratif, n'est en l'espèce pas établi.
En outre, il n'est pas justifié par les pièces du dossier que Mme [I] ait été mise à disposition de la société Pharmacie [R] pour exécuter une tâche précise non liée à l'activité normale et permanente de l'entreprise.
Selon l'interprétation constante de l'article L.1221-1 du code du travail, le contrat de travail se caractérise par l'existence d'un lien de subordination du salarié à l'égard de son employeur qui a le pouvoir de lui donner des ordres et des directives, de contrôler l'exécution de son travail et de sanctionner les manquements de son subordonné. La seule volonté des parties est impuissante à soustraire un salarié au statut social qui découle nécessairement des conditions d'accomplissement de son travail. Ainsi l'existence d'une relation de travail dépend des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du salarié.
Il n'est d'abord pas contesté que Mme [I] exécutait une prestation de travail pour le compte de la Pharmacie [R]. Elle percevait une rémunération versée par la société [Adresse 2] Distrib qui était refacturée par la pharmacie [R].
Mme [I] verse aux débats des échanges de mail intervenus entre le 26 août et le 3 septembre 2019 avec Mme [Z] [L], directrice générale de la société Pharmacie [R], concernant un possible poste de conseiller en parapharmacie au sein de la 'Pharmacie de [Localité 7]', lesquels, s'ils constituent de simples pourparlers pour une embauche éventuelle, montrent que Mme [I] était alors en lien avec la seule société Pharmacie [R].(pièces 1 à 3 de la salariée)
Dans un mail du 3 septembre 2019, Mme [L], gérante de la société Pharmacie [R], indiquait en effet à Mme [I] qu'il était possible de lui proposer un CDD de 3 semaines du 9 au 28 septembre à 30 heures par semaine 'pour un dépannage car j'ai un réel besoin dans l'immédiat' et un mail du 4 septembre mentionnant 'je te transmets les pièces pour les contrats de septembre et pour la suite à partir d'octobre'.
Mme [I] justifie également d'un mail lui ayant été adressé par Mme [Z] [L] le 11 septembre 2019 concernant son emploi du temps à partir du 30 septembre (pièce 4).
Les autres mails communiqués émanent de Mme [B] [A] en qualité de 'responsable parapharmacie au sein de la pharmacie de [Localité 7]', dont les intimées justifient qu'elle a également été mise à disposition de la pharmacie [R] par la société [Adresse 2] Distrib à compter du mois de novembre 2019, selon convention de mise à disposition de personnel du 12 novembre 2019 (soit postérieurement à la prise de poste de Mme [I] à compter du 9 septembre 2019).
Il est ainsi versé aux débats plusieurs mails adressés aux employées de la parapharmacie relatif à la planification des vacances d'été de l'année 2020 (Mme [L] étant en copie du mail du 11 mars 2020), à la participation à des actions de formation des laboratoires ou concernant le résultat de 'challenges', aux procédures concernant les 'cartes cadeaux', aux plannings, aux dates des 'entretiens mensuels'.
Il résulte de l'ensemble de ces mails que [B] [A] était la responsable hiérarchique de l'équipe des conseillères-vendeuses de la parapharmacie, signant ses mails avec la mention 'responsable parapharmacie grande pharmacie de [Localité 7]', de sorte qu'aucun élément ne permettait de considérer qu'elle était en réalité elle-même salariée de la société [Adresse 2] Distrib. Il apparaît qu'elle recevait elle-même des directives et des consignes de la part de Mme [L] (Directrice générale) ou de M. [T] [R] (Président de la société), comme cela résulte notamment d'un mail du 21 janvier dans lequel elle fait part d'une procédure mise en place par Mme [L] et M. [R] concernant les cartes cadeaux.
Il n'est par ailleurs pas contesté que Mme [I] s'est vue remettre le règlement intérieur de la pharmacie [R] (pièce 10 des intimées).
Ainsi, même si les mails rappelant les consignes sont en effet presque exclusivement adressés par Mme [B] [A], laquelle est mise à disposition de la pharmacie [R] par la société [Adresse 2] Distrib, il est établi que Mme [A] agissait bien en qualité de responsable hiérarchique des conseillères en parapharmacie exerçant toutes au sein de la pharmacie [R] sans qu'il soit démontré qu'elles étaient toutes salariées d'[Adresse 2] Distrib, de sorte qu'il ne peut être considéré de ce seul fait que la société [Adresse 2] Distrib exerçait un pouvoir hiérarchique à l'égard de Mme [I] en lui donnant directement des ordres et des directives dont elle contrôlait l'exécution. Au contraire, Mme [A] en référait à Mme [L], directrice générale de la société Pharmacie de [Localité 7].
De même, aucun élément ne permet de considérer que la société [Adresse 2] Distrib disposait du pouvoir de sanctionner, en cas de besoin, les manquements de Mme [I], alors que plusieurs mails mentionnent Mme [L] en copie, notamment ceux adressés par Mme [A] à Mme [I] en mars 2020 en lien avec les conditions relatives à la possible signature d'un CDI (notamment les échanges de mail du 13 mars 2020, pièce 19 des intimées).
En conséquence, la prestation de travail réalisée au profit de la société Pharmacie [R] qui s'inscrit dans un lien de subordination caractérise un contrat de travail avec cette société qui a ainsi la qualité d'employeur de Mme [I].
Il s'en suit que Mme [I] est bien fondée à solliciter la requalification de son contrat de travail en contrat de travail à durée indéterminée avec la société [R].
Le jugement sera ainsi infirmé de ce chef.
En outre, dès lors que Mme [I] a été induite en erreur sur l'identité réelle de son employeur en l'absence de toute information précise à ce titre au sein du contrat de travail, et en contradiction avec les mails échangés par elle antérieurement avec Mme [L], le préjudice ainsi subi par elle de ce fait sera indemnisé par l'octroi de la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts.
Par infirmation du jugement déféré, la société Pharmacie [R] et la société [Adresse 2] Distrib seront condamnées 'in solidum' au paiement de cette somme.
- sur les demandes au titre du dol
Mme [I] soutient avoir été victime d'un dol de la part de la Pharmacie [R] entraînant la nullité de l'ensemble de ses contrats de travail. Elle fait valoir que la Pharmacie [R] a conclu à son insu une convention de prêt de main d'oeuvre avec la société [Adresse 2] Distrib, à travers la signature de CDD illégaux pour pourvoir un emploi sur une activité normale et permanente de l'entreprise
Les sociétés intimées soutiennent l'absence de nullité du contrat de travail tirée d'un dol et indiquent que l'appelante ne rapporte pas la preuve d'un préjudice spécifique et distinct autre que celui consécutif à la perte de son emploi.
Même si l'opération de prêt de main d'oeuvre à but non lucratif n'a pas été jugée régulière, Mme [I] ne rapporte pas pour autant la preuve d'une possible 'collusion frauduleuse' ayant, comme elle l'indique, 'vicié son consentement'. Elle ne verse aux débats aucun élément permettant de caractériser les agissements prétendument fautifs qu'elle invoque à l'encontre des intimées.
Le seul défaut d'information de la salariée dans le cadre du contrat de travail à durée déterminée ne suffit pas à rapporter la preuve d'une 'réticence dolosive' de la part de la société [Adresse 2] Distrib ou de la société Pharmacie [R] lors de la signature de ce contrat. Le seul fait que Mme [I] ait faussement considéré que la SARL [Adresse 2] Distrib était la dénomination juridique de la pharmacie [R] et qu'il s'agissait ainsi d'un seul et unique employeur ne suffit pas à caractériser une ruse de cette dernière.
Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a débouté Mme [I] des demandes formées de ce chef, tant en ce qui concerne 'l'annulation des contrats de travail et avenants établis' que les demandes indemnitaires.
Sur la requalification du CDD en CDI
La relation de travail ayant été requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée avec la société Pharmacie [R], sur le fondement du prêt de main d'oeuvre illicite et de la reconnaissance d'un lien de subordination entre ces deux parties, cette demande est donc sans objet.
- sur la demande au titre de la remise tardive des contrats CDD :
Mme [I] affirme avoir signé le 6 janvier 2020 un troisième contrat alors que le précédent était échu au 28 décembre 2019, soit avec un retard de 9 jours et sollicite, en application de l'article L.1248-7 du code du travail, la condamnation de la Pharmacie [R] à lui payer une indemnité de 3 750 euros à ce titre.
Les intimées soutiennent que le contrat et ses avenants de renouvellement ont été systématiquement communiqués dans un délai de 48h notamment le second avenant de renouvellement ayant été remis le 28 décembre 2019, mais que l'appelante a tardé à revenir vers son employeur en le régularisant seulement le 6 janvier suivant. Il ajoute qu'elle ne justifie d'aucun préjudice à ce titre.
En l'espèce, alors que le contrat à durée déterminée parvenait à échéance le 28 décembre 2019, l'avenant de second renouvellement versé aux débats indique 'fait en double exemplaire à [Localité 4] le samedi 28 décembre 2019" mais il est signé par Mme [I] le 6 janvier 2020 avec la mention 'sous toutes réserves'.
En application de l'article L. 1242-13 du code du travail, le contrat de travail doit être transmis au salarié au plus tard dans les deux jours suivant l'embauche. Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, l'employeur doit bénéficier de deux jours pleins pour accomplir cette formalité, et le point de départ du délai est fixé au lendemain de l'embauche. Le document transmis au salarié est le contrat de travail signé par les deux parties.
En revanche, en application de l'article L. 1248-7 la sanction de la méconnaissance des dispositions de l'article L.1242-13 est punie d'une amende (de 3 750 euros), laquelle est distincte d'une indemnité au bénéfice du salarié.
En conséquence, faute pour Mme [I] de justifier d'un préjudice de ce chef, sa demande sera rejetée, par confirmation du jugement déféré.
- sur la demande au titre du 'retrait d'une offre d'emploi unilatérale'
Mme [I] sollicite la condamnation de la 'Pharmacie de [Localité 7]' à lui payer une indemnité équivalente à un mois de salaire 'pour s'être rétractée de l'offre unilatérale acceptée par Mme [I]', en application des articles 1113 et 1116 du code civil.
Toutefois, Mme [I] n'explicite pas sa demande dans ses conclusions d'appel, alors que les échanges de mail intervenus entre le 26 août et le 3 septembre 2019 avec Mme [Z] [L], directrice générale de la société Pharmacie [R], concernant un possible poste de conseiller en parapharmacie au sein de la 'Pharmacie de [Localité 7]', ne sont pas de nature à caractériser une promesse unilatérale d'embauche, dès lors que ni la qualification ni la durée du travail ni la rémunération ne sont spécifiées ; qu'en outre le dernier mail adressé par Mme [L] le 3 septembre mentionne que les contraintes horaires de Mme [I] ne permettaient pas une embauche de celle-ci en CDI en précisant 'par contre je peux te proposer un CDD de trois semaines du 9 au 28 septembre à 30 heures par semaine pour un dépannage car j'ai un réel besoin dans l'immédiat avec ces horaires adaptés pour toi'.
En conséquence, Mme [I] sera déboutée de sa demande à ce titre, par confirmation du jugement déféré.
Sur les demandes au titre de la rupture
- sur la demande de nullité
Mme [I] soutient à titre principal la nullité de son licenciement au motif d'un comportement discriminatoire de l'employeur à son égard, reprochant à celui-ci de l'avoir évincée de la priorité d'accès à l'emploi en offrant un poste de conseillère en parapharmacie en CDI à une autre personne externe le 09 mars 2020. Elle soutient également avoir été victime de chantage pour prétendre à un CDI notamment sur les horaires et sur sa vie privée.
Les sociétés intimées contestent toute discrimination à l'égard de Mme [I]. Elles indiquent que si les parties ont échangé à plusieurs reprises, notamment au mois de février 2020, sur une éventuelle perspective d'embauche dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, aucun contrat n'a toutefois été régularisé du fait des circonstances liées à la pandémie. Elles affirment également que les contraintes personnelles de l'appelante se sont révélées incompatibles avec les exigences du poste occupé (notamment une ouverture à 8h15 et une fermeture à 19h45 une fois par semaine) et qu'elle a été soumise aux mêmes conditions de recrutement que tout autre candidat au poste.
Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail dans sa version en vigueur applicable au litige : 'Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d'un mandat électif local, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français.'
Selon l'article L. 1134-1 du code du travail, « Lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. »
Il appartient au juge du fond d'examiner la matérialité de tous les éléments invoqués par le salarié, d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, et dans l'affirmative, d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Force est de constater que Mme [I] ne précise pas le motif ou la cause de la discrimination invoquée par elle en lien avec une éviction de la priorité d'emploi telle que prévue par l'article 9 de son contrat de travail ('le salarié bénéficiera d'une priorité pour l'attribution d'un emploi à temps complet correspondant à sa catégorie professionnelle ou d'un emploi équivalent si un tel emploi venait à être disponible dans la société. La liste de ces emplois lui sera communiquée par écrit').
Sa demande s'analyse ainsi en une inégalité de traitement.
Il résulte des pièces transmises que des échanges de mails sont intervenus en mars 2020 entre Mme [I] et Mme [A] quant à la possibilité d'une embauche en CDI de Mme [I] (notamment le mail du 13 mars de [B] [A]). Cette possibilité avait également été précédemment évoquée lors d'un entretien entre Mme [A] et Mme [I] le 11 février 2020, et il était mentionné dans le compte-rendu que la régularisation d'un CDI nécessitait d'être disponible pour une ouverture et une fermeture par semaine (pièce 18 de l'employeur).
Il n'est toutefois pas établi que ces conditions soient spécifiques à Mme [I], alors que ce même compte-rendu indique que cette demande est faite en raison des nécessités du service en cas de prises de congés payés ou d'absence des autres salariées.
En outre, immédiatement après ces échanges, Mme [I] a cessé de travailler en raison des mesures gouvernementales et sanitaires prises en lien avec l'épidémie de Covid 19, ayant été contrainte de garder ses enfants à son domicile, comme cela résulte également des échanges intervenus.
Mme [I] évoque également des 'changements permanents et désordonnés de plannings pour la contraindre à la démission'.
Elle verse aux débats plusieurs mails émanant de [B] [A] concernant des modifications intervenues dans les plannings (notamment le mail du 10 décembre 2019, du 20 décembre 2019, 17 février 2020).
Toutefois, il résulte de la lecture de ces mails que les modifications de plannings, en lien surtout avec des absences de personnels ou des modifications dans l'organisation, concernaient plusieurs salariées et non seulement Mme [I].
En outre, le contrat de Mme [I] prévoyait la possibilité de modifier les horaires de la salariée tels que spécifiés au contrat en cas de surcroît temporaire d'activité, d'absence d'un ou plusieurs salariés, de fermeture de la société ou de services de garde, moyennant notification à la salariée 7 jours avant. Il est également précisé 'les parties conviennent toutefois de la possibilité d'aménagements temporaires et/ou occasionnels de cet horaire en fonction des circonstances particulières et selon les besoins du service', sachant que le contrat prévoit également la possibilité pour le salarié de réaliser des 'heures complémentaires'.
Enfin, il résulte de l'attestation de Mme [U] [J] [D], préparatrice en pharmacie, que les emplois du temps étaient décidés de façon équitable entre les divers salariés, et que Mme [A] était attentive aux demandes et aux souhaits de chacun. Elle précise que Mme [I] était consciente de la nécessité d'ouverture et de fermeture une fois par semaine 'par soucis d'égalité envers l'équipe'en ajoutant que 'cela n'a jamais été respecté de la part de cette dernière (Mme [I]). (...) 'Le fait que Mme [I] crie au racisme est une solution de facilité d'autant plus qu'elle n'a jamais subi d'actes racistes au sein de l'entreprise (...)
Ainsi, en considération de ces éléments, si en effet des modifications de plannings sont intervenues la concernant, Mme [I] n'établit pas que celles-ci étaient 'permanentes et désordonnées' et surtout que l'employeur cherchait à la 'contraindre à la démission'.
Au contraire les échanges de mail montrent que lors de l'embauche et pendant l'exécution du contrat, l'employeur a cherché à adapter les horaires de Mme [I] en lien avec ses contraintes familiales.
La circonstance par ailleurs de faire état des contraintes horaires en lien avec la signature d'un contrat de travail à durée indéterminée (pouvoir être présente lors de l'ouverture à 8H15 et de la fermeture à 19H45) ne suffit pas à caractériser un éventuel 'chantage' également allégué par l'appelante.
En conséquence, les éléments ainsi produits par Mme [I], même pris dans leur ensemble, ne laissent pas présumer l'existence d'une discrimination ou d'une inégalité de traitement à son égard, de sorte que les demandes en lien avec la nullité de la rupture sur ce fondement seront rejetées, par voie de confirmation du jugement déféré.
- sur la demande de licenciement sans cause réelle et sérieuse
Eu égard à la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée liant Mme [I] à la société Pharmacie [R], la rupture des relations s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Mme [I] est en droit de solliciter, en application de l'article L. 1234-5 du code du travail, une indemnité compensatrice de préavis égale au montant des salaires qu'elle aurait perçue si elle avait travaillé pendant la durée du préavis, soit en l'espèce la somme de 1 545,50 euros outre 154,55 euros au titre des congés payés afférents.
Par infirmation du jugement déféré la société Pharmacie [R] doit être condamnée à payer ces sommes à Mme [I].
Concernant l'indemnité de licenciement, Mme [I] ayant moins de 8 mois d'ancienneté elle ne peut en bénéficier en application tant de l'article L1234-9 du code du travail que de l'article 21 de la convention collective applicable
Concernant l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, selon l'article L.1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux, qui, pour une ancienneté inférieure à un an, ne peut excéder un mois de salaire.
En conséquence, la situation de Mme [I], qui a cessé de travailler en période de pandémie de covid 19 et de confinement, mais ne justifie pas pour autant de sa situation postérieure, notamment sur le plan professionnel, justifie de lui accorder la somme de 1500 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par infirmation du jugement déféré la société Pharmacie [R] doit être condamnée à payer cette somme à Mme [I].
Le licenciement étant déclaré sans cause réelle et sérieuse, il ne sera pas fait droit à la demande indemnitaire également formée au titre de la procédure irrégulière, laquelle ne peut se cumuler avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
- sur les demandes formées au titre de l'exécution du contrat de travail :
- sur la demande de rappel d'heures supplémentaires
Mme [I] sollicite le paiement des heures supplémentaires qu'elle indique avoir réalisées et qu'elle entend voir décompter de façon hebdomadaire, en indiquant qu'aucune disposition de la convention collective applicable ne prévoit de décompte des heures supplémentaires à l'issue d'une période de référence qui serait supérieure à la semaine. Elle ajoute qu'un tel mécanisme de décompte des heures supplémentaires à l'issue d'une période de trois semaines et au delà d'un contingent fixé à 105 heures a vocation à priver la salariée de son droit au paiement des heures supplémentaires accomplies chaque semaine.
Mme [I] sollicite également le paiement des heures de pause en indiquant que son droit à disposer d'un tel temps de pause sans être sous la subordination de l'employeur a été manifestement détourné pour soumettre le personnel à une formation sur les nouveaux produits de tous les laboratoires.
Mme [I] considère ainsi avoir accompli sur l'ensemble de la période de travail un total de 52,25 heures supplémentaires correspondant à un rappel de salaire de 798,38 euros.
Les intimées font valoir que la durée du travail était répartie sur une période de référence de 3 semaines comme le permettent les dispositions de l'article L.3121-41 du code du travail, conformément aux dispositions du contrat de travail, de sorte que les heures supplémentaires réalisées au delà de 105 heures sur trois semaines étaient rémunérées en heures supplémentaires.
Les intimées s'opposent par ailleurs à la demande formée au titre des heures de pause au motif que les formations proposées ne présentaient pas de caractère obligatoire mais qu'elles étaient proposées sur la base du volontariat et organisées non par la pharmacie mais par les partenaires commerciaux ; qu'il ne s'agit pas de temps de travail effectif dès lors que Mme [I] avait ainsi la possibilité de vaquer à ses occupations personnelles sans être contrainte de rester à la disposition de l'employeur.
La relation de travail ayant été requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée avec la société Pharmacie [R], les dispositions du contrat de travail CDD conclu avec la société [Adresse 2] Distrib sont inopérantes.
L'article L. 3121-41 du code du travail prévoit que 'Lorsqu'est mis en place un dispositif d'aménagement du temps de travail sur une période de référence supérieure à la semaine, les heures supplémentaires sont décomptées à l'issue de cette période de référence.
Cette période de référence ne peut dépasser trois ans en cas d'accord collectif et neuf semaines en cas de décision unilatérale de l'employeur.
Si la période de référence est annuelle, constituent des heures supplémentaires les heures effectuées au delà de 1 607 heures.
Si la période de référence est inférieure ou supérieure à un an, constituent des heures supplémentaires les heures effectuées au delà d'une durée hebdomadaire moyenne de trente-cinq heures calculée sur la période de référence.'
L'article L. 3121-44 du code du travail dispose que 'En application de l'article L. 3121-41, un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut définir les modalités d'aménagement du temps de travail et organiser la répartition de la durée du travail sur une période supérieure à la semaine. Il prévoit :
1° La période de référence, qui ne peut excéder un an ou, si un accord de branche l'autorise, trois ans ;
2° Les conditions et délais de prévenance des changements de durée ou d'horaires de travail ;
3° Les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et des départs en cours de période de référence.
Lorsque l'accord s'applique aux salariés à temps partiel, il prévoit les modalités de communication et de modification de la répartition de la durée et des horaires de travail.
L'accord peut prévoir une limite annuelle inférieure à 1 607 heures pour le décompte des heures supplémentaires.
Si la période de référence est supérieure à un an, l'accord prévoit une limite hebdomadaire, supérieure à trente-cinq heures, au delà de laquelle les heures de travail effectuées au cours d'une même semaine constituent en tout état de cause des heures supplémentaires dont la rémunération est payée avec le salaire du mois considéré. Si la période de référence est inférieure ou égale à un an, l'accord peut prévoir cette même limite hebdomadaire. Les heures supplémentaires résultant de l'application du présent alinéa n'entrent pas dans le décompte des heures travaillées opéré à l'issue de la période de référence mentionnée au 1°.
L'accord peut prévoir que la rémunération mensuelle des salariés est indépendante de l'horaire réel et détermine alors les conditions dans lesquelles cette rémunération est calculée, dans le respect de l'avant-dernier alinéa.'
En l'espèce, il n'est justifié d'aucun accord d'entreprise ou de branche définissant les modalités d'aménagement du temps de travail et organisant la répartition de la durée du travail sur une période supérieure à la semaine conformément à l'article L. 3121-44 du code du travail sus-visé.
Ainsi, en l'absence d'accord fixant une modulation, la période de référence pour le calcul de la durée du travail et des heures supplémentaires doit être la semaine et non le mois, en application des articles L.3121-28 et L.3121-29 du code du travail. En outre en application de l'article L.3121-27 du code du travail, la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixé à 35 heures par semaine.
En application de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
En l'espèce, à l'appui de sa demande, Mme [I] présente :
- ses plannings de travail entre le mois d'octobre 2019 et le mois de mars 2020
- l'édition de ses badgeages pour les mois d'octobre 2019 à mars 2020 récapitulant des heures de travail hebdomadaires
La salariée présente ainsi des éléments suffisamment précis quant aux heures supplémentaires qu'elle dit avoir réalisées, permettant à l'employeur qui assure le contrôle des heures effectuées d'y répondre utilement.
Les intimées ne contestent pas formellement les éléments ainsi produits par la salariée en ce qu'ils résultent des badgeages effectués par Mme [I].
Concernant la demande au titre des temps de pause inclus par Mme [I] dans sa demande d'heures supplémentaires, la charge de la preuve du respect du temps de pause (d'une durée minimale de vingt minutes consécutives au delà de six heures de travail quotidien) incombe à l'employeur. Pour être effectif, le temps de pause, qui est un temps de repos, doit se distinguer du travail effectif.
En l'occurrence, les temps de formation tels que proposés aux salariées, y compris par des intervenants extérieurs partenaires commerciaux (laboratoires), ne sont pas assimilables à des temps de pause. En effet, même si ces formations sont réalisées de manière volontaire par les salariés, il n'en reste pas moins qu'ils se tiennent, lors des formations, à la disposition de l'employeur sans avoir la possibilité de vaquer à des obligations personnelles.
La participation volontaire aux formations ainsi proposées ne dispensait pas l'employeur de s'assurer de ce que les salariés disposaient de pauses effectives au delà de six heures de travail quotidien, de sorte qu'il ne peut être reproché à Mme [I] d'inclure ces temps dans son temps de travail effectif pour le calcul des heures supplémentaires.
En conséquence des éléments ainsi produits par les parties, la cour a la conviction que Mme [I] a effectué les heures supplémentaires qu'elle sollicite pour la période d'octobre 2019 à mars 2020, pour un quantum total de 52,25 heures supplémentaires, correspondant, après majoration du taux horaire de 25%, à un rappel de salaire de 665,52 €
Il résulte toutefois des bulletins de salaire que l'employeur a réglé en mars 2020 19 heures supplémentaires
Après déduction des montants ayant été ainsi versés à Mme [I] à hauteur de la somme totale de 247,10 euros, la société Pharmacie [R] est ainsi redevable de la somme de 418,42 euros bruts à l'égard de Mme [I] au titre des heures supplémentaires.
Par infirmation du jugement déféré la société Pharmacie [R] doit être condamnée à payer cette somme à Mme [I] à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires réalisées
- sur le travail dissimulé
Mme [I] considère que la société Pharmacie [R] a volontairement omis de mentionner sur son bulletin de salaire le nombre d'heure de travail réellement effectué. Elle ajoute que la dissimulation d'emploi salarié résulte également du fait qu'elle n'a pas conclu de contrat de travail avec la Pharmacie [R] alors qu'elle répondait aux directives et instructions de celle-ci, aucune déclaration préalable à l'embauche n'ayant ainsi été réalisée, traduisant ainsi l'existence d'un travail dissimulé
Les intimées soulèvent d'abord l'irrecevabilité de cette demande comme étant une demande nouvelle en appel, et ajoutent qu'il n'est en tout état de cause pas rapporté la preuve d'une intention délibérée de dissimulation d'heures de travail.
- sur la recevabilité de la demande :
Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
L'article 565 du code de procédure civile prévoit que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
L'article 566 du même code dispose que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
Mme [I] n'avait pas formé de demande sur le fondement juridique du travail dissimulé en première instance mais elle avait formé une demande en paiement de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, et avait en outre sollicité du conseil de prud'hommes la reconnaissance de l'existence d'un lien de subordination avec la 'Pharmacie de [Localité 7] de Nantes' et en conséquence la reconnaissance d'un contrat de travail et d'une relation salariale en qualité de conseillère-vente en parapharmacie avec cette dernière.
En conséquence, la cour considère que la demande indemnitaire formée par Mme [I] sur le fondement du travail dissimulé est la conséquence directe et le complément nécessaire aux demandes initialement formées, de sorte que cette demande est donc recevable.
- sur le bien-fondé de la demande :
Selon l'article L. 8221-5 du code du travail,"Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales."
Selon l'article L. 8223-1, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Toutefois, le travail dissimulé n'est caractérisé que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
En l'espèce, s'il a été précédemment retenu que des heures supplémentaires ont été effectuées par Mme [I] sans avoir été rémunérées par l'employeur, ces seuls éléments ne suffisent pas à caractériser l'intention de l'employeur de se soustraire aux dispositions légales relatives à l'organisation de son travail, laquelle ne résulte pas seulement de l'inexécution des formalités à accomplir ou de l'absence de déclaration des heures effectivement réalisées sur les bulletins de paie.
En revanche, aucun contrat de travail n'a été régularisé ni déclaration préalable à l'embauche effectuée par la société Pharmacie [R]. Le contrat de travail de Mme [I] a été conclu avec la société [Adresse 2] Distrib dans le cadre d'une opération de prêt de main d'oeuvre que la cour a jugé non régulière comme ne répondant pas aux conditions légales en l'absence d'information et de consentement de la salariée pour cette mise à disposition.
Ces éléments ne suffisent toutefois pas à caractériser l'intention de la société Pharmacie [R] de dissimuler l'emploi salarié de Mme [I], dont la déclaration préalable à l'embauche a bien été effectuée par la société [Adresse 2] Distrib. En effet, le seul recours à un prêt de main d'oeuvre illicite, non accompagné de la démonstration d'une mauvaise foi de l'employeur et d'une volonté de sa part de dissimuler l'emploi salarié de Mme [I] ne permet pas de caractériser l''infraction de travail dissimulé au sens des dispositions légales précitées, de sorte que Mme [I] sera déboutée de sa demande à ce titre, en ajoutant au jugement entrepris.
- sur la demande de 'rappel de salaire' pour non-paiement et retard de paiement :
Mme [I] fait valoir un retard de paiement des salaires de la part de la société [Adresse 2] Distrib quant au solde de tout compte du 1er avril 2020 dont le chèque n'a pas été signé, indiquant être restée près de deux mois sans salaire de ce fait. Elle indique avoir subi un préjudice financier de ce fait, en raison de frais bancaires et d'un retard de paiement des indemnités journalières . Elle évoque également l'attitude déloyale de la Pharmacie [R] pendant la relation contractuelle.
Elle sollicite en conséquence la condamnation de la Pharmacie [R] à lui payer la somme de 3 700 euros en réparation des préjudices subis.
A titre liminaire, force est de constater que Mme [I] ne justifie pas des faits qu'elle impute à la Pharmacie [R] au titre d'une exécution déloyale du contrat de travail, alors même qu'elle a déjà été indemnisée du préjudice subi du fait de l'erreur sur l'identité réelle de son employeur (en lien avec l'opération de prêt de main d'oeuvre illicite), et que la réticence dolosive n'a pas été retenue, ni les autres griefs (changements 'intempestifs' d'emploi du temps, immixtion dans la vie privée, retrait d'une offre unilatérale d'emploi en CDI).
Concernant le retard de paiement des sommes dues à Mme [I] au titre du solde de tout compte, celui-ci n'est pas contesté, les intimées expliquant qu'il s'agissait d'un oubli de signature du chèque de règlement ayant été adressé à Mme [I] et que la régularisation a été faite par la société [Adresse 2] Distrib dès qu'elle en a eu connaissance.
En application de l'article 1231-6 du code civil, les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte. Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire.
Mme [I] justifie de ce qu'après encaissement du chèque lui ayant été adressé par la société [Adresse 2] Distrib par courrier du 1er avril 2020, la somme de 2446,64 euros a été débitée de son compte en raison de l'absence de signature de ce chèque, et elle justifie également de la facturation de frais bancaires 'pour irrégularités et incidents' à hauteur de 20 euros.
Elle a finalement perçu son salaire par virement le 5 mai 2020 comme cela résulte du relevé de compte versé aux débats.
Aucune mauvaise foi n'est toutefois établie à l'égard de la société [Adresse 2] Distrib quant à ce retard en lien avec l'absence de signature du chèque.
Par ailleurs, s'il est établi que Mme [I] a perçu en juin 2020 des indemnités journalières à hauteur de 393,26 € pour la période du 16 mars au 29 mars 2020 (correspondant à l'arrêt de travail pour cause de confinement/garde d'enfant), le courrier de la CPAM du 12 mai 2020 indiquant être dans l'attente de la réception par l'employeur de l'attestation de salaire indispensable pour le versement des indemnités journalières ne permet pas en soi de caractériser une attitude fautive de ce dernier.
En conséquence, en l'absence de démonstration de la mauvaise foi de la part de la société [Adresse 2] Distrib il ne sera pas fait droit à la demande formée de ce chef, par confirmation du jugement déféré.
- sur la demande de 'réintégration des primes d'objectifs payés par chèques-cadeaux dans les bulletins de salaire d'octobre, novembre 2019, janvier et février 2020"
Mme [I] reproche à la Pharmacie [R] d'avoir payé en 'chèques cadeaux' les primes d'objectifs, et de ne pas les avoir mentionnées au sein des bulletins de salaires ce qui entraîne, selon elle, la soustraction de ces primes aux cotisations sociales afférentes. Elle ajoute que l'attribution de ces chèques cadeaux ne répondait pas aux conditions de l'URSSAF, faute notamment de respecter le plafond mensuel de la sécurité sociale.
L'employeur conteste les assertions de Mme [I] quant aux primes d'objectif qui seraient payées en chèques cadeaux (chèques Kadéos), en précisant que ces derniers sont gérés par le CSE et sans lien avec d'éventuelles primes sur objectifs allouées aux salariés.
Ni le contrat de travail ni ses avenants ne font état de primes sur objectifs, alors que les bulletins de salaire font état de paiement au titre de 'primes exceptionnelles'.
L'employeur explique qu'il s'agit de primes versées pour la création de cartes de fidélité à hauteur de 20 euros toutes les 50 cartes créées en versant aux débats la note interne établie par Mme [L] à ce titre.
Afin de justifier de l'attribution de 'chèques cadeaux' par le CSE, les intimées communiquent le procès verbal de la réunion du CSE du 27 avril 2021 faisant état de la demande de 'chèques cadeaux fête de mères/pères' (acceptée à hauteur de 11 000 € pour l'ensemble des salariés). Ce PV est toutefois postérieur à la fin des relations contractuelles avec Mme [I].
Mme [Y] [F], 'responsable click and collect' et membre titulaire du CSE atteste également de ce que les chèques cadeaux offerts par la pharmacie via le CSE 'sont répartis de façon équitable, les règles sont les mêmes pour l'ensemble des salariés', alors que 'les chèques cadeaux reçus des challenges laboratoire sont divisés selon le temps effectif du travail'.
L'octroi de chèques cadeaux par le CSE est ainsi distinct des primes exceptionnelles mentionnées sur les bulletins de salaire de Mme [I] et ne peut être considéré comme une 'prime d'objectifs'.
Toutefois, la Cour de cassation juge de manière constante que "les bons d'achat d'une valeur constante, attribués à l'ensemble des salariés en raison de cette qualité et à l'occasion du travail accompli, constituent un avantage soumis à cotisations pour l'intégralité de sa valeur" (Cass 2ème Civ 30 mars 2017 n°15-25.453), de sorte que les sommes ainsi accordées doivent être réintégrées dans l'assiette des cotisations.
Par infirmation du jugement déféré, il sera donc fait droit à la demande formée par Mme [I] à ce titre, correspondant aux sommes de 115 euros en octobre 2019, 150 euros en novembre 2019, 225 euros en janvier 2020 et 125 euros en février 2020.
- sur le paiement de la journée du 11 novembre 2019
Mme [I] considère que la Pharmacie [R] a abusivement déduit 8 heures de salaire pour la journée du 11 novembre 2019, ce dont elle sollicite la régularisation. Elle se fonde sur les dispositions de la convention collective de la pharmacie d'officine, en ce qui concerne la réalisation des gardes et urgence (indemnité de sujétion). Elle sollicite la condamnation de la société Pharmacie [R] à lui payer la somme de 108, 216 € à ce titre comprenant l'indemnisation du repos compensateur de 8 heures.
Les intimées n'ont pas conclu sur cette demande.
Toutefois, Mme [I] ne justifie pas de ce qu'elle était de garde le 11 novembre 2019, de sorte que les dispositions conventionnelles qu'elle invoque pour le calcul de l'indemnité de sujétion et le repos compensateur équivalent ne sont pas applicables.
C'est donc à bon droit que le conseil de prud'hommes a jugé qu'en application des dispositions de l'article L.3133-3 du code du travail, Mme [I] n'avait pas l'ancienneté suffisante pour prétendre au paiement de la journée du 11 novembre 2019.
Le jugement sera ainsi confirmé de ce chef.
- Sur l'absence de transmission du CDD traduit dans la langue natale de Madame [I]
Mme [I] sollicite l'infirmation du jugement ayant rejeté sa demande tendant à la remise du contrat traduit dans sa langue natale (ahmarique sémitique), en indiquant que cela lui aurait permis une bonne compréhension de l'ensemble des clauses du contrat.
Les intimées sollicitent, par confirmation du jugement, le rejet de cette demande.
Selon l'article L.1221-3 du code du travail, 'le contrat de travail établi par écrit est rédigé en français'(...) 'Lorsque le salarié est étranger et le contrat constaté par écrit une traduction du contrat est rédigée, à la demande du salarié, dans la langue de ce dernier'.
Or, comme l'a justement constaté le conseil de prud'hommes, Mme [I] a suivi un stage de reconversion professionnelle en français dans le cadre d'une formation au sein de l'IFOM de Nantes entre le 28 février et le 29 mai 2019, formation validée avec succès.
En outre, elle ne justifie pas avoir sollicité de son employeur la transmission de son contrat en langue ahmarique sémitique, ayant signé le contrat et les deux avenants sans formuler d'observations particulières.
Enfin, comme le relèvent les intimées, il résulte des échanges de mails et courriers versés aux débats que Mme [I] maitrisait parfaitement la langue française.
En conséquence de ces éléments, par confirmation du jugement déféré, Mme [I] sera déboutée de la demande formée à ce titre.
Sur la remise des documents sociaux
La demande de remise des bulletins de paie rectifiés conformes à la présente décision est fondée en son principe, et sera ainsi ordonnée.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Le jugement sera infirmé de ce chef.
La société Pharmacie [R] et la société [Adresse 2] Distrib, qui succombent partiellement, seront condamnées aux dépens de première instance et d'appel, et au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,
Déclare irrecevables les écritures et pièces transmises par Mme [H] [E] [I] postérieurement à la clôture et à l'audience, et sans autorisation de la cour.
Déclare recevables les demandes formées par Mme [H] [E] [I] au titre du prêt de main d'oeuvre illicite et du travail dissimulé.
Infirme le jugement déféré en ses dispositions contestées, sauf en ce qui concerne les demandes formées par Mme [H] [E] [I] au titre du dol, de la remise tardive du CDD, du retrait d'une offre unilatérale d'emploi, de la nullité du licenciement, des dommages-intérêts pour retard de paiement du solde de tout compte, du non paiement de la journée du 11 novembre 2019 et de la transmission du contrat traduit dans sa langue natale.
Statuant de nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,
Condamne solidairement la SELAS Pharmacie [R] et la SARL [Adresse 2] Distrib-Paraconnect à payer à Mme [H] [E] [I] la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du caractère illicite de la convention de prêt de main d'oeuvre conclue.
Requalifie en contrat de travail à durée indéterminée les relations contractuelles entre la SELAS Pharmacie [R] et Mme [H] [E] [I].
Dit que la rupture s'analyse en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Condamne la SELAS Pharmacie [R] à payer à Mme [H] [E] [I] les sommes suivantes :
- 418,42 euros de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires réalisées
- 1 545,50 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 154,55 euros au titre des congés payés afférents
- 1 500 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Rappelle que les sommes allouées porteront intérêts légaux à compter de la saisine du conseil de prud'hommes pour les sommes à caractère salarial et à compter du prononcé de l'arrêt pour les sommes à caractère indemnitaire.
Déboute Mme [H] [E] [I] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé.
Ordonne à la SELAS Pharmacie [R] de réintégrer dans l'assiette des cotisations sociales les sommes accordées au titre des cadeaux (chèques cadeaux) dont Mme [I] a été rendue bénéficiaire (115 euros en octobre 2019, 150 euros en novembre 2019, 225 euros en janvier 2020 et 125 euros en février 2020.)
Ordonne à la SELAS Pharmacie [R] de remettre à Mme [I] des documents de fin de contrat et bulletins de paie rectifiés conformes à la présente décision dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision.
Condamne solidairement la SELAS Pharmacie [R] et la SARL [Adresse 2] Distrib-Paraconnect à payer à Mme [H] [E] [I] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne in solidum la SELAS Pharmacie [R] et la SARL [Adresse 2] Distrib-Paraconnect aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.
ARRÊT N°263
N° RG 21/08074 -
N° Portalis DBVL-V-B7F-SK3S
Mme [H] [E] [I]
C/
- S.E.L.A.S. PHARMACIE [R]
- S.A.R.L. [Adresse 2] DISTRIB PARACONNECT
Sur appel du jugement du C.P.H. de NANTES du 03/12/2021
RG : F 20/770
Infirmation partielle
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Copie certifiée conforme délivrée
le:
à:
- Me Johan ZENOU,
- Me Anne-Laure MARY-CANTIN
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 15 OCTOBRE 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Nadège BOSSARD, Présidente,
Mme Anne-Laure DELACOUR, Conseillère,
Madame Anne-Cécile MERIC, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 03 Juillet 2025
En présence de Madame [C] [K], médiatrice judiciaire,
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 15 Octobre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
Madame [H] [E] [I]
née le 30 Janvier 1981 à [Localité 6] (ETHIOPIE)
demeurant [Adresse 5]
[Localité 3]
Comparante à l'audience et ayant Me Johan ZENOU de la SELEURL CABINET ZENOU, Avocat au Barreau de PARIS, pour Avocat constitué
INTIMÉES :
- la S.E.L.A.S. PHARMACIE [R] prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :
[Adresse 1]
[Localité 4]
- la S.A.R.L. [Adresse 2] DISTRIB PARACONNECT prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :
[Adresse 2]
[Localité 4]
TOUTES DEUX représentées par Me Lucie DELANGE substituant à l'audience Me Anne-Laure MARY-CANTIN de la SELARL RACINE, Avocats au Barreau de NANTES
Mme [I] [H] [E] a suivi un stage de reconversion professionnelle au sein de la Selas Pharmacie [R] (exerçant sous le nom commercial de Pharmacie de [Localité 7]) à [Localité 4] entre le 28 février et le 25 mai 2019, dans le cadre d'une formation suivie au sein du centre de formation professionnelle en esthétique IFOM de [Localité 4].
A la suite d'une reprise de contact fin août 2019 entre Mme [I] et Mme [L], directrice générale de la société Pharmacie [R], un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel pour le poste de conseillère esthétique a été régularisé du 09 au 28 septembre 2019 avec la société [Adresse 2] Distrib. Mme [I] a exercé ses fonctions de personnel attaché aux activités de vente et de conseil en produits cosmétiques, esthétiques et en parapharmacie au sein de la société Pharmacie [R]
A l'expiration du premier contrat à durée déterminée de Mme [I], le contrat de travail a été renouvelé pour une durée de trois mois jusqu'au 28 décembre 2019 au regard d'un besoin persistant en renfort de personnel.
Un second renouvellement de son contrat de travail, pour une nouvelle durée de trois mois, a été entériné sur la période courant du 30 décembre 2019 au 28 mars 2020.
En février 2020 Mme [I] a eu un entretien avec sa supérieure hiérarchique Mme [A] lors duquel a été notamment évoqué la possibilité d'une embauche en CDI à temps plein.
Le 13 mars 2020, Mme [I] a été placée en arrêt maladie pour garde d'enfants, en raison de la crise sanitaire et des mesures gouvernementales prises à cet effet.
Le contrat de travail de Mme [I] a pris fin le 28 mars 2020.
Le 09 avril 2020, Mme [I] s'est vu remettre des documents de solde de tout compte pour fin de contrat signé le 25 mars 2020.
Par courrier du 18 mai 2020, Mme [I] a contesté son solde de toute compte et a remis en cause son contrat de travail conclu avec la société [Adresse 2] Distrib.
Le 08 octobre 2020, Mme [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Nantes aux fins de :
- Confirmer le lien de subordination avec la 'Pharmacie de [Localité 7] de [Localité 4]' (Pharmacie [R]) et ordonner la mise en conformité par la rédaction et la remise du contrat de travail caractérisant l'emploi de Mme [I] en qualité de Conseillère-vente en parapharmacie, à compter du 09 septembre 2019, pour une activité normale et permanente ;
- Ordonner en application de la Directive CE 91/533, de l'article L1221-3 et l'article L1242-13 du code du travail, 'personnes étrangères', la remise de la traduction du contrat dans la langue de Mme [I] (en Amharique sémitique)
- Ordonner sous astreinte la remise à Mme [I] de l'ensemble de ses bulletins de paie sous en-tête de l'employeur et le paiement des salaires afférents (de septembre 2019 au jour de la notification du jugement) ;
- Accorder à Mme [I] l'application de la loi, article L. 1248-7 du code du travail qui prévoit une indemnisation d'un mois : 1 545,30 € ;
- Reconnaître la responsabilité de la 'Pharmacie de [Localité 7]' et la condamner à un mois de salaire pour s'être rétractée d'une offre unilatérale, acceptée par Mme [I] (articles 1113 et 1116 du code civil) : 1 545,30 € ;
- Accorder à Mme [I] une indemnité de 1 mois de salaire pour chacun des trois contrats, à titre de dommages et intérêts : 1 545,30 € ;
- Ordonner le rétablissement de toutes ces privations, sous astreinte de 150 euros par jour à compter de la notification du jugement ;
- Annuler pour dol tous les contrats de travail et ses avenants établis par la 'Pharmacie de [Localité 7]' avec les sceaux de la SARL [Adresse 2] Distrib ;
- Condamner solidairement, pour dol et complicité de dol, la Pharmacie [R] (Pharmacie de [Localité 7]) et la SARL [Adresse 2] Distrib à titre de dommages et intérêts;
- Requalifier le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à compter du 09 septembre 2019 (article L.1242 et suivants, et article L.1245-1 du code du travail) ;
- Ordonner le paiement des heures supplémentaires effectuées par Mme [I] et des heures de paye (formation professionnelle illégale) avec les conséquences en terme de prime de précarité et de congés payés afférents ;
- Ordonner le paiement à Mme [I] des salaires et accessoires au titre du confinement (chômage technique) du 16 mars au 31 mars 2020 avec les conséquences afférentes (précarité et congés payés) ;
- Condamner l'employeur pour non-paiement et retard de paiement de salaires (caractérisant un délit) : 3 700,00 € ;
- Ordonner la réintégration des primes d'objectifs (payés par chèques-cadeaux) dans les bulletins de salaire de Mme [I], de octobre, novembre 2019, janvier et février 2020 ;
- Condamner l'employeur pour licenciement irrégulier, s'analysant sans cause réelle et sérieuse ;
- Dire que la rupture de la relation de travail, née d'une éviction à la priorité d'accès à l'emploi, du refus de discrimination de traitement, et du refus à l'atteinte à la vie privée, est un licenciement nul ;
- Ordonner en conséquence le rétablissement de toutes les privations, sous astreinte de 150 euros par jour à compter de la notification du jugement ;
- Article 700 du code de procédure civile : 3 000,00 € ;
- Intérêts au taux légal avec capitalisation ;
- Exécution provisoire ;
- Sur le licenciement : si le licenciement est jugé irrégulier et abusif, à défaut de réintégration, qui emporte toutes ses conséquences 1 545,30 € ;
- Indemnité de défaut de procédure (licenciement irrégulier) : 1 545,30 € ;
- Indemnité compensatrice de préavis ;
- Congés payés afférents et congés payés supplémentaires (article 25-8 paragraphe 2 de la convention collective 3052) : 4 636,60 € Net ;
- Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 20 000,00 € ;
- Indemnité au titre de la non réintégration : 18 500,00 € ;
- Préjudice moral, professionnel, financier et social.
Par jugement en date du 03 décembre 2021, le conseil de prud'hommes de Nantes a :
- Dit qu'il y avait bien une relation tripartite entre Mme [I], la SARL [Adresse 2] Distrib et la SAS Pharmacie [R]-[L]
- Dit que les contrats de travail liant Mme [I] à la SARL [Adresse 2] Distrib sont réguliers
- Dit que la SARL [Adresse 2] Distrib est redevable envers Mme [I] de la somme de 234,91 € à titre de rappel de salaire et accessoires suite au confinement-chômage technique
- Dit que Mme [I] est redevable envers la SARL [Adresse 2] Distrib de la somme de 217,17 € à titre de trop perçu sur salaire
- Condamné en conséquence la SARL [Adresse 2] Distrib à payer à Mme [I] la somme de 19,48 €, par compensation des sommes précitées
- Débouté Mme [I] de l'ensemble de ses autres demandes
- Débouté les parties de leur demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- Laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens
Mme [I] a interjeté appel le 30 décembre 2021.
Selon ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 22 juin 2022, l'appelante Mme [I] sollicite :
- Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nantes rendu le 03 décembre 2021 (RG n° F 20/00770) en ce qu'il déboute Mme [I] de l'ensemble de ses demandes
Et statuant à nouveau,
In limine litis déclarer recevable la demande additionnelle formulée par Mme [I] relative à l'existence d'une opération de prêt de main d'oeuvre illicite conclue entre la Pharmacie de [Localité 7] ([R]) et la SARL [Adresse 2] Distrib
Sur le fond,
- Requalifier le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à compter du 09 septembre 2019 en application des articles L 1242 et suivants et l'article L1245-1 du code du travail, et sa réintégration dans les effectifs de la 'Pharmacie de [Localité 7] de [Localité 4]' (Pharmacie [R])
- Condamner la 'Pharmacie de [Localité 7] de [Localité 4]' au paiement de la somme de 3 700,00 € nets au titre de dommages-intérêts pour requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée
- Reconnaître le lien de subordination avec la 'Pharmacie de [Localité 7] de [Localité 4]' (Pharmacie [R]) et ordonner la mise en conformité par la rédaction et la remise du contrat de travail caractérisant son emploi en qualité de Conseillère-vente en parapharmacie à compter du 09 septembre 2019, pour une activité normale et permanente
- Ordonner la remise de la traduction du contrat dans sa langue natale (en Amharique sémitique) en application de la Directive CE 91/533 et de l'article L1242-13 du code du travail relative aux 'personnes étrangères'
- Ordonner sous astreinte la remise de l'ensemble de ses bulletins de paie sous en-tête de l'employeur et le paiement des salaires afférents (de septembre 2019 au jour de la notification du jugement). - Condamner la 'Pharmacie [R]' au paiement de la somme de 3 750,00 € au titre de l'article L 1278-7 du Code du travail. - Reconnaître la responsabilité de la 'Pharmacie de [Localité 7] de [Localité 4]', et la condamner à un mois de salaire, soit la somme de 1 687.70 € nets, pour s'être rétracté d'une offre unilatérale, acceptée par Madame [I] en application des articles 1113 et 1116 du Code civil.
- Ordonner le rétablissement de toutes ces privations, sous astreinte de 150 € par jour à compter de la notification du jugement.
- Annuler pour dol tous les contrats de travail et ses avenants établis par la 'Pharmacie de [Localité 7] [Localité 4]' (Pharmacie [R]) et la SARL [Adresse 2] Distrib, à titre de dommages et intérêts
- Condamner solidairement, pour dol et complicité de dol, la 'Pharmacie [R]' et la SARL [Adresse 2] Distrib, au versement de la somme de 18 500,00 € nets à titre de dommages et intérêts.
- Condamner la 'Pharmacie de [Localité 7] de [Localité 4]' au paiement de la somme de 798.38 € brut au titre des heures supplémentaires effectuées par Mme [I] et des heures de pause (formation professionnelle illégale) avec les conséquences en termes de prime de précarité et de congés payés y afférents.
- Condamner la 'Pharmacie de [Localité 7] [Localité 4]' au paiement de la somme de 9 273 € nets au titre de la caractérisation du délit de travail dissimulé
- Condamner la Pharmacie de [Localité 7] de [Localité 4] et la SARL [Adresse 2] Distrib au paiement de la somme de 16 870 euros nets au titre de dommages-intérêts relatifs à l'opération de prêt de main d'oeuvre illicite
- Condamner la 'Pharmacie de [Localité 7] [Localité 4]' au paiement de la somme de 108,216 € brut au titre des heures de travail effectuées le 11 novembre 2019 et du repos compensateur équivalent prévu par la convention collective nationale de la pharmacie d'officine
- Condamner la 'Pharmacie de [Localité 7] de [Localité 4]' au paiement de la somme de 3 700,00 € nets, pour non-paiement et retard de paiement de salaires (caractérisant un délit).
- Ordonner la réintégration des primes d'objectifs (payés par chèques-cadeaux) dans les bulletins de salaire de Mme [I], de octobre, novembre 2019, janvier et février 2020.
A titre principal,
- Prononcer la nullité du licenciement en raison de la rupture de la relation de travail née d'une éviction à la priorité d'accès à l'emploi, du refus de discrimination de traitement, et du refus à l'atteinte à la vie privée
- Condamner la 'Pharmacie de [Localité 7] de [Localité 4]' au paiement de la somme de 246.12 € nets au titre de l'indemnité légale de licenciement
- Condamner la 'Pharmacie de [Localité 7] [Localité 4]' au paiement de la somme de 1 687.70 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de la somme de 168.77 € brut pour les congés payés y afférents
- Condamner la 'Pharmacie de [Localité 7] [Localité 4]' et la SARL [Adresse 2] Distrib au paiement de la somme de 20 252.40 € nets à titre de dommages-intérêts à hauteur de 12 mois de salaires, vis-à-vis de l'ensemble des préjudices subis par Mme [I] pendant la totalité de sa relation de travail et de la nullité de son licenciement
A titre subsidiaire,
- Condamner la 'Pharmacie [R]' et la SARL [Adresse 2] Distrib au paiement de la somme de 1 687.70 € nets pour licenciement irrégulier, s'analysant sans cause réelle et sérieuse.
En tout état de cause,
- Condamner la 'Pharmacie de [Localité 7]' (Pharmacie [R]) et la SARL [Adresse 2] Distrib à verser la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
- Condamner enfin, la 'Pharmacie de [Localité 7]' (Pharmacie [R]) et la SARL [Adresse 2] Distrib aux entiers dépens.
Selon leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 23 mars 2023, les intimées la SELAS Pharmacie [R] et la SARL [Adresse 2] Distrib-Paraconnect sollicitent :
- Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nantes
Et statuant à nouveau
- Rejeter la demande d'établissement d'un contrat de travail avec la Pharmacie [R] ;
- Prononcer la mise hors de cause de la Pharmacie [R] ;
- Déclarer irrecevable la nouvelle demande indemnitaire formée en cause d'appel au titre d'un prêt de main d'oeuvre illicite ou à défaut rejeter cette demande ;
- Rejeter la demande de traduction de la relation contractuelle en langue Amharique Sémitique ;
- Rejeter la demande formée au titre de la remise tardive de son contrat de travail à durée déterminée ;
- Rejeter la demande de requalification du contrat à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée ;
- Débouter Mme [I] des demandes indemnitaires subséquentes formées au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- Débouter Mme [I] de sa demande indemnitaire formée au titre du retrait d'une offre d'emploi unilatérale ;
- Débouter Mme [I] de sa demande indemnitaire au titre de la nullité du contrat de travail ;
- Débouter Mme [I] de ses demandes indemnitaires pour discrimination et licenciement nul ;
- Rejeter la demande de réintégrer le montant des chèques cadeaux au sein des bulletins de salaire ;
- Débouter Mme [I] de l'ensemble de ses demandes de rappels de salaire et d'heures supplémentaires ;
- Rejeter sa demande indemnitaire formée au titre de non-paiement et de retard de paiement de salaire ;
- Déclarer irrecevable ou à défaut infondé sa demande indemnitaire formée en cause d'appel au titre d'un travail dissimulé ;
- Débouter Mme [I] de l'ensemble de ses autres demandes.
A titre subsidiaire :
- Limiter le montant des condamnations dues au titre de la requalification de son contrat de travail à durée déterminée au versement :
- d'une indemnité de requalification de 1.541,08 € ;
- d'une indemnité compensatrice de préavis de 1.541,08 € bruts, outre 154,10 € au titre des congés payés y afférents ;
- de dommages et intérêts pour un montant de 1.541,08 €.
A titre infiniment subsidiaire,
- Limiter le montant des dommages et intérêts sollicités à divers titres à de plus justes proportions ;
En tout état de cause :
- Fixer le salaire mensuel de référence de Mme [I] à la somme brute 1.541,08 € ;
- Condamner Mme [I] au remboursement d'une somme de 217,17 € brut sur le fondement de la répétition de l'indu, au titre des heures supplémentaires rémunérées à tort ;
- Prononcer le cas échéant, la compensation de cette somme avec les éventuelles condamnations mises à la charge de la Société [Adresse 2] Distrib et/ou Pharmacie [R] ;
- Condamner Mme [I] au versement de la somme de 2.000 € la société [Adresse 2] Distrib et de la somme de 2.000 € la société Pharmacie [R], au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 05 juin 2025 et l'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 3 juillet 2025.
Par application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.
***
A l'issue de l'audience du 3 juillet 2025, Mme [H] [E] [I] a adressé à la cour un courrier, reçu le 11 juillet 2025, auquel elle a joint les conclusions d'appelante devant la cour d'appel qu'elle indique être datées 'de juillet et octobre 2023". Elle transmet également avec ce même courrier une pièce 47 intitulée 'déclaration de Mme [I] [H] [E] (convention tripartite frauduleuse)'.
MOTIFS :
- sur les conclusions et pièces transmises par Mme [I] postérieurement à la clôture :
En application de l'article 802 du code de procédure civile, 'après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.'
Selon l'article 445 du même code, 'après clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l'appui de leurs observations si ce n'est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444".
En l'occurrence, alors que la clôture avait été prononcée le 5 juin 2025 par le conseiller de la mise en état, Mme [I] a transmis, par courrier reçu le 11 juillet 2025 soit postérieurement à l'audience du 3 juillet, et sans y avoir été autorisée par la cour, un courrier explicatif joignant des conclusions (non datées) et une pièce n°47 non visée dans les dernières conclusions de son conseil qui avaient été notifiées par la voie électronique le 22 juin 2022.
Ces écritures et pièces n'ont en outre pas été communiquées aux intimées.
En conséquence, les écritures et pièces ainsi transmises par Mme [I] postérieurement à la clôture et à l'audience, et sans autorisation de la cour, seront déclarées irrecevables.
- sur la relation contractuelle entre les parties
Mme [I] souhaite voire reconnaître l'existence d'une opération de prêt de main d'oeuvre illicite au sens où la Pharmacie [R] aurait exercé sur elle un pouvoir de contrôle, de direction et de sanction caractérisant l'existence d'un lien de subordination. Elle formule une demande indemnitaire à ce titre.
Les intimées font valoir l'existence d'une relation tripartite et l'absence de tout lien contractuel entre Mme [I] et la SELAS Pharmacie [R].
Elles soutiennent que la demande au titre d'un prêt de main d'oeuvre illicite est irrecevable car nouvelle en cause d'appel et non fondée et disproportionnée sur le fond en ce que l'opération a été réalisée sans aucun but lucratif.
- sur la recevabilité de la demande au titre du prêt de main d'oeuvre illicite:
Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
L'article 565 du code de procédure civile prévoit que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
L'article 566 du même code ajoute que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
Mme [I] n'avait pas formé de demande sur le fondement juridique du prêt de main d'oeuvre illicite en première instance mais elle avait formé diverses demandes indemnitaires en sollicitant du conseil de prud'hommes la reconnaissance de l'existence d'un lien de subordination avec la 'Pharmacie de [Localité 7] de [Localité 4]' et en conséquence la reconnaissance d'un contrat de travail et d'une relation salariale en qualité de conseillère-vente en parapharmacie avec cette dernière.
En conséquence, la cour considère que la demande indemnitaire formée par Mme [I] sur le fondement du prêt de main d'oeuvre illicite tend aux mêmes fins que les demandes initialement formées, à savoir la reconnaissance d'un lien de subordination et d'une relation salariale entre Mme [I] et la société pharmacie [R]
Cette demande est donc recevable.
- sur le fond et la nature de la relation contractuelle entre Mme [I], la SARL [Adresse 2] Distrib et la Pharmacie [R]
Les intimées soutiennent l'existence d'une relation tripartite qui était connue par l'appelante :
- la société [Adresse 2] Distrib assure une prestation logistique à destination de plusieurs pharmacies nantaises dont la Pharmacie [R] et assure la mise à disposition de personnel attaché aux activités de vente et de conseil en produits cosmétiques, esthétiques et plus largement en parapharmacie
- une convention de mise à disposition a été conclue entre les deux sociétés concernant l'embauche de Mme [I] le 7 septembre 2019 constituant ainsi un prêt de main d'oeuvre à but non lucratif et licite.
Les intimées soutiennent également l'absence de tout lien de subordination entre Mme [I] et la pharmacie [R] dès lors que Mme [I] était placée sous la responsabilité de Madame [A] (manager parapharmacie), elle-même salariée de la Société [Adresse 2] Distrib et mise à disposition au sein de la Grande Pharmacie de [Localité 7] ; que Mme [I] ne peut prétendre que le pouvoir disciplinaire était exercé par la Pharmacie [R], cette dernière n'ayant jamais émis de recadrage ou avertissement. En outre, elles affirment que la pose de congés payés se faisait auprès de la société [Adresse 2] qui recevait également les arrêts maladies, et que Mme [A] effectuait également les entretiens individuels réguliers.
Elles sollicitent en conséquence la mise hors de cause de la société Pharmacie [R] et le débouté des demandes de Mme [I] tendant à voir reconnaître une relation contractuelle de travail avec cette dernière.
Mme [I] soutient l'absence de relation tripartite en affirmant qu'elle n'a pas donné son consentement à celle-ci nonobstant l'existence de bulletins de salaire mentionnant comme employeur la SARL [Adresse 2] Distrib. Elle prétend que les sociétés [Adresse 2] Distrib et la Pharmacie [R] se sont livrées à la pratique récurrente d'un usage constant et abondant d'abus et de tromperies dans la gestion des relations de travail, déguisé sous la forme d'une convention de prêt de main d'oeuvre à but non lucratif. Elle expose que dans ses différents échanges avec la Pharmacie [R], elle n'avait pas connaissance de l'identité de la société [Adresse 2], cette absence d'information et de transparence ayant alors vicié son consentement.
Elle considère également que la réalité du lien de subordination résulte des plannings et instructions organisant l'exercice de son activité professionnelle transmis par Mme [L] et des directives et une rémunération fixée unilatéralement par M. [R].
Selon l'article L. 8241-1 du code du travail, sauf exceptions expressément visées par le texte, toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d'oeuvre est interdite.
Une opération de prêt de main d'oeuvre ne poursuit pas de but lucratif lorsque l'entreprise prêteuse ne facture à l'entreprise utilisatrice pendant la mise à disposition que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés à l'intéressé au titre de la mise à disposition.
Le prêt de main d'oeuvre à but non lucratif est autorisé selon les dispositions de l'article L. 8241-2 du code du travail, et requiert :
1º L'accord du salarié concerné ;
2º Une convention de mise à disposition entre l'entreprise prêteuse et l'entreprise utilisatrice qui en définit la durée et mentionne l'identité et la qualification du salarié concerné, ainsi que le mode de détermination des salaires, des charges sociales et des frais professionnels qui seront facturés à l'entreprise utilisatrice par l'entreprise prêteuse ;
3º Un avenant au contrat de travail, signé par le salarié, précisant le travail confié dans l'entreprise utilisatrice, les horaires et le lieu d'exécution du travail, ainsi que les caractéristiques particulières du poste de travail.
Il résulte de l'extrait KBIS de la société [Adresse 2] Distrib que l'activité exercée par celle-ci est 'la gestion de la logistique liée à l'approvisionnement, la mise en rayon, l'optimisation des procédures d'achat et de marchandises de tous produits de cosmétologie, de parfumerie, d'optique, de complément alimentaire, de diététique et plus généralement de tous produits d'hygiène et de soins ne relevant pas du monopole pharmaceutique'. Son siège social est situé [Adresse 2] à [Localité 4].
Les intimées versent aux débats la convention de mise à disposition du personnel concernant spécifiquement Mme [I] signée entre la SARL [Adresse 2] Ditrib (M. [S] [P]) et la SELAS Pharmacie [R] (Pharmacie de [Localité 7]) en date du 7 septembre 2019. (Pièce 11 des intimées)
Cette convention, précise que 'les parties sont convenues en application des articles L.8241-1 et suivants du code du travail issus de la loi du 28 juillet 2011 relative au prêt de main d'oeuvre, de définir les conditions de mise à disposition au sein de la Pharmacie de [Localité 7] de personnel à durée indéterminée et sans but lucratif'.
Aux termes de cette convention qui organise précisément les relations entre les parties, Mme [I] a été mise à disposition de la SELAS Pharmacie [R] afin d'exercer les fonctions de 'conseiller dermocosmétique' (article 1), pour une durée déterminée minimale de trois semaines à compter du 9 septembre 2019. (Article 2)
Il est également précisé que 'Mme [H] [I] reste salariée de la société [Adresse 2] Distrib qui continue de lui verser sa rémunération et de lui remettre son bulletin de salaire' ; qu'elle 'exécutera ses missions pour le compte de la Pharmacie de [Localité 7] sous la responsabilité de [S] [P] ou de toute autre personne qui lui serait substituée' (article 3-1: exercice des fonctions et responsabilité). Selon l'article 3.2, 'le pouvoir disciplinaire reste assuré par la société [Adresse 2] Distrib'. L'article 3.4 dispose que Mme [I] est mise à disposition de la Pharmacie de [Localité 7] sur la base d'une durée 'mensuelle' (en réalité hebdomadaire) de 24 heures, et l'article 3.5 (lieu de travail) qu'elle exercera ses missions au sein de la pharmacie de [Localité 7] située [Adresse 1] à [Localité 4].
Enfin, la convention dispose en son article 4 que 'la mise à disposition faisant l'objet de la présente convention ne poursuit aucun but lucratif', en précisant que la société [Adresse 2] Distrib facturera à la Pharmacie de [Localité 7] chaque mois pour le mois précédent les salaires et charges sociales afférentes, indemnités de congés payés ainsi que les frais professionnels versés à Mme [I] au titre des heures de travail effectuées dans le cadre de la mise à disposition.
Une nouvelle convention de mise à disposition a été signée entre les mêmes parties le 26 septembre 2019, relativement à la mise à disposition de Mme [I] au sein de la Pharmacie de [Localité 7] pour une nouvelle période minimale de trois mois.
Il est également justifié par les intimées des factures de mise à disposition de personnel établies par la SARL [Adresse 2] Distrib à l'égard de la 'pharmacie [R]' pour les mois de septembre 2019 à mars 2020, concernant plusieurs personnels dont Mme [I], ainsi que des bulletins de salaire afférents établis par la SARL [Adresse 2] Distrib. (Pièce 12 des intimées).
Par ailleurs, un premier contrat de travail à durée déterminée a été signé le 9 septembre 2019 entre d'une part la SARL [Adresse 2] Distrib (représentée par M. [S] [P] en qualité de gérant) et d'autre part Mme [H] [E] [I], laquelle a été engagée pour exercer les fonctions de conseiller esthétique, pour la période du 9 septembre au 28 septembre 2019, moyennant une durée du travail fixée à 24 heures par semaine. Ce contrat est conclu afin de 'renforcer le personnel pour faire face à un accroissement temporaire de l'activité habituelle de la société'. (pièce 7 des intimées)
Ce contrat a été renouvelé à deux reprises, pour les mêmes motifs, selon avenant du 28 septembre 2019 pour la période allant jusqu'au 28 décembre 2019, puis selon avenant du 28 décembre 2018 (signé le 6 janvier 2020 par Mme [I]) pour la période allant jusqu'au 28 mars 2020. (Pièces 13 et 16 des intimées)
Or, force est de constater qu'à aucun moment lors de la signature de ce contrat et de ses avenants successifs, Mme [I] n'était informée de la réalité de la relation contractuelle et de sa 'mise à disposition' au sein de la société Pharmacie [R] qui, comme elle l'indique, n'est aucunement spécifiée au sein du contrat qu'elle a régularisé avec la société [Adresse 2] Distrib, et ce d'autant plus que ce contrat mentionne en son article 7 (lieu de travail) que 'le salarié exercera ses fonctions au siège social' (lequel est distinct du siège social de la société [R]).
Mme [I] considère en effet qu'ayant toujours été en relation avec la Pharmacie [R], elle avait donc la conviction que celle-ci était son seul employeur, et que la SARL [Adresse 2] Distrib était la dénomination juridique de la pharmacie [R].
Ainsi, l'accord de la salariée sur les conditions de cette mise à disposition, qui constitue une des conditions du prêt de main d'oeuvre à but non lucratif, n'est en l'espèce pas établi.
En outre, il n'est pas justifié par les pièces du dossier que Mme [I] ait été mise à disposition de la société Pharmacie [R] pour exécuter une tâche précise non liée à l'activité normale et permanente de l'entreprise.
Selon l'interprétation constante de l'article L.1221-1 du code du travail, le contrat de travail se caractérise par l'existence d'un lien de subordination du salarié à l'égard de son employeur qui a le pouvoir de lui donner des ordres et des directives, de contrôler l'exécution de son travail et de sanctionner les manquements de son subordonné. La seule volonté des parties est impuissante à soustraire un salarié au statut social qui découle nécessairement des conditions d'accomplissement de son travail. Ainsi l'existence d'une relation de travail dépend des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du salarié.
Il n'est d'abord pas contesté que Mme [I] exécutait une prestation de travail pour le compte de la Pharmacie [R]. Elle percevait une rémunération versée par la société [Adresse 2] Distrib qui était refacturée par la pharmacie [R].
Mme [I] verse aux débats des échanges de mail intervenus entre le 26 août et le 3 septembre 2019 avec Mme [Z] [L], directrice générale de la société Pharmacie [R], concernant un possible poste de conseiller en parapharmacie au sein de la 'Pharmacie de [Localité 7]', lesquels, s'ils constituent de simples pourparlers pour une embauche éventuelle, montrent que Mme [I] était alors en lien avec la seule société Pharmacie [R].(pièces 1 à 3 de la salariée)
Dans un mail du 3 septembre 2019, Mme [L], gérante de la société Pharmacie [R], indiquait en effet à Mme [I] qu'il était possible de lui proposer un CDD de 3 semaines du 9 au 28 septembre à 30 heures par semaine 'pour un dépannage car j'ai un réel besoin dans l'immédiat' et un mail du 4 septembre mentionnant 'je te transmets les pièces pour les contrats de septembre et pour la suite à partir d'octobre'.
Mme [I] justifie également d'un mail lui ayant été adressé par Mme [Z] [L] le 11 septembre 2019 concernant son emploi du temps à partir du 30 septembre (pièce 4).
Les autres mails communiqués émanent de Mme [B] [A] en qualité de 'responsable parapharmacie au sein de la pharmacie de [Localité 7]', dont les intimées justifient qu'elle a également été mise à disposition de la pharmacie [R] par la société [Adresse 2] Distrib à compter du mois de novembre 2019, selon convention de mise à disposition de personnel du 12 novembre 2019 (soit postérieurement à la prise de poste de Mme [I] à compter du 9 septembre 2019).
Il est ainsi versé aux débats plusieurs mails adressés aux employées de la parapharmacie relatif à la planification des vacances d'été de l'année 2020 (Mme [L] étant en copie du mail du 11 mars 2020), à la participation à des actions de formation des laboratoires ou concernant le résultat de 'challenges', aux procédures concernant les 'cartes cadeaux', aux plannings, aux dates des 'entretiens mensuels'.
Il résulte de l'ensemble de ces mails que [B] [A] était la responsable hiérarchique de l'équipe des conseillères-vendeuses de la parapharmacie, signant ses mails avec la mention 'responsable parapharmacie grande pharmacie de [Localité 7]', de sorte qu'aucun élément ne permettait de considérer qu'elle était en réalité elle-même salariée de la société [Adresse 2] Distrib. Il apparaît qu'elle recevait elle-même des directives et des consignes de la part de Mme [L] (Directrice générale) ou de M. [T] [R] (Président de la société), comme cela résulte notamment d'un mail du 21 janvier dans lequel elle fait part d'une procédure mise en place par Mme [L] et M. [R] concernant les cartes cadeaux.
Il n'est par ailleurs pas contesté que Mme [I] s'est vue remettre le règlement intérieur de la pharmacie [R] (pièce 10 des intimées).
Ainsi, même si les mails rappelant les consignes sont en effet presque exclusivement adressés par Mme [B] [A], laquelle est mise à disposition de la pharmacie [R] par la société [Adresse 2] Distrib, il est établi que Mme [A] agissait bien en qualité de responsable hiérarchique des conseillères en parapharmacie exerçant toutes au sein de la pharmacie [R] sans qu'il soit démontré qu'elles étaient toutes salariées d'[Adresse 2] Distrib, de sorte qu'il ne peut être considéré de ce seul fait que la société [Adresse 2] Distrib exerçait un pouvoir hiérarchique à l'égard de Mme [I] en lui donnant directement des ordres et des directives dont elle contrôlait l'exécution. Au contraire, Mme [A] en référait à Mme [L], directrice générale de la société Pharmacie de [Localité 7].
De même, aucun élément ne permet de considérer que la société [Adresse 2] Distrib disposait du pouvoir de sanctionner, en cas de besoin, les manquements de Mme [I], alors que plusieurs mails mentionnent Mme [L] en copie, notamment ceux adressés par Mme [A] à Mme [I] en mars 2020 en lien avec les conditions relatives à la possible signature d'un CDI (notamment les échanges de mail du 13 mars 2020, pièce 19 des intimées).
En conséquence, la prestation de travail réalisée au profit de la société Pharmacie [R] qui s'inscrit dans un lien de subordination caractérise un contrat de travail avec cette société qui a ainsi la qualité d'employeur de Mme [I].
Il s'en suit que Mme [I] est bien fondée à solliciter la requalification de son contrat de travail en contrat de travail à durée indéterminée avec la société [R].
Le jugement sera ainsi infirmé de ce chef.
En outre, dès lors que Mme [I] a été induite en erreur sur l'identité réelle de son employeur en l'absence de toute information précise à ce titre au sein du contrat de travail, et en contradiction avec les mails échangés par elle antérieurement avec Mme [L], le préjudice ainsi subi par elle de ce fait sera indemnisé par l'octroi de la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts.
Par infirmation du jugement déféré, la société Pharmacie [R] et la société [Adresse 2] Distrib seront condamnées 'in solidum' au paiement de cette somme.
- sur les demandes au titre du dol
Mme [I] soutient avoir été victime d'un dol de la part de la Pharmacie [R] entraînant la nullité de l'ensemble de ses contrats de travail. Elle fait valoir que la Pharmacie [R] a conclu à son insu une convention de prêt de main d'oeuvre avec la société [Adresse 2] Distrib, à travers la signature de CDD illégaux pour pourvoir un emploi sur une activité normale et permanente de l'entreprise
Les sociétés intimées soutiennent l'absence de nullité du contrat de travail tirée d'un dol et indiquent que l'appelante ne rapporte pas la preuve d'un préjudice spécifique et distinct autre que celui consécutif à la perte de son emploi.
Même si l'opération de prêt de main d'oeuvre à but non lucratif n'a pas été jugée régulière, Mme [I] ne rapporte pas pour autant la preuve d'une possible 'collusion frauduleuse' ayant, comme elle l'indique, 'vicié son consentement'. Elle ne verse aux débats aucun élément permettant de caractériser les agissements prétendument fautifs qu'elle invoque à l'encontre des intimées.
Le seul défaut d'information de la salariée dans le cadre du contrat de travail à durée déterminée ne suffit pas à rapporter la preuve d'une 'réticence dolosive' de la part de la société [Adresse 2] Distrib ou de la société Pharmacie [R] lors de la signature de ce contrat. Le seul fait que Mme [I] ait faussement considéré que la SARL [Adresse 2] Distrib était la dénomination juridique de la pharmacie [R] et qu'il s'agissait ainsi d'un seul et unique employeur ne suffit pas à caractériser une ruse de cette dernière.
Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a débouté Mme [I] des demandes formées de ce chef, tant en ce qui concerne 'l'annulation des contrats de travail et avenants établis' que les demandes indemnitaires.
Sur la requalification du CDD en CDI
La relation de travail ayant été requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée avec la société Pharmacie [R], sur le fondement du prêt de main d'oeuvre illicite et de la reconnaissance d'un lien de subordination entre ces deux parties, cette demande est donc sans objet.
- sur la demande au titre de la remise tardive des contrats CDD :
Mme [I] affirme avoir signé le 6 janvier 2020 un troisième contrat alors que le précédent était échu au 28 décembre 2019, soit avec un retard de 9 jours et sollicite, en application de l'article L.1248-7 du code du travail, la condamnation de la Pharmacie [R] à lui payer une indemnité de 3 750 euros à ce titre.
Les intimées soutiennent que le contrat et ses avenants de renouvellement ont été systématiquement communiqués dans un délai de 48h notamment le second avenant de renouvellement ayant été remis le 28 décembre 2019, mais que l'appelante a tardé à revenir vers son employeur en le régularisant seulement le 6 janvier suivant. Il ajoute qu'elle ne justifie d'aucun préjudice à ce titre.
En l'espèce, alors que le contrat à durée déterminée parvenait à échéance le 28 décembre 2019, l'avenant de second renouvellement versé aux débats indique 'fait en double exemplaire à [Localité 4] le samedi 28 décembre 2019" mais il est signé par Mme [I] le 6 janvier 2020 avec la mention 'sous toutes réserves'.
En application de l'article L. 1242-13 du code du travail, le contrat de travail doit être transmis au salarié au plus tard dans les deux jours suivant l'embauche. Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, l'employeur doit bénéficier de deux jours pleins pour accomplir cette formalité, et le point de départ du délai est fixé au lendemain de l'embauche. Le document transmis au salarié est le contrat de travail signé par les deux parties.
En revanche, en application de l'article L. 1248-7 la sanction de la méconnaissance des dispositions de l'article L.1242-13 est punie d'une amende (de 3 750 euros), laquelle est distincte d'une indemnité au bénéfice du salarié.
En conséquence, faute pour Mme [I] de justifier d'un préjudice de ce chef, sa demande sera rejetée, par confirmation du jugement déféré.
- sur la demande au titre du 'retrait d'une offre d'emploi unilatérale'
Mme [I] sollicite la condamnation de la 'Pharmacie de [Localité 7]' à lui payer une indemnité équivalente à un mois de salaire 'pour s'être rétractée de l'offre unilatérale acceptée par Mme [I]', en application des articles 1113 et 1116 du code civil.
Toutefois, Mme [I] n'explicite pas sa demande dans ses conclusions d'appel, alors que les échanges de mail intervenus entre le 26 août et le 3 septembre 2019 avec Mme [Z] [L], directrice générale de la société Pharmacie [R], concernant un possible poste de conseiller en parapharmacie au sein de la 'Pharmacie de [Localité 7]', ne sont pas de nature à caractériser une promesse unilatérale d'embauche, dès lors que ni la qualification ni la durée du travail ni la rémunération ne sont spécifiées ; qu'en outre le dernier mail adressé par Mme [L] le 3 septembre mentionne que les contraintes horaires de Mme [I] ne permettaient pas une embauche de celle-ci en CDI en précisant 'par contre je peux te proposer un CDD de trois semaines du 9 au 28 septembre à 30 heures par semaine pour un dépannage car j'ai un réel besoin dans l'immédiat avec ces horaires adaptés pour toi'.
En conséquence, Mme [I] sera déboutée de sa demande à ce titre, par confirmation du jugement déféré.
Sur les demandes au titre de la rupture
- sur la demande de nullité
Mme [I] soutient à titre principal la nullité de son licenciement au motif d'un comportement discriminatoire de l'employeur à son égard, reprochant à celui-ci de l'avoir évincée de la priorité d'accès à l'emploi en offrant un poste de conseillère en parapharmacie en CDI à une autre personne externe le 09 mars 2020. Elle soutient également avoir été victime de chantage pour prétendre à un CDI notamment sur les horaires et sur sa vie privée.
Les sociétés intimées contestent toute discrimination à l'égard de Mme [I]. Elles indiquent que si les parties ont échangé à plusieurs reprises, notamment au mois de février 2020, sur une éventuelle perspective d'embauche dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, aucun contrat n'a toutefois été régularisé du fait des circonstances liées à la pandémie. Elles affirment également que les contraintes personnelles de l'appelante se sont révélées incompatibles avec les exigences du poste occupé (notamment une ouverture à 8h15 et une fermeture à 19h45 une fois par semaine) et qu'elle a été soumise aux mêmes conditions de recrutement que tout autre candidat au poste.
Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail dans sa version en vigueur applicable au litige : 'Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d'un mandat électif local, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français.'
Selon l'article L. 1134-1 du code du travail, « Lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. »
Il appartient au juge du fond d'examiner la matérialité de tous les éléments invoqués par le salarié, d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, et dans l'affirmative, d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Force est de constater que Mme [I] ne précise pas le motif ou la cause de la discrimination invoquée par elle en lien avec une éviction de la priorité d'emploi telle que prévue par l'article 9 de son contrat de travail ('le salarié bénéficiera d'une priorité pour l'attribution d'un emploi à temps complet correspondant à sa catégorie professionnelle ou d'un emploi équivalent si un tel emploi venait à être disponible dans la société. La liste de ces emplois lui sera communiquée par écrit').
Sa demande s'analyse ainsi en une inégalité de traitement.
Il résulte des pièces transmises que des échanges de mails sont intervenus en mars 2020 entre Mme [I] et Mme [A] quant à la possibilité d'une embauche en CDI de Mme [I] (notamment le mail du 13 mars de [B] [A]). Cette possibilité avait également été précédemment évoquée lors d'un entretien entre Mme [A] et Mme [I] le 11 février 2020, et il était mentionné dans le compte-rendu que la régularisation d'un CDI nécessitait d'être disponible pour une ouverture et une fermeture par semaine (pièce 18 de l'employeur).
Il n'est toutefois pas établi que ces conditions soient spécifiques à Mme [I], alors que ce même compte-rendu indique que cette demande est faite en raison des nécessités du service en cas de prises de congés payés ou d'absence des autres salariées.
En outre, immédiatement après ces échanges, Mme [I] a cessé de travailler en raison des mesures gouvernementales et sanitaires prises en lien avec l'épidémie de Covid 19, ayant été contrainte de garder ses enfants à son domicile, comme cela résulte également des échanges intervenus.
Mme [I] évoque également des 'changements permanents et désordonnés de plannings pour la contraindre à la démission'.
Elle verse aux débats plusieurs mails émanant de [B] [A] concernant des modifications intervenues dans les plannings (notamment le mail du 10 décembre 2019, du 20 décembre 2019, 17 février 2020).
Toutefois, il résulte de la lecture de ces mails que les modifications de plannings, en lien surtout avec des absences de personnels ou des modifications dans l'organisation, concernaient plusieurs salariées et non seulement Mme [I].
En outre, le contrat de Mme [I] prévoyait la possibilité de modifier les horaires de la salariée tels que spécifiés au contrat en cas de surcroît temporaire d'activité, d'absence d'un ou plusieurs salariés, de fermeture de la société ou de services de garde, moyennant notification à la salariée 7 jours avant. Il est également précisé 'les parties conviennent toutefois de la possibilité d'aménagements temporaires et/ou occasionnels de cet horaire en fonction des circonstances particulières et selon les besoins du service', sachant que le contrat prévoit également la possibilité pour le salarié de réaliser des 'heures complémentaires'.
Enfin, il résulte de l'attestation de Mme [U] [J] [D], préparatrice en pharmacie, que les emplois du temps étaient décidés de façon équitable entre les divers salariés, et que Mme [A] était attentive aux demandes et aux souhaits de chacun. Elle précise que Mme [I] était consciente de la nécessité d'ouverture et de fermeture une fois par semaine 'par soucis d'égalité envers l'équipe'en ajoutant que 'cela n'a jamais été respecté de la part de cette dernière (Mme [I]). (...) 'Le fait que Mme [I] crie au racisme est une solution de facilité d'autant plus qu'elle n'a jamais subi d'actes racistes au sein de l'entreprise (...)
Ainsi, en considération de ces éléments, si en effet des modifications de plannings sont intervenues la concernant, Mme [I] n'établit pas que celles-ci étaient 'permanentes et désordonnées' et surtout que l'employeur cherchait à la 'contraindre à la démission'.
Au contraire les échanges de mail montrent que lors de l'embauche et pendant l'exécution du contrat, l'employeur a cherché à adapter les horaires de Mme [I] en lien avec ses contraintes familiales.
La circonstance par ailleurs de faire état des contraintes horaires en lien avec la signature d'un contrat de travail à durée indéterminée (pouvoir être présente lors de l'ouverture à 8H15 et de la fermeture à 19H45) ne suffit pas à caractériser un éventuel 'chantage' également allégué par l'appelante.
En conséquence, les éléments ainsi produits par Mme [I], même pris dans leur ensemble, ne laissent pas présumer l'existence d'une discrimination ou d'une inégalité de traitement à son égard, de sorte que les demandes en lien avec la nullité de la rupture sur ce fondement seront rejetées, par voie de confirmation du jugement déféré.
- sur la demande de licenciement sans cause réelle et sérieuse
Eu égard à la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée liant Mme [I] à la société Pharmacie [R], la rupture des relations s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Mme [I] est en droit de solliciter, en application de l'article L. 1234-5 du code du travail, une indemnité compensatrice de préavis égale au montant des salaires qu'elle aurait perçue si elle avait travaillé pendant la durée du préavis, soit en l'espèce la somme de 1 545,50 euros outre 154,55 euros au titre des congés payés afférents.
Par infirmation du jugement déféré la société Pharmacie [R] doit être condamnée à payer ces sommes à Mme [I].
Concernant l'indemnité de licenciement, Mme [I] ayant moins de 8 mois d'ancienneté elle ne peut en bénéficier en application tant de l'article L1234-9 du code du travail que de l'article 21 de la convention collective applicable
Concernant l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, selon l'article L.1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux, qui, pour une ancienneté inférieure à un an, ne peut excéder un mois de salaire.
En conséquence, la situation de Mme [I], qui a cessé de travailler en période de pandémie de covid 19 et de confinement, mais ne justifie pas pour autant de sa situation postérieure, notamment sur le plan professionnel, justifie de lui accorder la somme de 1500 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par infirmation du jugement déféré la société Pharmacie [R] doit être condamnée à payer cette somme à Mme [I].
Le licenciement étant déclaré sans cause réelle et sérieuse, il ne sera pas fait droit à la demande indemnitaire également formée au titre de la procédure irrégulière, laquelle ne peut se cumuler avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
- sur les demandes formées au titre de l'exécution du contrat de travail :
- sur la demande de rappel d'heures supplémentaires
Mme [I] sollicite le paiement des heures supplémentaires qu'elle indique avoir réalisées et qu'elle entend voir décompter de façon hebdomadaire, en indiquant qu'aucune disposition de la convention collective applicable ne prévoit de décompte des heures supplémentaires à l'issue d'une période de référence qui serait supérieure à la semaine. Elle ajoute qu'un tel mécanisme de décompte des heures supplémentaires à l'issue d'une période de trois semaines et au delà d'un contingent fixé à 105 heures a vocation à priver la salariée de son droit au paiement des heures supplémentaires accomplies chaque semaine.
Mme [I] sollicite également le paiement des heures de pause en indiquant que son droit à disposer d'un tel temps de pause sans être sous la subordination de l'employeur a été manifestement détourné pour soumettre le personnel à une formation sur les nouveaux produits de tous les laboratoires.
Mme [I] considère ainsi avoir accompli sur l'ensemble de la période de travail un total de 52,25 heures supplémentaires correspondant à un rappel de salaire de 798,38 euros.
Les intimées font valoir que la durée du travail était répartie sur une période de référence de 3 semaines comme le permettent les dispositions de l'article L.3121-41 du code du travail, conformément aux dispositions du contrat de travail, de sorte que les heures supplémentaires réalisées au delà de 105 heures sur trois semaines étaient rémunérées en heures supplémentaires.
Les intimées s'opposent par ailleurs à la demande formée au titre des heures de pause au motif que les formations proposées ne présentaient pas de caractère obligatoire mais qu'elles étaient proposées sur la base du volontariat et organisées non par la pharmacie mais par les partenaires commerciaux ; qu'il ne s'agit pas de temps de travail effectif dès lors que Mme [I] avait ainsi la possibilité de vaquer à ses occupations personnelles sans être contrainte de rester à la disposition de l'employeur.
La relation de travail ayant été requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée avec la société Pharmacie [R], les dispositions du contrat de travail CDD conclu avec la société [Adresse 2] Distrib sont inopérantes.
L'article L. 3121-41 du code du travail prévoit que 'Lorsqu'est mis en place un dispositif d'aménagement du temps de travail sur une période de référence supérieure à la semaine, les heures supplémentaires sont décomptées à l'issue de cette période de référence.
Cette période de référence ne peut dépasser trois ans en cas d'accord collectif et neuf semaines en cas de décision unilatérale de l'employeur.
Si la période de référence est annuelle, constituent des heures supplémentaires les heures effectuées au delà de 1 607 heures.
Si la période de référence est inférieure ou supérieure à un an, constituent des heures supplémentaires les heures effectuées au delà d'une durée hebdomadaire moyenne de trente-cinq heures calculée sur la période de référence.'
L'article L. 3121-44 du code du travail dispose que 'En application de l'article L. 3121-41, un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut définir les modalités d'aménagement du temps de travail et organiser la répartition de la durée du travail sur une période supérieure à la semaine. Il prévoit :
1° La période de référence, qui ne peut excéder un an ou, si un accord de branche l'autorise, trois ans ;
2° Les conditions et délais de prévenance des changements de durée ou d'horaires de travail ;
3° Les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et des départs en cours de période de référence.
Lorsque l'accord s'applique aux salariés à temps partiel, il prévoit les modalités de communication et de modification de la répartition de la durée et des horaires de travail.
L'accord peut prévoir une limite annuelle inférieure à 1 607 heures pour le décompte des heures supplémentaires.
Si la période de référence est supérieure à un an, l'accord prévoit une limite hebdomadaire, supérieure à trente-cinq heures, au delà de laquelle les heures de travail effectuées au cours d'une même semaine constituent en tout état de cause des heures supplémentaires dont la rémunération est payée avec le salaire du mois considéré. Si la période de référence est inférieure ou égale à un an, l'accord peut prévoir cette même limite hebdomadaire. Les heures supplémentaires résultant de l'application du présent alinéa n'entrent pas dans le décompte des heures travaillées opéré à l'issue de la période de référence mentionnée au 1°.
L'accord peut prévoir que la rémunération mensuelle des salariés est indépendante de l'horaire réel et détermine alors les conditions dans lesquelles cette rémunération est calculée, dans le respect de l'avant-dernier alinéa.'
En l'espèce, il n'est justifié d'aucun accord d'entreprise ou de branche définissant les modalités d'aménagement du temps de travail et organisant la répartition de la durée du travail sur une période supérieure à la semaine conformément à l'article L. 3121-44 du code du travail sus-visé.
Ainsi, en l'absence d'accord fixant une modulation, la période de référence pour le calcul de la durée du travail et des heures supplémentaires doit être la semaine et non le mois, en application des articles L.3121-28 et L.3121-29 du code du travail. En outre en application de l'article L.3121-27 du code du travail, la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixé à 35 heures par semaine.
En application de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
En l'espèce, à l'appui de sa demande, Mme [I] présente :
- ses plannings de travail entre le mois d'octobre 2019 et le mois de mars 2020
- l'édition de ses badgeages pour les mois d'octobre 2019 à mars 2020 récapitulant des heures de travail hebdomadaires
La salariée présente ainsi des éléments suffisamment précis quant aux heures supplémentaires qu'elle dit avoir réalisées, permettant à l'employeur qui assure le contrôle des heures effectuées d'y répondre utilement.
Les intimées ne contestent pas formellement les éléments ainsi produits par la salariée en ce qu'ils résultent des badgeages effectués par Mme [I].
Concernant la demande au titre des temps de pause inclus par Mme [I] dans sa demande d'heures supplémentaires, la charge de la preuve du respect du temps de pause (d'une durée minimale de vingt minutes consécutives au delà de six heures de travail quotidien) incombe à l'employeur. Pour être effectif, le temps de pause, qui est un temps de repos, doit se distinguer du travail effectif.
En l'occurrence, les temps de formation tels que proposés aux salariées, y compris par des intervenants extérieurs partenaires commerciaux (laboratoires), ne sont pas assimilables à des temps de pause. En effet, même si ces formations sont réalisées de manière volontaire par les salariés, il n'en reste pas moins qu'ils se tiennent, lors des formations, à la disposition de l'employeur sans avoir la possibilité de vaquer à des obligations personnelles.
La participation volontaire aux formations ainsi proposées ne dispensait pas l'employeur de s'assurer de ce que les salariés disposaient de pauses effectives au delà de six heures de travail quotidien, de sorte qu'il ne peut être reproché à Mme [I] d'inclure ces temps dans son temps de travail effectif pour le calcul des heures supplémentaires.
En conséquence des éléments ainsi produits par les parties, la cour a la conviction que Mme [I] a effectué les heures supplémentaires qu'elle sollicite pour la période d'octobre 2019 à mars 2020, pour un quantum total de 52,25 heures supplémentaires, correspondant, après majoration du taux horaire de 25%, à un rappel de salaire de 665,52 €
Il résulte toutefois des bulletins de salaire que l'employeur a réglé en mars 2020 19 heures supplémentaires
Après déduction des montants ayant été ainsi versés à Mme [I] à hauteur de la somme totale de 247,10 euros, la société Pharmacie [R] est ainsi redevable de la somme de 418,42 euros bruts à l'égard de Mme [I] au titre des heures supplémentaires.
Par infirmation du jugement déféré la société Pharmacie [R] doit être condamnée à payer cette somme à Mme [I] à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires réalisées
- sur le travail dissimulé
Mme [I] considère que la société Pharmacie [R] a volontairement omis de mentionner sur son bulletin de salaire le nombre d'heure de travail réellement effectué. Elle ajoute que la dissimulation d'emploi salarié résulte également du fait qu'elle n'a pas conclu de contrat de travail avec la Pharmacie [R] alors qu'elle répondait aux directives et instructions de celle-ci, aucune déclaration préalable à l'embauche n'ayant ainsi été réalisée, traduisant ainsi l'existence d'un travail dissimulé
Les intimées soulèvent d'abord l'irrecevabilité de cette demande comme étant une demande nouvelle en appel, et ajoutent qu'il n'est en tout état de cause pas rapporté la preuve d'une intention délibérée de dissimulation d'heures de travail.
- sur la recevabilité de la demande :
Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
L'article 565 du code de procédure civile prévoit que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
L'article 566 du même code dispose que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
Mme [I] n'avait pas formé de demande sur le fondement juridique du travail dissimulé en première instance mais elle avait formé une demande en paiement de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, et avait en outre sollicité du conseil de prud'hommes la reconnaissance de l'existence d'un lien de subordination avec la 'Pharmacie de [Localité 7] de Nantes' et en conséquence la reconnaissance d'un contrat de travail et d'une relation salariale en qualité de conseillère-vente en parapharmacie avec cette dernière.
En conséquence, la cour considère que la demande indemnitaire formée par Mme [I] sur le fondement du travail dissimulé est la conséquence directe et le complément nécessaire aux demandes initialement formées, de sorte que cette demande est donc recevable.
- sur le bien-fondé de la demande :
Selon l'article L. 8221-5 du code du travail,"Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales."
Selon l'article L. 8223-1, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Toutefois, le travail dissimulé n'est caractérisé que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
En l'espèce, s'il a été précédemment retenu que des heures supplémentaires ont été effectuées par Mme [I] sans avoir été rémunérées par l'employeur, ces seuls éléments ne suffisent pas à caractériser l'intention de l'employeur de se soustraire aux dispositions légales relatives à l'organisation de son travail, laquelle ne résulte pas seulement de l'inexécution des formalités à accomplir ou de l'absence de déclaration des heures effectivement réalisées sur les bulletins de paie.
En revanche, aucun contrat de travail n'a été régularisé ni déclaration préalable à l'embauche effectuée par la société Pharmacie [R]. Le contrat de travail de Mme [I] a été conclu avec la société [Adresse 2] Distrib dans le cadre d'une opération de prêt de main d'oeuvre que la cour a jugé non régulière comme ne répondant pas aux conditions légales en l'absence d'information et de consentement de la salariée pour cette mise à disposition.
Ces éléments ne suffisent toutefois pas à caractériser l'intention de la société Pharmacie [R] de dissimuler l'emploi salarié de Mme [I], dont la déclaration préalable à l'embauche a bien été effectuée par la société [Adresse 2] Distrib. En effet, le seul recours à un prêt de main d'oeuvre illicite, non accompagné de la démonstration d'une mauvaise foi de l'employeur et d'une volonté de sa part de dissimuler l'emploi salarié de Mme [I] ne permet pas de caractériser l''infraction de travail dissimulé au sens des dispositions légales précitées, de sorte que Mme [I] sera déboutée de sa demande à ce titre, en ajoutant au jugement entrepris.
- sur la demande de 'rappel de salaire' pour non-paiement et retard de paiement :
Mme [I] fait valoir un retard de paiement des salaires de la part de la société [Adresse 2] Distrib quant au solde de tout compte du 1er avril 2020 dont le chèque n'a pas été signé, indiquant être restée près de deux mois sans salaire de ce fait. Elle indique avoir subi un préjudice financier de ce fait, en raison de frais bancaires et d'un retard de paiement des indemnités journalières . Elle évoque également l'attitude déloyale de la Pharmacie [R] pendant la relation contractuelle.
Elle sollicite en conséquence la condamnation de la Pharmacie [R] à lui payer la somme de 3 700 euros en réparation des préjudices subis.
A titre liminaire, force est de constater que Mme [I] ne justifie pas des faits qu'elle impute à la Pharmacie [R] au titre d'une exécution déloyale du contrat de travail, alors même qu'elle a déjà été indemnisée du préjudice subi du fait de l'erreur sur l'identité réelle de son employeur (en lien avec l'opération de prêt de main d'oeuvre illicite), et que la réticence dolosive n'a pas été retenue, ni les autres griefs (changements 'intempestifs' d'emploi du temps, immixtion dans la vie privée, retrait d'une offre unilatérale d'emploi en CDI).
Concernant le retard de paiement des sommes dues à Mme [I] au titre du solde de tout compte, celui-ci n'est pas contesté, les intimées expliquant qu'il s'agissait d'un oubli de signature du chèque de règlement ayant été adressé à Mme [I] et que la régularisation a été faite par la société [Adresse 2] Distrib dès qu'elle en a eu connaissance.
En application de l'article 1231-6 du code civil, les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte. Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire.
Mme [I] justifie de ce qu'après encaissement du chèque lui ayant été adressé par la société [Adresse 2] Distrib par courrier du 1er avril 2020, la somme de 2446,64 euros a été débitée de son compte en raison de l'absence de signature de ce chèque, et elle justifie également de la facturation de frais bancaires 'pour irrégularités et incidents' à hauteur de 20 euros.
Elle a finalement perçu son salaire par virement le 5 mai 2020 comme cela résulte du relevé de compte versé aux débats.
Aucune mauvaise foi n'est toutefois établie à l'égard de la société [Adresse 2] Distrib quant à ce retard en lien avec l'absence de signature du chèque.
Par ailleurs, s'il est établi que Mme [I] a perçu en juin 2020 des indemnités journalières à hauteur de 393,26 € pour la période du 16 mars au 29 mars 2020 (correspondant à l'arrêt de travail pour cause de confinement/garde d'enfant), le courrier de la CPAM du 12 mai 2020 indiquant être dans l'attente de la réception par l'employeur de l'attestation de salaire indispensable pour le versement des indemnités journalières ne permet pas en soi de caractériser une attitude fautive de ce dernier.
En conséquence, en l'absence de démonstration de la mauvaise foi de la part de la société [Adresse 2] Distrib il ne sera pas fait droit à la demande formée de ce chef, par confirmation du jugement déféré.
- sur la demande de 'réintégration des primes d'objectifs payés par chèques-cadeaux dans les bulletins de salaire d'octobre, novembre 2019, janvier et février 2020"
Mme [I] reproche à la Pharmacie [R] d'avoir payé en 'chèques cadeaux' les primes d'objectifs, et de ne pas les avoir mentionnées au sein des bulletins de salaires ce qui entraîne, selon elle, la soustraction de ces primes aux cotisations sociales afférentes. Elle ajoute que l'attribution de ces chèques cadeaux ne répondait pas aux conditions de l'URSSAF, faute notamment de respecter le plafond mensuel de la sécurité sociale.
L'employeur conteste les assertions de Mme [I] quant aux primes d'objectif qui seraient payées en chèques cadeaux (chèques Kadéos), en précisant que ces derniers sont gérés par le CSE et sans lien avec d'éventuelles primes sur objectifs allouées aux salariés.
Ni le contrat de travail ni ses avenants ne font état de primes sur objectifs, alors que les bulletins de salaire font état de paiement au titre de 'primes exceptionnelles'.
L'employeur explique qu'il s'agit de primes versées pour la création de cartes de fidélité à hauteur de 20 euros toutes les 50 cartes créées en versant aux débats la note interne établie par Mme [L] à ce titre.
Afin de justifier de l'attribution de 'chèques cadeaux' par le CSE, les intimées communiquent le procès verbal de la réunion du CSE du 27 avril 2021 faisant état de la demande de 'chèques cadeaux fête de mères/pères' (acceptée à hauteur de 11 000 € pour l'ensemble des salariés). Ce PV est toutefois postérieur à la fin des relations contractuelles avec Mme [I].
Mme [Y] [F], 'responsable click and collect' et membre titulaire du CSE atteste également de ce que les chèques cadeaux offerts par la pharmacie via le CSE 'sont répartis de façon équitable, les règles sont les mêmes pour l'ensemble des salariés', alors que 'les chèques cadeaux reçus des challenges laboratoire sont divisés selon le temps effectif du travail'.
L'octroi de chèques cadeaux par le CSE est ainsi distinct des primes exceptionnelles mentionnées sur les bulletins de salaire de Mme [I] et ne peut être considéré comme une 'prime d'objectifs'.
Toutefois, la Cour de cassation juge de manière constante que "les bons d'achat d'une valeur constante, attribués à l'ensemble des salariés en raison de cette qualité et à l'occasion du travail accompli, constituent un avantage soumis à cotisations pour l'intégralité de sa valeur" (Cass 2ème Civ 30 mars 2017 n°15-25.453), de sorte que les sommes ainsi accordées doivent être réintégrées dans l'assiette des cotisations.
Par infirmation du jugement déféré, il sera donc fait droit à la demande formée par Mme [I] à ce titre, correspondant aux sommes de 115 euros en octobre 2019, 150 euros en novembre 2019, 225 euros en janvier 2020 et 125 euros en février 2020.
- sur le paiement de la journée du 11 novembre 2019
Mme [I] considère que la Pharmacie [R] a abusivement déduit 8 heures de salaire pour la journée du 11 novembre 2019, ce dont elle sollicite la régularisation. Elle se fonde sur les dispositions de la convention collective de la pharmacie d'officine, en ce qui concerne la réalisation des gardes et urgence (indemnité de sujétion). Elle sollicite la condamnation de la société Pharmacie [R] à lui payer la somme de 108, 216 € à ce titre comprenant l'indemnisation du repos compensateur de 8 heures.
Les intimées n'ont pas conclu sur cette demande.
Toutefois, Mme [I] ne justifie pas de ce qu'elle était de garde le 11 novembre 2019, de sorte que les dispositions conventionnelles qu'elle invoque pour le calcul de l'indemnité de sujétion et le repos compensateur équivalent ne sont pas applicables.
C'est donc à bon droit que le conseil de prud'hommes a jugé qu'en application des dispositions de l'article L.3133-3 du code du travail, Mme [I] n'avait pas l'ancienneté suffisante pour prétendre au paiement de la journée du 11 novembre 2019.
Le jugement sera ainsi confirmé de ce chef.
- Sur l'absence de transmission du CDD traduit dans la langue natale de Madame [I]
Mme [I] sollicite l'infirmation du jugement ayant rejeté sa demande tendant à la remise du contrat traduit dans sa langue natale (ahmarique sémitique), en indiquant que cela lui aurait permis une bonne compréhension de l'ensemble des clauses du contrat.
Les intimées sollicitent, par confirmation du jugement, le rejet de cette demande.
Selon l'article L.1221-3 du code du travail, 'le contrat de travail établi par écrit est rédigé en français'(...) 'Lorsque le salarié est étranger et le contrat constaté par écrit une traduction du contrat est rédigée, à la demande du salarié, dans la langue de ce dernier'.
Or, comme l'a justement constaté le conseil de prud'hommes, Mme [I] a suivi un stage de reconversion professionnelle en français dans le cadre d'une formation au sein de l'IFOM de Nantes entre le 28 février et le 29 mai 2019, formation validée avec succès.
En outre, elle ne justifie pas avoir sollicité de son employeur la transmission de son contrat en langue ahmarique sémitique, ayant signé le contrat et les deux avenants sans formuler d'observations particulières.
Enfin, comme le relèvent les intimées, il résulte des échanges de mails et courriers versés aux débats que Mme [I] maitrisait parfaitement la langue française.
En conséquence de ces éléments, par confirmation du jugement déféré, Mme [I] sera déboutée de la demande formée à ce titre.
Sur la remise des documents sociaux
La demande de remise des bulletins de paie rectifiés conformes à la présente décision est fondée en son principe, et sera ainsi ordonnée.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Le jugement sera infirmé de ce chef.
La société Pharmacie [R] et la société [Adresse 2] Distrib, qui succombent partiellement, seront condamnées aux dépens de première instance et d'appel, et au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,
Déclare irrecevables les écritures et pièces transmises par Mme [H] [E] [I] postérieurement à la clôture et à l'audience, et sans autorisation de la cour.
Déclare recevables les demandes formées par Mme [H] [E] [I] au titre du prêt de main d'oeuvre illicite et du travail dissimulé.
Infirme le jugement déféré en ses dispositions contestées, sauf en ce qui concerne les demandes formées par Mme [H] [E] [I] au titre du dol, de la remise tardive du CDD, du retrait d'une offre unilatérale d'emploi, de la nullité du licenciement, des dommages-intérêts pour retard de paiement du solde de tout compte, du non paiement de la journée du 11 novembre 2019 et de la transmission du contrat traduit dans sa langue natale.
Statuant de nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,
Condamne solidairement la SELAS Pharmacie [R] et la SARL [Adresse 2] Distrib-Paraconnect à payer à Mme [H] [E] [I] la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du caractère illicite de la convention de prêt de main d'oeuvre conclue.
Requalifie en contrat de travail à durée indéterminée les relations contractuelles entre la SELAS Pharmacie [R] et Mme [H] [E] [I].
Dit que la rupture s'analyse en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Condamne la SELAS Pharmacie [R] à payer à Mme [H] [E] [I] les sommes suivantes :
- 418,42 euros de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires réalisées
- 1 545,50 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 154,55 euros au titre des congés payés afférents
- 1 500 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Rappelle que les sommes allouées porteront intérêts légaux à compter de la saisine du conseil de prud'hommes pour les sommes à caractère salarial et à compter du prononcé de l'arrêt pour les sommes à caractère indemnitaire.
Déboute Mme [H] [E] [I] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé.
Ordonne à la SELAS Pharmacie [R] de réintégrer dans l'assiette des cotisations sociales les sommes accordées au titre des cadeaux (chèques cadeaux) dont Mme [I] a été rendue bénéficiaire (115 euros en octobre 2019, 150 euros en novembre 2019, 225 euros en janvier 2020 et 125 euros en février 2020.)
Ordonne à la SELAS Pharmacie [R] de remettre à Mme [I] des documents de fin de contrat et bulletins de paie rectifiés conformes à la présente décision dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision.
Condamne solidairement la SELAS Pharmacie [R] et la SARL [Adresse 2] Distrib-Paraconnect à payer à Mme [H] [E] [I] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne in solidum la SELAS Pharmacie [R] et la SARL [Adresse 2] Distrib-Paraconnect aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.