CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 15 octobre 2025, n° 21/18170
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Actua Tex (SASU)
Défendeur :
Teintureries De La Turdine (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Brun-Lallemenad
Vice-président :
M. Bertrand Gouarin
Conseiller :
M. Julien Richaud
Avocats :
Me Sandrine Rousseau, Me Jérôme Novel, Me Nathalie Lesenechal, Me Albans Jars, SELARL Elan Avocats, SELARL Jars Pappini & Associés
EXPOSE DU LITIGE
La SAS Actua'Tex exerce une activité principale de transformation textile et fabrique des tissus pour l'habillement.
La SA Teintureries de la Turdine spécialisée dans l'ennoblissement textile, soit les traitements d'impression, de blanchiment, de teinture, d'apprêts et de finition. Par jugement du 26 août 2004, le tribunal de commerce de Villefranche-Tarare a arrêté le plan de redressement par voie de cession de la SAS Marin au profit de la SA Teintureries de la Turdine.
La SAS Actua'Tex a confié à la SAS Marin puis à la SA Teintureries de la Turdine des travaux d'impression traditionnelle ou rotative.
Déplorant une réduction drastique des commandes à compter de janvier 2015, la SA Teintureries de la Turdine a proposé à la SAS Actua'Tex, par courrier de son conseil du 4 décembre 2018, de régler amiablement les conséquences de la rupture brutale partielle des relations commerciales établies qu'elle lui imputait.
Par lettre de son conseil du 11 février 2019, la SAS Actua'Tex contestait toute rupture brutale en expliquant la diminution du flux d'affaires par l'évolution défavorable du marché et l'accroissement de la demande d'impression numérique réactive à laquelle la SA Teintureries de la Turdine avait refusé de s'adapter en modifiant son outil de production.
C'est dans ces circonstances que la SA Teintureries de la Turdine a, par acte d'huissier de justice signifié le 8 août 2019, assigné la SAS Actua'Tex devant le tribunal de commerce de Lyon en indemnisation des préjudices causés par la rupture brutale de leurs relations commerciales établies
Par jugement du 30 septembre 2021, le tribunal de commerce de Lyon a :
- rejeté la demande de sursis présentée par la SAS Actua'Tex qui sollicitait la suspension de l'instance dans l'attente de la communication par la SA Teintureries de la Turdine d'un justificatif de sa marge brute ;
- constaté l'existence d'une relation commerciale établie entre les sociétés Actua'Tex et Teintureries de la Turdine d'une durée de 15 ans ;
- dit que la SAS Actua'Tex avait rompu brutalement et sans préavis la relation commerciale avec la SA Teintureries de la Turdine ;
- dit que la SAS Actua'Tex aurait dû accorder un préavis d'une durée minimale de 15 mois à la SA Teintureries de la Turdine ;
- condamné la SAS Actua'Tex à payer la somme de 202 155 euros à la SA Teintureries de la Turdine au titre de la perte de marge brute que cette dernière aurait dû réaliser jusqu'au terme du préavis de 15 mois à titre d'indemnisation du préjudice résultant de la rupture de leur relation commerciale établie ;
- débouté la SA Teintureries de la Turdine de sa demande au titre du coût des licenciements économiques ;
- débouté la SAS Actua'Tex de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- condamné la SAS Actua'Tex à payer à la SA Teintureries de la Turdine la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la SAS Actua'Tex aux entiers dépens.
Par déclaration reçue au greffe le 18 octobre 2021, la SAS Actua'Tex a interjeté appel de ce jugement.
Par ordonnance du 22 octobre 2024, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de production forcée de diverses pièces justificatives présentée par la SAS Actua'Tex.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 8 juillet 2025 par la voie électronique, la SAS Actua'Tex demande à la Cour de :
- réformer le jugement entrepris en ses dispositions suivantes :
o dit que la SAS Actua'Tex a rompu brutalement et sans préavis la relation commerciale avec la SA Teintureries de la Turdine ;
o dit que la SAS Actua'Tex aurait dû accorder un préavis d'une durée minimale de 15 mois à la SA Teintureries de la Turdine ;
o condamne la SAS Actua'Tex à payer la somme de 202 155 euros à la SA Teintureries de la Turdine au titre de la perte de marge brute que cette dernière aurait dû réaliser jusqu'au terme du préavis de 15 mois à titre d'indemnisation du préjudice résultant de la rupture de leur relation commerciale établie ;
o déboute la SAS Actua'Tex de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive ;
o déboute la SAS Actua'Tex à payer à la SA Teintureries de la Turdine la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
o condamne la SAS Actua'Tex aux entiers dépens ;
- statuant à nouveau, débouter purement et simplement la SA Teintureries de la Turdine de l'intégralité de ses demandes ;
- condamner la SA Teintureries de la Turdine à verser à la SAS Actua'Tex une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- en tout état de cause :
o condamner la SA Teintureries de la Turdine à verser à la SAS Actua'Tex une somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
o condamner la SA Teintureries de la Turdine aux entiers dépens distrait au profit de Maître Sandrine Rousseau.
Dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 2 septembre 2025, la SA Teintureries de la Turdine demande à la Cour :
- de confirmer le jugement en ce qu'il a :
o dit que la SAS Actua'Tex avait rompu brutalement et sans préavis la relation commerciale avec la SA Teintureries de la Turdine ;
o débouté la SAS Actua'Tex de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive ;
o condamné la SAS Actua'Tex à payer à la SA Teintureries de la Turdine la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
o condamné la SAS Actua'Tex aux entiers dépens ;
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a :
o constaté l'existence d'une relation commerciale établie entre la SA Teintureries de la Turdine et la SAS Actua'Tex d'une durée de 15 ans ;
o dit que la SAS Actua'Tex aurait dû accorder un préavis d'une durée minimale de 15 mois à la SA Teintureries de la Turdine ;
o condamné la SAS Actua'Tex à payer la somme de 202 155 euros à la SA Teintureries de la Turdine au titre de la perte de marge brute que cette dernière aurait dû réaliser jusqu'au terme du préavis de 15 mois à titre d'indemnisation du préjudice résultant de la rupture de leur relation commerciale établie ;
o débouté la SA Teintureries de la Turdine de sa demande de 183 677 euros faite au titre du coüt des licenciements économiques ;
- statuant à nouveau, de :
o juger que la relation commerciale établie entre les sociétés Teintureries de la Turdine et Actua'Tex a duré plus de 20 ans ;
o juger que la SAS Actua'Tex aurait dû accorder un préavis d'une durée minimale de 24 mois à la SA Teintureries de la Turdine ;
o en conséquence, condamner la SAS Actua'Tex à payer la somme de 432 744 euros à la SA Teintureries de la Turdine au titre de la perte de marge brute que cette dernière aurait dû réaliser jusqu'au terme du préavis de 24 mois à titre d'indemnisation du préjudice résultant de la rupture brutale de leur relation commerciale établie ;
o condamner la SAS Actua'Tex à payer à la SA Teintureries de la Turdine tout ou partie de la somme de 183 677 euros au titre du cout des licenciements économiques induits par la rupture brutale et partielle de la relation commerciale établie ;
- en tout état de cause :
o débouter la SAS Actua'Tex de toutes ses demandes à l'encontre de la SA Teintureries de la Turdine ;
o condamner la SAS Actua'Tex à payer à la SA Teintureries de la Turdine la somme de 15 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
o condamner la SAS Actua'Tex aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à la décision entreprise ainsi qu'aux conclusions visées pour un exposé détaillé du litige et des moyens des parties.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 septembre 2025. Les parties ayant régulièrement constitué avocat, l'arrêt sera contradictoire en application de l'article 467 du code de procédure civile.
MOTIVATION
1°) Sur la rupture brutale des relations commerciales établies
Moyens des parties
La SAS Actua'Tex, qui estime que la rupture alléguée ne peut qu'être partielle puisque les relations commerciales se sont poursuivies après 2015, explique que le secteur de l'industrie textile connaît depuis de nombreuses années une crise qui s'accompagne d'une modification profonde des modes de consommation et des modes de fabrication, l'impression numérique s'étant ainsi substituée, pour répondre aux multiplications rapides des collections et à l'abandon de la saisonnalité été/hiver, à l'impression rotative, plus coûteuse, moins rapide et trop limitée en nombre de couleurs par dessin. Soutenant que la crise économique n'a pas à présenter les caractères de la force majeure puisqu'elle n'est pas invoquée comme fait justificatif mais comme facteur exogène explicatif faisant obstacle à la caractérisation même d'une rupture brutale, elle précise ainsi que son chiffre d'affaires a chuté de 51 % entre 2011 et 2015 quand la réduction des commandes passées à la SA Teintureries de la Turdine n'était que de 35 % et que la part de son activité d'impression rotative, qui constituait le c'ur de la spécialisation de cette dernière, a diminué de 97 % entre 2014 et 2018 tandis que l'impression numérique réactive croissait de 0,1 % à 12 % de sa production totale entre 2013 et 2018 et l'impression numérique jet d'encre de 59 % sur la même période. Elle ajoute qu'elle n'a pas privilégié ses autres fournisseurs qui étaient tous concernés par la baisse des commandes et que la SA Teintureries de la Turdine ne démontre pas la réalité des investissements qu'elle prétend avoir réalisés en 2001 et 2005 pour développer son offre en matière d'impression numérique, l'acquisition d'une unique imprimante dédiée en avril 2015 étant tardive et insusceptible de permettre de répondre à ses besoins entre 2015 et 2018 et celle, alléguée mais non prouvée, de deux autres imprimantes numériques en 2018 et 2019 étant postérieure à la rupture qui lui est imputée. Elle conteste avoir eu recours aux services d'impression numérique de la SA Teintureries de la Turdine par le passé, cette dernière entretenant une confusion entre les échantillons (robracks ou rebracks) et les produits finis qu'elle n'a pas fabriqués à grande échelle.
Elle conteste subsidiairement la réalité et le quantum des préjudices allégués au motif que :
- les huit licenciements économiques évoqués ne sont pas causés par la brutalité de la rupture, et ce d'autant moins que le chiffre d'affaires dégagé à l'occasion de la relation représentait 3,5 % du chiffre d'affaires total de la SA Teintureries de la Turdine ;
- la relation, dont elle reconnaît le caractère établi, a débuté en 2001 et non au cours des années 1990 et s'est poursuivie postérieurement à l'année 2015, des commandes excédant 350 000 euros ayant ainsi été passées et imposant une déduction de la marge afférente dans le calcul du préjudice ;
- la SA Teintureries de la Turdine ne justifie pas de la marge sur coûts variables qu'elle allègue.
En réponse, la SA Teintureries de la Turdine expose que les relations, continues, stables et significatives ont débuté en 1990 avec la SAS Marin et se sont poursuivies sans interruption après la cession à son profit de son fonds de commerce. Elle estime que la réduction de moitié du flux d'affaires chaque année à compter de 2015, et ce alors même que le volume global d'activité de la SAS Actua'Tex augmentait, caractérise faute de préavis une rupture brutale partielle des relations commerciales établies, peu important la persistance d'un flux d'affaires résiduel. Observant que la SAS Actua'Tex ne lui a jamais précisé les raisons de la réduction des commandes en dépit de ses sollicitations répétées, elle conteste les causes exogènes opposées par cette dernière et estime la cessation du partenariat exclusivement imputable à ses choix de gestion internes. Elle précise ainsi que :
- la crise du secteur textile ne présente pas les caractères de la force majeure puisque, identifiée dès les années 1980, elle n'était pas imprévisible en 2015, et que la baisse du chiffre d'affaires de la SAS Actua'Tex n'est réellement intervenue qu'en 2018 et 2019, postérieurement à la rupture brutale ;
- l'impression numérique (frappe, jet d'encre/papier transfert, réactif, uni et laser) n'a pas remplacé l'impression rotative (pigmentaire, réactif, dispersé et papier) et que la SAS Actua'Tex, qui ne prouve pas que ses clients auraient exclusivement procédé à des commandes d'impression numérique à compter de janvier 2015, a continué à utiliser l'impression rotative. Elle en déduit que la mutation opposée a été volontairement opérée par la SAS Actua'Tex dans le cadre d'une modification de sa politique d'approvisionnement dictée par son entrée au capital de la société EVR qui est un concurrent direct et non imposée par les contraintes de l'évolution du marché. Elle ajoute que la SAS Actua'Tex, qui n'a recours au procédé d'impression numérique réactive qu'à titre résiduel (1,92 % en 2015, 11,71 % en 2017 et 12,62 % en 2018), ne lui a jamais commandé d'impressions jet d'encre, méthode qui est au c'ur de la modification de ses activités (respectivement 18 %, 64 % et 61,98 % sur la même période), alors qu'elle disposait des équipements nécessaires pour satisfaire ses besoins (deux imprimantes MUTOH acquises en 2005, une imprimante MIMAKI JV300 en 2015 et deux imprimantes MIMAKI TS300P et 1800 en 2018 et 2019). Elle précise à cet égard que, depuis le début des années 2000, ses robracks étaient imprimés numériquement. Elle ajoute que le débat artificiellement créé sur ses capacités à répondre à des commandes d'impression numérique est étranger à la solution du litige, la mutation opérée n'ayant jamais été portée à sa connaissance et ne dispensant pas l'auteur de la rupture de notifier un préavis écrit, constat qui prive de pertinence les demandes de production forcée de la SAS Actua'Tex qui tente de renverser indûment la charge de la preuve.
Au regard de la durée de la relation (20 ans), de son intensité (la relation représentant 5 % de son chiffre d'affaires total) et de sa régularité, elle estime le préavis éludé à 24 mois. Elle assoit le calcul de son préjudice (432 744 euros) sur l'application d'une marge sur coûts variables de 58,2 % au chiffre d'affaires moyen généré par la relation entre 2012 et 2014. Soulignant l'indifférence des éléments postérieurs à la rupture, elle soutient que les commandes ultérieures n'ont pas vocation à réduire son indemnisation. Elle ajoute que la cessation brutale du partenariat a causé le licenciement économique de huit salariés dont le coût constitue un préjudice réparable.
Réponse de la cour
En application de l'article L 442-6 I 5° du code de commerce dans sa version issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 applicable au jour de la rupture alléguée, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'économie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure.
- Sur les caractéristiques des relations commerciales
Au sens de ce texte, la relation, notion propre du droit des pratiques restrictives de concurrence qui n'implique aucun contrat (en ce sens, Com., 9 mars 2010, n° 09-10.216) et n'est soumise à aucun formalisme quoiqu'une convention ou une succession d'accords poursuivant un objectif commun puisse la caractériser, peut se satisfaire d'un simple courant d'affaires, sa nature commerciale étant entendue plus largement que la commercialité des articles L 110-1 et suivants du code de commerce comme la fourniture d'un produit ou d'une prestation de service (en ce sens, Com., 23 avril 2003, n° 01-11.664). Elle est établie dès lors qu'elle présente un caractère suivi, stable et habituel laissant entendre à la victime de la rupture qu'elle pouvait raisonnablement anticiper, pour l'avenir, une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial (en ce sens, Com., 15 septembre 2009, n° 08-19.200 qui évoque « la régularité, le caractère significatif et la stabilité de la relation commerciale » et Com., 11 janvier 2023, n° 21-18.299, qui souligne l'importance pour la victime de démontrer la légitimité de sa croyance dans la pérennité des relations). La poursuite de la relation par une personne distincte de celle qui l'a nouée initialement ne fait pas obstacle à sa stabilité en présence d'une transmission universelle de patrimoine et, à défaut, si des éléments démontrent que la commune intention des parties était de continuer la même relation (en ce sens, Com., 10 février 2021, n° 19-15.369).
La SAS Actua'Tex admet le caractère établi des relations commerciales nouées avec la SA Teintureries de la Turdine, y compris en ce qu'elles intègrent celles antérieurement entretenues avec la SAS Marin avant l'acquisition de son fonds de commerce (pièce 2 de l'intimée), mais conteste leur durée en fixant leur commencement en 2001 et non en 1990.
Sur ce point, la SA Teintureries de la Turdine produit :
- un graphique et un tableau non contestés en leur teneur (ses pièces 3 et 3.1) synthétisant les chiffres d'affaires mensuels dégagés par la SA Teintureries de la Turdine à l'occasion de ses relations avec la SAS Actua'Tex entre 2005 et 2018. Jusqu'au mois de janvier 2015, leur montant mensuel oscillait entre 28 000 euros et 58 000 euros pour une moyenne globale avoisinant 40 000 euros, le flux d'affaires ayant fortement décru de près de 52 % entre janvier 2009 et janvier 2010 avant de se stabiliser à un niveau annuel moyen de 445 208,05 euros entre 2012 et 2014, dernières années non affectées par la rupture alléguée constituant la période de référence (459 030,17 euros en 2012, 377 548,48 euros en 2013 et 499 045,49 euros en 2014), soit 37 100 euros par mois ;
- ses comptes de résultat des exercices 2012 à 2014 certifiés par son commissaire aux comptes (sa pièce 10) qui révèlent que, sur cette période, le chiffre d'affaires généré par la relation représentait respectivement 5,22 %, 4,35 % et 5,97 % du chiffre d'affaires total de la SA Teintureries de la Turdine ;
- un extrait de la balance comptable de la SAS Marin du 1er janvier au 31 décembre 2002 ainsi que ses chiffres d'affaires par client pour les exercices 2003 et 2004 (ses pièces 9 et 9.1) qui correspondent aux données relevées en 2005 et confirment la continuité des relations à des conditions identiques après le rachat de son fonds de commerce par la SA Teintureries de la Turdine (sa pièce 2).
Ces éléments confirment l'existence d'un flux d'affaires relativement stable en dépit de variations mensuelles, régulier, continu et significatif tant en valeur absolue que relativement à l'activité de la SA Teintureries de la Turdine et, ainsi, l'existence d'une relation établie entre 2000, date reconnue par la SAS Actua'Tex (page 35 de ses écritures), et 2015, date alléguée de la rupture.
En revanche, si un ancien responsable technico-commercial de l'usine exploitée par la SAS Marin puis par la SA Teintureries de la Turdine atteste, dans des termes voisins du dirigeant de la première qui explique que la SAS Actua'Tex était « un des tout premiers » de ses clients dans les années 1990 et 2000, de l'existence d'une « relation commerciale établie, ininterrompue, significative et pérenne » entretenue « dès les années 1990 » entretenue avec cette dernière (pièce 8 de l'intimée), ces assertions peuvent suffire à prouver l'existence d'une relation commerciale mais non à justifier de son caractère établi au sens de l'article L 442-6 I 5° du code de commerce faute de comprendre une explicitation des données sur lesquelles elles reposent et d'être étayées par des pièces financières ou comptables les confortant. Et, si le fondateur de la SAS Actua'Tex admet l'existence de relations commerciales dès 1998, il les qualifie de « timides » et ne livre aucun élément permettant d'induire leur caractère établi (pièce 8 de l'appelante).
En conséquence, la relation commerciale établie dont la rupture est imputée à la SAS Actua'Tex par la SA Teintureries de la Turdine a duré 15 ans au jour de la cessation alléguée des relations.
- Sur l'imputabilité de la rupture des relations et la détermination du préavis suffisant
L'article L 442-6 I 5° du code de commerce sanctionne non la rupture, qui doit néanmoins être imputable à l'agent économique à qui elle est reprochée, mais sa brutalité qui résulte de l'absence de préavis écrit ou de préavis suffisant. Celui-ci, qui s'apprécie au moment de la notification ou de la matérialisation de la rupture, s'entend du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser, soit pour préparer le redéploiement de son activité, trouver un autre partenaire ou une solution de remplacement en bénéficiant, sauf circonstances particulières, d'un maintien des conditions antérieures (en ce sens, Com., 10 février 2015, n° 13-26.414), les éléments postérieurs ne pouvant être pris en compte pour déterminer sa durée (en ce sens, Com, 1er juin 2022, n° 20-18960). Les critères pertinents sont notamment l'ancienneté des relations et les usages commerciaux, le degré de dépendance économique, le volume d'affaires réalisé, la progression du chiffre d'affaires, les investissements effectués, l'éventuelle exclusivité des relations et la spécificité du marché et des produits et services en cause ainsi que tout obstacle économique ou juridique à la reconversion. En revanche, le comportement des partenaires consécutivement à la rupture est sans pertinence pour apprécier la suffisance du préavis accordé. La rupture peut être totale ou partielle, la relation commerciale devant dans ce dernier cas être modifiée substantiellement (en ce sens, Com. 31 mars 2016, n° 14-11.329 ; Com 20 novembre 2019, n° 18-11.966).
Au regard de la fonction du préavis, la date d'appréciation de la suffisance de sa durée est celle de sa matérialisation concrète dans le tarissement du flux d'affaires ou de la notification de la rupture, qui correspond à l'annonce faite par un cocontractant à l'autre de sa volonté univoque de cesser la relation à une date déterminée, seule information qui peut permettre au partenaire délaissé de se projeter et d'organiser son redéploiement ou sa reconversion en disposant de la visibilité indispensable à toute anticipation.
Sur la réalité et l'imputabilité de la rupture
Les pièces déjà examinées confirment que le chiffre d'affaires généré par la relation atteignait 247 142 euros en 2015, soit une réduction du flux de commandes de 50 % par rapport à l'année 2014 et de 45 % au regard de la moyenne des trois derniers exercices, 114 010 euros en 2016, soit une baisse de 53 % par rapport à l'année précédente et de 74 % par rapport à la période de référence, et de 30 868 euros en 2017, soit une diminution de, respectivement, 73 % et 93 %, le tarissement se confirmant en 2018 (10 529 euros). Cette évolution est représentée de manière éclairante par le tableau produit en pièce 3 par la SA Teintureries de la Turdine :
Cette modification du flux d'affaires, qui excède largement l'unique variation notable relevée en 2009 et rompt nettement avec la stabilisation du flux et sa croissance régulière quoique légère entamée en 2010, est significative et s'analyse en une rupture, partielle puisque les commandes ont néanmoins perduré de manière résiduelle, de la relation commerciale établie au 1er janvier 2015.
Pour justifier cet état de fait qu'elle ne conteste pas, la SAS Actua'Tex invoque la crise du marché du textile ainsi que l'évolution de la demande vers l'impression numérique réactive. Les parties divergent sur le statut de ces moyens, l'appelante y voyant des faits empêchant la caractérisation de la rupture quand l'intimée y décèle des causes exonératoires devant revêtir les caractères de la force majeure.
Le dispositif institué par l'article L 442-6 I 5° du code de commerce est irrigué par un critère de liberté décisionnelle : la possibilité de sanctionner une rupture brutale présuppose, par hypothèse, que les partenaires soient libres d'en décider le principe et les modalités (critère mobilisé pour imputer la rupture à une société mère qui maîtrise en droit ou en fait les relations commerciales établies entre des tiers et ses filiales et, les privant de tout pouvoir de décision autonome quant au choix de leur partenaire et quant à la poursuite des relations qu'elles entretiennent avec lui, leur impose la rupture : Com., 22 juin 2022, n° 21-14.230). Dans cette logique, les moyens développés par la SAS Actua'Tex, qui tendent à établir le caractère exclusivement contraint de sa décision de réduire ses commandes, ne constituent pas des faits justificatifs de la rupture ou des causes exonératoires devant correspondre, en l'absence d'allégation d'une faute grave, à un cas de force majeure, mais des éléments touchant à l'imputation de la rupture à son auteur au sens de l'article L 442-6 I 5° du code de commerce, des causes exogènes subies imposant objectivement la modification du flux d'affaires y faisant obstacle (dans une logique voisine, retenant que la baisse des commandes inhérente à un marché en crise n'engageait pas la responsabilité de son auteur, Com. 8 novembre 2017, n° 16-15.285, cité par l'appelante).
Il ressort de l'extrait du site internet France-industrie.pro/industrie-textile daté de 2022 produit par la SA Teintureries de la Turdine (sa pièce 3) que, en France, entre 1986 et 2004, le secteur textile a perdu deux tiers de ses effectifs mais que, depuis 2017, la tendance s'inverse, les exportations étant en hausse et la production progressant légèrement, à l'instar de la productivité, tandis que l'Union des Industries Textiles relevait en 2017 une augmentation des effectifs de 3,6%. Ainsi, il est certain que, au jour de la rupture, l'activité de la SAS Actua'Tex était péjorativement affectée par la dégradation du marché, ce que confirme l'évolution de son chiffre d'affaires qui a chuté de 59 % entre 2010 et 2018 (ses pièces 6 et 7).
Pour autant, cette évolution était entamée plusieurs années avant la rupture, son chiffre d'affaires ayant été réduit de 57 % entre 2010 et 2015 sans que son flux d'affaires avec la SA Teintureries de la Turdine n'en ait été affecté et ayant augmenté de 19 % entre 2015 et 2016 (même pièce). Ainsi, contrairement à ce que soutient la SAS Actua'Tex, la réduction d'activité causée par la crise du secteur n'est pas corrélée, avant comme après la rupture, au volume d'affaires avec son partenaire. Cette analyse est transposable au métrage total de la SAS Actua'Tex entre 2010 et 2018 : alors que sa diminution constante entre 2010 et 2015 n'a pas emporté celle du chiffre d'affaires de la SA Teintureries de la Turdine généré par la relation, il augmente légèrement en 2016 et 2017 (pièces 12, 13 et 24 de l'appelante). Cette absence de lien dans les évolutions des chiffre d'affaires générés par la relation et propre à l'activité de la SAS Actua'Tex, censé refléter l'impact de la crise du secteur, exclut le rôle causal de celle-ci dans la rupture dont elle n'est pas un facteur explicatif.
Il en est de même de l'orientation de la demande vers l'impression numérique pour deux raisons :
- la SAS Actua'Tex ne prouve pas que la réorientation de son activité entamée en 2015 vers l'impression numérique soit la conséquence d'une mutation des commandes de ses propres clients, l'impression rotative qui constituait le c'ur de métier de la SA Teintureries de la Turdine représentant d'ailleurs 49 % de son activité en 2015 ;
- outre le fait que cette évolution n'a pas été évoquée par la SAS Actua'Tex avant les échanges précontentieux, cette dernière ne prouve pas avoir interrogé la SA Teintureries de la Turdine sur ses capacités de production numérique, quelle qu'en soit la forme (réactive ou jet d'encre). Aussi, son inaptitude à satisfaire ses besoins, qu'elle postule rétrospectivement, n'a pu fonder, à sa date, sa décision de réduire drastiquement le flux d'affaires. Aussi, les arguments et moyens de la SAS Actua'Tex opposés à ce titre sont inopérants et ne seront pas examinés.
En conséquence, aucun facteur exogène n'expliquant la modification substantielle d'affaires, celle-ci est nécessairement le fruit d'une décision interne, librement adoptée par la SAS Actua'Tex, de réorienter son activité. En ce sens, la rupture partielle lui est exclusivement imputable.
Sur le préavis éludé
Pour justifier la durée du préavis dont elle prétend avoir été privée, la SA Teintureries de la Turdine invoque la durée des relations (15 ans) et son intensité (constance, régularité et niveau des commandes) ainsi que l'importance de la SAS Actua'Tex au sein de sa clientèle.
Les parties ne livrent aucun élément concret sur la structure du marché et sur l'état de la concurrence que s'y livrent les acteurs économiques ainsi que sur les possibilités de redéploiement de son activité par la SA Teintureries de la Turdine qui ne jouissait ni d'une exclusivité prouvée ni d'un engagement de volume et qui bénéficiait d'une clientèle diversifiée puisque la SAS Actua'Tex, dont elle prétend qu'elle était son troisième client le plus important, représentait 5,18 % de son chiffre d'affaires global, proportion n'induisant aucun état de dépendance économique qui n'est d'ailleurs pas allégué. Enfin, la SA Teintureries de la Turdine, qui n'allègue pas avoir réalisé des investissements spécifiques pour les besoins de la relation, ne démontre pas que celle-ci ait impliqué une adaptation de ses produits et de ses processus de fabrication.
Aussi, au regard de la durée des relations et de son importance relative dans l'activité de la SA Teintureries de la Turdine, la durée du préavis suffisant sera fixée à 12 mois. Faute de l'avoir respecté, la SAS Actua'Tex a rompu partiellement mais brutalement les relations commerciales établies nouées avec celle-ci.
- Sur les préjudices
Le préjudice causé à la victime de la rupture est habituellement constitué de son gain manqué qui correspond à sa marge sur coûts variables, définie comme la différence entre le chiffre d'affaires dont la victime a été privée et les charges qui n'ont pas été supportées du fait de la baisse d'activité résultant de la rupture, appliquée au chiffre d'affaires moyen hors taxe qui aurait été généré pendant la durée du préavis éludé (en ce sens, Com. 28 juin 2023, n° 21-16.940 : « le préjudice principal résultant du caractère brutal de la rupture s'évalue en considération de la marge brute escomptée, c'est-à-dire la différence entre le chiffre d'affaires hors taxe escompté et les coûts variables hors taxe non supportés durant la période d'insuffisance de préavis, différence dont pourra encore être déduite, le cas échéant, la part des coûts fixes non supportés du fait de la baisse d'activité résultant de la rupture, durant la même période »). Cette approche n'exclut pas l'indemnisation d'autres préjudices directement causés par la brutalité de la rupture dès lors que, distincts du précédent, ils sont démontrés en leur principe et en leur étendue.
Sur le préjudice économique
Le préjudice subi, qui trouve son siège dans une anticipation déjouée, s'évalue à la date de la rupture à partir des éléments comptables antérieurs à celle-ci qui constituent le socle des prévisions de la victime, sans égard pour les circonstances postérieures telles sa reconversion durant la durée du préavis éludé. Celui-ci s'exécutant aux conditions de la relation, le gain manqué n'est que la projection de celui antérieurement réalisé.
Pour prouver le montant de sa marge perdue, la SA Teintureries de la Turdine produit une attestation de son directeur administratif et financier fixant son taux de marge brute à 43,5 % sur les exercices 2012 à 2017 et à 45,8 % pour l'année 2014 (sa pièce 7). Les informations contenues dans ce document ne seront pas retenues pour deux raisons : d'une part, établi par la SA Teintureries de la Turdine pour elle-même, il n'a pas de force probante à raison de la contestation de la SAS Actua'Tex ; d'autre part, il porte sur la marge brute. Or, la réparation intégrale supposant une indemnisation sans perte ni profit ordonnée sur le préjudice effectivement subi par la victime, la marge brute, différence entre le chiffre d'affaires et le coût direct des matières premières n'intégrant pas les charges variables non supportées du fait de la diminution d'activité, n'est pas l'indicateur pertinent pour évaluer le préjudice résultant de la brutalité de la rupture des relations commerciales établies, seule la marge sur coûts variables étant, hors hypothèses d'une réduction d'activité telle qu'elle emporte également une réduction des charges fixes, de ce fait adéquate. La SA Teintureries de la Turdine ne s'en prévaut d'ailleurs plus et communique une attestation de son expert-comptable fixant son taux de marge sur coûts variables à 58,2 % pour les exercices 2012 à 2014 (sa pièce 12). Si, par-delà la force probante découlant de la qualité de son auteur, qui exerce une profession règlementée et engage sa responsabilité contractuelle et délictuelle à raison notamment des inexactitudes qu'il certifie, cadre juridique qui constitue un gage sérieux de la sincérité de l'attestation qui a été délivrée, cette donnée concorde avec les éléments comptables produits, eux-mêmes contrôlés par un commissaire aux comptes (pièces 10 et 11 de l'intimée), l'expert-comptable mandaté par la SAS Actua'Tex souligne justement l'imprécision et l'incohérence des retraitements opérés au titre des coûts variables (sa pièce 8). Si la référence à l'activité globale de la SA Teintureries de la Turdine, et non à celle exclusivement liée à la relation, est pertinente en l'absence d'éléments indiquant une variation du taux de marge, les pourcentages affectés aux coûts variables afférents à l'électricité, à l'eau, au gaz et aux achats non stockés comme l'exclusion des coûts d'ennoblissement, d'achats de dessins et gravures et de bonifications ne sont ni clairement expliqués ni justifiés. Aussi, après recalcul de ces éléments conforme aux préconisations de l'expert-comptable de la SAS Actua'Tex, le taux de marge sur coûts variables pertinent atteint 49,7 %.
Appliqué au chiffre d'affaires annuel moyen HT dégagé à l'occasion de la relation durant la période de référence (371 783,60 euros), la marge sur coûts variables perdue pendant la période d'insuffisance de préavis atteint 184 776,45 euros.
Cependant, la rupture brutale n'a été que partielle. Aussi, pour éviter une indemnisation excédant le préjudice effectivement subi, la marge perçue sur le flux d'affaires persistant durant la période d'insuffisance de préavis, et non pendant toute la période de poursuite des relations, doit être déduite (en ce sens, Com., 29 janv. 2025, n° 23-19.972). Durant l'année 2015, qui correspond à l'insuffisance de préavis de 12 mois, la SA Teintureries de la Turdine a facturé à la SAS Actua'Tex la somme de 247 142,60 euros TTC, soit 206 383,43 euros HT (pièce 3.1 de l'intimée), sa marge étant de 102 572,56 euros. Aussi, le préjudice subi par la SA Teintureries de la Turdine est de 82 203,88 euros.
En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a fixé le préavis suffisant à 15 mois et a condamné la SAS Actua'Tex à payer à la SA Teintureries de la Turdine la somme de 202 155 euros en réparation de son préjudice économique. La première sera condamnée à payer à ce titre à la seconde la somme de 82 203,88 euros.
Sur le coût des licenciements pour motif économique
Le préjudice réparable sur le fondement de l'article L 442-6 I 5° du code de commerce est celui résultant de la brutalité de la rupture et non de la cessation d'activité elle-même (en ce sens, Com., 11 juin 2013, n° 12-20.846). Or, la SA Teintureries de la Turdine, qui s'appuie à ce titre sur deux attestations de son directeur administratif et financier (ses pièces 6 et 15) qui sont insuffisantes, pour les raisons déjà exposées, à prouver les faits qu'elles relatent et développent quoi qu'il en soit des considérations relatives à la diminution de l'activité et non à sa soudaineté, ne démontre pas en quoi les licenciements économiques notifiés en 2016 et 2017, soit postérieurement à l'expiration du préavis éludé, sont liés à la brutalité de la rupture, le nombre de salariés concernés (8 sur un effectif total de 66 ' pièce 9 de l'appelante) n'étant en outre pas cohérent avec le volume d'activité propre à la relation partiellement rompue.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
2°) Sur la procédure abusive
En vertu des dispositions des articles 1240 et 1241 (anciennement 1382 et 1383) du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
Au sens de ces textes, l'exercice d'une action en justice constitue par principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur équipollente au dol.
La condamnation de la SAS Actua'Tex sur le fondement de l'article L 442-6 I 5° du code de commerce exclut en soi l'abus qu'elle impute, sans par ailleurs le démontrer et justifier du principe et de la mesure du préjudice qu'elle invoque, à la SA Teintureries de la Turdine.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle de la SAS Actua'Tex à ce titre.
3°) Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions sur les frais irrépétibles et les dépens.
Succombant, la SAS Actua'Tex, dont la demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée, sera condamnée à supporter les entiers dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la SA Teintureries de la Turdine la somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il :
- dit que la SAS Actua'Tex aurait dû accorder un préavis d'une durée minimale de 15 mois à la SA Teintureries de la Turdine ;
- condamne la SAS Actua'Tex à payer la somme de 202 155 euros à la SA Teintureries de la Turdine au titre de la perte de marge brute que cette dernière aurait dû réaliser jusqu'au terme du préavis de 15 mois à titre d'indemnisation du préjudice résultant de la rupture de leur relation commerciale établie ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés
Fixe à 12 mois le préavis que la SAS Actua'Tex aurait dû accorder à la SA Teintureries de la Turdine avant de rompre partiellement leurs relations commerciales établies ;
Condamne la SAS Actua'Tex à payer à la SA Teintureries de la Turdine la somme de 82 203,88 euros en réparation du préjudice causé par la rupture brutale des relations commerciales établies ;
Y ajoutant,
Rejette la demande de la SAS Actua'Tex au titre des frais irrépétibles ;
Condamne la SAS Actua'Tex à payer à la SA Teintureries de la Turdine la somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SAS Actua'Tex à supporter les entiers dépens d'appel qui seront recouvrés directement par Maître Nathalie Sénéchal conformément à l'article 699 du code de procédure civile.