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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 15 octobre 2025, n° 23/17321

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Easy Factory Limited (Sté)

Défendeur :

Gifi (SAS), Gigamarket (SAS), Gifi Mag (SAS), Gifi 48 (SAS), Gifi Diffusion (SAS), Gifi Asia Limited (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Douillet

Conseillers :

Mme Barutel, Mme Distinguin

Avocats :

Me Moisan, Me Verneret, Me Etevenard, Me de Jeaan

T. com. Paris, du 14 sept. 2023, n° 2020…

14 septembre 2023

EXPOSÉ DU LITIGE

La société de droit hongkongais EASY FACTORY exerce une activité de fabrication d'ustensiles de cuisine, principalement en silicone.

Le groupe GIFI, composé notamment des sociétés GIFI, GIGAMARKET (précédemment GW CONCEPT), GIFI MAG, GIFI 48 (précédemment TATI MAG), GIFI DIFFUSION, qui est la centrale d'achat du groupe, ainsi que de la société de droit hongkongais GIFI ASIA (ci-après, les sociétés GIFI), exerce une activité de distribution de produits à destination du grand public, tant dans des magasins que par voie électronique.

À partir de 2011, la société EASY FACTORY et les sociétés GIFI ont entretenu une relation commerciale au titre de laquelle la société EASY FACTORY concevait et fabriquait, pour le compte des sociétés GIFI, divers ustensiles de cuisine et moules à gâteaux. Ces produits étaient ensuite commercialisés dans les 562 points de vente du réseau GIFI, sous la marque complexe « BAKE ME » n° 4384059, dont la société GIFI est titulaire.

Par un courriel daté du 28 novembre 2016, la société EASY FACTORY a informé l'ensemble de ses clients d'une hausse probable des prix de ses produits finis, invoquant une crise d'approvisionnement en silicone ayant affecté la Chine, ce matériau constituant l'élément principal de fabrication de ses produits. Elle a en conséquence proposé une augmentation tarifaire de 8 %.

À la suite de cette communication, les sociétés GIFI ont procédé à l'annulation de plusieurs commandes. S'en sont suivis divers échanges de courriels et réunions.

Les 7 août, 2 octobre et 10 octobre 2017, les sociétés GIFI ont passé des commandes portant sur un total de 190 560 articles, pour un montant global de 508 813,13 dollars américains, concernant de nouveaux moules en silicone de forme carrée fabriqués par la société EASY FACTORY, déclinés en une gamme A (de coloris rose) et une gamme S (de coloris gris avec un renfort en acier). Le 11 octobre 2017, les sociétés GIFI ont validé les derniers visuels de packaging élaborés par la société EASY FACTORY pour ces produits.

Aucune commande n'a été enregistrée au cours de l'année 2018.

La société EASY FACTORY indique avoir découvert au cours de cette même année, la présence, au sein des magasins à enseigne GIFI, de trois copies serviles de modèles issus de la gamme S grise avec renfort en acier.

Par lettres recommandées avec accusé de réception en date du 20 avril 2018, puis du 19 octobre 2018, la société EASY FACTORY a mis en demeure les sociétés GIFI de cesser la commercialisation des modèles qu'elle estimait copiés.

Estimant que les deux gammes A et S de ses produits étaient désormais proposées par les sociétés GIFI, reproduisant aussi à l'identique les packagings, la société EASY FACTORY a fait procéder à un procès-verbal de constat sur internet le 21 octobre 2019, puis a obtenu, par ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris en date du 4 novembre 2019, l'autorisation de procéder à des constatations et des saisies réelles dans deux magasins exploités par les sociétés GIFI à Paris, [Adresse 16] et [Adresse 15], ces opérations ayant été menées le 8 novembre 2019.

Après une nouvelle mise en demeure adressée le 23 décembre 2019 aux sociétés GIFI, la société EASY FACTORY, par actes d'huissier en date du 7 juillet 2020, les a assignées devant le tribunal de commerce de Paris en concurrence déloyale et parasitaire, et également sur le fondement de la rupture brutale d'une relation commerciale établie.

Par jugement avant dire droit du 20 janvier 2022, le tribunal de commerce de Paris a dit que la loi française trouvait application au litige et s'est reconnu compétent pour connaître de l'ensemble des demandes de la société EASY FACTORY, rejetant les demandes contraires des sociétés GIFI sur ces points.

Par arrêt du 15 juin 2022, la cour d'appel de Paris a notamment :

confirmé le jugement en ce que le tribunal de commerce de Paris s'est reconnu compétent pour connaître du litige portant sur l'action en concurrence déloyale et en ce qu'il a dit la loi française applicable à cette action,

mais l'a infirmé en ce que le tribunal s'est reconnu compétent pour connaître du litige portant sur la rupture brutale des relations commerciales et en ce qu'il a dit la loi française applicable à ce litige.

Il n'a pas été formé de pourvoi en cassation contre cet arrêt.

Par jugement rendu le 14 septembre 2023, le tribunal de commerce de Paris a :

débouté les sociétés GIFI, GW CONCEPT (désormais GIGA MARKET), GIFI MAG, TATI MAG (désormais GIFI 48), GIFI DIFFUSION et GIFI ASIA de leur exception d'incompétence,

débouté les sociétés GIFI, GW CONCEPT (désormais GIGA MARKET), GIFI MAG, TATI MAG (désormais GIFI 48), GIFI DIFFUSION et GIFI ASIA de toutes leurs fins de non-recevoir,

débouté la société EASY FACTORY de ses demandes au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme, et plus généralement de toutes ses prétentions,

débouté les sociétés GIFI, GW CONCEPT (désormais GIGA MARKET), GIFI MAG, TATI MAG (désormais GIFI 48), GIFI DIFFUSION et GIFI ASIA de leur demande en dommages et intérêts,

condamné la société EASY FACTORY aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 308,89 € dont 50,84 € de TVA,

débouté les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

La société EASY FACTORY a interjeté appel de ce jugement le 24 octobre 2023.

Par conclusions d'incident, la société EASY FACTORY a saisi le conseiller de la mise en état d'une demande de communications de pièces comptables afin de lui permettre de parfaire l'évaluation de son préjudice. Cette demande lui a été refusée par ordonnance du conseiller de la mise en état rendue le 14 janvier 2025.

Dans ses dernières conclusions numérotées 5, transmises le 2 juin 2025, la société EASY FACTORY, appelante, demande à la cour de :

Vu les articles 1240 et 1241 du code civil, les articles 514 et suivants et 700 du code de procédure civile,

déclarer la société Easy Factory recevable en son appel et la dire et juger fondée en ses conclusions ;

Y faisant droit,

infirmer le jugement dans toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté les intimées de leur exception d'incompétence, de leurs fins de non-recevoir, de leur demande reconventionnelle pour procédure abusive et de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

en conséquence, statuant à nouveau,

déclarer qu'en offrant à la vente, en mettant sur le marché, en détenant et en commercialisant des copies serviles des produits des gammes entières A et S conçues par la société Easy Factory, les sociétés Gifi, GW Concept, Gifi Mag, Tati Mag, Gifi Diffusion et Gifi Asia ont commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme à l'encontre de la société Easy Factory,

faire interdiction aux sociétés les sociétés Gifi, GW Concept, Gifi Mag, Tati Mag, Gifi Diffusion et Gifi Asia de poursuivre leurs agissements et la commercialisation des copies des gammes de moules A et S, sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

condamner in solidum les sociétés Gifi, GW Concept, Gifi Mag, Tati Mag, Gifi Diffusion et Gifi Asia à payer à la société Easy Factory la somme provisionnelle de 4 622 234,39 euros sauf à parfaire, en réparation du préjudice subi par cette dernière du fait des agissements de concurrence déloyale et de parasitisme,

ordonner aux sociétés Gifi, GW Concept, Gifi Mag, Tati Mag, Gifi Diffusion et Gifi Asia d'adresser à la société EAsy Factory tous documents ou informations détenues durant les sept dernières années permettant de déterminer l'origine et l'étendue des actes de concurrence déloyale et de parasitisme, notamment :

tous les éléments, et notamment informatiques, permettant de calculer le nombre de produits constituant des copies serviles de ceux d'Easy Factory Limited commercialisés, vendues ou détenues par les intimées dans leurs différentes enseignes mais encore sur le site internet ,

tous les éléments permettant de calculer le chiffre d'affaires que celles-ci ont réalisé au titre de cette commercialisation,

l'identité des fournisseurs pour chacun des produits,

ordonner que les documents ou informations qui devront être communiqués les sociétés Gifi, GW Concept, Gifi Mag, Tati Mag, Gifi Diffusion et Gifi Asia soient certifiés par un expert-comptable ou un commissaire aux comptes,

dans l'hypothèse où la cour viendrait à considérer que les documents listés ci-dessus font l'objet d'une protection au titre du secret des affaires, en ordonner la communication de façon à en préserver le caractère secret, conformément aux articles R.153-2 et suivants du code de commerce,

ordonner que les moules constituant des copies serviles des moules conçus par la société Easy Factory soient rappelés des circuits commerciaux et écartés définitivement de ces circuits par les intimées et ce, à leurs frais et sous astreinte de 50 euros par moule et par jour de retard passé un délai de 15 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

ordonner la destruction des moules constituant des copies serviles des moules conçus par la société Easy Factory en possession des intimées ou dont elles sont propriétaires et ce, à leurs frais et sous astreinte de 50 euros par moule et par jour de retard passé un délai de 15 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

ordonner et ce à titre de complément des dommages et intérêts, la publication du jugement à intervenir dans trois journaux ou revues et sur la page d'accueil du site Internet officiel de la société GIFI /> exploité par la société GIFI, au choix de la société Easy Factory et aux frais exclusifs et avancés de la société Gifi, sans que le coût global de ces publications ne puisse excéder la somme de 20.000 euros HT,

débouter purement et simplement les sociétés Gifi, GW Concept, Gifi Mag, Tati Mag, Gifi Diffusion et Gifi Asia de toutes leurs autres demandes,

condamner in solidum les sociétés Gifi, GW Concept, Gifi Mag, Tati Mag, Gifi Diffusion et Gifi Asia à verser à la société EAsy Factory la somme de 162.822,09 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner in solidum les sociétés Gifi, GW Concept, Gifi Mag, Tati Mag, Gifi Diffusion et Gifi Asia aux entiers dépens que Me Pierre Herné pourra recouvrer, en application de l'article 699 du Code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions numérotées 5, transmises le 20 juin 2025, les sociétés GIFI, GIGAMARKET, GIFI MAG, GIFI 48, GIFI DIFFUSION et GIFI ASIA, intimées, demandent à la cour de :

Vu les articles 6, 9, 15, 16, 74, 122 et 514 du code de procédure civile

in limine litis, sur la demande de réparation de prétendus actes de concurrence déloyale par confusion et parasitisme :

réformer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté les sociétés GIFI, GW CONCEPT, GIFI MAG, TATI MAG, GIFI DIFFUSION et GIFIA ASIA de leur exception d'incompétence,

statuant à nouveau :

se déclarer incompétent ratione materiae pour connaître pareille action dès lors que les moyens et demandes formulés par la société EASY FACTORY sont ceux d'une action en contrefaçon,

dire et juger que le présent litige relève de la compétence du tribunal judiciaire de Paris,

renvoyer en conséquence l'examen du litige devant le tribunal judiciaire de Paris,

en tout état de cause :

confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société EASY FACTORY de ses demandes au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme, et plus généralement de toutes ses prétentions,

réformer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté les sociétés GIFI, GW CONCEPT, GIFI MAG, TATI MAG, GIFI DIFFUSION et GIFI ASIA de toutes leurs demandes, fin de non-recevoir, de leurs demandes de dommages-intérêts ainsi que de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

statuant à nouveau :

débouter la société EASY FACTORY de l'ensemble de ses demandes fondées sur la responsabilité civile délictuelle en réparation de prétendus faits de concurrence déloyale, dès lors que :

la société EASY FACTORY est irrecevable en sa demande à défaut de la justification d'un rejet préalable d'une action en contrefaçon de brevets et d'un comportement fautif,

la société EASY FACTORY est irrecevable en sa demande en l'absence de justification de la protection de moules litigieux par un droit privatif et d'une situation de confusion,

la société EASY FACTORY s'abstient de démontrer une faute personnellement imputable à chacune des sociétés GIFI, GIGAMARKET, GIFI MAG, GIFI 48, GIFI DIFFUSION et GIFI ASIA et de rapporter la preuve matérielle des faits allégués, notamment l'existence de copies serviles,

la société EASY FACTORY ne démontre pas l'existence d'une situation de confusion ou d'actes de parasitisme, d'un investissement réalisé, d'un avantage illicite, ou d'un préjudice indemnisable,

condamner la société EASY FACTORY au paiement d'une somme de 15 000 € au bénéfice de chacune des Sociétés GIFI, GW CONCEPT, GIFI MAG, TATI MAG, GIFI DIFFUSION et GIFI ASIA LIMITED en sanction du caractère abusif de la présente procédure,

débouter la société EASY FACTORY de l'ensemble de ses demandes,

subsidiairement, limiter sous la condition de la justification matérielle de l'existence des moules originaux et des moules copies serviles parmi les moules portant scellés de saisie, le périmètre des débats aux deux magasins de [Localité 14] (Alésia, [Adresse 16]) et aux six moules du même type (moule pour 9 muffins, moule pour 9 c'urs, moule pour 12 mini-cakes, moule pour 16 cannelés, moule à cake 24 cm, moule carré 24x24),

en tout état de cause :

condamner la société EASY FACTORY au paiement de la somme de 5 000 € au bénéfice de chacune des sociétés GIFI, GW CONCEPT, GIFI MAG, TATI MAG, GIFI DIFFUSION et GIFI ASIA au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la même aux entiers dépens,

L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 juin 2025

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur la procédure

Sur l'exception d'incompétence ratione materiae du tribunal judiciaire de Paris soulevée par les sociétés GIFI

Les sociétés GIFI soutiennent que le tribunal compétent pour connaître du litige est le tribunal judiciaire de Paris en application de l'article D. 211-6 du code de l'organisation judiciaire dans la mesure où la société EASY FACTORY a volontairement dissimulé, notamment lors de l'appréciation de la question de la juridiction compétente, l'existence du brevet européen en matière de moules en silicone obtenu à la suite de la demande de brevet visée dans la mise en demeure du 20 avril 2018 ; qu'un tel comportement procédural est particulièrement déloyal et démontre que la société EASY FACTORY a trompé la religion du tribunal puis de la cour d'appel ; que l'autorité de la chose jugée, attachée au seul dispositif de la décision, ne peut être opposée lorsque des événements sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice (Civ. 1ère, 16 avril 2015, n° 14-13280) ; que les demandes et moyens développés par la société EASY FACTORY devant les premiers juges, comme en cause d'appel, sont identiques à ceux d'une action en contrefaçon.

La société EASY FACTORY objecte que les intimées n'ont pas contesté l'arrêt de la cour d'appel de Paris qui a déclaré le tribunal de commerce de Paris compétent pour connaitre de l'action en concurrence déloyale, de sorte que cet arrêt a force de chose jugée ; que l'existence de brevets lui appartenant ne peut être qualifiée de faits nouveaux ; que ses demandes ne sont fondées ni sur un brevet ni sur sa contrefaçon ; que les contestations des intimées sont dilatoires.

Ceci étant exposé, comme l'a retenu le tribunal de commerce, l'action de la société EASY FACTORY est fondée, non sur la contrefaçon de brevet, mais exclusivement sur la concurrence déloyale et le parasitisme, questions qui relèvent de sa compétence, le fait que le conseil de la société ait fait état, dans la lettre de mise en demeure du 20 avril 2015 adressée à la société GIFI DIFFUSION, de l'existence d'une demande de brevet européen et de sa contrefaçon étant sans emport dès lors que la société EASY FACTORY a finalement choisi d'agir sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire plutôt que sur celui de la contrefaçon de brevet.

Du reste, l'arrêt précité du 15 juin 2022 par lequel cette cour a jugé que le tribunal de commerce était compétent pour connaître du litige est définitif et revêt l'autorité de la chose jugée. S'il est acquis qu'un fait nouveau, survenu postérieurement au prononcé d'une décision, peut faire obstacle à l'autorité de la chose jugée qui lui est attachée, la délivrance du brevet publiée le 24 février 2021, soit avant l'arrêt de la cour du 15 juin 2022, ne pourrait en tout état de cause constituer un fait nouveau.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par les sociétés GIFI.

Sur les fins de non-recevoir soulevées par les sociétés GIFI

Les sociétés GIFI soutiennent que la société EASY FACTORY agit sur le fondement de la concurrence déloyale au titre de la commercialisation de prétendues copies serviles de moules en silicone protégés par un brevet européen que cette dernière a volontairement soustrait des débats judiciaires, sans justifier ni du préalable d'une action en contrefaçon rejetée pour défaut de constitution de droit privatif, ni d'un comportement fautif ; que selon un arrêt de la Cour de cassation (14 novembre 2018), a contrario, une action en concurrence déloyale fondée sur des faits matériellement identiques à ceux pouvant être allégués au soutien d'une action en contrefaçon n'est recevable qu'après rejet d'une action en contrefaçon ; qu'en l'absence de rejet préalable d'une action en contrefaçon, la présente action est irrecevable, pour défaut d'intérêt et de qualité à agir ; que EASY FACTORY n'a ni intérêt ni qualité à se prévaloir d'une action en concurrence déloyale ; que le jugement dont appel n'a pas apprécié sa qualité et son intérêt à agir.

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ».

Ceci étant exposé, il vient d'être dit que la société EASY FACTORY a fait le choix d'agir contre les sociétés GIFI sur le terrain de la concurrence déloyale et parasitaire et non pas sur celui de la contrefaçon de brevet. Etant libre du choix du fondement de son action et n'étant nullement dans l'obligation d'agir en contrefaçon de brevet, elle n'a pas à justifier, pour être recevable en son action en concurrence déloyale et parasitaire, avoir été préalablement déboutée d'une action en contrefaçon de brevet. La jurisprudence visée par les sociétés GIFI concerne le cas où des demandes en contrefaçon et en concurrence déloyale et parasitaire visant des faits matériellement identiques sont présentées dans le cadre d'une même action en justice et ne peut donc trouver application en l'espèce.

Pour le reste, les demandes des sociétés GIFI tendant, selon les termes du dispositif de leurs conclusions, à voir « débouter » la société EASY FACTORY de l'ensemble de ses demandes aux motifs que celle-ci est « irrecevable » pour défaut « de justification de la protection de moules litigieux par un droit privatif et d'une situation de confusion », pour défaut de démonstration « d'une faute personnellement imputable à chacune » des sociétés GIFI et pour défaut de démonstration « d'une situation de confusion ou d'actes de parasitisme, d'un investissement réalisé, d'un avantage illicite, ou d'un préjudice indemnisable », ne constituent pas des fins de non-recevoir mais concernent le fond du droit.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté les fins de non-recevoir soulevées par les sociétés GIFI.

Sur le fond

La cour rappelle qu'en vertu du principe de la liberté du commerce et de l'industrie un produit qui n'est pas protégé par un droit privatif de propriété intellectuelle peut être librement reproduit mais dans le respect des usages honnêtes et loyaux qui doivent présider à la vie des affaires.

La faute de concurrence déloyale est caractérisée quand la commercialisation d'un produit similaire à celui d'un concurrent créé un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit. L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment, le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté de l'usage, l'originalité, la notoriété du produit copié.

L'existence d'une situation de concurrence directe et effective entre les sociétés considérées n'est pas une condition de l'action en concurrence déloyale ou parasitaire qui exige seulement l'existence de faits fautifs générateurs d'un préjudice (Com. 27 avril 2011 n°10-15648).

L'acte de parasitisme est également illicite, consistant pour un opérateur économique, à titre lucratif et de façon injustifiée, à copier ou imiter une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un savoir-faire et d'investissements humains et financiers. La faute de concurrence parasitaire, qui requiert de caractériser la volonté de s'inscrire dans le sillage d'autrui, est intentionnelle (Com. 10 mai 2006, 04-15612 ; Com. 7 avril 2009, 07-21.395 ; Com. 4 février 2014, 13-10.039).

Il incombe à celui qui se prétend victime d'actes de concurrence déloyale ou de parasitisme d'en rapporter la preuve et de démontrer que les éléments constitutifs de ces comportements répréhensibles sont réunis.

Sur la concurrence déloyale

La société EASY FACTORY soutient que les sociétés GIFI ont commis des actes de concurrence déloyale en commercialisant des copies serviles de l'intégralité des produits des gammes A et S conçues par EASY FACTORY, commercialisation qui s'est poursuivie jusqu'à ce jour, ce qui a inévitablement créé un risque de confusion. Elle fait valoir que les intimées ont planifié et mis en 'uvre, dès 2017, des man'uvres déloyales dans le seul objectif de fabriquer elles-mêmes ou de faire fabriquer par des concurrents des copies serviles de l'intégralité de ses gammes A et S ; qu'à la suite des échanges entre les parties en 2017, EASY FACTORY a développé les nouvelles gammes de moules A et S, qui ont été approuvées par GIFI en mai 2017 ; que GIFI a passé une commande importante cette même année puis a cessé de se fournir auprès d'EASY FACTORY ; que GIFI a dû pourtant parallèlement organiser la fabrication de copies serviles desdites gammes, puisqu'elle les a commercialisées dès 2018 sans jamais s'arrêter depuis lors et ce, malgré les lettres de mise en demeure qui ont été adressées ; que ces copies serviles ont été mises en vente sous la marque « BAKE ME » dont est titulaire la société GIFI, sur le site Internet wwwgifi.fr exploité par la société GW CONCEPT, ainsi qu'au sein des magasins à enseigne GIFI et TATI situés au [Adresse 16] et [Adresse 15], à [Localité 14] ; que cette commercialisation de copies serviles des gammes de produits de la société EASY FACTORY se poursuit dans les 562 enseignes GIFI situées en France ainsi que sur internet, ainsi que l'ont révélé des achats effectués dans un magasin GIFI à [Localité 8] et un constat d'achat sur le site www.gifi.fr ; que contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, le fait que EASY FACTORY ne vend pas ses produits directement au consommateur final mais à des distributeurs n'est pas de nature à écarter le risque de confusion, ne serait-ce que pour les concurrents ou les clients distributeurs de EASY FACTORY ; que contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, les distributeurs-revendeurs s'observent, une simple recherche sur Google permettant d'ailleurs de constater qu'il existe des sites de comparateurs de grossistes fabricant des moules en silicone ; que le monde des distributeurs-revendeurs de moules en silicone est restreint puisqu'à l'exception de quelques boutiques spécialisées, il regroupe surtout les enseignes de la grande distribution qui sont peu nombreuses et quelques grands magasins tels que GIFI, Conforama et Boulanger ; que EASY FACTORY commercialise ses produits pas seulement auprès de GIFI, mais également auprès d'autres distributeurs (Auchan, Système U ou Intermarché) et entretient des relations avec [Adresse 7], Lidl, Walmart, Starbucks, ou encore Walt Disney ; que les faits sont d'autant plus graves que GIFI semble avoir confié la réalisation des copies à plusieurs concurrents différents de la société EASY FACTORY ; que si les intimées étaient libres, au regard du principe de la liberté du commerce, de mettre au point leur propre gamme de moules en silicone, elles ne pouvaient en revanche fabriquer elles-mêmes ou confier à des concurrents de EASY FACTORY la réalisation de copies serviles de l'intégralité des gammes A et S conçues par cette dernière ; qu'elles ont, ce faisant, violé les usages honnêtes en matière industrielle et commerciale.

Les sociétés GIFI répondent que l'appelante a unilatéralement et soudainement renoncé à fournir la société GIFI ASIA en mars 2017, après avoir été confondue pour avoir pratiqué des prix de plus de 50 % supérieurs à ses concurrents et prodigué de mauvais conseils, et ainsi mis un terme brutal à la relation commerciale, avant d'invoquer des actes de concurrence déloyale ; que EASY FACTORY s'abstient de démontrer matériellement l'identité de la personne morale qui exploite les magasins et le site internet incriminé ; que les demandes de EASY FACTORY doivent être rejetées à défaut de démonstration d'une faute personnellement imputable à chacune des personnes morales mise en cause ; que la société GIFI est une holding ; qu'il n'est pas démontré que le site www.gifi.fr prétendument exploité par GIGAMARKET propose à la vente des moules qui seraient la copie servile de ceux commercialisés par EASY FACTORY ; qu'il n'est pas justifié que GIFI MAG et GIFI 48 exploiteraient des magasins où sont commercialisées des copies serviles ; que l'activité de GIFI DIFFUSION et GIFI ASIA LIMITED ne permet pas la commission de la faute invoquée par EASY FACTORY ; qu'il n'est pas plus établi que GIFI, GIFI MAG, GW CONCEPT, GIFI ASIA LIMITED et TATI MAG auraient fait fabriquer par un concurrent des copies serviles des moules en silicone produits par EASY FACTORY, les constat réalisés par cette dernière démontrant seulement que des moules ont été proposés à la vente sous la marque « BAKE ME » dans trois magasins ([Localité 8], [Localité 14] [Adresse 16] et [Localité 14] [Adresse 15]) ; que l'huissier mandaté a indiqué n'avoir pas été en mesure de distinguer les moules dits originaux et ceux qualifiés de copies serviles ; que s'il existe des différences entre les moules dits originaux et ceux dits copies serviles tels que versés au débat par EASY FACTORY (de forme, de couleur, de matière, de packaging), il n'est pas possible de déceler de différences de qualité entre les moules dits originaux et les moules litigieux ; que l'effet de gamme invoqué n'existe pas ; que les moules en silicone dits originaux ne présentent aucun signe distinctif ou particularité et sont très communs ; que Darty et Maxi bazar commercialisent une gamme de neuf moules en silicone gris et rose (à cannelés, à madeleines, à tarte, à muffins, à cake, à manqué, plaque de cuisson, etc.) similaires à ceux composant les prétendues gammes A et S de EASY FACTORY en leur forme, couleur, et packaging ; que les gammes A et S identiques à celles en litige, sans spécificité, sont ainsi commercialisées sur le marché français par d'autres acteurs que les parties au présent litige ; que le risque de confusion allégué pour le consommateur est impossible puisque EASY FACTORY est un fabricant de produits qui n'a aucune activité de distribution au consommateur ; que EASY FACTORY, qui ne développe aucune action de communication propre en direction du consommateur et qui commercialise ses produits exclusivement auprès d'une clientèle de professionnels, est inconnue du consommateur français ; que les moules litigieux ne peuvent davantage être à l'origine d'un risque de confusion pour la clientèle professionnelle de EASY FACTORY, celle-ci ne démontrant pas commercialiser à d'autres revendeurs que GIFI ses deux gammes de moules.

Ceci étant exposé, il est constant que la société EASY FACTORY fabrique des moules qu'elle commercialise uniquement auprès de revendeurs professionnels, tels les sociétés GIFI.

Il ressort des tableaux qu'elle fournit en pages 18 à 21 de ses écritures et des procès-verbaux de constat d'huissier de justice en date des 21 octobre et 8 novembre 2019 qu'ont été commercialisés sur le site www.gifi.fr et dans des magasins à enseigne GIFI des moules en silicone très proches de 16 moules de la gamme A (moules de couleur rose) de la société EASY FACTORY (moule à tarte, moule à cake, moule à manqué 24 cm, moule carré, plaque de cuisson, moule à nounours, moule 12 madeleines, moule 9 muffins, moule 16 petits fours, moule 15 financiers, moule 25 mini cannelés, moule 12 cakes, moule 9 dômes, moule 9 tartelettes, moule 16 cannelés et moule 9 c'urs), et de 5 moules de sa gamme S (moules de couleur grise avec un renfort métallique) (moule à manqué, moule à cake, moule 24 mini cannelés, moules 16 madeleines, moule 20 cannelés).

Comme l'a relevé le tribunal, les moules commercialisés par les sociétés GIFI en provenance de la société EASY FACTORY (les moules « originaux ») et les moules incriminés, ne comportent, que ce soit sur les produits eux-mêmes ou sur leurs packagings, également conçus et fabriqués par la société EASY FACTORY, aucun autre signe distinctif que la marque « BAKE ME », qui est celle de la société GIFI, apposée sur les emballages en carton, seules les références des produits (sous forme d'une série de 6 chiffres, commençant par un 4 pour les produits EASY FACTORY et par un 5 pour les produits litigieux) permettant de distinguer les moules « originaux » des moules litigieux.

Par ailleurs, il est incontestable que les produits en litige sont extrêmement proches, l'huissier de justice ayant réalisé le procès-verbal de constat du 8 novembre 2019 (dans le magasin de la [Adresse 15]) indiquant d'ailleurs qu'il n'a pu distinguer les moules authentiques des moules litigieux (« j'ai procédé à la saisie réelle des références GIFI des produits visés, comme des moules désignés comme des « copies ». Toutefois, je n'ai pas été en mesure d'identifier, à partir des références des produits désignés comme authentiques, les moules, dont s'agit. En revanche, j'ai constaté la présence de produits similaires roses et gris comportant des références GIFI différentes... »). La société EASY FACTORY indique elle-même que les copies serviles sont tellement proches des originaux que rien ne permet de les différencier et que les différences entre les couleurs sont « quasiment imperceptibles à l''il nu » (pages 57 et 60 de ses écritures).

Si la société EASY FACTORY se prévaut de clients prestigieux (Walt Disney, Auchan, Walmart, Système U, [Adresse 7], Chanel ou Starbucks) sur son site internet, il n'est pas établi qu'elle bénéficie d'une quelconque reconnaissance par les consommateurs finaux des produits en cause, ce qui ne peut résulter d'un article paru dans Les Echos en novembre 2018 dans lequel il est fait état de la présence de la société en Chine et de la diversification de ses produits, ni d'un audit réalisé en interne par l'enseigne SUPER U sur la qualité des moules en silicone EASY FACTORY, ni d'une étude comparative réalisée par UFC sur la qualité des moules en silicone qui ne cite pas la société EASY FACTORY mais seulement l'enseigne du distributeur GIFI.

C'est dès lors à juste raison que le tribunal a jugé que le risque de confusion allégué n'existe pas à l'égard des consommateurs finaux pour lesquels un moule acheté sur le site internet www.gifi.fr ou dans un magasin à enseigne GIFI, qu'il provienne de la société EASY FACTORY ou d'un autre fabricant, dès lors qu'il présente les mêmes caractéristiques (forme, fonction, couleur') et le même packaging revêtu de la marque « BAKE ME », ne sera qu'un produit vendu sous la marque de distributeur « BAKE ME » de la société GIFI, sans lien possible avec le fabricant EASY FACTORY ou tout autre fabricant.

La moindre qualité des produits litigieux alléguée par la société EASY FACTORY (plus faible quantité de silicone, bords mal découpées'), ne ressort pas de l'examen auquel a procédé la cour, nonobstant une légère différence au toucher pour les produits de la gamme A, les produits incriminés présentant le plus souvent la même épaisseur de silicone que les produits dits « originaux », voire une épaisseur un peu supérieure (ainsi pour le moule de 16 cannelets), les emballages des produits litigieux indiquant au demeurant une température de cuisson légèrement supérieure (230°) à celle figurant sur les emballages des produits authentiques (220°).

Le risque de confusion n'est pas davantage établi à l'égard des revendeurs professionnels de moules en silicone pour la cuisine, dont certains sont les clients de la société EASY FACTORY, tels AUCHAN, SYSTEME U ou INTERMARCHE. Comme le soulignent les intimées, il n'est en effet pas établi que la société EASY FACTORY a vendu les deux gammes de moules en silicone en cause à d'autres revendeurs que les sociétés GIFI. Les échanges de courriels entre les sociétés EASY FACTORY et GIFI de 2017 (pièces 8 et 10 de la société appelante) tendent au contraire à montrer que les produits des gammes A et S (et leurs packagings marqués « BAKE ME »), ont été définis en concertation avec le groupe GIFI et spécifiquement à son intention. Les revendeurs professionnels n'ont donc pu être abusés quant à l'origine des moules vendus dans les magasins GIFI.

Par ailleurs, la société EASY FACTORY invoque vainement la recherche d'un effet de gamme par les sociétés GIFI, la commercialisation d'une gamme de moules destinés à confectionner des pâtisseries étant propre au secteur considéré et nécessairement liée à la diversité des pâtisseries existantes (madeleines, cakes, cannelés, tartes, muffins').

En conclusion, alors que la société EASY FACTORY ne peut se prévaloir d'aucun droit privatif, que ce soit sur les moules ' d'une grande banalité, dont la forme est étroitement liée à la fonction et qui ne se démarquent pas des moules proposés par la concurrence comme le montre la pièce 2 des sociétés GIFI s'agissant tant des formes (y compris le moule en forme de nounours) que des couleurs (rose / gris) ' ou sur les emballages, et qu'il n'est pas soutenu que le groupe GIFI était lié par une exclusivité d'approvisionnement auprès de la société EASY FACTORY, les sociétés GIFI ont pu, sans que l'on puisse leur reprocher un comportement fautif caractérisé par la création d'une confusion avec les produits fabriqués initialement par la société EASY FACTORY, se fournir auprès d'un ou de plusieurs autres fabricants de moules pour obtenir des moules de cuisson en silicone de formes diverses, roses ou gris, recouverts d'un packaging revêtu de la marque de la société GIFI.

La cour relève que la société appelante ne donne aucune information quant à une éventuelle action qu'elle aurait décidé de poursuivre devant la juridiction compétente contre les sociétés GIFI pour rupture brutale des relations commerciales établies.

Pour ces motifs, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de la société EASY FACTORY fondées sur la concurrence déloyale.

Sur le parasitisme

La société EASY FACTORY soutient que les sociétés GIFI ont tiré indûment profit de sa notoriété et des investissements qu'elle a consentis pour procéder à la fabrication des moules et de leur packaging. Elle fait valoir que EASY FACTORY figure parmi les principaux fabricants mondiaux d'ustensiles de cuisine en silicone ; qu'elle dispose d'une équipe qui se consacre à la recherche de produits innovants ; qu'elle vend des produits aux plus grands distributeurs français ; que la qualité de ses produits, tout comme sa notoriété dans le secteur concerné, est incontestable ; qu'elle justifie de la réalité de ses investissements (61 364 USD) ; que le demandeur à l'action en parasitisme n'a pas à justifier d'investissements nécessairement conséquents ; que la matérialité et l'ampleur des faits de parasitisme sont notamment établis par les échanges de courriels et les bons de commandes versés aux débats par l'appelante, le procès-verbal de constat Internet réalisé le 21 octobre 2019 et les procès-verbaux du 8 novembre 2019 au sein des magasins à enseigne GIFI situés [Adresse 16] et [Adresse 15] à [Localité 14] ; que c'est à tort que le jugement a considéré que EASY FACTORY ne pouvait justifier qu'elle avait créé seule les packagings ; que la présence, sur les packagings de la marque « BAKE ME » de GIFI n'est pas de nature à exonérer les intimées de leur responsabilité au titre du parasitisme ; que les sociétés GIFI ont fait l'économie des nombreuses heures de recherche, de conception et de modification, nécessaires à la fabrication et la finalisation des moules et de leurs emballages.

Les sociétés GIFI soutiennent que l'appelante ne dispose d'aucun savoir-faire ou notoriété et plus généralement d'aucune valeur économique individualisée, susceptibles de donner prise à des actes de parasitisme ; que la société EASY FACTORY ne justifie pas avoir créé le packaging des moules constitué principalement de la marque « BAKE ME » qui appartient à la société GIFI ; que la contribution de la société EASY FACTORY sur le packaging est minime ; que le visuel de l'emballage des moules « originaux » ne révèle aucun travail intellectuel et si tel était le cas, ce travail aurait été rémunéré par GIFI dans le cadre des commandes passées en 2017 ; que EASY FACTORY ne démontre pas l'existence d'investissements spécifiques ; que les coûts de production invoqués, au demeurant négligeables, ont un caractère générique et ne peuvent caractériser une valeur économique individualisée ; que les moules en cause sont des objets banals en tous leurs aspects (forme, matière, couleur, renfort') ; que l'appelante ne justifie d'aucune forme de droit intellectuel sur les moules qui ont été dûment commandés et payés par la société GIFI ASIA.

Ceci étant exposé, la notoriété revendiquée par la société EASY FACTORY, qui fabrique des produits pour la cuisine et les commercialise uniquement auprès de distributeurs revendeurs et seulement sous les marques de ces derniers, est très relative et ne saurait résulter du fait qu'elle a des clients dans le secteur de la grande distribution ou des relations d'affaires avec des sociétés comme Walt Disney, ni du fait que son fondateur et dirigeant a été élu conseiller du commerce extérieur de la France en Chine par décret du Premier ministre. Elle indique qu'elle figure parmi les principaux fabricants mondiaux d'ustensiles de cuisine composés majoritairement en silicone mais ne produit aucun élément relatif aux parts de marché dans le secteur considéré pour étayer cette affirmation.

Pour justifier de la valeur économique individualisée représentée par ses deux gammes de moules en silicone A et B lancés en 2017, la société EASY FACTORY fournit des factures, certaines en chinois, et un tableau récapitulatif faisant état de dépenses relatives à l'« outillage de séries » pour la gamme A de ses moules à hauteur de 56 212 USD, outre une attestation de sa directrice des ressources humaines indiquant que sur la période avril 2017 / août 2017, l'équipe de développement produit, composée de trois personnes, a travaillé au développement de la gamme A et des packagings incorporant la marque « BAKE ME », soit un temps passé représentant 5 152 USD.

Cependant, sont ainsi justifiés des coûts de production des moules qui ne constituent pas des investissements permettant de caractériser à eux-seuls une valeur économique individualisée, aucune dépense n'étant établie, ni même alléguée, relativement à la création et à la promotion des produits. En outre, les moules en cause, comme il a été dit, sont des produits banals qui ne se démarquent pas des produits proposés par les autres opérateurs du marché (pièce 2 intimées), leur forme carrée (pour certains seulement) mise en avant par la société EASY FACTORY ne leur permettant pas d'échapper à cette banalité, alors qu'aucune qualité technique ou caractère innovant propres à ces moules ne sont par ailleurs allégués. Les packagings cartonnés sont eux-mêmes extrêmement banals, leur élément essentiel résidant dans la reproduction de la marque complexe « BAKE ME » de la société GIFI, outre qu'au vu des courriels produits par la société appelante elle-même (ses pièces 10 et 12), ils ont manifestement été mis au point au terme d'échanges entre la société EASY FACTORY et des personnels des sociétés GIFI (« chef de projet packaging », « approvisionneur catégorie décorer »).

La société EASY FACTORY échoue ainsi à faire la démonstration de l'existence d'une valeur économique individualisée, fruits d'investissements, d'un savoir-faire particulier ou d'une notoriété, dont les sociétés GIFI auraient indûment tiré profit.

Pour ces motifs, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de la société EASY FACTORY fondées sur le parasitisme.

Sur la demande des sociétés GIFI pour procédure abusive

Les sociétés GIFI demandent à être indemnisées pour le préjudice causé par la procédure infondée, injustifié et par conséquent abusive initiée par la société EASY FACTORY.

Elles seront cependant déboutées de leur demande à ce titre, faute pour elles de rapporter la preuve d'une faute de la société EASY FACTORY qui aurait fait dégénérer en abus son droit d'ester en justice et de faire appel, cette dernière ayant pu légitimement se méprendre sur l'étendue de ses droits. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef et la demande en ce qu'elle est présentée au titre de la procédure d'appel sera rejetée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société EASY FACTORY, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

En raison des circonstances de l'espèce, l'équité ne commande pas de faire droit aux demandes formées en appel par les sociétés GIFI sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Déboute les sociétés GIFI de leur demande pour procédure abusive,

Condamne la société EASY FACTORY aux dépens d'appel,

Déboute les sociétés GIFI de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

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