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CA Paris, Pôle 5 - ch. 6, 15 octobre 2025, n° 24/06151

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 24/06151

15 octobre 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRÊT DU 15 OCTOBRE 2025

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/06151 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJFXC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Février 2024 - tribunal de commerce de Bobigny 1ère chambre - RG n° 2022F02209

APPELANT

M. [P] [D]

né le [Date naissance 2] 1959

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Blandine DAVID de la SELARL KAEM'S AVOCATS, avocat au barreau de Paris, toque : R110

Ayant pour avocat plaidant Me Eric LENARD, avocat au barreau de Paris, toque : G0823

INTIMÉE

S.A.S. [I] CHR

[Adresse 3]

[Localité 4]

N°SIREN : 493 965 115

agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Doriane LALANDE, avocat au barreau de Seine-Saint-Denis

Ayant pour avocat plaidant Me Thomas-Denis BONZY, avocat au barreau de Grenoble

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Vincent BRAUD, président de chambre

Mme Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère

Mme Laurence CHAINTRON, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Yulia TREFILOVA

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé parVincent BRAUD, président de chambre et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 22 mars 2024, M. [P] [D] a interjeté appel d'un jugement rendu le 20 février 2024 en ce que le tribunal de commerce de Bobigny saisi par voie d'assignation en date du 27 septembre 2022 délivrée à son encontre à la requête de la société [I] CHR a statué ainsi :

'Déboute M. [P] [D] en ses demandes ;

Condamne M. [P] [D] à payer à la SAS [I] CHR la somme de 102 320,78 € outre les intérêts au taux légal, avec anatocisme ;

Condamne M. [P] [D] à payer à la SAS [I] CHR la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du CPC ;

Rappelle que l'exécution provisoire est de droit, nonobstant appel ;

Condamne M. [P] [D] aux dépens.'

***

À l'issue de la procédure d'appel clôturée le 10 juin 2025 les prétentions des parties s'exposent de la manière suivante.

Au dispositif de ses dernières conclusions, telles que communiquées par voie électronique le 27 mai 2025, l'appelant

présente, en ces termes, ses demandes à la cour :

'Vu les articles 1154, 1340 anciens du Code civil, 2288 et suivants du Code civil, 514 du Code de procédure civile,

Vu l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 12 mars 2025 ;

Il est demandé à la Cour de :

INFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Bobigny du 20 février 2024 en ce qu'il a :

- débouté Monsieur [P] [D] en ses demandes ;

- condamné Monsieur [P] [D] à payer à la SAS [I] CHR la somme de 102.320,78 € outre les intérêts au taux légal, avec anatocisme ;

- condamné Monsieur [P] [D] à payer à la SAS [I] CHR la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit, nonobstant appel ;

- condamné Monsieur [P] [D] aux dépens ;

- liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 70,91 € TTC.

Statuant à nouveau :

- JUGER que l'action de [I] CHR est prescrite ;

- DECLARER par conséquent [I] CHR irrecevable en ses demandes ;

À titre subsidiaire :

- JUGER que la créance de [I] CHR est éteinte ;

- DEBOUTER par conséquent [I] CHR de toutes ses demandes ;

À titre très subsidiaire :

- JUGER que [I] CHR a commis une faute en renonçant à ses déclarations de créance à l'encontre des sociétés LE METEO et LES ARCHIVES :

- JUGER que cette faute a entraîné la perte des nantissements et les possibilités de subrogation de la caution ;

- JUGER que cette faute décharge totalement Monsieur [D] de son engagement en tant que caution ;

- DEBOUTER par conséquent [I] CHR de toutes ses demandes ;

À titre infiniment subsidiaire :

- JUGER que la créance de [I] CHR ne produira pas d'intérêts ;

- DEBOUTER par conséquent [I] CHR de sa demande au titre des intérêts et de sa demande de capitalisation ;

En tout état de cause :

CONDAMNER [I] CHR aux entiers dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à Monsieur [D] une somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du CPC.'

Au dispositif de ses conclusions telles que communiquées par voie électronique le 9 septembre 2024, qui constituent ses uniques écritures, l'intimé

présente, en ces termes, ses demandes à la cour :

'Vu les articles 1236 et suivant du code civil, alors applicables,

Vu l'article 2308 et 2309 du code civil,

Vu l'article 1251 du code civil,

Vu l'article 1343-2 du code civil,

CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de BOBIGNY le 20 février 2024, sauf à réparer une omission de statuer et à préciser que le point de départ des intérêts sera le 5 novembre 2015, date de la mise en demeure.

JUGER NON FONDE l'appel relevé par M. [D], et le DEBOUTER de toutes ses demandes, fins et prétentions.

CONDAMNER M. [D] à payer à la société KARLBRAU CHR une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.'

Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs conclusions précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

La société à responsabilité limitée La Compagnie du Clain, société holding ayant pour gérant M. [P] [D], détenait les parts sociales des sociétés Les Archives et Le Météo exploitant chacune un restaurant à [Localité 6], et dont le dirigeant était également M. [D].

Par acte sous seing privé en date du 9 mars 2012, la société La Compagnie du Clain société holding propriétaire de la société Les Archives elle-même propriétaire d'un fonds de commerce de débit de boissons-restaurant-bar-brasserie situé à [Localité 6], et la société [I] CHR, ont conclu un contrat dit 'de brasseur' aux termes duquel la société [I] CHR acceptait de se porter caution d'un prêt de 120 465 euros consenti par le CIC Est, banque du brasseur, à la société La Compagnie du Clain, en contrepartie de quoi la société La Compagnie du Clain s'engageait à s'approvisionner formellement auprès de la société [I] CHR en quantité minimale annuelle de 100 hectolitres de bières en fût.

Le même jour, la société CIC Est a consenti à la société La Compagnie du Clain, un prêt d'un montant de 120 465 euros, en tant que 'holding propriétaire de la société Les Archives, propriétaire et exploitant du fonds de commerce de débit de boissons, restaurant bar brasserie connu sous l'enseigne 'L'Archive'. Il a été prévu que ce prêt était garanti par quatre cautions solidaires, dont celle de M. [D], un nantissement sur le fonds de commerce de la société Les Archives, l'engagement de caution du brasseur la société [I] CHR.

Par acte sous seing privé daté du 14 mars 2012 M. [D] s'est porté caution solidaire au profit de la société [I] CHR, du remboursement du prêt de 120 465 euros, s'engageant 'au paiement ou remboursement de toutes sommes que la BRASSERIE aura dû régler à la BANQUE, en sa qualité de caution solidaire de l'EMPRUNTEUR, au titre du Prêt susvisé, en principal, majoré des intérêts au taux conventionnel, frais commissions et accessoires'.

La société Compagnie du Clain, la société Le Météo, et la société Les Archives, ont toutes les trois fait l'objet de procédures collectives ouvertes par jugements du tribunal de commerce de Poitiers :

- La société Les Archives : ouverture d'une procédure de redressement judiciaire par jugement du 24 avril 2014, plan de cession arrêté par jugement du 7 novembre 2014 au profit de la société Archeum, puis liquidation judiciaire prononcée le 17 mars 2015,

- La société La Compagnie du Clain : ouverture d'une procédure de redressement judiciaire par jugement du 12 juin 2014, puis liquidation judiciaire prononcée le 14 avril 2015,

- La société Le Météo : ouverture d'une procédure de redressement judiciaire par jugement du 24 avril 2014, plan de cession arrêté par jugement du 9 septembre 2014 au profit de M. [B] [E] pour le compte d'une société à constituer, puis liquidation judiciaire prononcée le 7 octobre 2014.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception datée du 24 juillet 2014 la société Banque CIC Est visant le jugement du 12 juin 2014 par lequel le tribunal de commerce de Poitiers a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire au profit de la société La Compagnie du Clain, a déclaré sa créance entre les mains de Me [H], mandataire judiciaire représentant des créanciers, au titre du prêt de 120 465 euros.

Les liquidations judiciaires des sociétés Les Archives et Le Météo ont été clôturées pour insuffisance d'actif, respectivement le 13 novembre 2019 et le 26 février 2019.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception datée du 2 mars 2015, la société [I] CHR par l'intermédiaire de son avocat a informé M. [D] de ce qu'elle avait été amenée à régler à la banque CIC Est le capital restant dû et des échéances impayées pour un total de 102 320,78 euros, en lieu et place du débiteur principal, la société La Compagnie du Clain, et a mis en demeure M. [D], celui-ci en sa qualité de caution, de la rembourser sous 30 jours, des sommes qu'elle-même avait dû régler à la banque.

M. [D] répondait à cette mise en demeure par lettre datée du 25 mars 2015. Il y rappelait que le CIC Est n'avait pas déclaré ses créances au passif des liquidations des sociétés Les Archives et Le Météo, estimant que les prêts n'engageaient que la société La Compagnie du Clain, avec pour conséquence que l'administrateur judiciaire avait refusé que ces prêts soient repris par les candidats dans le cadre d'un plan de cession. M. [D], à qui Karlsbrau CHR réclamait 102 320 euros s'étonnait que dans ces conditions la société [I] CHR ait remboursé au CIC Est le montant intégral des prêts et ce alors que la société La Compagnie du Clain se trouvait en période de redressement judiciaire avec pour effet de suspendre le remboursement des financements accordés par la banque et toute action de recherche en caution. M. [D] demandait à la société [I] CHR de lui justifier du paiement et de la subrogation par le CIC Est.

Par courrier daté du 11 mai 2015 le conseil de la société [I] CHR a répondu à M.[D] que CIC Est a valablement produit sa créance et a indiqué que si les contrats de prêts n'avaient pas été repris, cela résultait de l'opposition de l'administrateur judiciaire. Mécontent de cette réponse, M. [D] a réitéré ses contestations, par courrier du 24 mai 2015.

Selon quittance subrogative datée du 9 février 2022, la banque CIC Est a reconnu avoir reçu de la société [I] CHR la somme de 112 988,64 euros correspondant à 48 échances de 2 353,93 euros chacune au titre du prêt de 120 465 euros [l'échéance du mois de décembre 2013, les échéances des années 2014, 2015, 2016, et les quatre premières échéances de l'année 2017].

La société Karlbrau CHR a fait assigner M. [D], par acte de commissaire de justice daté du 27 septembre 2022, après lui avoir adressé une nouvelle mise en demeure, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 31 mai 2022, rappelant le paiement effectué au CIC Est et l'engagement de M. [D] au remboursement de toutes les sommes que la brasserie aurait dû régler à la banque en sa qualité de caution solidaire de

l'emprunteur au titre du prêt garanti, et réclamant le paiement de la somme de 112 988,45 euros sous trente jours.

***

1 - En cause d'appel M. [D] rappelle avoir en première instance soutenu que l'action de la société [I] CHR était prescrite par application des dispositions de l'article 1224 du code civil, pour avoir été engagée plus de sept ans après le règlement de la dette de la société La Compagnie du Clain entre les mains de la banque prêteur de fonds. Il soutenait que la société [I] CHR n'ayant pas déclaré sa créance au passif de cette société, la prescription n'a pas été interrompue.

Sur ce point le tribunal a jugé : 'Il est de règle constante que la déclaration de créance au passif de la procédure collective de l'un des codébiteurs solidaires interrompt la prescription à l'égard des codébiteurs solidaires qui demeurent maîtres de leur bien et que cet effet interruptif se prolonge pour chacun d'eux jusqu'à la clôture de la procédure collective. À partir de la mise en liquidation judiciaire, l'engagement de caution de Monsieur [P] [D] devient exigible jusqu'à la radiation de la personnalité morale de la COMPAGNIE DU CLAIN. Au 9 février 2023 la procédure collective de la COMPAGNIE DU CLAIN n'est pas clôturée, cette société a donc conservé sa personnalité morale. Le Tribunal dira que [I], caution qui a désintéressé la CIC reste au lieu et place de la COMPAGNIE DU CLAIN, devenue insolvable, pour poursuivre en paiement Monsieur [P] [D], sa caution.'

M. [D] considère que la décision du tribunal n'est pas fondée juridiquement, et à l'appui de cette allégation renvoie à l'arrêt de la Cour d'appel de Paris Pôle 5 chambre 6, le 12 mars 2025, rendu dans la même affaire, opposant cette fois la société [I] CHR à Mme [Z] [W], laquelle s'était, tout comme M. [D], portée caution de la société La Compagnie du Clain, au profit de la société Karslbrau CHR, et dans lequel la Cour d'appel a jugé irrecevable comme prescrite l'action en paiement de la société [I] CHR à l'encontre de Mme [W] au motif que la société [I] CHR n'avait pas déclaré sa créance au passif du débiteur principal, la société La Compagnie du Clain.

L'intimé en réponse expose que la société [I] CHR était caution solidaire aux termes de l'acte de prêt, de la société La Compagnie du Clain, mais la banque a également recueilli, ainsi qu'il résulte de l'acte, un engagement de caution de M. [D], par acte séparé : ainsi M. [D] s'est pour sa part constitué caution solidaire de La Compagnie du Clain au profit de la société [I] CHR. La banque a régulièrement déclaré sa créance entre les mains du liquidateur, et s'est ensuite retournée contre la société [I] CHR, laquelle a réglé les sommes dues par la société La Compagnie du Clain, ce dont il lui a été donné quittance.

M. [D] expose ne pas s'être engagé à garantir le paiement des sommes dues au titre du prêt consenti à la société La Compagnie du Clain, et ajoute que, de ce fait, la déclaration de créance faite par la banque ne lui serait pas opposable, de sorte que le délai de prescription n'aurait pas été suspendu pendant la durée de la procédure collective. Or, M. [D] s'est bien engagé à garantir le paiement des sommes dues par la société La Compagnie du Clain au titre du prêt, ainsi qu'il résulte et de l'acte de prêt et de l'engagement de caution : 'En me portant caution solidaire de la SARL LA COMPAGNIE DU CLAIN, ('), couvrant le principal, les intérêts ('), je m'engage à rembourser à la Brasserie la somme due sur mes revenus et mes biens si la SARL LA COMPAGNIE DU CLAIN n'y satisfait pas elle-même'.

C'est bien le cautionné qui a été placé en liquidation judiciaire, et par conséquent le litige oppose la caution, qui a payé, à la sous-caution. Il ne saurait être fait grief à la caution d'avoir respecté ses obligations en réglant le créancier, ni de ne pas avoir déclaré une créance qui n'était pas la sienne, d'autant plus que lorsque la liquidation judiciaire a été prononcée, le paiement n'était pas survenu.

M. [D] était caution de la société La Compagnie du Clain, laquelle a fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire, pour laquelle la clôture n'a pas encore été prononcée. M. [D] s'est bien porté caution solidaire non pas de la brasserie, laquelle n'est pas le débiteur, mais de la société La Compagnie du Clain, laquelle, aux termes de l'acte de prêt, est bien débitrice du CIC Est. En d'autres termes, la banque dispose bien d'une action à l'encontre de la société La Compagnie du Clain, et M. [D] s'est bien constitué caution solidaire de cette société, de sorte que le CIC Est, de par l'effet de la subrogation, a bien transmis l'action dont il disposait contre La Compagnie du Clain à la société [I] CHR.

Ainsi, le CIC Est déclarant valablement sa créance, a interrompu le délai de prescription, et la société [I] CHR, qui est subrogée dans ses droits, n'est pas prescrite en son action, la liquidation n'ayant pas été clôturée.

Sur ce

En application des dispositions de l'article 2224 du code civil, 'Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.'

La déclaration de créance à la procédure collective du débiteur principal effectuée par la caution ayant réglé le créancier interrompt la prescription de son action contre la sous-caution jusqu'à la clôture de la procédure collective (Com. 9 oct. 2024, n° 22-18.093).

En l'espèce, la société [I] CHR disposait d'un recours personnel et direct à l'encontre de M. [D], en sa qualité de sous-caution, celle-ci garantissant la dette de la société Compagnie du Clain vis-à-vis du brasseur, la société [I] CHR. Cette garantie porte donc sur la créance que cette dernière pourrait avoir à l'égard de la société La Compagnie du Clain, mais ne garantit pas la créance de l'établissement bancaire, celui-ci demeurant un tiers à cette relation contractuelle parfaitement indépendante de celle qui le lie à l'emprunteur et à sa caution. Chaque créance devait donc faire l'objet d'une déclaration distincte.

Or, il est constant que la société [I] CHR n'a pas déclaré sa créance au passif du débiteur principal, la société La Compagnie du Clain, ainsi qu'elle l'admet d'ailleurs dans ses écritures ' et puisqu'elle entend - à tort - bénéficier des effets de la déclaration de créance effectuée par le créancier initial.

La prescription de l'action en paiement de la société [I] CHR n'a donc pas été interrompue, en l'absence de déclaration de créance au passif de la société La Compagnie du Clain, et peu important que le CIC Est ait déclaré sa créance dans le cadre de la procédure collective ouverte à l'encontre de cette société.

Comme l'indique M. [D] dans ses écritures, le délai de prescription quinquennale de l'action de la société [I] CHR court à compter du paiement que cette dernière a effectué.

Or, en l'espèce, si la quittance subrogative est datée du 9 février 2022, il ressort du courrier du conseil de la société [I] CHR adressé le 2 mars 2015 à M. [D], qu'à cette date, celle-ci avait déjà réglé au CIC Est la somme de 102 320,78 euros 'en règlement du capital testant dû et des échéances impayées'.

Il en résulte que l'action en paiement initiée par la société [I] CHR par assignation du 27 septembre 2022 est irrecevable comme prescrite pour avoir été introduite plus de cinq après le 2 mars 2015, date du paiement.

Par conséquent le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a écarté le moyen tiré de la prescription.

2 - Par ailleurs la société [I] CHR demande à la cour l'entière confirmation du jugement déféré, ce qui inclut l'approbation des motifs du jugement concernant la question de 'la subrogation de [I] vis à vis du CIC EST', qui fait l'objet d'une demande subsidiaire de M. [D].

La décision est rédigée en ces termes :

'[I], en sa qualité de caution des engagements de LA COMPAGNIE DU CLAIN défaillante envers le CIC EST, a réglé la dette de celle-ci auprès de cette banque, qui lui a délivré une quittance subrogative le 9 février 2022 attestant du paiement.

Elle s'est subrogée dans tous les droits qu'avait le CIC EST contre le débiteur et devient ainsi créancière de LA COMPAGNIE DU CLAIN disposant contre la sous-caution des engagements de celle-ci.

LA COMPAGNIE DU CLAIN, en liquidation judiciaire depuis le 14 avril 2015 n'a pu faire face à son engagement, [I], subrogée dans les droits du CIC EST, s'est retourné contre la caution, Monsieur [P] [D].

Le Tribunal recevra [I] en sa demande.'

La société [I] CHR relève qu'en l'espèce, il ne s'agit pas d'une subrogation conventionnelle, mais d'une subrogation légale par application de l'article 1251, ancien, du code civil. Or, la subrogation s'est bien opérée de plein droit au profit de la société [I] CHR, à laquelle le CIC a transmis sa créance, de sorte que cette créance n'est pas éteinte.

M. [D] expose que la créance est éteinte par application de l'article 1250 du code

civil, alors applicable, qui dispose que la subrogation conventionnelle doit être expresse et

faite en même temps que le paiement. Il ajoute que dès lors que le paiement a été effectué antérieurement au quittancement, celui-ci a un effet extinctif, et que la subrogation est alors impossible. Il relève que la quittance subrogative du CIC Est n'a été établie qu'en 2022 alors même que la société [I] CHR avait sollicité le remboursement des sommes auprès de M. [D] depuis le 2 mars 2015. Pour ces raisons, la quittance produite ne peut donc avoir d'effet dans les rapports entre la société [I] CHR et sa sous-caution. En l'absence de subrogation au moment du paiement par la société [I] CHR, la créance s'est automatiquement éteinte.

Sur ce,

L'article 1251 du code civil, dans sa version en vigueur applicable au litige, dispose que :'La subrogation a lieu de plein droit : ... 3° Au profit de celui qui, étant tenu avec d'autres ou pour d'autres au paiement de la dette, avait intérêt de l'acquitter.'

En l'espèce, ainsi qu'indiqué, la société [I] CHR disposait d'un recours personnel et direct à l'encontre de M. [D], en sa qualité de sous-caution.

La société CIC Est n'était titulaire d'aucun droit à agir à l'encontre de la sous-caution et n'a donc pu transmettre à la société [I] CHR, caution, aucun droit à son encontre par voie de subrogation, la caution étant subrogée dans les droits de la société CIC Est à l'encontre du débiteur principal, la société La Compagnie du Clain et non à l'encontre de la sous-caution.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré, en dépit de sa motivation laconique, en ce qu'il a accueilli la société [I] CHR en cette demande.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société [I] CHR qui échoue dans ses demandes, supportera la charge des dépens et ne peut prétendre à aucune somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. En revanche pour des raisons tenant à l'équité il y a lieu de faire droit à la demande de M. [D] formulée sur ce même fondement mais uniquement dans la limite de la somme de 4 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de l'appel,

INFIRME le jugement déféré et statuant à nouveau,

DÉCLARE prescrites les demandes de la société [I] CHR à l'encontre de M. [P] [D],

CONDAMNE la société [I] CHR à payer à M. [P] [D] la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à raison des frais irrépétibles exposés par lui ;

DÉBOUTE la société [I] CHR de sa propre demande formulée sur ce même fondement ;

CONDAMNE la société [I] CHR aux entiers dépens de l'instance.

* * * * *

Le greffier Le président

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