CA Montpellier, ch. com., 14 octobre 2025, n° 24/02140
MONTPELLIER
Arrêt
Autre
ARRÊT n°
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 14 OCTOBRE 2025
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 24/02140 - N° Portalis DBVK-V-B7I-QG2F
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 20 MARS 2024
TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER
N° RG 2022010744
APPELANTES :
S.A.S. VOLTAVEST prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Brigit VORSI loco Me Sophie DEBERNARD JULIEN de la SCP PALIES - DEBERNARD-JULIEN - MARTIN-VELEINE - CLAISE - PJDA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocats postulants
Représentée par Me Loïc EPAILLARD, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
S.A.S. VIGIE prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Brigit VORSI loco Me Sophie DEBERNARD JULIEN de la SCP PALIES - DEBERNARD-JULIEN - MARTIN-VELEINE - CLAISE - PJDA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocats postulants
Représentée par Me Loïc EPAILLARD, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
Société COMPAGNIE FINANCIERE DU GUYOUX prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 5]
[Localité 3] (LUXEMBOURG)
Représentée par Me Brigit VORSI loco Me Sophie DEBERNARD JULIEN de la SCP PALIES - DEBERNARD-JULIEN - MARTIN-VELEINE - CLAISE - PJDA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocats postulants
Représentée par Me Loïc EPAILLARD, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
S.A.S. VOLTA DEVELOPPEMENT prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Brigit VORSI loco Me Sophie DEBERNARD JULIEN de la SCP PALIES - DEBERNARD-JULIEN - MARTIN-VELEINE - CLAISE - PJDA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocats postulants
Représentée par Me Loïc EPAILLARD, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
S.A.S. TECNA prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Brigit VORSI loco Me Sophie DEBERNARD JULIEN de la SCP PALIES - DEBERNARD-JULIEN - MARTIN-VELEINE - CLAISE - PJDA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocats postulants
Représentée par Me Loïc EPAILLARD, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
INTIMEE :
S.A.S. COMECA INVESTISSEMENT prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me François BORIE de la SCP DORIA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 12 Août 2025
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 SEPTEMBRE 2025, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre
M. Thibault GRAFFIN, conseiller
M. Fabrice VETU, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Elodie CATOIRE
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Elodie CATOIRE, greffière.
FAITS ET PROCEDURE :
La S.A.S. Volta Développement est une société holding qui détenait en 2022 l'intégralité des actions de la S.A.S. Comeca, société mère des sociétés du groupe Comeca, spécialisé dans l'installation d'équipements électriques.
La société Volta Développement a été créée en 2013, au moment de la cession du groupe Comeca notamment à deux investisseurs par l'intermédiaire de la société Compagnie Financière du Guyoux (ci-après CFG) et de la S.A.S. Voltavest.
En 2022, la société Volta Développement était ainsi détenue d'une part par la S.A.S. Vigie, la société CFG, la société Voltavest, actionnaires majoritaires, et d'autre part par la S.A.S. Comeca Investissement, actionnaire minoritaire dont le président est M. [X] [I], par ailleurs fondateur du groupe Comeca.
Le 13 avril 2015, un contrat d'émission de valeurs mobilières, appelées bons de souscription d'actions (BSA) donnant accès au capital a été signé conformément à l'autorisation de l'assemblée générale des actionnaires de la société Volta Développement.
Ces BSA étaient destinés à l'intéressement des cadres, et le contrat d'émission prévoyait la possibilité de les réaliser dans des conditions précises.
Lors d'une assemblée générale du 28 avril 2022, les actionnaires de la société Volta Développement ont, sur la base du rapport spécial du président, d'une part modifié les modalités de réalisation des BSA, et d'autre part approuvé la création d'une S.A.S. Tecna destinée à recueillir les actions de tous les actionnaires de la société Volta Développement à l'exception de ceux de la société Comeca Investissement.
Cette délibération a été adoptée par tous les actionnaires de la société à l'exception de ceux de la société Comeca Investissement qui ont voté contre.
Par exploit du 26 juillet 2022, la société Comeca Investissement a assigné les sociétés Volta Développement, CFG, Voltavest et Vigie aux fins de les voir condamner pour abus de majorité et violation du droit d'information concernant les délibérations de l'assemblée générale du 28 avril 2022 et voir annuler l'intégralité desdites délibérations.
Par jugement contradictoire du 20 mars 2024, le tribunal de commerce de Montpellier a :
confirmé les trois jugements de jonction intervenus le 22 mai 2023, l'affaire principale étant inscrite sous le numéro de répertoire général 2022010744 ;
dit que l'exception d'incompétence soulevée en défense est recevable mais non fondée ;
en conséquence, s'est déclaré compétent d'avoir à connaitre la présente affaire et rejeté l'exception d'incompétence soulevée en défense ;
jugé que les délibérations de l'assemblée générale de la société Volta Développement du 28 avril 2022 et leurs conséquences sont constitutives d'un abus de majorité commis par les sociétés CFG, Voltavest et Vigie, et entachées de fraude, au détriment de la société Comeca Investissement ;
condamné solidairement les sociétés CFG, Voltavest Vigie et Tecna à payer à la société Comeca Investissement la somme de 2 088 000 euros en principal, outre intérêts au taux légal jusqu'à parfait paiement, à titre de réparation de son préjudice matériel ;
débouté les défenderesses de l'ensemble de leurs demandes en particulier de leur demande reconventionnelle ;
et condamné solidairement les sociétés CFG, Voltavest, Vigie, Tecna et Volta Développement à payer à la société Comeca Investissement la somme de 60 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par déclaration du 17 avril 2024, les sociétés Voltavest, Vigie, CFG, Volta Développement et Tecna ont relevé appel de ce jugement.
Par ordonnance de référé du 10 juillet 2024, le délégataire du premier président de la cour d'appel de céans a rejeté l'ensemble des demandes formées par les sociétés Volta Développement, CFG, Voltavest, Vigie et Tecna tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement entrepris, subsidiairement, à la consignation des sommes et à titre infiniment subsidiaire, la fourniture par la société Comeca Investissement d'une garantie à première demande bancaire.
Par conclusions du 16 juillet 2024, les sociétés Voltavest, Vigie, CFG, Volta Développement et la Tecna demandent à la cour, au visa des articles 1240, 1832 du code civil et des articles 42, 75 et suivants du code de procédure civile, de :
infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Sur la compétence,
constater que, en l'état de ses dernières conclusions récapitulatives, la société Comeca Investissement ne forme plus aucune demande principale à l'encontre de la société Volta Développement ;
constater que leur lieu d'établissement est situé soit à [Localité 7] soit au Luxembourg ;
se déclarer en conséquence incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris ;
Sur le fond,
constater que les conditions de l'abus de majorité ne sont pas réunies ;
constater que les conditions de la fraude ne sont pas réunies ;
constater que la société Comeca Investissement ne démontre pas l'existence d'un préjudice ;
la débouter de l'ensemble de ses demandes ;
En tout état de cause,
écarter l'exécution provisoire de droit ;
et la condamner à leur payer à chacune la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions du 16 octobre 2024, la société Comeca Investissement demande à la cour, au visa des articles 1240, 1832 et suivants du code civil et de l'article L. 235-1 du code de commerce, de :
confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
débouter les sociétés CFG, Voltavest, Vigie, Tecna de l'ensemble de leurs demandes ;
Y ajoutant,
et les condamner solidairement à lui payer la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction.
Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est datée du 12 août 2025.
MOTIFS :
Sur la procédure
Le 12 août 2025, jour de la clôture, à 17h28, après que l'ordonnance de clôture eut été rendue à 16h31, les sociétés appelantes ont fait signifier des conclusions.
Le 1er septembre 2025, la société intimée a fait signifier des conclusions d'incident sollicitant que ces conclusions signifiées après la clôture soient déclarées irrecevables.
Selon les dispositions de l'article 914-3 alinéa 1 du code de procédure civile, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.
En l'espèce, les conclusions des sociétés appelantes signifiées sans cause grave après la délivrance de l'ordonnance de clôture, qui ne comportent aucune demande de révocation de cette dernière, sont irrecevables.
Sur la compétence territoriale
Les sociétés appelantes soutiennent que le tribunal de commerce de Montpellier n'est pas territorialement compétent puisque toutes les sociétés défenderesses ont leur siège social à Paris ; elles affirment que le siège social de la société Volta Développement ne se situe pas à [Localité 8] dans l'Hérault, mais à [Localité 7] ; qu'en matière délictuelle la compétence relève du lieu du fait dommageable, qui est également [Localité 7], c'est-à-dire celui où la décision de l'assemblée générale de la société a été prise ; et que la société Comeca Investissement a frauduleusement attrait dans la procédure la société Volta Développement pour pouvoir retenir la compétence du tribunal de commerce de Montpellier qui rend de manière systématique des décisions qui lui sont favorables, alors même qu'en définitive elle ne lui demande rien dans ses dernières écritures.
Il doit être à titre liminaire relevé que si dans le corps de leurs écritures les sociétés appelantes sollicitent la mise hors de cause de la société Volta Développement et/ou l'irrecevabilité des demandes formées à son encontre, elles ne reprennent pas ces demandes dans le dispositif de leurs conclusions.
La société Comeca Investissement soutient qu'elle avait dans un premier temps attrait la société Volta Développement dans la procédure aux fins de solliciter la nullité de la délibération du 28 avril 2022 des actionnaires de cette dernière par laquelle ceux-ci ont modifié en les restreignant les termes et conditions juridiques des BSA managers. Toutefois, elle affirme que postérieurement à la délivrance de son assignation, des décisions ont été prises en application de cette délibération, de sorte qu'elle a modifié ses demandes, qui d'une demande d'annulation de la délibération litigieuse, en demande de condamnation de paiement de dommages-intérêts, et qu'en matière d'abus de majorité, la compétence est celle du ressort dans lequel le dommage a été subi, c'est-à-dire en l'espèce le lieu de son siège social sis à [Localité 6].
De manière générale, en matière d'abus de majorité, l'action peut porter sur la nullité de la décision collective, en l'espèce la délibération des associés de la société Volta Développement, ou peut prendre la forme d'une demande indemnitaire formée par les associés minoritaires.
En matière d'action en responsabilité délictuelle, l'article 46 du code de procédure civile donne compétence à la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi.
En l'espèce, l'action de la société Comeca Investissement en nullité de la délibération du 28 avril 2022 prise par les actionnaires de la société Volta Développement, a ensuite évolué en une demande indemnitaire dirigée contre les actionnaires majoritaires de cette dernière.
Or, la compétence doit s'apprécier au jour de l'introduction de l'instance.
Dans son assignation du 26 juillet 2022, la société Comeca Investissement sollicitait la nullité de la délibération du 28 avril 2022 prise par les actionnaires majoritaires de la société Volta Développement.
Elle a fait assigner la société Volta Développement devant le tribunal de commerce de Montpellier en considérant que le siège social de cette dernière se situait à Saint-Mathieu de Tréviers dans l'Hérault, quand les sociétés appelantes ont soutenu que la société Volta Développement avait son siège social à [Localité 7], [Adresse 1]
Selon les dispositions de l'article 43 du code de procédure civile, le lieu où demeure le débiteur s'entend, s'il s'agit d'une personne morale, du lieu où celle-ci est établie à savoir le lieu où sont effectivement exercées, et ce de façon stable, la vie juridique de la société, à savoir notamment, les fonctions d'administration et de direction de la société.
Il peut ainsi s'agir d'un établissement, d'une succursale ou d'une agence ayant le pouvoir de représenter la personne morale à l'égard des tiers, notamment, du lieu où ont été conclues les conventions faisant l'objet du litige.
Ces règles font l'objet de dispositions particulières en ce qui concerne les sociétés commerciales puisqu'il résulte des dispositions des articles 1835 du code civil et L. 210-2 du code de commerce que le siège est, en principe, déterminé par les statuts mais et que si les tiers peuvent se prévaloir du siège statutaire, celui-ci ne leur est pas opposable par la société si son siège réel est situé en un autre lieu, conformément aux dispositions de l'article L. 210-3 du code de commerce.
La K-bis de la société Volta Développement mentionne que son siège social se situe désormais [Adresse 1] à [Localité 7].
Or, il s'avère que cette adresse correspond seulement au lieu d'établissement et au siège social d'une société d'expertise comptable dénommée Sillage Experts, étant précisé que le siège social réel d'une société nécessite un minimum d'installations matérielles, ce que ne constitue pas une simple boîte aux lettres et la mise à disposition de locaux par cette société d'expertise comptable en vertu d'une convention pour tenir une assemblée générale
Ainsi, la société Volta Développement a transféré son siège social officiel à [Localité 7], à l'adresse susmentionnée, sans rapporter la preuve que son activité serait effectivement exercée à [Localité 7], et ce de façon stable, et qu' il s'y tiendrait la vie juridique de la société, notamment les fonctions d'administration et de direction de la société.
En conséquence, au jour de l'introduction de l'instance, et alors qu'elle sollicitait que soit prononcée la nullité de la délibération du 28 avril 2002 de la société Volta Développement, le tribunal de commerce de Montpellier était compétent pour connaître de l'affaire par application de l'article 43 du code de procédure civile.
Par ailleurs, les sociétés appelantes soutiennent qu'en modifiant ses demandes au cours de la procédure, la société Comeca Investissement aurait fraudé afin de pouvoir faire retenir la compétence du tribunal de commerce de Montpellier.
Après la délivrance de son assignation au mois de juillet 2022 dans laquelle elle sollicitait la nullité de la délibération du 28 avril 2022, la société Comeca Investissement a pris, au mois de mai 2023, des conclusions dans lesquelles elle a abandonné cette demande pour solliciter la condamnation des sociétés Volta Développement, CFG, Voltavest et Vigie, condamnation étendue en cours de procédure à la société Tecna nouvellement créée en conséquence de cette délibération, à lui payer des dommages-intérêts en réparation du préjudice qu'elle a allégué avoir subi.
Or, les sociétés appelantes sont défaillantes à imputer à fraude de la société Comeca Investissement la modification de ses demandes effectuée en cours de procédure visant toujours à voir sanctionner l'abus de majorité qu'elle dénonçait.
En effet, à la suite de la délibération du 28 avril 2022, et même si la société Comeca Investissement en avait effectivement connaissance puisque cela était indiqué dans le rapport du président en vue de l'assemblée générale du 28 avril 2022, les sociétés appelantes ont transféré l'intégralité de leurs participations dans la société Volta Développement à la société Tecna nouvellement créée, de sorte que l'évolution de la situation capitalistique a pu justifier la modification de la demande de la société Comeca Investissement.
Enfin, au jour de l'introduction de l'instance, les dispositions de l'article 46 du code de procédure civile donnant compétence à la juridiction du lieu du fait dommageable ou à celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi trouvaient également à s'appliquer en l'état du préjudice invoqué, bien que non réclamé, d'un montant de 2 324 523 euros environ, permettant également de retenir la compétence du tribunal de commerce de Montpellier.
L'exception d'incompétence sera en conséquence rejetée et le jugement confirmé de ce chef.
Sur l'abus de majorité
L'abus de majorité suppose la réunion cumulative de deux conditions, à savoir que la décision adoptée par le ou les associés majoritaires soit contraire à l'intérêt social, et qu'elle ait été prise dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment des autres associés.
Dans son rapport spécial préalable à l'assemblée générale des associés du 28 avril 2022, le président de la société Volta Développement indiquait que « les conditions d'exercice des BSA managers (') [prévus dans le contrat d'émission] n'étant actuellement pas remplies, la réalisation de l'opération nécessite de modifier le contrat d'émission des BSA manager afin de rendre ledit exercice possible ».
Le contrat d'émission prévoyait en effet, en particulier, que les BSA seraient exerçables lors d'une cession totale selon la date et le taux de rendement (TRI) investisseurs réalisé par les investisseurs (Voltavest et Comeca Investissement), mais aussi que jusqu'à 30% de la plus-value du projet seraient concédés aux titulaires de BSA et que les BSA seraient émis pour rétrocéder un pourcentage de la plus-value du projet aux managers, et enfin que le taux de plus-value à rétrocéder dépendrait du TRI investisseur avant exercice des BSA atteint.
Par la délibération du 28 avril 2022, les actionnaires de la société Volta Développement ont modifié, sur la base du rapport spécial de son président, les modalités de réalisation des BSA, en faisant pour l'essentiel disparaître les conditions relatives au taux de rendement investisseurs permettant leur réalisation, et ont par ailleurs approuvé la création d'une S.A.S. Tecna, qui a recueilli les actions de tous les actionnaires de la société Volta Développement, à l'exception de la société Comeca Investissement.
Ainsi, conformément à ce qui a été écrit par le président dans son rapport spécial, dont il n'est pas démontré qu'il s'agirait d'une simple erreur de plume commise par son avocat, les conditions de réalisation des BSA ont été modifiées, alors de surcroît que les appelantes ne rapportent pas la preuve que les conditions de performance auraient été réunies préalablement à l'opération par le seul fait de la valeur de l'action qui a été retenue à la somme de 5,715 euros.
Par ailleurs, lors de la délibération du 28 avril 2022, les sociétés CFG, Voltavest et Vigie détenaient 79,60 % des actions de la société Volta Développement, de sorte qu'elles étaient bien majoritaires, alors que M. [X] [I], par l'intermédiaire de sa société Comeca Investissement, détenait, lui, 20,39 % des actions, de sorte qu'il était bien associé minoritaire.
Par la suite, le 6 juillet 2022, la totalité des BSA managers a été exercée, soit 2 858 169 de bons, de sorte que le capital social de la société Volta Développement a été porté de 6 069 161 euros à 8 670 230 euros, et le nombre d'actions a été porté de 6 669 031 à 9 527 230. À l'issue de cette opération, chaque action a conservé sa valeur nominale de 0,91 euros.
De fait, la participation de la société Comeca Investissement dans la société Volta Développement est passée de 20,39 % à 14,28 %.
L'opération consécutive à la délibération du 28 avril 2022, a donc permis une augmentation du capital de la société Volta Développement qui a généré une dilution de la participation de la société Comeca Investissement.
En premier lieu, il n'est pas démontré par les sociétés appelantes que l'augmentation du capital de la société Volta Développement qui a été rendue possible par la décision prise le 28 avril 2022 aurait été justifiée par un intérêt social particulier, la société disposant de fonds propres importants et n'envisageant aucune opération d'investissement nécessitant un besoin de financement, même si même cette décision a effectivement augmenté la trésorerie de la société sans qu'il soit toutefois justifié de son utilité.
L'opération ne présentait donc pas d'utilité ou de justification économique pour la société Volta Développement.
En second lieu, si la dilution de la participation de la société Comeca Investissement est consécutive à l'augmentation du capital par l'exercice des BSA à laquelle cette dernière avait souscrit initialement lors de l'adoption du contrat du 13 avril 2015, toutefois dans des conditions de performance différentes, cette augmentation a été réalisée sans aucune compensation pour la société Comeca Investissement, ni la possibilité pour elle de concourir à l'augmentation du capital de la société Volta Développement à l'instar des autres sociétés actionnaires de la société.
Il s'ensuit que l'opération initiée par la délibération du 28 avril 2022 a été montée dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment de la société Comeca Investissement.
Par ailleurs, il résulte du rapport de valorisation des actions du groupe Comeca en date du juin 2021 réalisé par le cabinet Captival dans le cadre de l'apport des titres à la société Tecna, validé par le commissaire aux comptes de la société Volta Développement, le cabinet Bewiz, que la valeur d'une action avant l'opération d'augmentation du capital de la société Volta Développement et de dilution de la participation de la société Comeca Investissement était de 5,715 euros, ce que reconnaissent les sociétés appelantes.
Après, l'augmentation de capital, la valeur de l'action de la société Volta Développement également admise par les sociétés appelantes est de 4,18 euros.
En conséquence, il est établi que la valeur des participations au nombre de 1 360 307 actions de la société Comeca Investissement dans la société Volta Développement a diminué d'un montant de 2 088 071,24 euros (5,715 × 1 360 307 - 4,18 × 1 360 307) arrondie à la somme de 2 088 000 euros, comme l'ont jugé de manière pertinente les premiers juges.
Il en résulte que la société Comeca Investissement a effectivement subi un préjudice du fait de la délibération des associés majoritaires de la société Volta Développement le 28 avril 2022.
Dès lors, le jugement dont appel sera confirmé de ce chef, sauf à dire que la condamnation des sociétés CFG, Voltavest, Vigie et Tecna au paiement de la somme de 2 088 000 € en principal et la condamnation des sociétés CFG, Voltavest, Vigie, Tecna et Volta développement seront prononcées in solidum et non pas "solidairement".
Le jugement sera par ailleurs infirmé sur le quantum de 60 000 € alloué à la société Comeca au titre de l'article 700 du code de procédure civile applicable en première instance, et il sera plus justement octroyé à cette dernière à la somme globale de 20 000 euros au titre de la procédure de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Déclare irrecevables les conclusions signifiées par les appelantes le 12 août 2025 après l'ordonnance de clôture ;
Confirme le jugement déféré sauf le montant de 60 000 € alloué au titre l'article 700 du code de procédure civile, et sauf à préciser que les condamnations qui ont été prononcées contre les S.A.S. CFG, Voltavest, Vigie, Tecna et Volta Développement au profit de la S.A.S. Comeca Investissement sont toutes prononcées "in solidum" et non "solidairement";
Statuant à nouveau et ajoutant,
Condamne in solidum les S.A.S. CFG, Voltavest, Vigie, CFG, et Tecna aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes des sociétés CFG, Voltavest, Vigie, Tecna et Volta développement, et les condamne in solidum à payer à la S.A.S. Comeca Investissement la somme totale de 20 000 euros.
Le greffier La présidente
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 14 OCTOBRE 2025
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 24/02140 - N° Portalis DBVK-V-B7I-QG2F
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 20 MARS 2024
TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER
N° RG 2022010744
APPELANTES :
S.A.S. VOLTAVEST prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Brigit VORSI loco Me Sophie DEBERNARD JULIEN de la SCP PALIES - DEBERNARD-JULIEN - MARTIN-VELEINE - CLAISE - PJDA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocats postulants
Représentée par Me Loïc EPAILLARD, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
S.A.S. VIGIE prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Brigit VORSI loco Me Sophie DEBERNARD JULIEN de la SCP PALIES - DEBERNARD-JULIEN - MARTIN-VELEINE - CLAISE - PJDA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocats postulants
Représentée par Me Loïc EPAILLARD, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
Société COMPAGNIE FINANCIERE DU GUYOUX prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 5]
[Localité 3] (LUXEMBOURG)
Représentée par Me Brigit VORSI loco Me Sophie DEBERNARD JULIEN de la SCP PALIES - DEBERNARD-JULIEN - MARTIN-VELEINE - CLAISE - PJDA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocats postulants
Représentée par Me Loïc EPAILLARD, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
S.A.S. VOLTA DEVELOPPEMENT prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Brigit VORSI loco Me Sophie DEBERNARD JULIEN de la SCP PALIES - DEBERNARD-JULIEN - MARTIN-VELEINE - CLAISE - PJDA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocats postulants
Représentée par Me Loïc EPAILLARD, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
S.A.S. TECNA prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Brigit VORSI loco Me Sophie DEBERNARD JULIEN de la SCP PALIES - DEBERNARD-JULIEN - MARTIN-VELEINE - CLAISE - PJDA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocats postulants
Représentée par Me Loïc EPAILLARD, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
INTIMEE :
S.A.S. COMECA INVESTISSEMENT prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me François BORIE de la SCP DORIA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 12 Août 2025
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 SEPTEMBRE 2025, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre
M. Thibault GRAFFIN, conseiller
M. Fabrice VETU, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Elodie CATOIRE
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Elodie CATOIRE, greffière.
FAITS ET PROCEDURE :
La S.A.S. Volta Développement est une société holding qui détenait en 2022 l'intégralité des actions de la S.A.S. Comeca, société mère des sociétés du groupe Comeca, spécialisé dans l'installation d'équipements électriques.
La société Volta Développement a été créée en 2013, au moment de la cession du groupe Comeca notamment à deux investisseurs par l'intermédiaire de la société Compagnie Financière du Guyoux (ci-après CFG) et de la S.A.S. Voltavest.
En 2022, la société Volta Développement était ainsi détenue d'une part par la S.A.S. Vigie, la société CFG, la société Voltavest, actionnaires majoritaires, et d'autre part par la S.A.S. Comeca Investissement, actionnaire minoritaire dont le président est M. [X] [I], par ailleurs fondateur du groupe Comeca.
Le 13 avril 2015, un contrat d'émission de valeurs mobilières, appelées bons de souscription d'actions (BSA) donnant accès au capital a été signé conformément à l'autorisation de l'assemblée générale des actionnaires de la société Volta Développement.
Ces BSA étaient destinés à l'intéressement des cadres, et le contrat d'émission prévoyait la possibilité de les réaliser dans des conditions précises.
Lors d'une assemblée générale du 28 avril 2022, les actionnaires de la société Volta Développement ont, sur la base du rapport spécial du président, d'une part modifié les modalités de réalisation des BSA, et d'autre part approuvé la création d'une S.A.S. Tecna destinée à recueillir les actions de tous les actionnaires de la société Volta Développement à l'exception de ceux de la société Comeca Investissement.
Cette délibération a été adoptée par tous les actionnaires de la société à l'exception de ceux de la société Comeca Investissement qui ont voté contre.
Par exploit du 26 juillet 2022, la société Comeca Investissement a assigné les sociétés Volta Développement, CFG, Voltavest et Vigie aux fins de les voir condamner pour abus de majorité et violation du droit d'information concernant les délibérations de l'assemblée générale du 28 avril 2022 et voir annuler l'intégralité desdites délibérations.
Par jugement contradictoire du 20 mars 2024, le tribunal de commerce de Montpellier a :
confirmé les trois jugements de jonction intervenus le 22 mai 2023, l'affaire principale étant inscrite sous le numéro de répertoire général 2022010744 ;
dit que l'exception d'incompétence soulevée en défense est recevable mais non fondée ;
en conséquence, s'est déclaré compétent d'avoir à connaitre la présente affaire et rejeté l'exception d'incompétence soulevée en défense ;
jugé que les délibérations de l'assemblée générale de la société Volta Développement du 28 avril 2022 et leurs conséquences sont constitutives d'un abus de majorité commis par les sociétés CFG, Voltavest et Vigie, et entachées de fraude, au détriment de la société Comeca Investissement ;
condamné solidairement les sociétés CFG, Voltavest Vigie et Tecna à payer à la société Comeca Investissement la somme de 2 088 000 euros en principal, outre intérêts au taux légal jusqu'à parfait paiement, à titre de réparation de son préjudice matériel ;
débouté les défenderesses de l'ensemble de leurs demandes en particulier de leur demande reconventionnelle ;
et condamné solidairement les sociétés CFG, Voltavest, Vigie, Tecna et Volta Développement à payer à la société Comeca Investissement la somme de 60 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par déclaration du 17 avril 2024, les sociétés Voltavest, Vigie, CFG, Volta Développement et Tecna ont relevé appel de ce jugement.
Par ordonnance de référé du 10 juillet 2024, le délégataire du premier président de la cour d'appel de céans a rejeté l'ensemble des demandes formées par les sociétés Volta Développement, CFG, Voltavest, Vigie et Tecna tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement entrepris, subsidiairement, à la consignation des sommes et à titre infiniment subsidiaire, la fourniture par la société Comeca Investissement d'une garantie à première demande bancaire.
Par conclusions du 16 juillet 2024, les sociétés Voltavest, Vigie, CFG, Volta Développement et la Tecna demandent à la cour, au visa des articles 1240, 1832 du code civil et des articles 42, 75 et suivants du code de procédure civile, de :
infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Sur la compétence,
constater que, en l'état de ses dernières conclusions récapitulatives, la société Comeca Investissement ne forme plus aucune demande principale à l'encontre de la société Volta Développement ;
constater que leur lieu d'établissement est situé soit à [Localité 7] soit au Luxembourg ;
se déclarer en conséquence incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris ;
Sur le fond,
constater que les conditions de l'abus de majorité ne sont pas réunies ;
constater que les conditions de la fraude ne sont pas réunies ;
constater que la société Comeca Investissement ne démontre pas l'existence d'un préjudice ;
la débouter de l'ensemble de ses demandes ;
En tout état de cause,
écarter l'exécution provisoire de droit ;
et la condamner à leur payer à chacune la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions du 16 octobre 2024, la société Comeca Investissement demande à la cour, au visa des articles 1240, 1832 et suivants du code civil et de l'article L. 235-1 du code de commerce, de :
confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
débouter les sociétés CFG, Voltavest, Vigie, Tecna de l'ensemble de leurs demandes ;
Y ajoutant,
et les condamner solidairement à lui payer la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction.
Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est datée du 12 août 2025.
MOTIFS :
Sur la procédure
Le 12 août 2025, jour de la clôture, à 17h28, après que l'ordonnance de clôture eut été rendue à 16h31, les sociétés appelantes ont fait signifier des conclusions.
Le 1er septembre 2025, la société intimée a fait signifier des conclusions d'incident sollicitant que ces conclusions signifiées après la clôture soient déclarées irrecevables.
Selon les dispositions de l'article 914-3 alinéa 1 du code de procédure civile, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.
En l'espèce, les conclusions des sociétés appelantes signifiées sans cause grave après la délivrance de l'ordonnance de clôture, qui ne comportent aucune demande de révocation de cette dernière, sont irrecevables.
Sur la compétence territoriale
Les sociétés appelantes soutiennent que le tribunal de commerce de Montpellier n'est pas territorialement compétent puisque toutes les sociétés défenderesses ont leur siège social à Paris ; elles affirment que le siège social de la société Volta Développement ne se situe pas à [Localité 8] dans l'Hérault, mais à [Localité 7] ; qu'en matière délictuelle la compétence relève du lieu du fait dommageable, qui est également [Localité 7], c'est-à-dire celui où la décision de l'assemblée générale de la société a été prise ; et que la société Comeca Investissement a frauduleusement attrait dans la procédure la société Volta Développement pour pouvoir retenir la compétence du tribunal de commerce de Montpellier qui rend de manière systématique des décisions qui lui sont favorables, alors même qu'en définitive elle ne lui demande rien dans ses dernières écritures.
Il doit être à titre liminaire relevé que si dans le corps de leurs écritures les sociétés appelantes sollicitent la mise hors de cause de la société Volta Développement et/ou l'irrecevabilité des demandes formées à son encontre, elles ne reprennent pas ces demandes dans le dispositif de leurs conclusions.
La société Comeca Investissement soutient qu'elle avait dans un premier temps attrait la société Volta Développement dans la procédure aux fins de solliciter la nullité de la délibération du 28 avril 2022 des actionnaires de cette dernière par laquelle ceux-ci ont modifié en les restreignant les termes et conditions juridiques des BSA managers. Toutefois, elle affirme que postérieurement à la délivrance de son assignation, des décisions ont été prises en application de cette délibération, de sorte qu'elle a modifié ses demandes, qui d'une demande d'annulation de la délibération litigieuse, en demande de condamnation de paiement de dommages-intérêts, et qu'en matière d'abus de majorité, la compétence est celle du ressort dans lequel le dommage a été subi, c'est-à-dire en l'espèce le lieu de son siège social sis à [Localité 6].
De manière générale, en matière d'abus de majorité, l'action peut porter sur la nullité de la décision collective, en l'espèce la délibération des associés de la société Volta Développement, ou peut prendre la forme d'une demande indemnitaire formée par les associés minoritaires.
En matière d'action en responsabilité délictuelle, l'article 46 du code de procédure civile donne compétence à la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi.
En l'espèce, l'action de la société Comeca Investissement en nullité de la délibération du 28 avril 2022 prise par les actionnaires de la société Volta Développement, a ensuite évolué en une demande indemnitaire dirigée contre les actionnaires majoritaires de cette dernière.
Or, la compétence doit s'apprécier au jour de l'introduction de l'instance.
Dans son assignation du 26 juillet 2022, la société Comeca Investissement sollicitait la nullité de la délibération du 28 avril 2022 prise par les actionnaires majoritaires de la société Volta Développement.
Elle a fait assigner la société Volta Développement devant le tribunal de commerce de Montpellier en considérant que le siège social de cette dernière se situait à Saint-Mathieu de Tréviers dans l'Hérault, quand les sociétés appelantes ont soutenu que la société Volta Développement avait son siège social à [Localité 7], [Adresse 1]
Selon les dispositions de l'article 43 du code de procédure civile, le lieu où demeure le débiteur s'entend, s'il s'agit d'une personne morale, du lieu où celle-ci est établie à savoir le lieu où sont effectivement exercées, et ce de façon stable, la vie juridique de la société, à savoir notamment, les fonctions d'administration et de direction de la société.
Il peut ainsi s'agir d'un établissement, d'une succursale ou d'une agence ayant le pouvoir de représenter la personne morale à l'égard des tiers, notamment, du lieu où ont été conclues les conventions faisant l'objet du litige.
Ces règles font l'objet de dispositions particulières en ce qui concerne les sociétés commerciales puisqu'il résulte des dispositions des articles 1835 du code civil et L. 210-2 du code de commerce que le siège est, en principe, déterminé par les statuts mais et que si les tiers peuvent se prévaloir du siège statutaire, celui-ci ne leur est pas opposable par la société si son siège réel est situé en un autre lieu, conformément aux dispositions de l'article L. 210-3 du code de commerce.
La K-bis de la société Volta Développement mentionne que son siège social se situe désormais [Adresse 1] à [Localité 7].
Or, il s'avère que cette adresse correspond seulement au lieu d'établissement et au siège social d'une société d'expertise comptable dénommée Sillage Experts, étant précisé que le siège social réel d'une société nécessite un minimum d'installations matérielles, ce que ne constitue pas une simple boîte aux lettres et la mise à disposition de locaux par cette société d'expertise comptable en vertu d'une convention pour tenir une assemblée générale
Ainsi, la société Volta Développement a transféré son siège social officiel à [Localité 7], à l'adresse susmentionnée, sans rapporter la preuve que son activité serait effectivement exercée à [Localité 7], et ce de façon stable, et qu' il s'y tiendrait la vie juridique de la société, notamment les fonctions d'administration et de direction de la société.
En conséquence, au jour de l'introduction de l'instance, et alors qu'elle sollicitait que soit prononcée la nullité de la délibération du 28 avril 2002 de la société Volta Développement, le tribunal de commerce de Montpellier était compétent pour connaître de l'affaire par application de l'article 43 du code de procédure civile.
Par ailleurs, les sociétés appelantes soutiennent qu'en modifiant ses demandes au cours de la procédure, la société Comeca Investissement aurait fraudé afin de pouvoir faire retenir la compétence du tribunal de commerce de Montpellier.
Après la délivrance de son assignation au mois de juillet 2022 dans laquelle elle sollicitait la nullité de la délibération du 28 avril 2022, la société Comeca Investissement a pris, au mois de mai 2023, des conclusions dans lesquelles elle a abandonné cette demande pour solliciter la condamnation des sociétés Volta Développement, CFG, Voltavest et Vigie, condamnation étendue en cours de procédure à la société Tecna nouvellement créée en conséquence de cette délibération, à lui payer des dommages-intérêts en réparation du préjudice qu'elle a allégué avoir subi.
Or, les sociétés appelantes sont défaillantes à imputer à fraude de la société Comeca Investissement la modification de ses demandes effectuée en cours de procédure visant toujours à voir sanctionner l'abus de majorité qu'elle dénonçait.
En effet, à la suite de la délibération du 28 avril 2022, et même si la société Comeca Investissement en avait effectivement connaissance puisque cela était indiqué dans le rapport du président en vue de l'assemblée générale du 28 avril 2022, les sociétés appelantes ont transféré l'intégralité de leurs participations dans la société Volta Développement à la société Tecna nouvellement créée, de sorte que l'évolution de la situation capitalistique a pu justifier la modification de la demande de la société Comeca Investissement.
Enfin, au jour de l'introduction de l'instance, les dispositions de l'article 46 du code de procédure civile donnant compétence à la juridiction du lieu du fait dommageable ou à celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi trouvaient également à s'appliquer en l'état du préjudice invoqué, bien que non réclamé, d'un montant de 2 324 523 euros environ, permettant également de retenir la compétence du tribunal de commerce de Montpellier.
L'exception d'incompétence sera en conséquence rejetée et le jugement confirmé de ce chef.
Sur l'abus de majorité
L'abus de majorité suppose la réunion cumulative de deux conditions, à savoir que la décision adoptée par le ou les associés majoritaires soit contraire à l'intérêt social, et qu'elle ait été prise dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment des autres associés.
Dans son rapport spécial préalable à l'assemblée générale des associés du 28 avril 2022, le président de la société Volta Développement indiquait que « les conditions d'exercice des BSA managers (') [prévus dans le contrat d'émission] n'étant actuellement pas remplies, la réalisation de l'opération nécessite de modifier le contrat d'émission des BSA manager afin de rendre ledit exercice possible ».
Le contrat d'émission prévoyait en effet, en particulier, que les BSA seraient exerçables lors d'une cession totale selon la date et le taux de rendement (TRI) investisseurs réalisé par les investisseurs (Voltavest et Comeca Investissement), mais aussi que jusqu'à 30% de la plus-value du projet seraient concédés aux titulaires de BSA et que les BSA seraient émis pour rétrocéder un pourcentage de la plus-value du projet aux managers, et enfin que le taux de plus-value à rétrocéder dépendrait du TRI investisseur avant exercice des BSA atteint.
Par la délibération du 28 avril 2022, les actionnaires de la société Volta Développement ont modifié, sur la base du rapport spécial de son président, les modalités de réalisation des BSA, en faisant pour l'essentiel disparaître les conditions relatives au taux de rendement investisseurs permettant leur réalisation, et ont par ailleurs approuvé la création d'une S.A.S. Tecna, qui a recueilli les actions de tous les actionnaires de la société Volta Développement, à l'exception de la société Comeca Investissement.
Ainsi, conformément à ce qui a été écrit par le président dans son rapport spécial, dont il n'est pas démontré qu'il s'agirait d'une simple erreur de plume commise par son avocat, les conditions de réalisation des BSA ont été modifiées, alors de surcroît que les appelantes ne rapportent pas la preuve que les conditions de performance auraient été réunies préalablement à l'opération par le seul fait de la valeur de l'action qui a été retenue à la somme de 5,715 euros.
Par ailleurs, lors de la délibération du 28 avril 2022, les sociétés CFG, Voltavest et Vigie détenaient 79,60 % des actions de la société Volta Développement, de sorte qu'elles étaient bien majoritaires, alors que M. [X] [I], par l'intermédiaire de sa société Comeca Investissement, détenait, lui, 20,39 % des actions, de sorte qu'il était bien associé minoritaire.
Par la suite, le 6 juillet 2022, la totalité des BSA managers a été exercée, soit 2 858 169 de bons, de sorte que le capital social de la société Volta Développement a été porté de 6 069 161 euros à 8 670 230 euros, et le nombre d'actions a été porté de 6 669 031 à 9 527 230. À l'issue de cette opération, chaque action a conservé sa valeur nominale de 0,91 euros.
De fait, la participation de la société Comeca Investissement dans la société Volta Développement est passée de 20,39 % à 14,28 %.
L'opération consécutive à la délibération du 28 avril 2022, a donc permis une augmentation du capital de la société Volta Développement qui a généré une dilution de la participation de la société Comeca Investissement.
En premier lieu, il n'est pas démontré par les sociétés appelantes que l'augmentation du capital de la société Volta Développement qui a été rendue possible par la décision prise le 28 avril 2022 aurait été justifiée par un intérêt social particulier, la société disposant de fonds propres importants et n'envisageant aucune opération d'investissement nécessitant un besoin de financement, même si même cette décision a effectivement augmenté la trésorerie de la société sans qu'il soit toutefois justifié de son utilité.
L'opération ne présentait donc pas d'utilité ou de justification économique pour la société Volta Développement.
En second lieu, si la dilution de la participation de la société Comeca Investissement est consécutive à l'augmentation du capital par l'exercice des BSA à laquelle cette dernière avait souscrit initialement lors de l'adoption du contrat du 13 avril 2015, toutefois dans des conditions de performance différentes, cette augmentation a été réalisée sans aucune compensation pour la société Comeca Investissement, ni la possibilité pour elle de concourir à l'augmentation du capital de la société Volta Développement à l'instar des autres sociétés actionnaires de la société.
Il s'ensuit que l'opération initiée par la délibération du 28 avril 2022 a été montée dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment de la société Comeca Investissement.
Par ailleurs, il résulte du rapport de valorisation des actions du groupe Comeca en date du juin 2021 réalisé par le cabinet Captival dans le cadre de l'apport des titres à la société Tecna, validé par le commissaire aux comptes de la société Volta Développement, le cabinet Bewiz, que la valeur d'une action avant l'opération d'augmentation du capital de la société Volta Développement et de dilution de la participation de la société Comeca Investissement était de 5,715 euros, ce que reconnaissent les sociétés appelantes.
Après, l'augmentation de capital, la valeur de l'action de la société Volta Développement également admise par les sociétés appelantes est de 4,18 euros.
En conséquence, il est établi que la valeur des participations au nombre de 1 360 307 actions de la société Comeca Investissement dans la société Volta Développement a diminué d'un montant de 2 088 071,24 euros (5,715 × 1 360 307 - 4,18 × 1 360 307) arrondie à la somme de 2 088 000 euros, comme l'ont jugé de manière pertinente les premiers juges.
Il en résulte que la société Comeca Investissement a effectivement subi un préjudice du fait de la délibération des associés majoritaires de la société Volta Développement le 28 avril 2022.
Dès lors, le jugement dont appel sera confirmé de ce chef, sauf à dire que la condamnation des sociétés CFG, Voltavest, Vigie et Tecna au paiement de la somme de 2 088 000 € en principal et la condamnation des sociétés CFG, Voltavest, Vigie, Tecna et Volta développement seront prononcées in solidum et non pas "solidairement".
Le jugement sera par ailleurs infirmé sur le quantum de 60 000 € alloué à la société Comeca au titre de l'article 700 du code de procédure civile applicable en première instance, et il sera plus justement octroyé à cette dernière à la somme globale de 20 000 euros au titre de la procédure de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Déclare irrecevables les conclusions signifiées par les appelantes le 12 août 2025 après l'ordonnance de clôture ;
Confirme le jugement déféré sauf le montant de 60 000 € alloué au titre l'article 700 du code de procédure civile, et sauf à préciser que les condamnations qui ont été prononcées contre les S.A.S. CFG, Voltavest, Vigie, Tecna et Volta Développement au profit de la S.A.S. Comeca Investissement sont toutes prononcées "in solidum" et non "solidairement";
Statuant à nouveau et ajoutant,
Condamne in solidum les S.A.S. CFG, Voltavest, Vigie, CFG, et Tecna aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes des sociétés CFG, Voltavest, Vigie, Tecna et Volta développement, et les condamne in solidum à payer à la S.A.S. Comeca Investissement la somme totale de 20 000 euros.
Le greffier La présidente